Echange intra-branche et spécialisation industrielle en Europe : l

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Echange intra-branche et spécialisation industrielle en Europe : l’enjeu de la qualité
Cristofari Catherine
Université de Corse, IDIM
E-mail : [email protected]
Septembre 2002
Introduction
Il est aujourd’hui largement reconnu que les processus d’intégration économique affectent la
nature des localisations industrielles ainsi que leur profil de spécialisation. Dans ce cadre,
l’observation récente des structures industrielles au niveau européen met en évidence de
nouveaux enjeux quant aux relations qui lient intégration, spécialisation, concentration et
nature des échanges. En effet, à l’opposé des scénarios théoriques adhérant au schéma
« intégration – spécialisation – commerce inter-branche », réapparus avec les modèles de la
Nouvelle Géographie Européenne au début des années 90, les analyses empiriques sur
longue période du commerce européen (Commission Européenne [1997], Freudenberg,
Fontagné [1998], [1999], Brüllhart [1996], Greenway et Milner [1986, 1987, 1994, 1996],
Greenway et Torstensson [1997]) suggèrent clairement que la majeure partie des échanges
intra-communautaires consiste en ce que l’on appelle communément aujourd’hui « l’échange
intra-branche », à l’opposé de l’échange inter-branche précédemment cité.
En outre, depuis les années 80, l’échange croisé de produits de différentes qualités émerge
de façon indéniable en Europe marquant une spécialisation par gamme au sein des
industries, à défaut d’une spécialisation par industrie.
La qualité des produits et les choix de positionnement de gamme faits par les producteurs
jouent désormais un rôle central, non seulement pour expliquer les forces de polarisation, et
donc anticiper sur le devenir des spécialisations régionales européennes, mais aussi pour
expliquer certains phénomènes de rattrapage tels que ceux de l’Espagne ou du Portugal.
L’objectif de cet article est donc de montrer que ce fait stylisé majeur de la dynamique des
échanges intra-communautaire constitue un enjeu empirique et théorique de premier plan,
laissant entrevoir une grande diversité de configurations d’échange possibles, ce qui devrait
inciter la théorie à s’intéresser à un positionnement basé sur la qualité des produits,
dimension jusque là écartée du champ d’analyse relevant de la Nouvelle Géographie
Economique (NGE).
Dans ce cadre, la première section de ce papier s’intéresse plus particulièrement à l’aspect
empirique des spécialisations industrielles européennes ainsi que de ses comportements
d’échange en mettant en lumière l’importance croissante prise par la différentiation verticale
dans la progression du commerce intra-branche en Europe sur les quinze dernières années.
La seconde section de ce papier présentera les fondements de notre réflexion théorique
visant à l’élaboration d’un modèle de Géographie Economique intégrant la dimension
« qualité », à travers la définition de la structure et des hypothèses de base du modèle
formel.
1
- I – Echange intra-branche et spécialisation technologique des pays membres de
l’UE : une analyse empirique.
1. 1 Un commerce intra-branche faisant une large place aux échanges de
qualité.
L’émergence d’importation et d’exportation simultanées à l’intérieur d’une même industrie
entre pays à niveau de développement identique, est un des faits stylisés les plus importants
mis en évidence dans les années 60 concernant l’échange international et peut être
considéré comme le point de départ du renouveau de la théorie du commerce international.
En effet, l’émergence de phénomène a été vu et traité comme une invalidation des théories
traditionnelles basées sur les avantages comparatifs. Elle a donc induit un important débat
empirique, suite à l’article fondateur de Balassa (1963) visant à asseoir la pertinence du
phénomène, ainsi qu’un profond renouvellement théorique sous l’impulsion des travaux de
Krugman (1979).
Depuis le début des années 80 avec le développement des modèles de la nouvelle théorie
du commerce international, l’échange inter-branche n’est plus exclusivement associé aux
avantages comparatifs traditionnels : les économies d’échelle externes, les effets des
externalités, mais aussi l’existence d’économies d’échelle poussant à l’agglomération des
activités dans certains lieux jouent désormais un rôle central dans l’analyse de l’échange
international. C’est l’idée qu’a alors défendu Krugman (91) et les modèles de la Nouvelle
Géographie Economique (NGE), en s’intéressant davantage aux conséquences
géographiques des processus de spécialisation ainsi qu’aux processus d’agglomération et
de polarisation à l’œuvre lorsque les coûts de transport diminuent.
Ainsi, plusieurs visions et conjectures ce sont opposées quant aux conséquences du
processus d’intégration économique européenne. Alors que le scénario attendu par les
enseignements de la Nouvelle Géographie Economique suggère une accentuation du
commerce inter-branche1, les évaluations ex post du marché unique, et notamment celles
réalisées par le CEPII (Commission Européenne, 1997, 1999), confirment la progression du
caractère intra-branche des échanges intra-communautaires depuis les années 80.
Dès lors, une nouvelle vague de travaux empiriques est intervenue en réaction à un contexte
nouveau où, non seulement il y croissance du commerce intra-branche, mais aussi et surtout
dans un contexte où cette augmentation concerne davantage le commerce croisé de
produits différenciés par leur qualité.
Parmi les méthodes d’analyse empirique qui ont émergées pour différencier la nature
horizontale et verticale des biens échangés (Abd-el-Rahman (1986) et reprises par
Greeaway, Hine et Milner (1994, 1995), notamment), celle qui apparaît la plus précise et qui
a retenu notre attention est la méthodologie développée par Fontagné et Freudenberg (1997,
1998, 1999).
L’analyse des configurations d’échange y est conduite sur une base strictement bilatérale et
au niveau le plus détaillé de la nomenclature rendu possible par la disponibilité des
statistiques (données publiées par Eurostat de la Nomenclature Combinée à 8 chiffres pour
quelques 10 000 produits). L’étude couvre la période 1980-1999, pour 15 Etats membres de
l’Union Européenne.
Rappelons, que selon l’hypothèse retenue concernant la mobilité interrégionale de la main d’œuvre, les
modèles de NGE prévoient aussi, lorsque l’intégration est très poussée, une redispersion des activités
économiques dans l’espace, laissant la place de nouveau à l’émergence d’un commerce intra-branche.
1
2
Dans cette approche, chaque flux d’échange bilatéral élémentaire (défini par les pays,
partenaires, le produit, les exportations ou importations et l’année), est classé dans l’une des
rois catégories suivantes : le commerce intra-branche en différentiation verticale, le
commerce intra-branche en différentiation horizontale et enfin, le commerce inter-branche.
Pour cela, deux critères sont appliqués selon des seuils fixés arbitrairement : l’un concerne
le degré de similarité des produits et l’autre, le degré de recouvrement des échanges. Plus
précisément, le commerce intra-branche de produits différenciés horizontalement se
caractérise par un degré de recouvrement significatif et de faibles différences de valeur
unitaire (VU), le commerce intra-branche de produits différenciés verticalement par un
recouvrement important des échanges ainsi que par de fortes différences de VU ; enfin, un
recouvrement des exportations et des importations très faible ou nul laisse apparaître un
commerce inter-branche.
En outre, cette décomposition de l’échange et complétée par une analyse de la
spécialisation de l’Europe et de ses pays membres en termes de positionnement sur les
gammes de qualité/prix identifiées au nombre de trois : produits de haut de gamme, de
gamme moyenne et produits de bas de gamme2.
Enfin, la distinction entre la spécialisation par gamme de qualité/prix des pays membres et
leur spécialisation en termes technologiques constitue une dernière dimension importante de
l’analyse permise par la méthodologie de Fontagné et Freudenberg. Nous verrons qu’elle est
particulièrement intéressante au regard des nouvelles théories de la croissance endogène
notamment celles basées sur les échelles de qualité qui conduisent souvent à faire un
amalgame de ces deux dimensions.
Poids relatif des échanges intra-branche différenciés verticalement.
Les résultats des travaux menés selon la méthodologie de Fontagné et Freudenberg
démontrent certaines tendances communes à l’ensemble des pays européens ainsi que
d’autres qui diffèrent fortement selon ces mêmes pays et qui correspondent essentiellement
au clivage Centre-Périphérie.
Le tableau 3 permet analyse précise de l’importance relative des trois types d’échange pour
les 15 Etats membres de l’Union Européenne pour l’année 1999. D’un côté, il met en lumière
les tendances globales de l’échange. D’un autre côté, il permet de souligner de fortes
différentes de situations respectives des pays centraux et des pays périphériques en Europe.
2
Les auteurs utilisent les différences de valeurs unitaires des produits échangés comme reflétant les différences
de qualité. Ici, le positionnement par gamme est identifié par rapport à l’écart à une valeur unitaire moyenne,
celle de la Communauté européenne, et fixé à un seuil, toujours arbitraire, de 15%.
3
Tableau 3 : Part des trois types d’échange pour l’Europe des 15, 1999 (%).
France
Allemagne
BelgiqueLuxemblourg
Angleterre
Autriche
Pays-Bas
Espagne
Italie
Suède
Danemark
Irlande
Portugal
Finlande
Grèce
Intra-UE
IntraIntraInterbranche
branche branche
Horizontal vertical
23.1
47.2
29.7
18.1
49.9
31.3
24.8
41.2
34
13.6
15
16.2
20.8
14.8
7.2
9.1
5.6
11.5
5.5
2.9
52.3
42.2
43.1
35.2
39.8
38.1
35.4
35.1
27.1
25.6
11.4
34.1
42.8
40.6
44
45.4
54.6
55.5
59.3
61.1
68.8
85.7
Intrabranche
horizontal
10.3
5.7
10.9
Extra-UE
IntraInterIntrabranche branche branche
vertical
horizontal
29.1
60.6
18.5
33.2
61.1
13.1
17.9
71.2
20.9
Monde
Intrabranche
vertical
40.7
42.6
34.7
Interbranche
40.8
44.3
44.3
4.8
8.3
3
2.1
2.8
4.2
4.7
5.9
1.1
2.3
1.1
31
25.1
16
11.6
20.1
23.4
16.8
23.3
3.8
12.5
6.1
64.2
66.5
80.9
86.4
77.1
72.4
78.6
70.8
95.1
85.3
92.8
9.8
12.8
11.9
15.3
9.8
6.1
7.7
5.7
9.4
4.2
2.2
43
36.6
34.2
28.2
31.6
32.5
29.4
30.7
22.5
20.3
9.4
47.2
50.7
53.9
56.6
58.6
61.5
62.9
63.6
68.1
75.5
88.4
UE-15
17.2
43.8
39
5.7
Source : d’après Fontagné, Freudenberg (2000).
25.5
68.8
12.9
36.8
50.3
Trois grands faits stylisés peuvent alors être identifiés.
FS1 : Quelle que soit l’importance relative du commerce inter-branche (par rapport au
commerce intra-branche), c’est toujours le commerce intra-branche en différentiation
verticale qui domine par rapport au commerce intra-branche en différentiation
horizontale.
Il est notable que ce constat prévaut quel que soit le niveau de développement du pays
considéré, qu’il appartienne au noyau central de l’Europe ou à sa périphérie3.
On voit bien, à travers le tableau 3, que cette prédominance des échanges de qualités est
très fortement marquée au niveau des échanges intra-UE, dans la mesure où la part du
commerce intra-branche en différentiation verticale est plus de deux fois supérieure à celle
du commerce en différentiation horizontale (17, 2%).
En outre, depuis le début des années 80 et dans la quasi-totalité des pays européens, la part
relative du commerce intra-branche a augmenté par rapport à celle du commerce interbranche et cet accroissement relatif est presque exclusivement rattaché à un échange de
qualité.
Les tendances en taux ont donc joué dans le même sens dans la majorité des pays
européens à l’exception toutefois de la Grèce qui montre une certaine stabilité de ce type
d’échange et de l’Irlande, qui montre un léger déclin.
FS2 : Il existe d’importantes différences entre le Centre de l’Europe et sa Périphérie
concernant l’importance relative des trois types d’échange.
3
On appelle pays périphériques, les pays les moins avancés où les plus excentrés de la zone, à savoir, le
Portugal, la Grèce, la Suède, le Danemark, la Finlande et l’Irlande. La France, l’Allemagne, la zone BelgiqueLuxembourg, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, sont quant à eux considérés comme des pays du centre, faisant
partie du « noyau dur » de la communauté européenne. L’Espagne, l’Autriche et l’Italie formant un groupe
intermédiaire.
4
A titre d’exemple au niveau intra-UE, l’échange intra-branche est beaucoup plus prononcé
pour la France, l’Allemagne, Belgique-Luxembourg et l’Angleterre. En revanche, l’échange
est principalement inter-branche pour les petits pays périphériques, et en particulier pour la
Grèce, la Finlande et le Portugal.
Toutefois, parmi les pays périphériques, certains se distinguent par un dynamisme beaucoup
plus marqué de la part de leur commerce liés à des échanges verticalement différenciés. Il
faut ici souligner les trajectoires particulières de l’Espagne et du Portugal.
En effet, ces deux pays semblent avoir réussi leur intégration dans les échanges intra-UE en
se rapprochant des structures industrielles des pays plus développés. Ce sont les seuls pays
dont l’échange intra-branche, à la fois en différentiation horizontale et verticale, augmente
simultanément dans de fortes proportions.
Ainsi, loin de la spécialisation résiduelle dans les activités abandonnées par le centre, ils
contrastent fortement avec la situation de la Grèce pour laquelle l’évolution de 1980 à 1999
du commerce intra-branche est restée très faible avec une moyenne de 85% d’échanges
inter-branche tout au long de cette période.
FS3 : Emergence d’un échange de qualités entre pays à niveau de développement
différent.
Lorsque l’on étudie la nature des échanges par couples de pays, l’analyse montre que le
commerce inter-branche caractérise principalement les échanges entre pays périphériques4,
alors que l’échange intra-branche, et notamment en différentiation horizontale, est avant tout
un phénomène caractéristique des pays centraux5.
Pourtant, le commerce caractéristique des échanges entre pays du centre et pays
périphériques se fait dans une large mesure, lorsqu’il est intra-branche, sous forme de
différentiation verticale, ce qui traduit l’émergence d’un échange de qualité entre pays à
niveau de développement différents6. Dès lors ; il semble que la similarité entre pays se
traduise par un commerce intra-branche en différentiation horizontale, alors que des pays
économiquement distants peuvent à la fois se lancer dans un commerce inter-branche mais
aussi dans un commerce intra-branche en différentiation verticale, indiquant une forme de
spécialisation plus fine, se faisant sur la base des échelles de qualité.
1. 2 Spécialisation de l’Europe par gammes de qualité et spécialisation
technologique.
La progression constante mise en évidence jusqu’à présent de l’échange intra-banche en
différentiation verticale, sous tend aussi, à travers ce flux simultané d’importations et
d’exportations à l’intérieur des branches, une spécialisation des pays membres sur les
gammes de qualité au sein des branches(cf. note 2).
De la même façon que précédemment, deux faits stylisés émergent :
En effet, le commerce entre la Grèce et l’Irlande (98%) ou le Portugal et la Grèce (96%) ou encore, mais dans
une moindre mesure l’Irlande et le Portugal ou la Grèce et l’Espagne (près de 80%) est presque exclusivement
du commerce inter-branche.
5
Les couples Allemagne-France (83% du total des échanges bilatéraux), Allemagne-RU (74%), France-RU
(70,5%), France-Espagne (70%) ou encore Pays-Bas-Belgique, montrent une prépondérance pour ce type de
commerce.
6
C’est notamment le cas des couples Grèce-Allemagne (2% d’intra-branche horizontal contre environ 13%
d’intra-branche vertical), Grèce-France et Grèce-Angleterre (de 5% contre plus de 15%), ou encore dans une
plus large mesure, les couples Angleterre-Portugal, qui double quasiment sa part d’échange intra-branche
vertical par rapport à celle en différentiation horizontale, ou encore la Grande-Bretagne et l’Irlande, l’Allemagne
et l’Espagne, la France et les Pays-Bas (13% environ d’échange intra-branche en différentiation horizontale
contre près de 45% d’échange intra-branche vertical).
4
5
FS4 : Pour l’ensemble des pays membres, la part relative des exportations de
moyenne gamme a reculé au profit des exportations de haut de gamme.
Même si pour les pays du Sud, la première vague d’intégration du début des années 80 s’est
traduite par un poids grandissant concernant les exportations de bas de gamme, ce sont
bien les exportations de produits de haut de gamme qui voient leur part augmenter depuis
87. Même si l’on ne peut pas parler de rattrapage, on peut néanmoins souligner une certaine
convergence.
FS5 : Les pays du Nord se caractérisent par une place importante des produits haut
de gamme dans leurs exportations, contrastant ainsi avec les pays du Sud spécialisés
au contraire dans le bas de gamme.
On retrouve une nouvelle fois le traditionnel clivage centre/périphérie lorsque l’on étudie la
position de chaque pays en niveau. En effet, Les pays qui exportent du haut de gamme sont
l’Allemagne, l’Irlande, le Danemark la Grande-Bretagne et la France. Les pays du Sud
(Grèce, Espagne, Portugal ainsi que l’Italie), quant à eux, exportent davantage des produits
de gamme moyenne et de bas de gamme7.
Enfin, lorsque l’on aborde la spécialisation de l’UE-15 par gammes, c’est-à-dire, si l’on classe
les échanges selon les segments de qualité-prix, faisant ressortir les points forts et les points
faibles de l’UE par gamme, on remarque une très nette spécialisation de l’UE dans les
produits de haut de gamme. Ceci montre donc l’importance de la qualité des produits
européens8.
FS6 : Un pays peut être spécialisé dans le bas de gamme sans l’être dans les produits
« technologiques ».
En effet, le constat globalement positif de la spécialisation européenne sur les échelles de
qualité ne préjuge pas de la position technologique et donc des performances en termes
dynamiques de chacun des pays.
Ainsi, l’Allemagne est l’un des seuls pays à être spécialisé dans le haut de gamme sans
l’être dans les produits de haute technologiques. En effet, les voitures allemandes sont de
très bonne qualité, si l’on s’en réfère aux VU. Cependant, l’industrie de l’automobile n’est pas
classée comme une industrie hautement technologique.
Trois pays seulement sont spécialisés dans le haut de gamme de la haute technologie : le
Royaume-Uni, la France et la Suède.
Notons que l’on ne retrouve aucun pays européen spécialisé dans le bas de gamme de la
haute technologie.
Dans la moyenne gamme de la non technologie, on retrouve principalement la Grèce, le
Portugal, l’Autriche, le RU, la zone Belgique-Luxembourg, les Pays-Bas et l’Espagne et le
bas de gamme de la non technologie correspond à la Grèce, à l’Italie, au Portugal et à
l’Espagne.
On remarque en outre, dans les spécialisations européennes, le clivage centre/périphérie
évoqué précédemment : par exemple, la Suède, le France, la Grande-Bretagne et
l’Allemagne sont spécialisés dans les produits technologiques alors que l’Espagne ou le
Notons la présence de l’Italie comme seul grand pays européen spécialisé dans le bas de gamme. Cela signifie
qu’aucune spécialisation n’est forcément mauvaise. En outre, une analyse plus détaillée montre que l’Italie
affiche tout de même une forte spécialisation dans les biens de haute qualité pour certaines de ses industries clé,
telles que le textile.
8
Il faut toutefois souligner que la spécialisation européenne dans le haut de gamme, n’est due qu’à la
performance de quelques uns de ses membres et en premier lieu de l’Allemagne et de la France dont les profils
de spécialisation déterminent celui de l’Union Européenne.
7
6
Portugal, qui ont pourtant réussi leur intégration dans l’échange intra communautaire comme
nous l’avons souligné plus haut, ne suivent pas le même chemin technologique.
L’ensemble des études du CEPII, basées sur la méthodologie initiée par Fontagné et
Freudenberg, en établissant un croisement entre qualité et niveau technologique de la
spécialisation, révèle une forte spécialisation technologique des pays européens malgré une
domination des échanges intra-branche. Cette spécialisation intra-branche dominante est de
nature verticale, c’est-à-dire, fondée sur un échange de qualités différentes associées à des
spécialisations technologiques marquées. On retrouve en outre une nette distinction entre le
cœur et la périphérie de l’Europe, dont les situations divergent fortement.
Ainsi, s’il y a une similarité apparente des productions en Europe, reflétées par l’existence
d’un échange intra-branche, il y a parallèlement spécialisation des pays selon une échelle de
qualité.
Ce fait stylisé rejoint le paradoxe mis en évidence par Brülhart (1998) selon lequel il existe
une évidente contradiction entre les résultats de spécialisation basés sur les données
d’échange et ceux basés sur les données de production. Ainsi, alors que les premiers
montrent une augmentation de l’échange intra-branche, ce qui plaide en faveur d’une
diversification des économies européennes, les seconds suggèrent une augmentation du
phénomène de concentration industrielle9. En outre, de nombreux travaux empiriques notent
une spécificité des activités d’innovation en matière de localisation par rapport à d’autres
activités. Développés dans un premier temps pour les Etats-Unis (Jaffe, Trajtenberg et
Henderson 1993, Audretsch et Feldman 1994, 1996, Feldman, 1994), puis étendus à
l’analyse européenne grâce à la mise à disposition progressive des données régionalisées
d’innovation (Breschi 1997, Caniels 1997, Lung et al. 1997, Verspagen 1997, Paci et Usai
2000), les travaux empiriques sur la localisation des activités s’accordent tous sur le fait que
les activités d’innovation sont davantage concentrées que les activités de production. On
note de plus que, parmi cette polarisation des activités d’innovation, celle-ci varie selon le
secteur d’activité et montre davantage des clusters géographiques d’activités de haute
technologie notamment.
En conclusion, il apparaît qu’un examen attentif des échanges en différentiation verticale
renseignent à la fois sur la position de gamme et sur la position technologique des différents
pays européens. Il en ressort que l’intégration européenne semble avoir procédé d’une
manière à la fois originale et inattendue mettant en évidence une spécialisation plus fine se
basant sur les échelles de qualité et de contenu technologique. La qualité des produits et les
choix de positionnement en matière de gamme et d’innovation faits par les producteurs
devraient donc jouer un rôle central, non seulement pour expliquer les forces de polarisation,
et donc anticiper sur le devenir des spécialisations régionales européennes, mais aussi pour
expliquer certains phénomènes de convergence en termes de structures productives, tels
que ceux de l’Espagne et du Portugal. C’est pour avancer dans cette voie explicative que
nous proposons d’intégrer la dimension « qualité » dans les modèles qui dominent
aujourd’hui l’analyse des processus d’intégration économique, à savoir les modèles de la
Nouvelle Géographie Economique.
Les résultats qui ressortent de l’ensemble des analyses empiriques concernant les phénomènes de concentration
et de spécialisation ne vont pas tous dans la même direction et apparaissent même parfois contradictoires.
Toutefois, si l’hétérogénéité des méthodes et des approches utilisées rendent l’analyse de l’évolution dans le
temps de la concentration géographique et de la spécialisation des pays difficile à interpréter, la majeure partie
des études qui construisent l’indice de spécialisation sur les flux commerciaux s’accordent pour mettre en
lumière un fait stylisé majeur de l’échange intra-UE, à savoir la constante augmentation dans le temps du
commerce intra-branche, ce qui plaide en faveur d’une diversification des économies européennes, même si ces
résultats sont à nuancer en fonction de l’échelle géographique considérée (Fatas [1997], De Nardis, Goglio et
Malgarani. [1996], CGP [1999]).
9
7
- II – La prise en compte de la dimension « qualité » dans un modèle d’Economie
Géographique : cadre d’analyse et hypothèses de base.
2. 1 L’importance de la prise en compte de la dimension « qualité » dans
l’analyse théorique.
En se développant sans liens avec les enseignements mis en évidence par les études
empiriques pré-citées, l’approche de la Nouvelle Géographie Economique, initiée par
Krugman (1991) et qui s’intéresse aux interactions entre intégration économique, via la
baisse de coûts de transport et localisation des activités économiques, semble souffrir de
limites importantes :
i)
Elle conduit à privilégier des scénarios de spécialisation inter-branche en mettant en
lumière le fait qu’une intégration de plus en plus poussée via la baisse des coûts de transport
est susceptible de promouvoir une polarisation des activités économiques, s’accompagnant
d’une spécialisation des régions ou des Etats membres de la zone intégrée et donc, d’un
approfondissement de l’échange inter-branche. Dans ce type de modèles, l’échange intrabranche est en relation positive avec les coûts de transport. Il n’émerge et ne se maintient
que dans des contextes d’intégration où les coûts de transport restent élevés. Or, au niveau
empirique, l’échange intra-branche apparaît dans un contexte général de diminution des
coûts transport, c’est-à-dire, à mesure de l’approfondissement de l’intégration économique ;
ii)
Elle laisse complètement inexpliqués les échanges basés sur les différences de
qualité entre les biens en ne prenant en compte qu’une seule dimension de l’innovation dans
l’explication des spécialisations et des échanges, à savoir, la différentiation horizontale des
produits (innovation en terme d’augmentation croissante du nombre de produits). Notons
cependant que certains modèles de NGE prédisent une « redispersion » de l’activité
industrielle à partir d’un seuil critique de coûts de transport et soutiennent donc l’existence de
l’échange intra- branche à la fois pour des coûts de transport très élevés et très faibles,
mettant en évidence une courbe en forme de U (Krugman et Venables 1995a) ; Puga et
Venables, 1997). Dans ce cas, l’échange intra-branche est bien expliqué, mais uniquement
dans sa dimension horizontale10, alors qu’il représente au niveau intra-UE à peine plus de
17% des échanges.
Le choix de s’intéresser aux modèles de la NGE n’est pas arbitraire dans la mesure où ils
nous semblent être l’approximation théorique la plus proche de l’expérience naturelle de
l’intégration économique au niveau empirique. Or, comme nous venons de le voir, outre le
fait qu’ils ne prennent pas en compte la dimension qualité des biens échangés, ce type de
modèles n’explique pas non plus l’une des tendances les plus fortes de la géographie
économique européenne, à savoir la spécialisation croissante des pays dans des secteurs
industriels différents (Brülhart, 1996, 1998) ni la spécialisation accrue des nations dans des
industries au contenu technologique différent et donc en croissance(Fontagné, Freudenberg
et Ünal-Kesenci, 1999).
Notons toutefois que dans ce type de modèle permettant une redispersion de l’activité économique, nous
poussant à interpréter cela comme une possibilité d’échange intra-branche horizontal lié à l’approfondissement
de l’intégration économique, il est nécessaire de supposer que les variétés échangées et produites dans les deux
régions sont différentes (alors qu’il est supposé que les régions sont parfaitement identiques au départ). Si les
variétés étaient les mêmes, on ne pourrait pas réellement parler de commerce intra-branche de produits
différenciés horizontalement.
10
8
Un premier pas dans l’élaboration d’un modèle de NGE intégrant la dimension qualité peut
se faire en recourant au concept de « qualité implicite ». Ce concept permet en effet de
conserver le cadre de concurrence monopolistique de la NGE tout en introduisant les
échelles de qualité, au sens des quality ladders de la croissance endogène reflétant un effort
d’innovation pour monter dans l’échelle de qualité.
Nous proposons donc ici une façon alternative d’intégrer la qualité dans les modèles de NGE
en s’appuyant sur un modèle de croissance qui incorpore les deux dimensions de
l’innovation : innovation de variété et de qualité.
Cette vision « hybride » du progrès technologique a été introduite initialement par Caballero
et Jaffe (1993) puis reprise plus récemment par Lai (1998)11.
Ce type de modèle permet d’intégrer la notion d’échelle de qualité entre les différentes
variétés de biens de consommation, donc dans la trame d’un modèle de variété, à travers
l’hypothèse selon laquelle les nouveaux biens sont toujours de meilleure qualité que les
anciens12. L’introduction d’un « goût pour la sophistication » dans l’utilité des consommateurs
engendre une obsolescence progressive des innovations de moins bonne qualité.
Si une idée n’est pas encore devenue obsolète, c’est qu’aucune autre connaissance ne lui
est réellement substituable. Ici l’obsolescence des connaissances est endogène :l’arrivée de
nouvelles innovation, à plus fort contenu technologique détruit les anciennes13.
Dans cette optique, la logique de base de notre travail s’inspire du modèle de Baldwin,
Martin et Ottaviano (1998) qui introduit un processus endogène d’innovation et de croissance
dans la lignée de Romer (1990) et Grossman et Helpman (1991) dans les modèles
standards statiques de la Géographie Economique (Krugman [1991], Venables [1996]) et
des modèles de croissance intégrant les deux dimensions de l’innovation (horizontale et
verticale) dans la lignée de Caballero et Jaffe (1993) et Lai (1998)14.
Nous pourront donc expliquer, à travers cette notion de « qualité implicite » inscrit dans un
cadre de géographie économique, la spécialisation intra-branche dominante de nature
verticale que l’on observe au niveau intra-UE notamment et que l’on a largement développé
dans la première section, c’est-à-dire, une spécialisation fondée sur un échange de qualités
différentes associée à des spécialisations technologiques marquées (par exemple, un pays
pourra se spécialiser dans les biens nouveaux, donc plus intenses en technologie, et l’autre,
dans la production de biens plus anciens). On expliquera donc les spécialisations des pays
dans des activités au contenu différent en technologie, ce qui comporte en outre, comme
nous l’avons déjà souligné, des enjeux dynamiques dans la mesure où le contenu
technologique des branches dans lesquelles sont spécialisés les pays peut avoir des
implications fortes en termes de gains dynamiques à l’échange.
Notre travail s’appuie particulièrement sur la formulation de Lai (1998) concernant le « goût pour la
sophistication ».
12
Dès lors que ce sont les rentes qui motivent les innovateurs potentiels, l’échange de produits technologiques se
fait dans un cadre de concurrence imparfaite. Les pays qui s’inscrivent dans la compétition technologique
échangent nécessairement beaucoup de produits technologiques, dans la mesure où une grande partie de ces
échanges est de nature intra-branche.
13
On retrouve ici les concepts d’obsolescence endogène développé par Caballero et Jaffe (1993) et de proximité
technologique de Young (1993).
14
Lai (1998) construit un modèle de croissance variété/qualité semi-endogène en utilisant une fonction de
production des connaissances à la Jones (1995,a)).
11
9
Toutefois, notre approche de la qualité ne nous permettra pas de faire la distinction entre la
qualité des produits en termes de gammes de qualité/prix, et leur niveau technologique15.
Bien que les modèles de croissance qui s’appuient sur les échelles de qualité (Aghion et
Howitt, 1992, Grossman et Helpman, 1991) incitent à confondre les deux dimensions, nous
avons pu voir dans la section 1 que la méthode initiée par le Fontagné et Freudenberg
s’attache au contraire à les dissocier, mettant en évidence des spécialisations des pays
membres sur les segments de qualité/prix, ne reflétant pas nécessairement le contenu
technologique de leurs échanges. On est alors en présence de configurations où la qualité
révélée par les valeurs unitaires correspond à d’autres critères de différentiation verticale
que la technologie liée au développement du produit16.
Dès lors, le cadre d’analyse que nous proposons dans ce papier n’a pas pour objectif de
rendre compte des phénomènes de spécialisation des pays européens sur les gammes de
qualité/prix ainsi que de partage du marché liés à ce positionnement sur des niches
particulières17, phénomènes nécessitant une prise en compte explicite de la qualité dans la
modélisation.
Notre approche permettra toutefois, via la notion de qualité implicite, d’obtenir un échange
intra-branche de biens de différentes qualités, dans le sens d’un échange de biens de haute
/faible technologie ou encore de biens nouveaux/anciens permettant de rendre compte des
spécialisations technologiques des pays.
Ainsi notre travail, via la prise en considération non seulement d’une augmentation de la
variété des biens de consommation mais aussi d’une différentiation de leur qualité, permet
de rendre compte de plusieurs aspects importants pouvant influencer les phénomènes
d’agglomération et de spécialisation industrielles, de croissance et d’échange, jusqu’alors
absents des modèles relevant de la NGE :
1) « goût pour la sophistication » dans les préférences des consommateurs ;
2) obsolescence graduelle des biens ;
3) modalité de diffusion de la connaissance différente selon le niveau de qualité du
bien ;
2. 2 Les hypothèses de base pour l’élaboration d’un modèle théorique de NGE
intégrant la qualité.
Cadre général du modèle.
On considère une économie à deux régions, appelées région du Nord et région du Sud, au
départ parfaitement identiques en termes de préférences, de technologies, de coûts de
transport et de dotations factorielles.
Il existe deux facteurs, le capital (K) dépendant d’un niveau de qualité (q) et le travail (L) où
chaque région est dotée d’un montant fixe de travail, supposé immobile entre les régions et
Une autre limite de notre approche est qu’elle ne permet pas non plus de pallier une des principales objections
faites vis-à-vis des modèles de la NGE. En effet, la concurrence monopolistique ne permet pas de prendre en
compte les interactions stratégiques entre firmes, représentant pourtant un enjeu majeur dans les problématiques
spatiales. On peut alors se demander quel serait l’effet d’un changement de structure de marché. La qualité
représente en moyen pertinent de prendre en compte ses interactions stratégiques notamment à travers les
différences de prix engendrés par des différences de qualités.
16
Un pays, et c’est notamment le cas de l’Allemagne, peut donc être spécialisé dans le haut de gamme sans l’être
obligatoirement dans les produits technologiques eux-mêmes.
17
A titre d’exemple, l’Allemagne et l’Espagne sont tous deux producteurs et exportateurs dans l’industrie
automobile ; toutefois, le fait que l’un (l’Allemagne) soit spécialisé dans le haut de gamme et l’autre dans le bas
de gamme de la même industrie reflète la spécificité de leur offre ainsi qu’un effet partage de marché.
15
10
servant à la fois à la production des biens de consommation et à la production de nouvelles
idées.
L’économie est composée de trois secteurs par région : un secteur industriel M, qui produit
un ensemble de bien différenciés verticalement en concurrence imparfaite ; un secteur
agricole A, qui produit un bien homogène en concurrence parfaite ; enfin, un secteur de
recherche I, en concurrence parfaite, qui produit de nouvelles connaissances en terme
d’input nécessaire à la production des biens différenciés du secteur M.
Dans la lignée de Baldwin, Martin, Ottaviano (BMO) (1998), on considère que les stocks de
travail régionaux sont fixes et que le capital de chaque région est accumulé par son secteur
d’innovation I.
Les deux régions échangent entre elles des biens de consommation finale et, comme il est
habituel dans la littérature traditionnelle de la NGE, chaque bien industriel est soumis à un
coût de transport à la Samuelson (1954), c’est-à-dire, un coût de transport de type
« iceberg » où seule une fraction du bien acheté par l’autre région arrive réellement à
destination (τ ≥1).
Comme dans la plupart des modèles standards de GE, on pose l’hypothèse simplificatrice
que seuls les biens M sont soumis aux coûts de transport18.
a) Le « goût pour la sophistication » dans les préférences des consommateurs.
On suppose que l’agent représentatif choisit sa dépense et sa consommation à chaque
instant afin de maximiser la fonction d’utilité de type CES suivante :

U(t) e lnCm(t) A(t)1 dt
 t
avec 0    1
(1)
t 0
où α, représente la part de la dépense des consommateurs dévouée aux biens M, (1-α), la
part de la dépense dévouée au bien agricole et ρ, le taux de préférence pour le présent et où
Cm représente un agrégat de biens industriels M ayant la forme CES suivante 19:
K
C m    x ( q ) q1 / 
 K0


11 / 



1
11 / 
(2)
où  > 1,   0;  et x(q ) , la quantité consommée du bien M de qualité q et K représentant
la qualité la plus élevée présente dans l’économie considérée20.
L’équation (2) permet d’introduire dans la fonction d’utilité des consommateurs deux types de
préférences : il existe à la fois « un goût pour la variété » que l’on retrouve dans les fonctions
d’utilité instantanées CES du type Dixit et Stiglitz (77) et repris par les modèles de NGE,
mais aussi « un goût pour la sophistication des biens ».
Le ménage représentatif présente donc à la fois :
i) un goût pour la variété, où l’on retrouve l’élasticité de substitution entre les variétés
égal à . Plus  s’approche de 1 (plus  est grand), plus le goût pour la variété est faible.
18
A la façon de BMO (1998), Martin et Ottaviano (1996), on supposera pour simplifier que tant que les deux
régions produisent le bien agricole, le fait que le bien homogène A soit librement échangeable égalise son prix
ainsi que son taux de salaire entre les régions.
19
Afin de simplifier les notations, la dépendance des variables par rapport au temps est implicite.
20
Ici le Nord ; le Sud étant trouvé de façon symétrique.
11
L’utilité des consommateurs augmente donc lorsqu’il y a davantage de biens disponibles
dans l’économie même si certains biens sont de moins bonne qualité que d’autres.
ii) un goût pour la qualité, révélé par le paramètre  qui pondère les niveaux de qualité q
des différents biens. L’utilité des consommateurs augmente lorsque la qualité d’une variété
est plus élevée, où le degré de qualité est mesuré par q 1/ pour chaque bien de qualité q.
Plus  tend vers l’infini, plus le goût pour la qualité est faible.
Le goût pour la variété est maintenu car, même si les anciens biens sont de moins bonne
qualité que les nouveaux, ils conservent une certaine utilité (au sens de « qualité perçue »)
aux yeux des consommateurs.
Les consommateurs vont alors procéder à un arbitrage entre leur goût pour la variété et leur
goût pour la qualité afin de répartir la demande entre les biens de différentes qualités.
b) L’obsolescence graduelle des biens.
Deux paradigmes permettent de rendre pleinement compte des fondements de la croissance
endogène. Un premier paradigme s’appuie sur un progrès technique qui se diffuse par
augmentation de la variété des biens, entrant de façon symétrique dans l’utilité des
consommateurs. Les mécanismes des modèles d’innovation bien connus de croissance
endogène basés sur l’augmentation de la variété des biens (de consommation ou
intermédiaires) (Romer [1990], Grossman et Helpman, chp 3 [1991]) impliquent que
l’introduction d’une nouvelle variété de bien diminue la part de marché des biens existants
mais tous les biens coexistent à l’infini sur le marché et ne cessent jamais d’être consommés
et/ou utilisés pour la production de nouvelles idées.
Un second paradigme, celui de l’innovation améliorant la qualité des biens plutôt que leur
variété, cherchant à intégrer le processus Schumpéterien de destruction créatrice,
considèrent les biens de faible qualité et ceux de haute qualité comme des substituts parfaits
de telle sorte qu’une fois qu’un bien de meilleure qualité est développé, il y a destruction
complète des rentes des firmes produisant les biens technologiquement inférieurs rendant
donc immédiatement obsolète le produit antérieurement crée (Aghion et Howitt [1992],
Grossman et Helpman, chp 4 [1991]).
L’obsolescence des produits anciens, comme résultat de l’innovation, est donc au cœur des
modèles s’appuyant sur les « quality ladders ». L’incitation à innover provient de la
production de nouvelles spécifications d’un produit donné, qui « déclasseront » les
anciennes. L’innovateur bénéficie donc d’une rente d’innovation et la croissance tirée de
l’innovation s’auto entretient tant que la perspective de telles rentes existe.
Ainsi, dans notre modèle, l’obsolescence des connaissances et la destruction créatrice à
l’œuvre sur le marché des biens sont issus du fait que ces biens, ainsi que les idées qui leur
sont associées, sont « classés » par leur qualité. Comme nous l’avons déjà précisé plus
haut, nous adoptons une échelle de qualité qui ordonne les connaissances et les biens qui
les incorporent de manière implicite en supposant, à la façon de Caballero et Jaffe (1993),
que le bien le plus récent est toujours celui de meilleure qualité, c’est-à-dire, que le
processus de recherche fait progresser l’économie en augmentant Kt.
A travers cette approche intégrant les deux dimensions de l’innovation, nous sommes donc
ici dans un cadre d’obsolescence des biens déterministe et progressive, ce qui nous semble
être une hypothèse plus satisfaisante du fait de l’appréhension d’un « cycle de vie » des
innovations et des biens les intégrant, plus proche de la réalité (celle-ci n’est pas brutale
comme affichée dans Aghion et Howitt (1992), et plus largement dans les modèles d’échelle
de qualité stricto sensu).
12
Ainsi, dans notre modèle, le nombre de variétés disponibles dans une économie
correspondra à l’intervalle compris entre l’innovation la plus récente, donc de meilleure
qualité (K) et la dernière innovation potentiellement utilisable. La consommation ne pourra
alors se faire que sur les biens en vigueur, c’est-à-dire, les biens incorporant des idées non
encore devenues obsolètes.
L’innovation et donc la croissance prend la forme d’une amélioration de la qualité des biens,
elle-même concomitante avec l’augmentation du nombre de biens incorporant des idées
encore en vigueur.
A la façon de Lai (1998), on définit la part des biens obsolètes comme étant égale à  
K0
K
d’où K  K 0 . Il existe donc K K biens effectivement produits et consommés dans
l’économie considérée. Par simplification, on considère les parts des biens obsolètes dans
les deux régions constantes au cours du temps et respectivement égales à  N   S   .
Soit Kw, le stock de capital accumulé par les secteurs I de chaque région (Nord et Sud), on
a:
K w  K K  K * K *  ( K  K *)  ( K  K *)
 K w  (1  ) K  (1  ) K *  (1  )( K  K *)
avec (1  ) K et (1  ) K * , les stocks de capital disponibles dans le Nord et dans le Sud
respectivement21.
c) Modalité de diffusion de la connaissance selon le niveau de qualité du bien.
Le caractère local ou non du processus de diffusion du savoir ainsi que le rôle joué par les
externalités (technologiques et pécuniaires) dans les comportements de polarisations ou de
dispersion des activités économiques fait partie des interrogations majeures auxquelles se
sont confrontés les économistes de la NGE et de la croissance.
En effet, alors que selon les modèles standards d’innovation endogène, le savoir acquis des
innovations passées permet à tout inventeur d’améliorer les technologies existantes grâce à
l’existence d’externalités intertemporelles de savoir pouvant se diffuser librement à travers
les frontières, une littérature a parallèlement émergé afin de mettre en lumière la nature
localisée des ces externalités (Jaffe et al. 1993).
Dès lors, l’observation du fait que les activités d’innovation étaient fortement agglomérées
dans l’espace à la fois en Europe (Cänels, 1999 ; Breschi, 1999) et aux USA (Jaffe, 1989 ;
Feldman, 1994 ; Audretsch and Feldman, 1996) ont amené de nombreux chercheurs à
s’intéresser aux causes de ce phénomènes.
Certains modèles de la NGE (Martin et Ottaviano, 1996, BMO, 1998) ont d’ailleurs repris à
leur compte cette problématique de la nature locale ou globale des externalités de savoir en
montrant que ce n’est que dans le cas d’externalités de savoir partiellement localisées (c’està-dire, ne se diffusant que partiellement à l’autre économie) que la distribution spatiale des
firmes a un impact sur le coûts d’innovation et donc sur la croissance. La proximité
géographique semble donc jouer un rôle majeur dans le processus de diffusion du savoir et
donc dans les processus de formation de certains clusters d’innovation, notamment. La
raison à cela peut être trouvée dans les propriétés du savoir relatives à l’activité d’innovation
21
K représente donc ici le volume de capital total dans chaque économie comprenant la part disponible et
obsolescente ainsi que la meilleure qualité présente dans l’économie considérée.
13
des firmes. En fait, ce savoir est en grande partie tacite, non codifié et informel et donc, à la
fois la transmission et l’acquisition de ce savoir sont affectées par la proximité géographique
des agents.
Un grand nombre de travaux a parallèlement émergé concernant l’évaluation de ces
externalités de savoir en termes géographiques, ou encore d’étendue ou d’impact sur les
performances régionales d’innovation (Jaffe et al., 1993 ; Audretsch et Feldman, 1999 ; Kelly
et Hageman, 1999).
Dans cette même optique, Kelly et Hageman (1999) construisent un modèle de croissance
d’échelle de qualité mettant en évidence des externalités marshaliennes en innovation. Une
caractéristique importante de leur modèle est que les externalités marshaliennes sont plus
importantes pour l’innovation que pour la production, conduisant au fait que l’innovation et la
production peuvent apparaître dans des lieux différents. D’autres travaux, tels que ceux de
Audretsch (1998) et Krugman (1998) ajoutent l’hypothèse de spillovers géographiquement
bornées, essentiellement lié au caractère tacite du savoir. Une des raisons pour lesquelles la
distance géographique tend à réduire la capacité à recevoir du savoir pertinent tient à la
double nature du savoir. En effet, on peut distinguer l’information, qui peut être facilement
codifiée et le savoir, qui est plus vague et plus difficile à codifier. Alors que le premier peut
être transmis à de faibles coûts sur de longues distances, le second est mieux transmis par
une interaction en face à face et à travers des contacts fréquents et répétés.
Ainsi, d’une manière générale, plus la base de connaissance est tacite et non-codifiée, plus
on doit s’attendre à une concentration spatiale des activités d’innovation. Ce type de savoir
est mieux transmis par des moyens et contacts informels, qui diminuent sensiblement avec
la distance géographique entre agents (la fraction du stock de savoir qui est tacite et non
codifiée est particulièrement important dans les industries et les technologies se situant dans
les premières phases de leur cycle de vie, lorsque le savoir est encore hautement complexe
et en constante évolution).
A l’inverse, plus la base de savoir est codifiée et simple dans un secteur, moins la distance
géographique est importante pour la diffusion du savoir.
En référence à l’introduction dans notre modèle de l’obsolescence des biens permettant
d’introduire un « cycle de vie » des innovation, il serait intéressant d’introduire ce type de
raisonnement dans notre fonction de production des connaissances. Alors que les fonctions
de production des connaissances utilisées par les modèles de NGE sont de type Romer
(1990)/Grossman et Helpman (1991), il serait intéressant de supposer par exemple, une
fonction qui implique par exemple un accès à la R&D décroissant avec le degré de
nouveauté du bien et donc avec son niveau technologique, reflétant l’existence de ce savoir
tacite.
Comme l’a fait Jones (1995), lorsqu’il a démontré l’existence de rendements décroissants
dans la production du nouveau savoir au regard des évolutions récentes des pays de
l’OCDE22, on pourrait introduire dans la fonction de production des connaissances, un degré
croissant de difficulté de la diffusion de connaissances à mesure de l’augmentation du
niveau de qualité des biens.
Dès lors, les relations mises en évidence par les modèles de NGE, telles que celle des
« externalités localisées » (cette relation lie positivement la part des firmes dans une région
avec le taux de croissance de l’économie considérée) pourraient alors être différentes23,
Jones (1995), en réfutant les effets d’échelle des modèles standards de croissance endogène, met en évidence
un modèle de croissance semi-endogène car dépendant de variables exogènes, telles que le taux de croissance de
la population.
23
Une autre relation pourrait être modifiée dans notre modèle, à savoir la force stabilisatrice appelée « effet de
concurrence ». En effet, dans notre modèle, comme dans Grossman et Helpman, les profits diminuent à mesure
22
14
modifiant donc l’équilibre entre forces centripètes et centrifuges, et donnant une
représentation des clusters d’innovation et de production comme indicateurs de
spécialisation technologique, via la force des externalités localisées.
Conclusion.
La première section de cette analyse montre que l’intégration européenne a procédé d’une
manière à la fois originale et inattendue. Les premières années du fonctionnement du
marché unique n’ont ni validé le scénario optimiste de la Commission Européenne, où
l’intégration devait faire émerger un mode d’échange « indolore », à savoir l’échange intrabranche en différentiation horizontale, impliquant des gains de variété et des coûts
d’ajustement limités, ni le scénario le plus pessimiste de spécialisation inter-industriel
engendré par les économies d’agglomération. Dans ce dernier cas, l’intégration devait se
traduire par de fortes asymétries entre états membres24. Pourtant, les scénarios
d’augmentation du commerce inter-branche et de spécialisation ne se sont pas réalisés et
mieux, certains pays comme le Portugal et l’Espagne ont réussi leur intégration en se
rapprochant des structures commerciales des pays plus avancés.
Ainsi, un des résultats clé des travaux empiriques concerne le rôle majeur du commerce en
différenciation verticale dans la progression du commerce intra-branche en Europe sur les
15 dernières années. Dans la mesure où le commerce intra-branche est plus de deux fois
supérieur en différenciation verticale qu’en différenciation horizontale, on comprend l’intérêt
de développer des outils d’analyse théorique permettant d’appréhender ce type de
commerce. Dans ce cadre, les gains à l’échange ne sont plus seulement dus à un choix plus
grand de différentes variétés, mais aussi à un plus large choix entre différentes qualités de la
même variété. Il existe alors une grande diversité de configurations d’échange possible, ce
qui devrait inciter la théorie à s’intéresser à un positionnement basé sur la qualité des
produits, ce qui peut avoir des effets importants sur les configurations de localisation et
d’échange.
Dans cette optique, nous avons montré qu’il est nécessaire d’expliquer, sur la base d’un
modèle d’Economie Géographique, la progression de ce nouveau type de spécialisation et
d’échange à travers l’élaboration d’un modèle formel permettant d’intégrer ce phénomène
d’échange de qualité au niveau théorique.
Dès lors, l’objectif de ce papier a été de proposer un cadre d’analyse fondé sur les
mécanismes d’agglomération et de croissance qui autorise une prise en compte « implicite »
de la différentiation verticale des produits (Aghion et Howitt [1992], Caballero et Jaffe [1993],
Lai [1998]) permettant de respecter le cadre de concurrence monopolistique utilisé par les
modèles dynamiques de la NGE (Baldwin, Martin et Ottaviano [1998], Martin et Ottaviano
[1996, 2000]).
La prise en compte formelle dans ce type de modèles d’un concept de « qualité », même
implicite, est un premier pas pour enrichir les conclusions mises en évidence par la littérature
de la NGE concernant l’évolution des spécialisations industrielles via la poursuite de
l’intégration économique.
que K augmente, mais cette fois, ils diminuent d’autant plus vite que les biens sont récents. Dès lors, cet effet
concurrence est plus fort pour les producteurs des biens de meilleur qualité, marquant une incitation plus forte
pour ces producteurs, à la délocalisation lorsque trop de firmes sont présentes dans un endroit.
24
En effet, des chocs sur certains secteurs de l’économie, se traduisent, dans le cas de différences de
spécialisations entre pays membres, par des réponses diverses de la part de ces derniers, ceci pouvant s’accentuer
avec le passage à la monnaie unique puisque d’éventuels chocs asymétriques ne pourront plus être résorbés par
une variation du change au sein de la zone euro.
15
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