prise_en_charge_therapeutique_d-_une_IRA

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PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE
D'UNE INSUFFISANCE RENALE AIGUE
Dr Jean Louis PALLOT
Service de Réanimation médico-chirurgicale - Montreuil
I – La prise en charge générale
La prise en charge en charge générale d'une IRA comporte :
1) La mise en place de moyens de surveillance
2) La réalisation de certains gestes
3) Le recueil des données morphologiques et la réalisation de prélèvements.
La surveillance des paramètres vitaux consiste en :
-
Un monitoring cardiaque (scope) : pouls, PA invasive ou non invasive
-
Un monitoring respiratoire (scope) : FR et SaO2 par oxymètre de pouls.
Un certain nombre de geste sont à effectuer en urgence mais avec une aseptie rigoureuse.
-
Mise en place d'une sonde urinaire en système clos qui permet un recueil d'urines
pour les examens biologiques et bactériologiques.
-
Mise en place d'un Kt central : Kt simple ou Kt de dialyse à simple ou double voie.
-
Préservation d'un membre supérieur en vue de la réalisation d'une FAV dans le cas
où l'IRA évoluerait vers l'IRC (signalisation par affiche du membre supérieur
choisi enveloppé dans un champ).
La réalisation en urgence des prélèvements sanguins et urinaires permettent :
-
De diagnostiquer les urgences métaboliques (hyperkaliémie, acidose…..)
-
D'orienter le diagnostic étiologique et du type de l'atteinte rénale.
La détermination du poids (+/- la taille) permettent d'apprécier la variation du poids corporel par
rapport au poids habituel.
1
II – Traitement des urgences hydro-électrolytiques
Des mesures thérapeutiques immédiates s'imposent devant l'existence de graves désordres
cliniques et biologiques engageant le pronostic vital à court terme.
a) Traitement de l'Hyperkaliémie
b) Traitement de l'inflation hydrosodée
c) Traitement de l'acidose métabolique.
a) Traitement de l'Hyperkaliémie
Le traitement de l'hyperkaliémie consiste à antagoniser les effets myocardiques du K+ et à
diminuer rapidement le taux plasmatique de K+.
1) L'administration de sels de calcium (gluconate de Ca, chlorure de Ca) antagonise les effets
myocardiques du K+ et s'impose devant l'existence de troubles de la conduction A – V et
intra ventriculaire car l'arrêt cardiaque peut survenir à tout moment.
-
gluconate de calcium : 2 à 6 – 8 g IVDL
-
chlorure de calcium : 1 à 3 – 4 g IVDL
L'action est immédiate et dure 1 à 2 h.
Ampoule de 10 ml de Cacl2 à 10 %
1 g de Cacl2
4.57 mmol de Ca ++
Ampoule de 10 ml de gluconate de
calcium
1 g de gluconate de Ca
2.23 mmol de Ca ++
2) Les mesures thérapeutiques favorisant le transfert intra cellulaire de K+ diminue le taux
plasmatique de potassium.
L'administration de glucose et insuline favorise l'entrée cellulaire du potassium mais ce
transfert est peu important et lent se déroulant entre 2 à 4 h
Transfert de 0.5 à 1.2 mmol de K en 1 à 2 h
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-
500 ml de G30 % + 30 unités d'actrapid sur voie centrale en 1 à 2 h
-
500 ml de G10 % + 15 unités d'actrapid sur voie périphérique en 1 à 2 h
L'administration de bicarbonates de sodium entraîne un transfert immédiat et rapide de k+
dans la cellule et cet effet persiste 1 à 2 h. De plus, l'administration de sodium a un effet
antagoniste sur les troubles de la conduction intra ventriculaire.
-
Bicarbonate de sodium à 14/00 (500 ml)
-
Bicarbonate de sodium à 42/00 (250 ml)
-
Bicarbonate de sodium à 84/00 (50 à 100 ml)
Le risque est de précipiter un OAP de surcharge.
3) La chélation du potassium par une résine échangeuse d'ion (sulfate de polystyrène sodique
= kayexalate) s'avère très efficace : 1 g de résine chélate 0.5 à 1 mmol de K+ en échange 2 à
3 mmol de Na.
30 à 60 g PO + 2 sachets de Sorbitol
50 à 100 g dans 100 ml de G10 % tiède en lavement.
Le délai d'action est court (60 min) et l'administration peut être répétée 3 à 4 fois. Cependant,
l'efficacité et son effet retardé risque d'induire une hypokaliémie.
En cas d'arrêt cardiaque : outre les mesures habituelles de réanimation cardio-respiratoire
l'administration de chlorure de calcium et à un moindre degré de bicar molaire doit être
utilisées.
b) L'inflation hydrosodée
L'inflation hydrosodée expose à des complications graves cardio-vasculaires et neurologiques
: œdème aigu du poumon (OAP), hypertension artérielle (HTA) et hypertension intra
crânienne (HTIC) par œdème cérébral. Leur traitement commun repose sur une déplétion
hydrosodée associée à des mesures thérapeutiques spécifiques à chaque complication.
La déplétion hydrosodée repose sur l'administration de diurétiques de l'anse à fortes doses
dans ce contexte d'IRA. En cas d'échec, le recours immédiat à une technique d'épuration extra
rénale s'impose.
Furosemide (Lasilix) : 250 mg en 60 min IV
Bumétamide (Burinex) : 4 ou 8 mg en 60 min IV
Equivalence burinex / Lasilix : 1 mg = 40 mg.
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
Le traitement de l'OAP implique une oxygénation par masque d'O2 à haut débit, voire si
nécessaire par ventilation non invasive ou ventilation mécanique, l'utilisation de
vasodilatateur
veineux
(Trinitrine),
et
éventuellement
de
sympathomimétiques
(Dobutamine, Adrénaline) en cas de défaillance cardiaque

Le traitement de l'HTA repose sur des antihypertenseurs administré le plus souvent par
voie intra veineuse, mas la voie digestive est possible : inhibiteurs calciques (Loxen),
vasodilatateur artériel (Eupressyl, Nepressol) et dans les formes sévères nitroprussiate de
soude (0.5 à 0.8 gamma/Kg/min) sous contrôle hémodynamique par cathétérisme droit.

Le traitement de l'HTIC dans ce contexte d'IRA repose uniquement sur la déplétion
hydrosodée. Les corticoïdes sont inefficaces, le Mannitol est dangereux, et le Glycérol per
os d'action trop lente. Un traitement par anti convulsivant s'impose en cas de crise
convulsive.
LOXEN
Dose de charge : - 10 mg en 10 min IV
- 2.5 mg IVD renouvelable toutes les 10 min jusqu'à une
dose de 10 mg
- 8 à 15 mg en 30 min IVSE
Dose d'entretien : 2 à 4 – 6 – 8 mg / h IVSE
TRANDATE
Dose de charge : 1 mg / Kg en min IVD éventuellement renouvelable 1 fois
Dose d'entretien : 200 à 400 mg / J IVSE (2 à 4 amp / J)
BREVIBLOC
Dose de charge : 0.5 mg / kg en 1 min IVD
0.5 mg / kg / min pendant 4 min
NITROPRUSSIATE DE SOUDE
0.5 à 0.8 GAMMA / Kg/ min IVSE
c) Correction de l'acidose métabolique ne s'impose que lorsque le pH est inférieur à
7.20, quand l'acidose entraîne des effets délétères cardio-vasculaires ou si une
hyperkaliémie met en jeu le pronostic vital.
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Le traitement de l'acidose repose sur l'administration IV de solution de bicarbonate. Le but
de cette correction est d'obtenir un pH > à 7.20 (entre 7.20 et 7.30). La quantité de
bicarbonates à perfuser est calculée à partir de la formule suivante :
Quantité de Hco3- = Hco3- désiré - Hco3- mesuré X 0.4 PC
Le taux de Hco3- désiré se situe entre 19 et 23 mmol/l car le but de cette correction de
l'acidose est d'obtenir un pH > à 7.20 et < à 7.30. L'eau corporelle représente 60 % du
poids du corps et les bicarbonates se répartissent dans la totalité du secteur hydrique de
l'organisme. De ce fait, physiologiquement, le pourcentage poids corporel dans la formule
devrait être de 60 %. Le pourcentage de 40 % du poids corporel est choisi arbitrairement
pour éviter une surcompensation du déficit en base.
III – RELANCE DE LA DIURESE
a) Relance de la diurèse : moyens et objectifs
La prise en charge thérapeutique d'une IRA oligo-anurique (non obstructive) comporte
toujours dans un premier temps : une tentative de relance de la diurèse.
Nous disposons pour cela de 4 types de moyens dont certains sont complémentaires :
1) le remplissage vasculaire pour corriger une hypovolémie est préalable aux autres
mesures.
2) Les diurétiques de l'anse représentés par le furosémide et le bumétamide.
3) Le mannitol à 20 %
4) La dopamine à dose dopaminergique ou à dose alpha adrénergique.
Ces mesures de relance ont pour but de transformer une IRA oligo-anurique en IRA à diurèse
conservée dont la prise en charge est plus facile :
-
des apports liquidiens volumineux sont autorisés, permettant une assistance
nutritionnelle optimale
-
diminution du risque de surcharge et en particulier de l'OAP
-
« espacement des séances d'EER ».
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b) La correction d'une hypovolémie a pour but de rétablir une pression de perfusion
rénale efficace, c'est à dire une pression artérielle rénale moyenne (PARM) capable de
générer une pression hydrostatique capillaire glomérulaire suffisante pour restaurer la
filtration glomérulaire.
L'augmentation de la PARM entraîne une augmentation de la pression capillaire péri-tubulaire
et, de ce fait, participe pour un faible degré à l'augmentation de la diurèse.
Le remplissage vasculaire est réalisé avec des solutés adaptés à la cause de l'hypovolémie
sous couvert de la surveillance
d'une PVC dans les cas les plus simples
voire des pressions de remplissage par d'un cathétérisme cardiaque droit
pour ne pas s'exposer à une surcharge volémique et à un OAP en cas de non reprise de la
diurèse.
La surveillance des variation de la PA pulsée (PICCO +)
C) Diurétiques de l'anse
Les diurétiques de l'anse à fortes doses (Lasilix 1 à 1.5 g/ 24 h, Burinex 20 à 30 mg / 24 h) en
continu ou en discontinu relancent la diurèse :
En augmentant le flux plasmatique glomérulaire et le DFG par vasodilatation
de l'artériole afférente glomérulaire par action directe sur la musculature lisse.
En augmentant le flux tubulaire urinaire en bloquant la réabsorption de NaCl
au niveau de la branche large de l'anse de Henlé qui s'accompagne d'une élimination
proportionnelle d'H2O, s'opposant ainsi à l'obstruction de la lumière tubulaire observée au
cours des NTA.
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L'utilisation du furosémide à fortes doses au cours de l'IRA constituée a fait l'objet d'études
aux résultats discordants :
Les deux principales études princeps ont été réalisées par F. Cantarovich (1973) et le Dr
Kleinknecht (1976) et sont toujours citées en référence en l'absence de nouvelles études.
Cantarovich rapport (39 patients) en IRA traités par Lasilix à fortes doses versus 19 patients
contrôle, alors que le Dr Kleinknecht rapporte 66 patients en ARF, 33 traités par des fortes
doses de Lasilix versus 33 patients contrôle :
- Dans les deux séries, le flux urinaire s'est trouvé augmenté, mais dans la série de
Kleinknecht, pour 5 patients seulement de façon durable.
- La durée de l'oligurie et le nombre de dialyse ont été diminuées pour Cantarovich et
non modifiées pour Kleinknecht.
- La durée de l'IR et la mortalité n'ont pas été modifiées dans les 2 études.
Une étude multicentrique récente en double aveugle randomisée furosémide contre placebo
lors de l'IRA dialysée (Cantarovich - Kleinknecht) ne montre aucun bénéfice en terme de
mortalité de durée de l'IRA et du nombre de séance d'EER.
De plus le furosémide a forte dose est actuellement accusé de diminuer l'autorégulation du
débit sanguin rénal..
L'attitude actuellement recommandée est de tenter de relancer la diurèse par un bolus de
diurétique de l'anse dès qu'une volémie optimale est acquise. En cas d'échec l'administration
de diurétiques est arrêtée tandis qu'en cas de relance de la diurèse les diurétiques de l'anse sont
maintenus à un posologie adaptée au maintien de la diurèse.
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d) Mannitol à 20 %
Le mannitol à 20 % est utilisé pour son caractère osmotiquement actif capable d'induire une
diurèse osmotique. Il s'administre par bolus de 100 à 150 ml en 15 à 30 min sans dépasser 500
à 600 ml / 24 h.
Le mannitol entraîne une augmentation du DSR et du DFG par 3 mécanismes :
-
le mannitol provoque une expansion volémique d'où une augmentation du débit
plasmatique rénal
-
il entraîne une diminution de la viscosité sanguine et une diminution de la pression
oncotique.
-
Il a également un effet vasodilatateur propre sur le muscle lisse des capillaires
glomérulaires.
Le deuxième effet expliquant l'augmentation de la diurèse est l'augmentation du flux
urinaire intra tubulaire avec élimination d'un volume d'eau obligatoire s'opposant à
l'obstruction de la lumière tubulaire.
Deux effets accessoires sont à souligner :
-
la diminution de l'œdème interstitiel rénal
-
l'augmentation de la synthèse de prostaglandine rénale participant à l'augmentation
du DSR.
Cependant, son utilisation n'est pas dénuée de risque en cas d'absence de reprise de la diurèse :
Risque d'hyperhydratation extra cellulaire avec risque d'OAP
Risque de déshydratation intra cellulaire lié à l'hyperosmolarité
Risque d'hyponatrémie.
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d) Dopamine
La dopamine à dose dopaminergique (0.5 à 3 gamma/Kg/min) agit sur 2 types de récepteurs présents
au niveau des reins :
-
les récepteurs D1 situés dans les cellules musculaires lisses artériolaires rénales
-
les récepteurs D2 situés dans les terminaisons présynaptiques des fibres  post
ganglionnaires.
La stimulation de ces récepteurs provoque une vasodilatation artérielle rénale à l'origine d'une
augmentation du DSR, donc de la diurèse :
Au niveau de D1 par effet myorelaxant direct sur la fibre musculaire lisse
Au niveau de D2 par inhibition de la sécrétion de NORADRENALINE
La dopamine à dose dopaminergique utilisée seule ne permet pas de relancer la diurèse en présence
d'une IRA constituée.
Elle a par contre, un effet synergique avec le furosémide.
L'utilisation de la dopamine à dose , en rétablissant une pression de perfusion rénale,
peut par contre participer à la reprise de la diurèse. Il en va de même de la noradrénaline, puissant 
vasoconstricteur, réputé capable d'induire une IRA est cependant capable de relancer la diurèse par
rétablissement d'une P de perfusion rénale utilisée seule ou en association avec dopamine ou
dobutamine.
L'augmentation de la diurèse sous dopamine seule ou en association avec le furosémide s'observe chez
certains patients mais son mécanisme reste discuté entre un effet hémodynamique systémique ( + )
ou effet purement rénal voire tubulaire.
L'efficacité de la dopamine à faible dose est actuellement complètement remise en question.
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