Avant que le conflit syrien n’éclate, quels étaient les débouchés des réserves ? Quelle part
était réservée à la consommation interne ? Quelles proportions étaient destinées à
l’export ?
Entre 2008 et 2010, la Syrie produisait en moyenne 400 000 barils de pétrole par jour. La
grande majorité de cette production était réservée à la consommation locale, le reste (environ
140 000 barils/jour) était destiné à l’exportation. Plus de 90% des exportations pétrolières
syriennes étaient à destination des pays de l’Union européenne, notamment l’Allemagne (32%),
l’Italie (31%) et la France (11%). Ces exportations représentaient environ 30% du PIB de la
Syrie.
Quelle place occupait la Syrie dans l’échiquier énergétique régional avant 2011 ? Quels
projets ont été interrompus dans leur réalisation par le conflit en cours ?
La situation géographique du pays, frontalier à l’Irak, à la Turquie et disposant d’une large
façade maritime, lui permettait d’être un couloir énergétique idéal pour le transit de gaz du
Moyen-Orient vers l’Europe. En 2009, l’émir du Qatar proposait ainsi à Bachar El-Assad la
construction d’un gazoduc reliant leurs deux pays en passant par l’Arabie saoudite et la Jordanie
afin d’acheminer le gaz du gisement North Dome, situé dans le Golfe persique, vers l’Europe. Or,
le Qatar partage une partie de ce gisement avec l’Iran, un allié privilégié de la Syrie. Pour cette
raison, Damas a refusé le projet qatari et a signé en 2011 avec Téhéran un accord pour la
construction d’un gazoduc reliant l’Iran à la Syrie en passant par l’Irak (Islamic gaz pipeline). Ces
projets ont été gelés avec le début de la guerre civile.
Quels sont les enjeux énergétiques du conflit en cours ?
Les enjeux énergétiques de ce conflit se situent essentiellement à un niveau régional. Ils
permettent d’expliquer, en partie, le comportement des États alliés ou opposés à l’actuel
gouvernement syrien. En effet, le projet de gazoduc qatari pourrait être relancé si les rebelles
faisaient chuter le régime en place, ce qui explique que le Qatar aie pu apporter un tel soutien à
la rébellion syrienne. En outre, ce gazoduc serait aussi une aubaine énergétique pour l’Union
européenne qui souhaite le raccorder au gazoduc Nabucco (en projet), et ainsi réduire sa
dépendance vis-à-vis du gaz russe. Là encore, on pourrait y voir une des raisons pour lesquelles
les pays de l’UE souhaitent la fin du régime de Bachar El-Assad. À l’inverse, l’Iran, qui a signé un
accord pour la construction de l’Islamic gas pipeline, souhaite que le régime se maintienne au
pouvoir, tout comme la Russie, qui envisage de relier l’Islamic gas pipeline au futur gazoduc,
South Stream, construit par Gazprom. D’un point de vue énergétique, au-delà de l’Iran et du
Qatar, ce sont finalement l’UE et la Russie qui s’opposent et l’on retrouve cet affrontement sur la
scène politique.
Comment les ressources énergétiques sont-elles utilisées par les acteurs du conflit,
notamment les entités non étatiques comme le PYD et les groupes rebelles ?
Depuis plusieurs mois déjà, les groupes rebelles et le PYD - le principal parti kurde - contrôlent
le nord-est du pays, une région dans laquelle se trouvent de nombreux gisements pétroliers. Au
début de l’année 2013, l’Union européenne a décidé de lever partiellement l’embargo pétrolier
adopté à l’automne 2011 contre la Syrie, permettant ainsi à des entreprises européennes
d’acheter du brut syrien issu des puits contrôlés par les rebelles. Il y a donc un enjeu, pour les
groupes rebelles, à s’approprier des puits de pétrole pour les exploiter économiquement. Pour le
régime syrien, l’instrumentalisation du pétrole à des fins politiques est impossible. Au contraire,
l’UE l’utilise contre lui pour l’affaiblir par le biais de sanctions.