Le Mendiant Un pauvre homme passait dans le givre et le vent. Je

Le Mendiant
Un pauvre homme passait dans le givre et le vent.
Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant
Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile (1).
Les ânes revenaient du marché de la ville,
Portant les paysans accroupis sur leurs bâts (2).
C'était le vieux qui vit dans une niche (3) au bas
De la montée, et rêve, attendant, solitaire,
Un rayon du ciel triste, un liard (4) de la terre,
Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.
Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.
Comment vous nommez-vous ? » Il me dit : « Je me nomme
Le pauvre. » Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. »
Et je lui fis donner une jatte (5) de lait.
Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,
Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.
« Vos habits sont mouillés », dis-je, « il faut les étendre,
Devant la cheminée. » Il s'approcha du feu.
Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,
Étalé largement sur la chaude fournaise,
Piqué de mille trous par la lueur de braise,
Couvrait l'âtre (6), et semblait un ciel noir étoilé.
Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé
D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières (7),
Je songeais que cet homme était plein de prières,
Et je regardais, sourd à ce que nous disions,
Sa bure où je voyais des constellations.
Victor Hugo, Les Contemplations, décembre 1854, Le Mendiant (Livre 5, 9)
Notes :
1 - D’une façon fort civile : d’une façon polie, aimable.
2 - Leurs bâts : le bât est le dispositif que l’on place sur le dos des bêtes pour le transport d’une
charge.
3 - Une niche : un enfoncement dans l’épaisseur d’un mur pour abriter une statue ou un buste.
4 - Un liard : ancienne monnaie française (valant trois deniers ou le quart d’un sou).
5 - Une jatte : récipient de forme ronde, très évasé sans rebord ni anse.
6 - L’âtre : foyer d’une cheminée.
7 - Des fondrières : une fondrière est un trou plein d’eau ou de boue dans un chemin en mauvais
état.
V. Hugo lutte contre injustices sociales. CF Mendiant in Les Misérables, (Eponine in Misérables, aînée des enfants
des Thénardier, va mendier), in Notre Dame de Paris (prostituées, voleurs,vieillards, mendiants, infirmes). XIX :
Cour des Miracles : cour remplie de faux mendiants.Les vagabonds suscitent à la fois la pitié et fond peur. Quatrevingt-treize : Un mendiant, nommé Tellmarch donna à manger au héros le Marquis de Lantenac.
Différence mendiant-misérable ? La pauvreté du misérable le conduit au crime.
Est écrivain dramaturge, romancier, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé.
1- La peinture sociale du XIXème
 La rudesse de la nature
 Les catégories sociales
 Une tenue à l’image de sa pauvreté : le pathétisme de la description (Cf Ma Bohème , Rimbaud : les
poings dans mes poches crevées/ Mon unique culotte avait un large trou…)
2- Une démarche altruiste
 Des gestes altruistes
 La bonté d’un homme
3- La transfiguration du pauvre : une forme de symbolisme
 Un marginal à l’image du poète : forme d’exilé de la vie
 Un homme au-dessus des autres en correspondance avec dieu
 La richesse n’est pas dans l’habit : c’est un homme qui a la foi au-delà de sa tenue délabrée. CF champ
lexical religieux.
 Une forme d’apologue : récit narratif
Victor Hugo ici nous montre que le poète est voyant, qu’il perçoit une réalité que les hommes communs ne
percoivent pas. Ou vous y voyez un romantisme social ou une forme de symbolisme comme chez Baudelaire. (Cf
« À une mendiante rousse », extrait du recueil Les Fleurs du Mal offert au public en 1857) ou Emile Verhaeren,
dans son œuvre titrée « Les Mendiants », tirée du recueil Les campagnes hallucinées paru en 1893.
N’est pas que dans le discours : Il en appelle à des lois sociales, seules susceptibles d’améliorer les conditions de
vie, épouvantables, des pauvres au XIXe siècle.
Autres combats de Hugo : la place de la femme, l’esclavagisme, la peine de mort, les persécutions religieuses…
Sujet EAF Antilles : Dissertation :
La poésie doit-elle être selon vous le reflet des préoccupations de la société ? Vous répondrez de façon
argumentée et prendrez appui sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos
lectures personnelles