apparu au sein de la philosophie analytique, a pour objet principal l’analyse des constituants
ultimes du monde. Une première objection à cette thèse pourrait être que c’est à la physique
d’assurer cette tâche, via une théorie ultime du tout rassemblant les approches relativistes et
quantiques. Mais cette dernière analyse irait un peu vite en besogne. En effet, ces constituants
ultimes de tous les aspects du monde ne peuvent être découverts à l’aide d’accélérateurs ou de
collisionneurs toujours plus puissants car ils ne peuvent se réduire aux particules quantiques
ou même aux éléments premiers d’une théorie physique du tout. Deux raisons principales
existent quant à cette limitation de l’explication physique. Tout d’abord, il est douteux que
toutes les sciences puissent être réduites en dernier recours à des analyses issues de la science
physique. Chaque nouveau niveau de la réalité semble apporter de nouveaux types
d’interaction et de nouvelles lois causales qui ne sont pas réductibles au niveau sous-jacent.
En prenant un exemple extrême, il semble bien impossible d’exprimer la loi de Walras qui
régit la théorie de l’équilibre général à l’aide de fermions et de bosons. L’autre attaque contre
le réductionnisme physique est que les constituants physiques sont par nature inopérants dans
l’analyse de nombreux éléments de notre réalité, tels les objets abstraits (par exemple les
nombres), les possibilia (par exemple dans les phrases contrefactuelles) ou les qualia (en lien
avec le problème difficile de la conscience). Ceci laisse donc encore le champ ouvert à la
métaphysique contemporaine pour tenter de découvrir ces éléments ultimes qui nous
permettraient de décrire de manière cohérente la totalité des aspects de notre monde. Tout en
faisant souvent de cette question leur visée principale, les métaphysiciens contemporains
n’hésitent pas non plus à inclure d’autres questionnements adjacents, tels ceux concernant le
statut de l’espace, du temps, de la liberté, du changement ou de la causalité. Mais
comparativement aux périodes passées, l’entreprise métaphysique n’est plus conçue comme
ayant une visée directement éthique, mystique ou théologique. Elle se limite généralement à
une entreprise descriptive.
La métaphysique analytique contemporaine a donc pour partie centrale l’ontologie. Ces
deux disciplines, qui ont toutes deux été nommées à partir des travaux d’Aristote, ont connu
de manière parallèle une évolution de leur acceptation. Si l’on s’en tient à la seule ontologie,
celle-ci es définie chez Aristote comme étant l’étude de l’être, et plus particulièrement de
l’être en tant qu’être, c’est-à-dire de l’être considéré de la manière la plus générale possible.
On n’étudie donc pas l’être en tant que composé de matière, en tant que nombre ou en tant
souvenir mais l’être dans son acception la plus universelle. Chez le Stagirite, cette entreprise
est liée à une attitude intellectuelle qui est la recherche de la connaissance et de la sagesse
suprême. Elle conduit donc vers un cheminement éthique, voire mystique. Tout comme pour
la métaphysique, la philosophie contemporaine a évacué cette dimension éthique de
l’ontologie. Si nous nous tournons maintenant vers une définition positive et plus actuelle, la
position de Meinong est à cet égard particulièrement intéressante. Historiquement, le débat
entre Russell et Meinong sur le statut des entités associées à une sémantique formelle se situe
dans les premières années du courant qui sera appelé plus tard la philosophie analytique. Par
sa théorie des descriptions définies, Russell rejette une dénotation directe pour les entités non
existantes comme « le roi de France ». Au contraire, Meinong explore les différents modes de
l’objet, comme les objets simplement possibles telle « la montagne d’or » ou même
contradictoires comme « le carré rond ». Dans un premier temps, la position russellienne s’est
imposée, faisant de la logique frégéenne la seule formalisation possible. Ce refus des
spéculations ontologiques s’est renforcé avec le positivisme logique, qui a évacué purement et
simplement tous les énoncés métaphysiques, car ceux-ci n’auraient aucune signification
.
Mais un retournement s’opère durant la seconde moitié du XXème siècle, avec le
foisonnement des logiques modales et non-classiques. Leur interprétation philosophique
Voir [Ayer 1936] qui soutient que tout énoncé de connaissance doit être empiriquement vérifiable. Les énoncés
métaphysiques, étant uniquement prescriptifs et pas descriptifs, seraient « vides de sens ».