•Légendes libérales
Pour être complet, il nous faut également démonter quelques mythes, quelques légendes urbaines
libérales.
- L'homo œconomicus ne peut pas exister. C'est un homme sans qualité mais qui entend maximiser
ses gains, ses profits. Or, si l'on veut maximiser ses gains et ses profits, c'est précisément parce
qu'on est mû par des affects, des souhaits, des aspirations qui n'ont rien à voir avec le gain (l'envie,
la jalousie, le désir, la crainte, la peur, la volonté, etc.). Si ces qualités qui génèrent l'appât du gain
existent, elles doivent forcément générer des affects, des aspirations opposées, contraires à la
volonté de gain. L'homo oeconomicus n'existe donc pas. L'image qui est demandée dans l'emploi,
dans la soumission à un modèle économique est issue d'un masque, d'un as if dont les actes sont en
décalage par rapport aux désirs de l'intéressé.
- L'économie du troc n'a jamais existé historiquement. On est passé d'une économie partagée,
commune à une économie monétaire sur les décombres de laquelle le troc a pu parfois apparaître.
L'argent n'a pas été créé pour faciliter le troc mais pour solder le butin des mercenaires-soldats (voir
Graeber, Les 5000 premières années de la dette.). Quant à l'économie du don, elle n'a absolument
rien à voir avec l'argent puisque c'est le don qui assied le pouvoir (et non le fait de thésauriser, le
fait d'accumuler les dons donnés par d'autres).
- La liberté dont se réclame le libéralisme s'oppose à la coercition que ce système économique
génère. En fait, la contradiction se fait dans la propriété. Dans la propriété d'usage, on n'affecte la
liberté de personne d'autre, mais, dans la propriété lucrative, on s'accapare une partie du fruit du
travail d'autrui, ce qui est une aliénation de la liberté d'autrui et de ses droits à la propriété d'usage
sur son travail. L'aiguillon de la nécessité se fait de plus en plus impérieux à mesure que les
propriétaires accumulent le capital et anéantit la liberté de ceux qui y sont soumis, de plus en plus
nombreux, de plus en plus fort.