ou pour les autres. Il y a donc une promesse qui se profile derrière. Ce quelque chose de
mieux, est volontairement abstrait, car nous ne sommes pas maîtres des fruits spirituels de
notre patience. Lorsqu’on regarde les traités des anciens, - je pense aux origines gréco-latines
de la patience -, ou, quand on regarde la patience dans les Sagesses humaines (par exemple
dans la sagesse hindoue) la patience est très peu reliée à la vertu d’Espérance.
Je vous donne une définition de Cicéron : ‘La patience est le support volontaire et prolongé
en vue de l’honnête et de l’utile des choses ardues et difficiles.’
Ce n’est que la première partie de ma description : c’est supporter quelque chose qui dure
dans le temps mais simplement en vue de l’honnête et de l’utile.
Dans la Bible, lorsqu’on parle de Patience, deux termes sont utilisés :
- La ‘macrotinia’ qui désigne surtout la Patience de Dieu vis à vis de nous.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Dieu qui pourrait de temps en temps se mettre en colère, retient
au contraire sa colère et fait grâce dans sa bienveillance. En général, la macrotinia est liée à
différents qualificatifs qu’on utilise pour Dieu : sa bonté, sa bienveillance, son indulgence.
D’une certaine façon, c’est une manière pour Dieu de dire que Dieu n’est pas dans les
contingences, Il a du recul, Il a de la hauteur par rapport aux événements. Et dans cette
hauteur, Il ne se met pas en colère tout de suite. On pourrait traduire par un terme compliqué
qui est très beau : la longanimité. Dieu est longanime.
- Il y a un autre terme qui évoque la patience, ‘spomoné’. Ce n’est plus l’attitude de Dieu
devant l’homme mais de l’homme devant Dieu. A cette notion est reliée la notion de temps.
Ne vous impatientez pas, je suis entrain de préparer ce que je vais vous dire à propos des âmes
du Purgatoire ! la patience est liée à la maturité, à la lente maturation ou croissance, car tout
ne se fait pas tout de suite. Il faut accepter cette loi de notre existence et se rappeler que ce qui
se fait sans le temps ne résiste pas au temps. Un autre aspect qu’il est important de souligner,
c’est que la patience chrétienne, à la différence de la patience stoïcienne ou de la patience-
résignation des sagesses hindoues, bouddhistes, se vit collectivement en communauté. Ce
n’est pas seulement ma patience. C’est la Patience d’un peuple ; c’est une longue et
progressive maturation en Dieu. C’est important pour vous, membres de Marie Mère de
l’Unité. Elle passe bien évidemment par ma patience à moi, mais c’est la patience d’une
communauté qui s’unifie.
La Patience chrétienne, sœur de l’Espérance, ouvre sur la Communion des Saints
et sur l’éternité. Au Ciel, elle s’effacera devant la Charité. En effet, au ciel nous n’exercerons
plus la patience, mais nous en recueillerons les fruits. Il y a des termes très beaux dans la 1ère
lettre aux Thessaloniciens (1, 3), Paul parle de la patience de l’espérance. Ici, on suggère que
la patience est comme un travail d’enfantement, un moment pénible à vivre en vue d’une
création, ou d’une vie nouvelle. On n’accepte pas la souffrance pour elle-même. Nous ne
sommes pas des masochistes. Elle est acceptée comme un moyen pour libérer l’Amour en
nous. Ici-bas, dans le cours unique de notre vie terrestre (He. 9, 27), nous sommes en
apprentissage d’Amour. Nous avons à apprendre à aimer comme Jésus nous a aimés: ‘Mon
commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous aimés’(cf. Jn 15, 12-
16). Autrement dit, ne vous appuyez pas sur vous-mêmes ou sur votre seule capacité d’aimer,
sinon vous allez très vite vous essouffler dans la patience, mais apprenez à vivre la patience
dans l’amour, ‘comme Jésus nous a aimés’ : ‘Et voilà en quoi consiste l’Amour : Lui Jésus a
donné sa vie pour ses frères. Nous aussi, nous nous aimerons en donnant notre vie’ (I Jn 3).
Exercer la Patience dans cette perspective, c’est une façon de donner sa vie, d’aimer l’autre,
son prochain.