Blache Raphaëlle ECE 1
LE CAPITALISME UTOPIQUE
Histoire de l’idée de marché.
Pierre Rosanvallon ;
Edition originale : 1979, puis rééditions février 1989, février 1999 ;
Editions du Seuil.
1ère Partie : Economie et société de marché
I. La question de l’institution et de la régulation du social aux XVII° et XVIII° siècles.
II. L’économie comme réalisation de la politique (le marché et le contrat)
1. Hume et Smith, philosophes du XVIII siècle.
2. L’économie comme réalisation de la philosophie et de la politique.
3. La signification du paradoxe physiocratique.
4. Adam Smith , l’anti-Machiavel.
III. Le nouveau commerce ou la société civile de marché.
IV. La déterritorialisation de l’économie.
V. L’Etat-nation et le marché.
2nde partie : Les avatars de l’idéologie économique
I. Paine, Godwin et le libéralisme utopique.
II. Hegel, de la main invisible à la ruse de la raison.
III. Marx et le retournement du libéralisme.
IV. Capitalisme, socialisme et idéologie économique.
1. Le libéralisme introuvable.
2. Développement du capitalisme et désenchantement de l’économie politique
3. L’effet politique de l’idéologie économique
4. Le libéralisme dans nos têtes.
II.L’économie comme réalisation de la politique. (Le marché et le contrat)
1. Hume et Smith, philosophes du XVIII°siècle.
En Angleterre au XVIII°, retour au concret = intérêt pr le fonctionnement réel de la société. Décalage
ac la France car celle-ci encore une monarchie absolue, critique du despotisme plus urgente tandis
que l’A. est une monarchie constitutionnelle = possibilité d’une réflexion novatrice (influence de
Locke) .
Mandeville puis Hume estiment que c’est par l’intérêt qu’il faut gouverner les hommes. Essai de 1741
sur L’indépendance du parlement est significatif : « Il faut rendre leur avarice insatiable, leur ambition
démesurée et tous leurs vices profitables au bien public ». Concept d’intérêt est encore indifférencié,
pas encore de connotation éco. Il situe encore ds le champ politique la question de l’adéquation
des intérêts particuliers à l’intérêt général. Il conçoit donc encore la régulation du social sur un
mode politique. Puis progression de sa pensée = prise de distance dans Le contrat primitif (1748)
avec les interrogations du siècle précédent de Hobbes à Hume. Il ne nie pas la théorie du contrat
primitif mais considère qu’ « il a fort vieilli ». Constate au contraire que les gouvernements sont bâtis
sur l’usurpation/la conquête/ la force. Pr lui, la philosophie politique n’a forgé que des systèmes
spéculatifs « Que ces discoureurs ouvrent les yeux pour un moment afin de voir ce qui se passe dans
le monde. Y trouveront-ils rien qui réponde à leurs idées, rien qui serve à confirmer un système aussi
abstrait et aussi quintessencé ? ». Déplacement de la problématique : institution de la sté => son
fonctionnement. Il donne un nouveau sens au concept d’intérêt classique : intérêt/passion =>
intérêt/besoin. Besoin devient le guide de l’intérêt. Nouvelle conception déjà développée par Hume
en 1739 = théorie de la sympathie pitié et compassion comme fondement de la sociabilité car
identité de nature entre les hommes.
Retour en arrière sur la pensée de Hume, car Smith fut influencé par les grandes idées de son époque
dans la rédaction du Théorie des sentiments moraux. Il y reprend de manière scientifique et
rationnelle les idées de Hume et Mandeville. Smith envisageait la TSM comme l’achèvement de la
philosophie morale. Formalise la notion de sympathie « Ce n’est point le souvenir de ce que nous
avons gagné ou souffert qui déterminent nos applaudissements ou notre mépris pour les héros et les
scélérats qui nous ont précédé, mais la conception et l’image des avantages et des malheur que nous
éprouverions si nous avions à vivre avec eux ». Fondement naturel à l’ordre social sans avoir recours
au politique (Rousseau) . Théorie valide car accompagnée d’une apologie de la frugalité : « L’estomac
du riche n’est pas en proportion avec ses désirs et il ne contient pas plus que celui du villageois
grossier » = le riche peut consommer des choses plus chères et plus rares mais pas une plus grande
quantité. Souvent éludé mais très important : la frugalité est un instrument de modération des
passions et de régulation de la vie sociale. Cela lui permet de développer sa théorie fondamentale
de l’égalisation relative des intérêts et des besoins exprimée dans ce passage de la TSM : « Une
main invisible semble forcer les riches à concourir à la même distribution des choses nécessaires à la
vie qui aurait eu lieu si la terre eut édonnée en égale portion à chacun de ses habitants ; et ainsi
sans même en avoir l’intention , sans même le savoir le riche sert l’intérêt social et la multiplication
de l’espèce humaine. »
2. L’économie comme réalisation de la philosophie et de la politique.
L’ensemble de la TSM marquée par une réserve, comme si Smith doutait de la réalité effective des
«doux nœuds de l’amour et de la bienveillance » Cette hésitation = économisation de sa pensée.
Même si il n’ya pas de bienveillance, le lien social se maintient pr des raisons économiques. « La
société peut alors subsister entre les hommes comme elle subsiste entre les marchands par le
sentiment de son utilité sans aucun lien d’affection […].( TSM) = Vrai tournant de la pensée de Smith ;
pas de coupure entre la TSM et la RDN, entre un texte idéaliste/philosophique et un texte
réaliste/économique. Continuité totale entre ce passage et celui de la RDN : « Ce n’est pas de la
bienveillance du boucher, du marchands de bien ou du boulanger que nous attendons notre diner
mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité mais
à leur égoïsme, ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur
avantage » (RDN, livreI, chapII). De l’intérieur de la pbtique de TSM nait la quest° économique, du
sein même de sa limite. Smith devient économiste dans sa philosophie, presque à son insu.
L’économie ne sera pas pour lui un domaine séparé mais l’essence et le résumé de la société, le
terrain solide sur lequel l’harmonie sociale pourra être pensée et pratiquée. Smith devient presque
économiste par nécessité philosophique. Mutation intérieure du philosophe à l’économiste = figure
même de la modernité à la fin du XVIII°siècle.
Avec Smith, l’idéologie économique est au cœur de la modernité. Celle-ci ne s’introduit pas par
effraction dans la pensée moderne, elle s’affirme dans son mouvement le plus intérieur et le plus
nécessaire. = Solution concrète aux problèmes décisifs des XVII° et XVIII°siècles : ceux de
l’institution et de la régulation du social. Deux précisions sont nécessaires :
Pas de lien mécanique entre le développement de l’esprit capitaliste et la formation de
l’idéologie économique moderne =2 notions bien distinctes. L’esprit capitaliste =
émancipation de la morale commerciale vis-à-vis de la morale chrétienne alors que
l’idéologie éco = pas fondée sur la justif° morale de l’enrichissement ( cf Frugalité chez
Smith) mais sur le fait que les rapports entre les hommes sont compris comme des rapports
entre des valeurs marchandes.
On ne peut soutenir une concept° purement diffusationniste du capitalisme = idéologie éco
pas un élément marginal qui s’est peu à peu diffusé mais au contraire à la base de la pensée
moderne.
Voyons de quelle manière l’idéologie éco répond aux pb de l’institution et de la régulation du social.
Concept de marché selon Smith = résout 2 pbs sans réponse dans la philo. politique de son temps.
1/Question de la guerre/paix entre les nations ; 2/ Question du fondement de l’obligation dans le
pacte social. De plus, renouvèlement de la théorie de l’institut° du social.
La question de la paix entre les nations.
Concept de marché = nouvelle manière de traiter guerre/paix entre les nations. Avant la paix entre
nations ne pouvait être saisie avec les concepts qui ont permis de penser la paix civile. Au contraire
idéologie éco. permet un traitement + logique du pb . « Du point de vue du commerce , le monde
entier n’est qu’une seule nation ou un seul peuple, à l’intérieur duquel les nations sont comme des
personnes » Sir Dudley North ,1691, Discourses upon trade. = jugement partagé au XVIII°siècle.
Montesquieu « l’effet naturel du commerce est de porter à la paix » (Esprit des Lois, XX).
Logique d’un jeu à somme nulle (puissance) => logique d’un jeu à somme positive ( commerce).
= substitution de l’économique à la politique pour fonder un nouvel ordre international. Distinction
paix civile (garantie politiquement) et paix entre nations ( garantie par le commerce) tend à
s’estomper. L’idéologie politique permet de comprendre ds un même mouvement paix civile et
paix entre les nations , pb sur lequel butait la philosophie politique classique. Cette paix entre les
nations n’exclue toutefois pas une « guerre d’industrie » ( expression de Beccaria) , c’est la
concurrence. Or la concurrence est un instrument d’égalisation entre les classes sociales comme
entre les nations . « La guerre recomprise devient ainsi l’instrument de la paix » =bouleversement
de la représentation politique du monde.
Question du fondement de l’obligation dans le pacte social.
Chez Hobbes : C’est le souverain qui garantit le bon ordre social mais critique du despotisme au
XVIII°siècle impose la recherche d’une nouvelle solut°. Pour Rousseau : l’obligation de respecter le
pacte social et de se soumettre à la volonté générale est seulement fondée sur le libre engagement
de chacun = aucune autorité supérieure/extérieure . L’obligation est alors l’affirmation la plus élevée
de la liberté. Mais seulement si l’individu a conscience de l’identité entre son intêret et l’intêret
collectif. La main invisible permet de dépasser la difficulté du fondement de l’obligation dans le
contrat social sans revenir au despotisme : penser une société sans centre , abolition « pratique »
entre l’intérieur et l’extérieur, entre la société et l’individu. Dépasse le pb du législateur ( Helvétius ,
Bentham, Beccaria) = le marché constitue une loi régulatrice sans gislateur. Les rapports
d’échanges de marchandises et d’échange entre les hommes sont réglés selon la même loi de la
valeur, sans aucune intervention extérieure. Le concept de marché est donc d’une très grande
fécondité politique = réalise la philosophie et la politique au sens de Smith.
Représentation économique de la société renouvèle la théorie de l’institution du social.
Renouveau manifeste ds les travaux de l’école historique écossaise du XVIII°siècle : Smith, Adam
Ferguson, William Robertson, John Millar. Robertson et Millar apparaissent comme des précurseurs
du matérialisme historique : ils ne recherchent plus les fondements de la société dans la politique
mais dans l’économie. Ils pensent avant Marx que l’anatomie de la société civile doit être
recherchée dans l’économie politique. Stewart développe une thèse analogue danssa Recherche des
principes de l’économie politique : il tente de comprendre les différentes formes de régimes
politiques à partir de l’économie. Il introduit une lecture historique de la politique = montre
comment on peut expliquer les différents modes de subordination politique à partir des différents
mode de dépendance éco. 4 types de dépendances : )dépendance pour la conservation de sa
propre vie = maitre/esclave. 2°)dépendance pour toute sa subsistance = parents/enfants.
3°)dépendance pour les moyens de gagner sa subsistance = laboureur/seigneur féodal. 4°)
dépendance vis-à-vis de la vente du produit de sa propre industrie = . A chaque dépendance
correspond un rapport social particulier et forme spécifique de gouvernement :
esclavagiste/patriarcal/féodal/démocratique. Pr lui , la liberté moderne n’est qu’une conséquence de
l’indépendance économique que traduit le fait de produire sur un marché. L’instauration d’un régime
démocratique ( meilleur pr donner naissance au commerce extérieur) ou républicain ( + favorable au
dévpt du commerce et de l’industrie) s’inscrit naturellement dans le cadre du développement des
forces productives. Ainsi, pour Stewart , non seulement le marché se substitue au contrat social ,
mais il devient la force motrice de l’avènement de la démocratie.
3. La signification du paradoxe physiocratique.
Engouement pour l’agriculture a aussi une significat° philosophique profonde car signe d’une mutat°
intellectuelle = « la terre symbolise l’enracinement de la vie sociale dans le sous sol des besoins » .
propre des physiocrates est de radicaliser à l’extrême rapports économie/politique jusqu'à la
suppression du concept de politique C’est par les choses que les hommes sont gouvernés »
(Mirabeau). Ambition de Quesnay de fonder une science qui embrasse les hommes et les choses =
novateur. Il doit y avoir pour eux une fusion et un dépassement des concepts de politique et d’éco.
Dupont de Nemours forge le terme de physiocratie ( = gouvernement de la nature des choses ).
Représentat° fondée sur la corrélation intime de l’ordre physique ac l’ordre moral et social = pas de
distinct° droit naturel/positif. Le gouvernement ne doit pas seulement se conformer à ses lois, il se
réduit à ces lois qui l’expriment tout entier . Leur négation de la politique = gigantesque
refoulement de l’histoire. Pr eux le temps est suspendu « L’ordre physique est un ordre absolu, un
ordre immuable dont nous ne pouvons nous écarter qu’à notre préjudice » ( Mercier de la Rivière,
L’ordre naturel ).Critique la démocratie qu’ils assimilent au tumulte des foules et de la distinction des
pouvoirs théorisée par Montesquieu = l’ordre naturel ne se déploie que ds une sté homogénéisée et
unifiée . Réduction de la politique au gouvernement , et du gouvernement à une mécanique la +
simple possible. Radicalité = fragilité. Ils ne peuvent rejeter totalement la politique comme le montre
la distinction entre société naissante ( politique) et société formée ( abandon de la politique = ordre
naturel ). Donnent raison d’être à cette distinction qu’ils récusent entre état nature/civil , droit
naturel/positif. Contradict°théorique qu’ils ne peuvent dépasser. Le politique est refoulé = apologie
du despotisme personnel et légal. Le despot est gardien d’un ordre naturel auquel les hommes ne
sont pas encore attachés. Fonct° du despote est de veiller à ce que la politique ne se réveille pas =
maintenir la disparition du politique. Contradict° n’est dépassée que par la marginalisation de la
réalité. Mercier de la Rivière pense que les guerres ne sont dues qu’ « aux plans mal combinés d’une
politique factice et arbtraire ». La politique des rapports de force est niée car non correspondante
avec la théorie = pas d’existence pratique parce qu’elle n’a pas de validité théorique. Pensée
physiocratique se place ds un gigantesque refoulement de la réalité, nécessaire pour surmonter ses
contradictions.
Force du libéralisme de Smith est d’être moins absolu = + réaliste et utopiste. Critique de la
survalorisation de l’agriculture mais aussi de la nécessité d’une parfaite liberté, parfaite justice ,
parfaite égalité pr qu’une nation puisse prospérer. Les physiocrates pensent l’ordre à partir de
l’ordre, Smith l’ordre à partir du désordre.Il pense en terme d’autorégulation plus que de lois
mécaniques = se sent étranger au système physiocratique meme si même aspiration fondamentale
au laissez faire.Critique donc bcp plus féconde car non basée sur celle du despotisme.
4. Adam Smith , l’anti Machiavel.
Si Smith est considéré seulement comme un économiste = peu original . A bcp emprunté Cantillon,
Boisguilbert, William Petty, Mandeville , aux physiocrates. Selon Schumpeter « Il ne parcourut que
des chemins battus (…) mais esprit d’une clarté lumineuse, il élabora une œuvre grandiose, fruit du
travail de toute son existence (…) » ( Esquisse d’une histoire de la science économique ). En tant
qu’économiste = vaste travail de synthèse mais pas génie .
Vision trop limitée de l’apport de Smith = pas l’apôtre du capitalisme naissant , découvre le sens de la
société moderne sans enthousiasme, comme un simple témoin. D’ailleurs , il partage la critique de la
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