Revue Médicale Suisse
Revue Médicale Suisse No -586
Aspects chirurgicaux du pied du sujet âgé
Article de M. Delmi
L´activité physique du sujet âgé a considérablement cru ces dernières décennies avec,
comme conséquence, une importante augmentation des efforts consentis par les
membres inférieurs et plus particulièrement leur extrémité, pied et cheville. Par ailleurs,
les problèmes ostéo-articulaires (fragilité osseuse et tendineuse, arthrose, déformations
segmentaires) et généraux (troubles neurovasculaires, sénescence cutanée, diabète,
etc.) augmentent le risque chirurgical et anesthésique, ainsi que les complications
potentielles de la chirurgie du pied et de la cheville du sujet âgé. Toute la difficulté est
donc de trouver le délicat équilibre liant le geste chirurgical au bénéfice attendu par le
patient âgé dans le cadre de l´amélioration de sa qualité de vie, lui permettant de
(re)trouver sa mobilité, et par là même une partie de son plaisir de vivre, tout en
réduisant au maximum les risques.
Introduction
Ces dernières décennies ont vu l'activité physique du sujet âgé croître de façon très
importante, avec comme corollaire, une augmentation parallèle des efforts consentis par
les membres inférieurs et plus particulièrement leur extrémité, cheville et pied. Il est loin
le temps où le patient octogénaire se contentait de jouir d'un repos bien mérité, versé
dans son fauteuil, au coin du feu, son chat sur les genoux, et racontant à ses petits-
enfants ses souvenirs du temps de sa «vaillance» physique. Les difficultés à la marche
étaient ressenties comme normales, vaguement améliorées par l'utilisation de cannes,
voire complètement esquivées par un fauteuil roulant.
Il est au contraire devenu courant en ce début de XXIe siècle de voir le sujet âgé se
comporter très activement sur le plan physique et exiger de ses pieds des efforts
majeurs. Le médecin est donc confronté à une pression morale du patient âgé avec
demande fonctionnelle accrue et ne peut plus se contenter de lui asséner :
«...malheureusement c'est l'âge, mon bon Monsieur !».
Par ailleurs, le vieillissement n'épargne pas l'extrémité des membres inférieurs, avec des
pathologies ostéo-articulaires multiples, tantôt d'apparition aiguë (fractures, talalgies)
mais le plus souvent chroniques, traduisant l'évolution sur de nombreuses années de
pathologies déformantes variées (hallux valgus et surcharge de l'avant-pied,
tendinopathie du jambier postérieur, pied de Charcot, arthrose). Il s'agit souvent de
traiter des pathologies multiples, multifactorielles, dans le cadre des diverses
comorbidités bien connues du patient âgé : ostéoporose, fragilité tendineuse, troubles
neurologiques et vasculaires, diabète, etc. Néanmoins, la chirurgie permet, même dans
cette situation peu engageante, de répondre à une grande partie des demandes de
patients âgés souffrant de leurs pieds ou chevilles, pour autant que certains grands
principes soient respectés. Nous allons nous attacher dans cet article à présenter
quelques-unes de ces pathologies et leur traitement chirurgical.
Surcharge de l'avant-pied
Hallux valgus
L'hallux valgus n'est qu'une des expressions de la surcharge globale de l'avant-pied et
est souvent associé à des orteils en marteau, des métatarsalgies, un syndrome de
Morton, etc. (fig. 1).
L'hallux valgus, ou déviation du gros orteil vers «l'extérieur», vulgairement bapti
«oignon», est encore la déformation statique la plus fréquemment rencontrée au niveau
de l'avant-pied1 et sa fréquence est particulièrement élevée dans la population âgée. Si la
chaussure particulièrement féminine ne peut pas toujours être incriminée dans la
genèse d'un hallux valgus, elle est certainement la cause principale du développement
d'une symptomatologie douloureuse2 (fig. 2).
Sur le plan clinique, la douleur est en général située sur la pseudo-exostose interne, sur
l'exostose dorsale, sous la tête métatarsienne, et parfois à la mobilisation de l'articulation
métatarso-phalangienne, surtout dans les stades avancés avec arthrose.
Sur le plan radiologique, les examens devront être effectués en charge, avec une
radiographie de face et de profil, voire une radiographie en oblique hors charge.1 Chez le
patient âgé, une attention particulière sera portée à la présence d'une arthrose
métatarso-phalangienne.
Le traitement est d'abord conservateur, visant à soulager la douleur. L'adaptation du
chaussage est impérative ; un support plantaire permettant de supporter la voûte
plantaire interne, ce qui va en partie réaligner le gros orteil, et un appui rétrocapital
soulageant les métatarsalgies y sont souvent associés. En cas de bursite
métatarsophalangienne, le drainage est souvent spontané et une couverture antibiotique
peut être parfois nécessaire.
Plus de 150 interventions principales et leurs variantes ont été décrites depuis 125 ans,
mais actuellement seulement une dizaine sont couramment employées dans la
communauté médicale. Dans le cadre du sujet âgé, une attention particulière sera
donnée aux opérations permettant une déambulation rapide, sans immobilisation plâtrée,
et aux ostéotomies très stables.3
L'ostéotomie dite en chevron distal (fig. 3), dont de nombreuses variantes existent,
permet de corriger des hallux valgus légers à moyens, de façon relativement simple,
avec peu de morbidité.3,4
Des ostéotomies de la base du premier métatarsien sont indiquées pour des hallux
valgus plus importants, avec des angles intermétatarsiens au-delà de 15°.5 Toutes ces
ostéotomies de la base ont comme avantage de corriger des déformations osseuses
importantes, mais présentent une morbidité plus importante avec des taux de
pseudarthrose non négligeables, limitant leur utilité dans la population âgée.
L'ostéotomie en Scarf (fig. 4) permet des corrections multiples et est très stable ; une
contention plâtrée n'est pas nécessaire. Les pseudarthroses sont très rares. Néanmoins,
des cas de fractures du premier métatarsien post-Scarf ont été décrits. La décharge de
l'avant-pied dans un soulier spécial s'impose donc pour une période de quatre à huit
semaines.
Orteils en marteau
Pathologie pratiquement ubiquitaire chez les patients âgés, particulièrement les femmes,
les orteils en marteau accompagnent très souvent l'hallux valgus, mais peuvent aussi
occasionnellement se présenter de façon isolée, particulièrement au niveau du deuxième
orteil.6
Sur le plan clinique, les patients peuvent présenter trois zones douloureuses, parfois
combinées :
- A la face dorsale de l'articulation interphalangienne proximale, avec développement
d'une hyperkératose et d'une bursite (fig. 5).
- Une métatarsalgie sous la tête du métatarsien concerné, en raison de l'hyperappui créé
par la subluxation dorsale de la phalange basale de l'orteil en marteau.
- A l'extrémité pulpaire de l'orteil en cause.
Le traitement initial est ici aussi d'abord conservateur avec une adaptation stricte du
chaussage en évitant les appuis sur les zones douloureuses. Un support plantaire avec
appui rétrocapital permettant de décharger la tête métatarsienne et de réaligner les
orteils doit être proposé. En cas de luxation métatarso-phalangienne invétérée, ce
support aura néanmoins tendance à augmenter la symptomatologie douloureuse et sera
donc contre-indiqué. En cas de luxation non réductible de l'interphalangienne proximale,
les orteils ne pourront plus être réalignés par un support plantaire et une orthoplastie
protectrice peut être essayée en cas de contre-indication chirurgicale.
La chirurgie des orteils en marteau englobe en général trois étapes7 (fig. 6) :
- Une libération articulaire métatarso-phalangienne avec arthrolyse dorsale et plantaire.
-Une arthrodèse ou une arthroplastie interphalangienne proximale, maintenue
temporairement par une broche métallique.
-Une plastie d'allongement des tendons extenseurs.
- En cas d'instabilité métatarso-phalangienne, une plastie de transfert du long fléchisseur
dorsalement sur la première phalange permettra de stabiliser activement cette
articulation.
Métatarsalgies
Les métatarsalgies accompagnent beaucoup de patientes âgées et sont un chapitre un
peu «fourre-tout» avec une dizaine d'étiologies différentes : insuffisance d'appui du
premier rayon, surcharge des rayons centraux, inégalité de longueur métatarsienne,
atteinte inflammatoire (PR), etc.
1 / 13 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !