I. LE ROMANTISME, PREMIERE RÉVOLUTION LITTÉRAIRE
MODERNE.
Le Romantisme, premier grand chapitre de l'histoire littéraire du XIXe
siècle, est à la fois une remise en question de la doctrine classique et
l'affirmation de nouvelles valeur spirituelles. L'esprit romantique naît sous le
signe d'un changement profond dans la représentation que l'homme se fait de
lui-même et de ses rapports avec le monde, ce qui engendre une nouvelle
conception sur l'individu, la société et l'histoire, mais aussi une manière
originale de sentir, de vivre et de s'exprimer. Selon Baudelaire, "le
romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets, ni dans la vérité
exacte, mais dans la manière de sentir…Qui dit romantisme dit art moderne -
c'est-à-dire intimité, spiritualité,
couleur, aspiration vers l'infini, exprimées par tous les moyens que
contiennent les arts".
Le Romantisme apparaît à la fois comme rupture et continuité dans le
domaine de la pensée, de la littérature et des beaux-arts. En ce sens, on doit
placer le romantisme français dans le contexte d'un romantisme européen (en
particulier anglais et allemand), sans oublier les éléments préromantiques de
la littérature française du XVIIIe siècle. En France, les bouleversements
socio - politiques de l'époque (la volution de 1789, l'Empire napoléonien,
la Révolution de 1830) ont aussi agi sur la pensée philosophique, artistique
et littéraire. Le Romantisme a représenté un renouvellement des principes,
du contenu et des formes littéraires, ainsi qu'une nouvelle conception sur
l'homme, la société et l'histoire, une attitude morale et philosophique, basée
sur la liberté sur tous les plans. L'idée du devenir et du progrès constitue une
dominante de la pensée des romantiques, qui veulent prendre part à
l'évolution de la société. Mais ils sont en désaccord avec la société et ce
malaise spirituel est connu sous le nom de "mal du siècle". Ils préfèrent
s'isoler et chercher un refuge dans leurs sentiments les plus intimes, dans la
nature consolatrice, dans l'aspiration vers la mort et le néant. D'autres
éprouvent
le désir d'intervenir, par la littérature, dans l'évolution de la société
contemporaine, transformant leur mécontentement en une révolte, en une
attitude active, sous l'influence de la révolution de 1830. Cette responsabili
humanitaire constitue l'un des héritages les plus chers laissés à la postérité.
La complexité des phénomènes littéraires au XIXe siècle rend difficiles
toute classification. parlent de périodes dans l'histoire du Romantisme
français, ayant des caractères distincts : la Ière période (1800 - 1830) est
dominée surtout par des préoccupations théoriques et les debats dans les
groupes et les cénacles romantiques, se préparait l'élaboration d'une
doctrine. Mme de Staël a le mérite d'avoir élaboré les principes de la
littérature romantique, dans les ouvrages De la littérature (1800) et De
l'Allemagne (1810), elle souligne la perfectibilité de l'esprit humain; la
relativité du goût; la différence entre la littérature du Nord et la littérature du
Midi. Le "romantisme"
désigne une littérature moderne, issue de l'âme moderne. D'autres écrits
théoriques sur le Romantisme sont Racine et Shakespeare, par Stendhal et la
Préface du drame Cromwell (1827), par V. Hugo. La IIe période du
Romantisme (1830 - 1850) est dominée par les grands chefs-d'oeuvre de la
littérature romantique: après 1830, il n'y a plus d'école, il y a de grands
créateurs.
Alphonse de Lamartine (1790-1869). La publication de ses Méditations
poétiques
(1820) est l'une des grandes dates de la littérature française du XIXe siècle.
Ce recueil eu un succès éclatant, car les lecteurs attendaient la transposition
en vers des tendances profondes du romantisme: subjectivité, étalage du
Moi, sensibilité extrême, sentimentalité, communion avec la nature
aspiration vers l'infini. Lamartine a su insuffler à la poésie lyrique l'émotion
sincère d'une âme qui dévoilait ses sentiments les plus délicats, l'expression
d'un état d'âme. Sa poésie cessait d'être seulement un jeu de
l'intelligence et de l'imagination, elle devenait sentiment et émotion. Ses
élégies L'Isolement, Le Lac, Le Vallon, Le Soir, L'Automne - reflètent la
confession d'un Moi, qui raconte ses sentiments et ses tristesses, une mélodie
intérieure, rêveuse et mélancolique, un "cri de l'âme", un chant intime, qui
résonnait dans le coeur de ses contemporains.
La nature devient un état d'âme, un élément consolateur, lié à la sensibilité,
aux joies et aux souffrances du poète. L'évocation d'un site, conçu comme un
"paysage intérieur", amène une méditation sur les problèmes humains,
d'ordre général - l'amour, la solitude, la fuite implacable du temps, la mort.
Chez lui, l'amour est un sentiment purifié, qui ennoblit les êtres et les fait
s'élever vers l'idéal, dans une communion avec l'univers. La femme, plutôt
adorée qu'aimée, est le symbole de l'éternel féminin. Le Lac, la plus célèbre
élégie inspirée par l'amour, est marqué par l'absence de la femme aimée et
par le pressentiment de sa mort prochaine. C'est une méditation sur la fuite
inexorable
du temps, sur la brièveté de la vie, par rapport à l'éternité de la nature, seule
capable de garder le souvenir de notre félici passée. Le poème dévoile
l'échange mystique entre l'homme et la nature qui, seule, peut immortaliser
le souvenir d'un grand amour. La cadence des vers naît l'impression d'une
mélodie suave et enchanteresse. Le poète écrivait en 1823: "Classique pour
l'expression, romantique dans la pensée, à mon avis, c'est ce qu'il faut être".
Ses Recueillements poétiques (1839) marque la nouvelle orientation de sa
pensée et de sa poésie, sa foi au progrès, sa confiance dans un avenir
meilleur, sa pitié pour les souffrances humaines (A M.Félix Guillemardet;
La Marseillaise de la paix).
Le poème La Vigne et la Maison, chef-d'oeuvre lyrique, est un émouvant
témoignage de sa vie et de sa création. Lamartine a le mérite d'avoir
représenté la première manifestation poétique d'une nouvelle subjectivité: la
poésie lyrique devient une confession personnelle, l'épanchement d'une
affectivité et la recherche des profondeurs du Moi.
Victor Hugo (1802-1885). Poète, dramaturge, romancier, Victor Hugo
représente, au XIXe siècle, l'incarnation la plus illustre du nie universel.
Personnalité puissante, passionnée et active, tempérament excessif, Hugo a
dominé tout le siècle. Tout jeune il s'est imposé comme le chef de l'école
romantique. Le Cénacle (1827, tenu dans sa maison) préparait une
révolution artistique (v. "la bataille d' Hernani" (1830). Hugo est le poète par
excellence, qui a médité, dans ses poésies lyriques, épiques et satiriques, aux
problèmes de la destinée humaine, de l'histoire et de l'univers. Il y a une
grande distance entre l'auteur des premiers recueils et celui des poèmes de
maturité, qui révèlent un esprit interrogatif et inquiet, "le génie sans
frontières", selon Baudelaire. Sensibilité, imagination, don d'observation,
rêverie, curiosité méditative et génie visionnaire, excellente maîtrise du
langage poétique, vitalité et longévité, - le tout porté à l'échelle du "prodige"
et de la "démesure"" -, tout cela a fait de son oeuvre poétique l'expression
parfaite de l'art romantique en France. Son écriture fonctionne
comme réceptacle, miroir réfléchissant et instrument d'une élévation
thématique et formelle, concrète et réflexive, individuelle et collective.
Dans ses recueils de jeunesse Odes et Ballades (1828) et Les Orientales
(1829), l''intérêt
réside moins dans leur thématique, que dans leur souffle lyrique
authentique.. Il donne libre cours à sa fantaisie typiquement romantique,
éprise de légendes des temps anciens. Le poète se sent investi d'une haute
mission : "Il doit marcher devant les peuples, comme une lumière et leur
montrer le chemin".
Dans les années 1830 - 1840, considérées "la période moyenne" de sa
création, Hugo publie "la tétrade lyrique" (les 4 livres - frères) - Les Feuilles
d'automne (1831), Les Chants du crépuscule (1835), Les Voix intérieures
(1837), Les Rayons et les Ombres (1840) -, qui révèlent un renouvellement
et un enrichissement constants de son inspiration et de son lyrisme. Les
Feuilles d'automne approfondissent la poésie du Moi, en la projetant sur une
verticale du regard et du souvenir-histoire et visions cosmiques. Les poèmes
Ce qu'on entend sur la montagne, La Pente de la rêverie et Pan renferment
des interrogations sur les énigmes de la vie et de la conscience humaine. Les
Chants du crépuscule combinent, à partir de l'ambiguïté du titre (crépuscule
du matin : crépuscule du soir), tous les contraires possibles, - "le jour et la
nuit", "le Oui ou le Non" (Préface),
"l'espoir et le doute", "le passé et l'avenir", et rend une vision aux
connotations politiques et sociales marquées (cf. Dicté après 1830; A la
Colonne). Dans Les Voix intérieures, les trois voix qui se font entendre dans
l'âme du poète sont la voix de l'homme, la voix de la nature et la voix des
événements, visant à en dégager un "sage enseignement". Le dernier recueil,
Les Rayons et les Ombres, achève et accomplit "la seconde période de la
pensée de l'auteur" (cf. Préface), sous un horizon "plus élargi", "un ciel plus
bleu", "un calme plus profond". La Préface du recueil condense l'expérience
majeure de la tétrade : "Tout se tient, tout est complet" Le poème Fonction
du poète y est un plaidoyer pour le poète,
qui participe aux luttes de la cité. Homme, nature, société; passion, action,
rêverie; savoir, penser, rêver, y figurent parmi les thèmes qui font de la
poésie de Hugo une illustration de la totalité universelle. L'horizon élargi de
ce recueil reflète le triple clavier du politique, du métaphysique et de
l'esthétique. Le recueil reprend aussi les thèmes de son lyrisme: l'amour,
comme instant privilégié de la vie humaine (Tristesse d'Olympio), la nature
en accord avec les sentiments humains (Océano Nox). Tristesse d'Olympio
contient les thèmes romantiques de la poésie lyrique: la communion avec la
Nature; l'amour; la fuite inexorable du temps; la méditation sur la destinée
humaine. Par la mémoire affective, le poète vise à établir une continuité
entre le passé, le présent et l'avenir, et à confier à la
Nature éternelle le souvenir du bonheur de l'amour. Epoque des chefs-
d'oeuvre poétiques. Treize ans vont s'écouler jusqu'à la parution d'un
nouveau volume de vers. Deux expériences majeures, - le deuil ((la mort de
sa fille Léopoldine, en 1843) et
l'exil (1851-1870) - orientent la méditation du poète sur les grands
problèmes de la destinée humaine, élevant sa création aux plus hauts
sommets. Ennemi de Napoléon III, Hugo est l'Exil, la Patrie, la Liberté, la
Justice. C'est le Prophète, le Guide qui annonce les temps meilleurs.
L'itinéraire politique de Hugo connaît, sous le coup de 1848 et de 1851, une
orientation définitive vers la gauche, vers les idées libérales et républicaines.
Après le coup d'Etat du 2 déc. 1851, il part pour l'exil et ne rentrera en
France qu'à la chute du Second Empire (1870). Le témoignage de cette
époque ardente, de cette expérience de la colère et de la lutte, c'est d'abord le
pamphlet Napoléon le Petit (1852), dont l'énorme
succès élevait Hugo à la hauteur historique de son adversaire et le confirmait
dans la mission du poèteguide, défenseur de la Justice. En 1853 paraît le
recueil de vers satiriques Châtiments, véritable "art poétique de la colère"
(cf. Jean Gaudon): par le crime contre Napoléon Ier, ajouté au crime de la
République, Hugo dénonce l'usurpation du faux empereur (Louis Napoléon).
Le poète y a voulu donner une structure interne cohérente, correspondant à
une vision d'ensemble, par les 2 poèmes: Nox (au début), exprimant la nuit
du coup d'Etat et Lux la fin), symbole de l'avenir républicain. Les six
premiers livres reprennent ironiquement les formules officielles, par
lesquelles Napoléon III voulait légitimer le coup d'Etat: La Socié est
sauvée/ L'Ordre est rétabli / La Famille est restaurée / La Religion est
glorifiée/ L'Autorité est sacrée/ La Stabilité est assumée. Le septième livre
contient une conclusion suggérée par le titre même: Les Sauveurs se
sauveront. A souligner l'extrême variété des vers et la richesse du
vocabulaire, de l'invective et de la polémique, aux accents touchants de pitié
pour les pauvres (Souvenir de la nuit du 4). Le recueil est basé sur une
immense antithèse historique: d'une
part, la figure légendaire de Napoléon Ier , d'autre part, sa caricature sans
gloire, Napoléon III (cf. L'Expiation). La perspective d'un avenir lumineux
en contraste avec le présent sombre, le sentiment d'être responsable pour
l'avènement de cet avenir, rehaussent la satire et l'épopée, au niveau d' un
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