
Une première ligne de partage concerne les hypothèses concernant les préférences des
hommes politiques. La littérature en économie politique (voir Alesina [1988]) se scinde suivant le
type d'hommes politiques pris en compte. Les politiciens peuvent avoir deux sortes d'objectifs:
être réélus, ils sont alors ce qu’on désigne par « office motivated », c'est-à-dire opportunistes ou avoir
une préférence exogène pour une certaine politique, ils sont alors dits « partisans». Dans le premier
cas, on établit que, sous certaines hypothèses, le théorème de l'électeur médian (Downs [1957])
s'applique: les deux partis proposent le même programme politique, celui choisi par l'électeur
médian. En effet, si tous les hommes politiques se ressemblent en ce qu’ils désirent tous le
pouvoir, ils établissent le programme politique qui leur permet d’être élu, c’est-à-dire celui
souhaité par une majorité d’électeurs. Ils proposent donc tous le même programme politique.
Dans ce cadre d’hypothèses, Nordhaus [1975] explique les cycles économiques par le
comportement opportuniste des hommes politiques
: avant les élections, les politiciens stimulent
l'économie pour être réélus et compensent cette politique opportuniste par une récession après
les élections. Dans le second cas, on considère que les hommes politiques ont des préférences
tranchées. Ainsi, à la suite de Kalecki [1943] , Wittman [1983] et Hibbs [1987] montrent que les
partis de gauche ont une politique plus expansionniste et moins hostile à l'inflation que les partis
de droite car ils supposent que la politique inflationniste est redistributive en faveur des classes
moyennes et pauvres, qui forment l'électorat de gauche. Cette ligne de partage n’est pas définitive
et les deux systèmes d’hypothèses se complètent. Néanmoins elle structure certaines questions
comme celle du cycle politique ou des dépenses budgétaires, qui sont développées dans les
chapitres 3 et 4.
2.2
Les systèmes institutionnels sont-ils efficaces ?
Une autre ligne de partage traverse la littérature en économie politique, celle de l'efficience
du système institutionnel. L’enjeu du débat est de déterminer si les systèmes institutionnels
existants (la démocratie en général ou la séparation des pouvoirs ou la règle majoritaire par
exemple) sont efficients ou non, c’est-à-dire permettent d’atteindre une politique Pareto-optimale,
en particulier la solution qui maximise le bien-être collectif. En effet, bien que les hommes
politiques maximisent leur propre intérêt, la question est de savoir comment, ce faisant, ils
peuvent maximiser le bien-être collectif. La question du bien être collectif est elle-même
discutable, mais dans une première approximation on pourrait se demander suivant quelles
contraintes institutionnelles les hommes politiques mèneraient la politique que choisirait un
planificateur bénévolent et omniscient. Au début des années quatre-vingt, l'opposition entre
l'école de Chicago et l'école de Virginie se structure. La question est de déterminer le contrat
optimal, s'il est possible, entre le principal (le citoyen) et l'agent (l'homme politique), contrat qui
permette aux citoyens de contraindre l'homme politique à mettre en place la politique voulue. Les
conditions de possibilité de ce contrat optimal séparent les deux écoles. L'Ecole de Virginie,
autour de Tullock [1983], et de l'école du Public Choice, défend l'idée de l'inefficience du système
politique. En effet le personnel politique et les groupes d'intérêt capturent une rente, en raison,
par exemple, d'asymétries d'information. Du côté de l'Ecole de Chicago, avec Becker [1983], les
groupes d'intérêt formulent des demandes concurrentes au gouvernement mais cette compétition
entre les groupes de pression favorise le choix d'un système d'imposition efficace. Cette ligne de
partage est plus fondamentale que la première au sens où elle sépare non seulement deux
systèmes d’hypothèses mais réellement deux écoles de pensée. L’école du public choice considère la
question institutionnelle comme programme de recherche principale à développer. La méfiance
quant aux règles démocratiques et le pessimisme concernant le système politique dans son
ensemble en font une école ultra-libérale. La question institutionnelle est abordée dans cet cours
mais le cours ne s’y réduit pas. C’est en ce sens que nous traitons de l’économie politique et non
Voir le Chapitre 3-les cycles politiques.