rapport stage decouverte 2

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Emmanuelle COUTEAU
2ème année EJE
Stage de découverte n°2
A l’Institut d’Education Motrice
La Gentilhommière
30 Avril 2007 - 15 Juin 2007
INTRODUCTION
Ce dernier stage s’inscrit dans mon parcours de formation comme une étape
importante dans la construction de mon identité professionnelle. Grâce au fruit de mes
diverses expériences, j’ai pu dégager l’orientation que je souhaite prendre en tant que future
éducatrice de jeunes enfants.
Ma précédente expérience à responsabilité au sein d’une halte-garderie d’accueil mixte
m’a poussé à vouloir approfondir mes recherches et mes connaissances dans le domaine du
handicap. Ainsi, au cours de ce stage, j’ai pris conscience de l’importance de mon rôle auprès
de tous les enfants, valides ou handicapés, et de leurs familles.
J’ai découvert l’éducatrice de jeunes enfants que je souhaite devenir et la signification
profonde de mon rôle de travailleur social.
La construction de mon identité professionnelle s’est faite en lien étroit avec
l’émergence de principes et de valeurs qui me sont propres. Le respect de l’enfant est pour
moi une priorité en tant que future éducatrice de jeunes enfants ; c’est dans cette écoute
profonde de l’autre que va pouvoir s’étayer un véritable échange avec l’enfant et permettre
qu’une relation de confiance s’instaure.
Respecter l’enfant c’est l’accepter tel qu’il est, et dans le cas d’enfants en situation de
handicap mon travail doit s’attacher à prendre l’enfant d’abord, sans nier ses difficultés.
Par conséquent, j’ai choisi d’effectuer mon stage en institut accueillant des enfants
porteurs de poly-handicap, associant une atteinte cérébrale et motrice et des troubles de la
communication.
Cette expérience m’a permis de découvrir le travail de l’éducateur de jeunes enfants
dans ce type et de structure, son rôle auprès d’enfants plus âgés et la vie en internat.
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I - L’INSTITUTION
1. Présentation de la structure
La Gentilhommière est un institut d’éducation motrice qui accueille 45 jeunes de 4 à
20 ans porteurs de poly-handicap, associant une atteinte cérébrale et motrice, des troubles de
la communication (avec ou sans surdité). Elle dispose d’un internat accueillant 9 enfants.
La Gentilhommière dans son projet d’accompagner individuellement chaque jeune,
elle offre une prise en charge globale se déclinant autour des besoins de l’enfant au plan
médical, orthopédique, rééducatif, éducatif et psychologique.
L’équipe de l’établissement est pluridisciplinaire, elle réunit des compétences
multiples et variées avec des personnels médicaux, paramédicaux, éducatifs, psychologiques,
sociaux.
La prise en charge se fait par groupe d’âge composé de huit enfants et encadré par une
psychomotricienne, une orthophoniste et une éducatrice (spécialisée ou jeunes enfants).
2. Le projet de l’institution
La Gentilhommière est avant tout un lieu de socialisation pour les enfants qui font en
entrant leur première expérience de la collectivité. C’est un lieu d’accueil sans frontière car
elle regroupe des enfants porteurs de divers handicaps. Elle souhaite apporter un accompagner
correspondant aux besoins et aux spécificités de chacun.
La volonté affichée par l’équipe pluridisciplinaire est d’offrir une prise en charge
globale et contenante, dans laquelle éducatif et rééducatif sont associés dans l’intérêt de
l’enfant.
Le travail effectué au sein de la structure met l’accent sur la prise d’autonomie, sous
toutes ses formes. Les compétences de chaque professionnel doivent permettre à chaque
enfant de découvrir ses potentialités et de développer ses propres capacités.
L’équipe propose donc un suivi personnalisé dans le cadre du projet individualisé de
l’enfant mis en place en début d’année avec les parents et l’enfant.
3. Le fonctionnement
- Financement
La Gentilhommière est gérée par l’association AERIMC (Association pour
l’Education et la Réadaptation Infirmes Moteurs Cérébraux) qui bénéficie du financement de
la CAF.
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Personnel
L’équipe est dirigée par un chef de service éducatif de formation éducateur spécialisé
composée lui même encadré par une directrice qui assure la gestion financière et
administrative.
L’équipe pluridisciplinaire est composée d’un médecin, d’un psychologue, d’une
éducatrice scolaire, d’une assistante sociale, d’une EJE, de 5 éducateurs spécialisés, de 4
orthophonistes, de 5 psychomotriciennes, 2 kinésithérapeutes et 4 AMP.
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Déroulement de la journée
Les enfants sont accueillis de 9h à 16h00, heure d’arrivée et de départ des taxis.
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II - RÔLE ET FONCTIONS DE L’EJE
1. L’élaboration et la construction des projets
Le travail de l’EJE au sein de la Gentilhommière doit permettre de favoriser un
accompagnement à la fois individuel et collectif pour chaque enfant dans le groupe tout au
long de l’année. Il est ainsi porteur d’un projet qui doit garantir la dimension éducative auprès
des enfants.
Pour monter un tel projet, l’éducateur doit d’abord apprendre à connaître chaque
enfant afin qu’il corresponde à la réalité des enfants accueillis sur le groupe. Je pense que
c’est une prérogative incontournable pour l’éducateur de jeunes enfants qui souhaite agir pour
le bien-être de tous. Pour moi c’est une dimension essentielle de mon métier qui me permet
d’aller dans le sens du respect de chaque enfant.
Apprendre à connaître un enfant prend du temps, cela passe par une attention
consciente et systématisée aux différents domaines de sa vie, une écoute de ce qu’il est. En
tant que future éducatrice, il s’agit d’être disponible, psychiquement et physiquement, et
d’être prêt à recevoir ce que l’autre nous offre sans idée préconçue et sans filtrage, en
contrôlant ses propres émotions de façon à mieux identifier celles de l’autre. Cette attitude est
loin d’être une attitude spontanée, c’est le fruit d’un véritable travail et constitue une
compétence essentielle de l’éducateur.
Dans l’institution, ce travail d’écoute est d’autant plus important dans la mesure où
l’éducateur possède déjà des informations sur les enfants grâce au dossier médical. Le
handicap ne doit pas venir obstruer la rencontre entre l’enfant et l’éducateur, l’identité de
chaque enfant ne doit pas être réduite à son handicap. Enfant et éducateur doivent apprendre à
se connaître, à se découvrir. Il est important que l’éducateur laisse la place à l’inattendu et
qu’il se laisse surprendre par l’enfant.
Dès lors que l’éducateur aura appris à connaître chaque enfant et qu’il aura ainsi pu
tisser une relation significative avec eux qu’un projet pourra émerger. Ce projet permet de
poser les grands axes de travail et de déterminer les moyens nécessaires à sa réalisation. Dans
le groupe où j’étais, l’éducatrice grâce à ses observations avait découvert que les enfants
appréciaient beaucoup d’écouter des histoires, de regarder des livres. Elle est a donc mis en
place un projet livre autour d’un partenariat avec une bibliothèque. Tout au long de l’année,
les enfants ont bénéficié de rencontres régulières avec une conteuse.
Afin de garantir la réussite de tels projets, il est important pour l’éducateur de
travailler en équipe et de favoriser la cohésion et la collaboration avec les différents
professionnels du groupe et de l’institution.
2. Un travail pluridisciplinaire
Chaque groupe est encadré par trois professionnels ayant chacun des qualifications
différentes. Cette pluridisciplinarité est envisagée comme la clé de voûte d’une prise en
charge globale et contenante de l’enfant. Le travail de l’EJE est de faire vivre cette diversité
professionnelle en développant l’intérêt de chacun autour d’un projet commun. L’EJE doit
mettre en place un cadre à l’intérieur duquel les différents membres de l’équipe puissent
trouver leur place.
Cette équipe mixte est une richesse car elle offre une complémentarité des regards et
des échanges autour des enfants. C’est en partageant leur vécu lors d’une réunion de synthèse,
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que les professionnels ont pu constater les progrès d’un enfant. En effet, pour la
psychomotricienne cet enfant avait fait beaucoup de progrès en séance alors que, pour
l’éducatrice, son comportement dans le groupe s’était dégradé. C’est en instaurant des temps
de rencontres que cette pluridisciplinarité prend toute sa valeur.
Par ailleurs, elle permet à l’éducateur de recueillir des informations précieuses
concernant les enfants. En effet, chaque professionnel de l’institution doit procéder en fin
d’année au bilan individuel des enfants présents sur leur groupe. Ainsi, lors des changements
de groupe, les professionnels peuvent consulter ces bilans qui contribuent à une meilleure
représentation de l’enfant et permettent d’ajuster de façon adéquat son accompagnement.
Au cours de ce stage, j’ai pris conscience de l’importance du travail de l’EJE au sein
d’une équipe et dans l’élaboration de projets ; à l’image d’un moteur, il joue à la fois le rôle
de carburant et de soupape nécessaire au bon fonctionnement de la machine c’est-à-dire
l’équipe.
3. Un accompagnement à l’autonomie
Un des projets porté par l’institution est d’encourager et de développer l’activité
autonome auprès de ces enfants lourdement handicapés. Il s’agit pour l’éducateur de jeunes
enfants de trouver des stratégies alternatives pour palier les difficultés liées au handicap. Cette
recherche fait appel à la capacité de l’éducateur d’inventer, de créer pour mettre en place des
moyens adaptés à l’exercice de l’autonomie de ces enfants.
Autonomie et handicap peuvent paraître de prime abord incompatible d’autant lorsque
les enfants sont privés de la parole et/ou sourds ou malentendants. Cela nécessite pour
l’éducateur un travail d’observation approfondi pour connaître les enfants et adapter son
action éducative auprès d’eux. Chaque enfant est différent donc l’exercice de l’autonomie
n’est pas le même pour tous, il peut prendre différentes formes. C’est à l’éducateur de trouver
la manière dont chaque enfant va pouvoir apprivoiser son autonomie.
Au sein du groupe, elle se vit au quotidien avec des gestes simples comme enlever son
manteau et l’accrocher sur le porte manteau, laisser le choix à l’enfant, toujours poser des
mots sur ce que l’on fait avec lui et lui donner l’espace pour s’exprimer.
Par exemple, Lucas qui présente un comportement autistique a des difficultés à mettre son
blouson tout seul. En cherchant, l’éducatrice a trouvé la solution pour que Lucas s’habille
seul. Elle lui pose son manteau à l’envers sur la table et il n’a plus qu’à glisser ses mains dans
les manches pour l’enfiler.
Le piège à éviter pour l’éducateur est d’anticiper les gestes des enfants et de finir par
faire à leur place. Je me suis rendue compte pendant mon stage que cet écueil est très présent
notamment lorsque le temps presse, que le personnel est en nombre réduit. Ce travail au
quotidien requiert une véritable disponibilité pour l’éducateur pour garantir à ces enfants le
respect de leur liberté.
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III - MON IMPLICATION SUR LE TERRAIN
J’ai effectué mon stage auprès d’une éducatrice de jeunes enfants, sur le groupe 3
accueillant des enfants âgés de 11 à 14 ans. Lors de mes débuts dans l’institution, il m’a fallu
un certain temps pour m’adapter aux enfants qui sur ce groupe sont très lourdement
handicapés. Sur les huit, un est sourd, deux ont la parole, et cinq sont en fauteuil roulant. J’ai
donc très rapidement dû trouver d’autres moyens pour entrer en communication avec eux et
participer à la vie du groupe.
En tant que future éducatrice cette première étape de prise de contact, d’analyse de la
situation est très importante afin d’orienter ma démarche éducative et de déterminer les
actions éducatives à mener. J’ai donc beaucoup observé les enfants pour connaître leurs
habitudes, leurs centres d’intérêts. Mon observation m’a aidé a affiné et à réfléchir mes
interventions auprès d’eux.
La première situation qui m’a posé question s’articule autour de la notion de
l’autonomie et du jeu des enfants porteurs de handicap.
9h, à l’arrivée des taxis, les enfants sont accueillis individuellement, conduis sur leur groupe
pour y être changés. Ces moments de soins sont assez longs, et pendant ce temps les enfants
sont installés dans le hall. Aucun n’est capable de se déplacer seul en fauteuil, et pour les
marchants, seul Yann joue au vélo. Pour ma première matinée, les adultes étant occupés au
change, je m’assois dans le hall et j’observe l’activité des enfants pendant ce temps libre.
Quelques intéractions se créent entre un petit nombre d’enfants, le coin jeu est vide, les
enfants invalides sont éloignés des uns des autres.
Cette scène a soulevé de nombreuses interrogations ; comment ces enfants parviennent-ils à
s’amuser alors qu’ils sont entravés dans leur fauteuil ? Quelle est leur notion de plaisir dans
ces moments ?
En tant que future éducatrice de jeunes enfants, dois-je intervenir ou leur laisser ce temps pour
se retrouver avec eux-mêmes et faire l’expérience d’une certaine forme d’autonomie ?
Le jeu chez ces enfants varie selon leur degré de handicap et il peut revêtir différentes
formes.
Pour les enfants en fauteuil, j’ai pu observer qu’il passait beaucoup par les sens,
notamment la vue avec laquelle ils s’amusent à observer ce qui se passe autour d’eux. Il est
très fréquent, au cours de la journée que les enfants éclatent de rire, sans que je ne comprenne
vraiment la raison. La notion du plaisir et de l’amusement est finalement très subjectif et à
trait à la personnalité de chacun. Ainsi, Romain très handicapé adore être allongé sur le sol, il
n’a pas forcément besoin de jeux autour de lui. Cette position lui procure une certaine aisance,
une liberté qu’il n’a pas dans son fauteuil. Par ailleurs, ce sont pratiquement les seuls
moments où je l’ai entendu rire. Au cours de ce stage, j’ai compris que je devais faire
abstraction d’idées toutes faites, sans les renier pour autant. En tant que future éducatrice, il
est essentiel de pouvoir libérer son esprit afin de se laisser surprendre et d’être à l’écoute des
enfants.
En voyant ces enfants, dans ce hall, j’ai eu l’impression qu’ils s’ennuyaient, que seuls
ils ne pouvaient rien faire, même jouer. J’ai donc eu tendance à rester auprès d’eux, sans
savoir véritablement si ça leur convenait ou si c’était plus moi que ça rassurait. Finalement,
ces enfants me renvoyaient une image à laquelle je n’étais pas habituée.
Être éducatrice, c’est dialoguer avec ses affects, les conscientiser pour mieux les
dépasser. Le travail avec les enfants fait appel à sa propre empathie dans un va-et-vient
continu entre ma position de professionnelle et mon identité profonde.
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Ainsi, en prenant conscience de ma sensibilité, j’ai pu mettre en place une démarche
éducative adaptée à la situation et aux enfants. Mon objectif était de trouver une juste mesure
consistant à moduler mes interventions de manière à ne pas entraver les enfants. J’ai donc
cherché les moyens pour les inviter à une coopération-participation, relation dans laquelle ils
puissent se sentir partenaires, considérés comme sujet à part entière.
Finalement, j’ai beaucoup verbalisé et signé auprès d’eux pour savoir ce qu’ils
voulaient.
Par ailleurs, je leur ai laissé un espace à eux dans lequel je n’entrais qu’à leurs
demandes ou sollicitations. Cette notion de distance est très importante pour permettre aux
enfants de se construire et de vivre leurs propres expériences. Elle est d’autant plus présente
avec des enfants handicapés dans la mesure où leur situation peut mettre à mal notre
sensibilité et notre affectivité. Or, une attitude de compassion ne les aiderait à grandir et
développer leurs potentialités, au contraire.
Mon rôle d’éducatrice est de les accompagner individuellement et au sein d’un groupe
à devenir des êtres sociaux épanouis.
De plus, du fait même de leurs déficiences, ces enfants ont besoin continuellement de
la présence d’un adulte dans leur quotidien. Ils sont très entourés, ainsi les moments d’intimité
où ils peuvent être seuls sont rares. Il est important qu’ils puissent avoir des moments à eux
sans pour autant que l’adulte les laisse livrer à eux-mêmes sous prétexte qu’ils ont besoin de
tranquillité.
Cette présence continue de l’adulte auprès de l’enfant soulève la question du rapport
au corps et du respect de l’intimité pour les enfants en situation de handicap. Sur le groupe,
les enfants présentaient de lourds handicaps les empêchant de faire seuls des gestes
quotidiens. Lorsqu’ils arrivaient le matin, je les aidais à se déshabiller et à aller aux toilettes.
Ce contact corporel fait partie de leur vécu depuis leur naissance, il est omniprésent.
En tant que future professionnelle, il est important d’en prendre conscience et de réfléchir à
nos actions avec le corps de l’enfant, qu’il soit handicapé ou non. Cela nécessite de la part de
l’éducateur une attention constante et une recherche pour permettre à ces enfants d’être maître
de leurs corps.
Par exemple, au moment des changes, les enfants sont installés sur les toilettes et ensuite les
professionnels ressortent en fermant la porte. Le fait de fermer la porte est significatif du
respect de l’enfant pour ce qu’il est. De même, il est tout aussi important de frapper avant
d’entrer. Ces gestes simples des moyens parmi d’autres dont l’éducateur dispose pour
permettre à l’enfant de vivre sa vie et d’en être sujet.
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CONCLUSION
Ce stage m’a permis d’élargir le champ de mes compétences et de mes connaissances
sur l’enfant et le handicap.
Mon expérience auprès d’enfants plus âgés m’a fait prendre conscience de
l’importance de mon rôle auprès de tous les enfants, des touts petits aux plus grands. La petite
enfance est une étape incontournable pour chaque individu et j’ai su trouver ma place auprès
de ce public élargi.
J’ai ainsi pu travailler ma position de future professionnelle dans une dynamique
globalisante de l’enfant. Mon travail s’inscrit dans une continuité et une complémentarité
avec les professionnels qui sont amenés à prendre en charge les enfants après moi.
Cette collaboration pluridisciplinaire est une richesse qui permet à l’enfant de créer du
sens dans son quotidien.
Ce stage m’a fait découvrir un autre type de structure dans lequel je pourrais être
amenée à travailler. Il m’a offert la possibilité de m’ouvrir l’esprit et d’approfondir ma
posture éducative auprès d’enfants en situation de handicap. J’ai désormais une vision plus
précise du handicap et de ses acteurs, enfants, parents, équipe et institution.
Par ailleurs, l’apprentissage d’un langage signé m’a permis de développer d’autres
stratégies de communication qui me seront utiles dans mon parcours professionnel, au contact
ou non avec des enfants porteurs de handicap. En effet, j’ai pris conscience que la
communication pouvait prendre différentes formes et que le langage du corps est un langage
universel.
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