Proposition de stage M2 2006-2007 Sujet : Diversité génétique et viabilité des populations d’une Bryophyte forestière, Dicranum viride (Sull. & Lesq.) Lindb. en France. Responsables : Catherine Rausch, Jacques Bardat (Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 5202, Département SE) et Nathalie Machon (Muséum National d’Histoire Naturelle, UMR 5173, Département EGB), En collaboration avec le Service de Systématique Moléculaire du Muséum National d’Histoire naturelle Introduction Dans l’évolution, les bryophytes sont situées à l’interface entre les algues et les végétaux vasculaires. Elles sont très probablement les toutes premières plantes à avoir colonisé le milieu terrestre. Leur cycle de reproduction, avec une phase haploïde dominante et une phase diploïde réduite ou parfois inconnue, les place à part de tous les autres végétaux terrestres et l’absence de racines et de système vasculaire les rend particulièrement sensibles aux variations du milieu. Elles sont traditionnellement considérées comme des organismes ayant un faible taux d’évolution et peu de différenciation génétique intraspécifique. Cependant, les études de variabilité génétique chez les bryophytes sont très peu développées. La prépondérance de leur phase haploïde et leur mode de reproduction et de dispersion par voie sexuée et/ou asexuée en font pourtant un modèle intéressant et pratique pour des études de génétique des populations. Une meilleure connaissance de la variabilité génétique des bryophytes apportera des données nouvelles sur l’évolution des traits d’histoire de vie, sur la dispersion, chez un groupe encore très largement méconnu et permettra d’approfondir divers aspect : - Intérêt et coût de la reproduction sexuée versus reproduction asexuée : Cette question, encore débattue à l’heure actuelle doit s’appuyer sur des modèles. Un modèle présentant un cycle à deux générations et à haplophase dominante, pouvant comporter des espèces dioïques ou monoïques, à reproduction asexuée plus ou moins développée (pour certaine espèce, le seul mode de reproduction connu) pourra apporter des données nouvelles dans ce domaine ; - Protection des espèces vulnérables : une meilleure connaissance de la variabilité des espèces, et de la répartition des populations et sous-populations permettra également de mieux définir les protocoles de gestion à un niveau local ou régional, ainsi que les stratégies de conservation. Contexte de l’étude : Une espèce de mousse a été choisie comme modèle d’étude : Dicranum viride, espèce vulnérable à l’échelle européenne (Directive Habitat, 1992, convention de Bern, 2003). très peu répandue trouvée très localement dans quelques sites en France (quart nord-est de la France). La reproduction sexuée étant inconnue en Europe, la propagation se ferait quasi exclusivement par voie asexuée. Cette espèce est connue pour se développer végétativement par brisure des apex des feuilles en Europe. Cette étude fait suite à une première étude sur la diversité génétique de cette espèce en France, réalisés dans le cadre d’un stage M1 (par Amélie Pichonnet en 2006). Les premiers résultats 1 ont montré une variabilité génétique très faible suggérant une population clonale à l’échelle de la France (61 colonies prélevées issues de 3 populations françaises : Fontainebleau, Allier, Alsace et 41 testées). Cependant, cette étude étant basée sur un faible nombre de marqueurs, une étude plus approfondie, tant par une augmentation du nombre des marqueurs (RAPD, ISSR, microsatellites) à tester, que par une augmentation du nombre de sites étudiés, en France et hors de la France permettra de confirmer ce résultat et d’aborder les questions suivantes : Quelle est la distribution de la variabilité génétique (si légère soit-elle) ? Cette espèce est-elle organisée en populations clonales ? A quelle échelle ? Combien d’individus ou fragments d’individus auraient fondé les populations françaises actuelles (au moins celles de Fontainebleau) ? Quelle est leur origine probable (croisement avec les données de la littérature, d’herbier, écologiques, floristiques, climatiques, paléoclimatiques…) ? Quels sont les modes probables de propagation et de dispersion de l’espèce (reproduction végétative par brisure des apex foliaires) ? Le déclin des populations françaises est-il lié à son mode de reproduction exclusivement asexuée ? Déroulement du stage : IL s’agit de poursuivre le travail commencé au cours du stage M1. Le stage proposé comporte 5 étapes : 1- Traiter les 20 échantillons n’ayant pas pu être analysés dans le cadre du stage M1 avec les deux mêmes amorces 2- Rechercher d’autres amorces RAPD et ISSR voire microsatellites afin de retraiter les 61 échantillons prélevés, puis refaire des dendrogrammes à partir de l’ensemble des données afin de confirmer les résultats obtenus. 3- Echantillonner d’autres populations en France : Pyrénées, Est de la France (FrancheComté, Lorraine) et en Allemagne dans le cadre 2 ou 3 missions. 4- Traiter l’ensemble des échantillons : échantillons français, allemands, plus les échantillons canadiens (qui doivent nous être expédiés par un bryologue Canadien) avec les amorces sélectionnées. 5- Commencer une étude complémentaire de phylogénie moléculaire sur l’ensemble du genre (qui comporte une trentaine d’espèces), afin de faire le lien entre phylogénie et variabilité au sein de ce genre. Echantillonnage : un renforcement des prospections est prévu dans les Pyrénées, en Alsace, en Lorraine, dans le Nord Pas de Calais. Nous sommes également en contact avec des bryologues étrangers pour obtenir du matériel frais, notamment au Canada (Québec) et en Allemagne. Nous envisageons également une mission en Allemagne si cela est nécessaire (région Bade-Wurtemberg, dans le sud de l’Allemagne). L’objectif de ces échantillonnages est de disposer d’une part d’individus provenant de plusieurs localités en France et en Allemagne (où cette espèce est plus abondante qu’en France, avec un mode de dispersion similaire, par voie asexuée) et d’autres part d’une population de référence, présupposée issue d’une lignée différente des lignées françaises (population extracontinentale (Canada, Amérique du Nord), chez laquelle la reproduction sexuée est observée). 2 Choix des techniques utilisées : les amorces RAPD et ISSR ont été choisies pour leur facilité de mise en œuvre, et le peu de matériel biologique nécessaire (espèce ténue, et de surcroît vulnérable donc à prélever avec beaucoup de parcimonie pour ne pas mettre en péril les populations). Nous testerons d’autres amorces pour avoir davantage de marqueurs car les données récentes d’utilisation de ces amorces sur les bryophytes ont montré qu’elles donnaient de bons résultats (Pichonnet, 2006 ; Skotini, 2004 ; Hassel & Gunnarsson, 2003 ; Scott, 2002 ; Stenoien & Flatbery, 2000). Nous envisageons également de tester des amorces microsatellites développées sur un autre genre de mousse, Polytrichum (Van der Velde & During, 2001 ; Van der Velde & Van de Zande, 2001), bien que cette technique nécessite des essais préparatoires, consommateurs de biomasse. Résultats attendus : Ainsi, on aura une première idée du niveau d’hétérogénéité génétique des différentes populations de cette espèce, au niveau français, par rapport à des populations canadiennes, ce qui donnera une première indication sur l’histoire démographique des populations et les flux de gènes qui existent entre elles. Cette étude permettra de mieux comprendre le rôle de la reproduction asexuée dans les stratégies adaptatives chez les bryophytes via la dispersion et la variabilité, et de mieux préciser la vulnérabilité des cette espèce en France. Poursuite du travail dans le cadre d’une thèse : Un sujet de thèse est prévu et sera déposé à l’ED MNHN pour la suite des recherches sur le thème de l’étude de la variabilité génétique des bryophytes, en liaison avec l’évolution des traits d’histoire de vie et du rôle des systèmes de reproduction dans l’adaptation et l’évolution de ce groupe. D’autres espèces du même genre (qui comporte une trentaine d’espèces à stratégies de reproduction différentes) seront étudiées et une phylogénie moléculaire de ce genre sur lequel très peu d’informations sont disponibles, sera réalisée. Elle permettra d’établir des comparaisons entre relations phylogénétiques et traits d’histoire de vie. Publications des équipes d’accueil en lien avec le sujet : PICHONNET, A., 2006. Première étude de la variabilité génétique de quelques populations françaises de Dicranum viride (Sull. & Lesq.) Lindb. Rapport de stage de master Sciences de l’Univers, Environnement, Ecologie, Spécialité Ecologie, Biodiversité, Evolution ; Université P6, Université P11, ENS, INRA, M1, 43 p. Catherine Rausch et Jacques Bardat apportent la compétence dans la connaissance des organismes étudiés : écologie, biologie, répartition, identification des mousses. LEBLOND S., GOMBERT, S., COLIN J.-L., LOSNO, R. & RAUSCH DE TRAUBENBERG C., 2004. Biological and temporal variations of trace element concentrations in the moss species Scleropodium purum (Hedw.) Limpr. Journal of Atmospheric Chemistry, 49, 95-110. BARDAT J., F., BIORET, M.BOTINEAU, V. BOULLET, R. DELPECH, J.-M., GÉHU, J. HAURY, A. LACOSTE, J.-C. RAMEAU, J.-M. ROYER, G. ROUX, J. TOUFFET, 2004 Prodrome des végétations de France., 2004 Paris, Editions du Muséum National d’Histoire Naturelle, Collection du Patrimoine Naturel, 150 p. BARDAT, J. & HUGONNOT, V., 2002. Les communautés à Dicranum viride (Sull. & Lesq.) Lindb. en France métropolitaine. Cryptogamie, Bryologie, 2002, 23 (2), 123-147. BARDAT J. & HAUGUEL J.C. 2002. Synopsis bryosociologique pour la France. Cryptogamie, Bryologie, 2002, 23 (4), 279-343. 3 Nathalie Machon et son équipe étudient la diversité génétique et la viabilité des populations de diverses espèces de plantes menacées d’extinction. LE CADRE S., BOISSELIER-DUBAYLE M.C., LAMBOURDIERE J., MORET J. , MACHON N., SAMADI S. 2005 Polymorphic microsatellites for the study of Aconitum napellus L. (Ranunculaceae), a rare species in France. Molecular Ecology Notes, Vol 5 p. 358-360. NOEL F., BOISSELIER-DUBAYLE M.C., LAMBOURDIERE J., MACHON N., MORET J. SAMADI S. 2005 Characterization of seven polymorphic microsatellites for the study of two Ranunculaceae : Ranunculus nodiflorus L., a rare endangered species and Ranunculus flammula L., a common closely-related species. Molecular Ecology Notes, Vol 5 p827-829 NOEL F., PORCHER., MORET J., MACHON N. 2006 Connectivity, habitat heterogeneity, and population persistence in Ranunculus nodiflorus L., an endangered species in France. New phytologist vol 169 p.71-84 Publications récentes sur des sujets proches issus d’autres laboratoires : Skotnicki, M. L., A. M. Mackenzie, et al. (2004). "High levels of genetic variability in the moss Ceratodon purpureus from continental Antarctica, subantarctic Heard and Macquarie Islands, and Australasia." Polar Biology 27(11): 687 - 698. Hassel, K. and U. Gunnarsson (2003). "The use of inter simple sequence repeats (ISSR) in bryophytes population studies." Lindbergia 28(3): 152-157. Scott, K. M. and B. Crandall-Stotler (2002). "RAPD Polymorphism as an Indicator of Population Structure, Breeding System, and Speciation in Fossombronia." The Bryologist 105(2): 225-232. Van der Velde, M., H. J. During, et al. (2001). "The reproductive biology of Polytrichum formosum : clonal structure and paternity revealed by microsatellites." Molecular Ecology 10: 2423-2434. Van der Velde, M., L. Van de Zande, et al. (2001). "Genetic structure of Polytrichum formosum in relation to the breeding system as revealed by microsatellites." Journal of Evolutionary Biology 14: 288-295. Stenoien, H. K. and K. I. Flatberg (2000). "Genetic variability in the rare Norwegian peat moss Sphagnum troendelagicum." Bryologist 103(4): 794-801. 4