avec Eléonore d'Aragon (dont il eut Alphonse, Isabelle et Béatrice) mit fin aux problèmes et les domaines des Este connurent une période de stabilité. Avec une
habile politique matrimoniale, il tissa d'importantes alliances. Cette période de croissance démographique et urbaine provoqua l'agrandissement de Ferrare,
auquel présida l'architecte Biagio Rossetti. Cette extension dite "herculéenne" (du nom de son commanditaire) tripla la superficie intra-muros de la cité et
favorisa les constructions nouvelles - palais et édifices religieux.
Rencontre de Salomon et la reine de Saba, deuxième moitié du XVe siècle, anonyme ferrarais, (Houston,). La mise en scène de l'épisode biblique se
situe dans un jeu perspectif exemplaire, avec ces édifices d'une architecture albertienne, formée d'arcs, de petites coupoles et de niches, les figures prennent
des attitudes théâtrales comme certains personnages de la "course du palio" de Schifanoia.
Eleonora d'Aragon, marbre, 1471, Francesco Laurana (Vrana vers 1430 - Avignon 1502), (Palerme,). Mère d'Alphonse, d'Isabelle et de Béatrice d'Este,
elle était fille de Ferdinand roi de Naples. Elle fut une des femmes le plus significatives de cette cour.
Porcia et Brutus, 1490, Ercole de'Roberti, (Fort Worth, Texas). Ercole de' Roberti se forma sur l'exemple de ses deux prédécesseurs. Ses oeuvres
comprennent aussi bien la décoration de coffres de mariage et la production de petites peintures de dévotion que des grands retables et peintures avec des
sujets dérivés de l'histoire antique ; Le tableau illustre bien la devise des Aragon "la mort plutôt que le déshonneur".
Les Israélites ramassant la manne, vers 1490, Ercole de' Roberti, (Londres, NG). À partir des années 1490, Roberti travailla essentiellement pour la
duchesse Eléonora, décorant ses appartements au Castello Vecchio. Le petit panneau de prédelle reflète l'ambiance théâtrale de la Ferrare d'Ercole et semble
un témoignage fidèle des décors utilisés pour les pièces classiques montés dans le palais ducal ou dans la grande cour : une estrade, selon un chroniqueur
ferrarais, avec cinq ou six petites cabanes peintes, munies de rideaux en guise de portes.
Le concert, détails, 1485-95, Lorenzo Costa (Ferrare vers 1460 - Mantoue 1535), (Londres, NG). Formé dans le milieu ferrarais, en 1506 Costa prit la
relève d'Andrea Mantegna comme peintre de cour à Mantoue. Dans cette peinture, il représente la véritable ambiance musicale telle que devait être à l'époque
d'Ercole et d'Isabelle d'Este. Le chanteur principal au centre avec son luth est suivi dans l'exécution du cantique par les deux autres qui battent le « tempo ».
Lamentation, vers 1474-1475, tapisserie, d'après un carton de Cosmé Tura, (Madrid, Thyssen-Bornemisza). La "Lamentation" de Tura, inspirée de Rogier
van der Weyden, comprend des portraits du jeune Ercole (dans les traits de celui qui tient le bras du Christ) et de sa nouvelle épouse Eleonora d'Aragon.
Palais des Diamants, 1493, Biagio Rossetti (Ferrare 1447 - 1516). Biaggio Rossetti, l'un des plus grands innovateurs de la ville de Ferrare s'était converti en
un fidèle interprète des souhaits du duc. Rossetti réalise avec une grande habilité le classicisme du langage toscan de la Renaissance avec la tradition
autochtone d'influences vénitiennes. Ce splendide palais fut commandé pour Sigismondo d'Este, frère du duc Ercole. Rompant, par souci de magnificence,
avec la tradition locale de la construction en brique recouverte de peintures, le palais est tout revêtu de bossages de pierre d'Istrie, taillés en pointes de diamant
et se caractérise par un revêtement en marbre tout à fait singulier, dont le bossage à facettes rappelle l'un des emblèmes de la maison d'Este, le diamant.
Alfonso I d'Este (1476 - 1534) plus ambitieux politiquement, était un mécène enthousiaste. Il épouse en 2nde noces Lucrèce Borgia, fille du pape Alexandre VI.
Ludovico Ariosto, passe au service du duc en 1531. Le poète composa des comédies, pour le divertissement de la cour et des poèmes inspirés d'auteurs
latins, les "Carmina" (1494-1503). L'"Orlando furioso", publié en 1516, est en réalité un hommage rendu par l'Ariosto à ses protecteurs, les Este de Ferrare.
Il renouvelle l'appartement de son père et qui se trouvait au-dessus de la Via Coperta. L'appartement dit "Camerino d'Alabastro", est un véritable et personnel
programme décoratif où sont appelés à collaborer les plus grands artistes de son temps : Titien, les frères Dossi, Antonio Lombardo et Giovanni Bellini…
Jupiter, Mercure et Vertu, vers 1529, Giovanni de' Luteri, dit Dosso Dossi, (Vienne, khv). Dans cette oeuvre fascinante, assez conforme à l'atmosphère de
culture sophistiquée dans laquelle baigne la peinture de l'école de Ferrare, c'est la Peinture elle-même qui paraît être le vrai sujet de cette oeuvre mystérieuse.
Titien et les "poésies" pour Alfonso d'Este. Alfonso d'Este accueille Titien à Ferrare une 1ère fois début de 1516. Le travail le plus important est sans doute la
décoration des "Camerini" que le duc s'était fait construire à l'intérieur du château Estense, sur le modèle du "studiolo" de sa sœur Isabelle à Mantoue. Titien
réalise entre 1518 et 1523 trois splendides toiles mythologiques, appelées aussi "bacchanales" où le coloris met en valeur la sensualité des corps. Il sublime le
récit des poètes, avec une peinture dominant n’importe quelle forme d’expression artistique dans sa force d’évocation, sa liberté de représentation et son génie
optique. L'agencement est difficile à restituer : les tableaux, confisqués en 1598, ont été dispersés.
La Fête de Vénus" (vers 1518-19) et Bacchus et Ariane, 1522-23, Titien, (Londres, NG) exprime l'exubérance dionysiaque propre à sa peinture mythologique.
Arrivée de Bacchus sur l'île d'Andros ou Les Adriens, 1519-20, Titien, (Madrid, museo del Prado). Une fête du vin et de l'amour célèbre l'arrivée de
Bacchus sur l'île d'Andros. Alphonse d'Este fait établir un programme iconographique inspiré de la littérature, mais, à la différence de sa sœur Isabelle, qui
préfère des sujets ayant traite à l'amour et aux arts, il choisit pour ce cycle mythologique un protagoniste caractérisé par son exubérance : le dieu Bacchus.
Festin des dieux, 1514-1529 Giovanni Bellini et Titien, (Washington National Gallery). Aux alentours de 1512, Alphonse d'Este avait commissionné Giovanni
Bellini pour peindre ce chef d'oeuvre de la Renaissance italienne. En 1522, après la mort de Bellini, une grande partie de l'arrière-fond du tableau avait été
altérée par un autre peintre, très probablement par l'artiste de cour, Dosso Dossi. L'évolution stylistique du « Festin des dieux » est indicative de la remarquable
évolution de la peinture à travers le temps : de l'art calme de Bellini, propre du XVe siècle, on passe au style plus vigoureux de l'art de Titien du XVIe
siècle, qui a pratiquement repeint un vigoureux paysage et un ciel chargé d'énergie, pour l'harmoniser avec les nouvelles toiles du cycle. Le thème du tableau
est pris des « Fasti » d'Ovide, un long poème classique qui fait le récit des origines de plusieurs rites et festivités de la Rome antique.
Alfonso II (1533-1597), dernier duc de Ferrare, fut l'un des princes les plus courtois et les plus cultivés de la fin de la Renaissance. La papauté, rappelant en
1598 ses droits sur Ferrare, accentua, à travers la politique de ses légats, l'éclipse culturelle et économique d'une cité qui avait été brillante patrie de Boiardo,
de l'Arioste et du Tasse ; de Tura, de Cossa, de Roberti et des frères Dossi.
Dosso Dossi et l'école ferraraise Dans une ville séduisante mais glissant déjà vers le déclin, le peintre ferrarais Dosso Dossi (1489-1542) se tient
constamment au courant des évolutions de l'art, l'imagination toujours en éveil et animé du désir de créer des images narratives. On ne connaît pas avec
exactitude le lieu et la date de naissance de ce peintre destiné à devenir le protagoniste de l'école ferraraise de la 1ère moitié du XVIe siècle. La manière de
Dosso Dossi, à sa première source stylistique dans l'art vénitien, mais elle est aussi marquée par la tradition expressive de l'école ferraraise, elle se traduit dans
une veine narrative originale. Ses oeuvres de jeunesse, à sujets mythologiques, se rattachent à Giorgione, mais bientôt se font jour des références à la culture
de l'Antiquité classique et à Raphaël. Vers 1510, Dosso Dossi travaille à Mantoue, puis, à partir de 1514, il devient peintre de cour à Ferrare, en parfaite
harmonie intellectuelle avec l'Arioste, poète à la cour des Este. Il participe aux décorations commandées par Alfonso I d'Este : ses peintures ornaient la voûte
du "camerino d'alabastro" à côté des chefs d'oeuvre de Giovanni Bellini et de Titien, avec qui Dosso établi un dialogue artistique intense. Dans sa longue
activité à la cour des Este, il alterne retables (parfois en collaboration avec Garofalo) et cycles décoratifs à sujets littéraires et mythologiques.
Le Départ des Argonautes, 1520, Dosso Dossi, (Washington, National Gallery). Ce tableau d’une polychromie vibrante fait partie d'une série de 10 réalisés
pour la "Chambre d'Albâtre". L'ensemble formait une frise toute autour des murs supérieurs de la chambre, au-dessus des grandes toiles. La série de peintures
représente les aventures du héros troyen Enée, vénéré en Italie depuis l'Antiquité en tant que fondateur de l'état romain. Dosso, est un parfait héritier de
l'original anticonformisme ferrarais, la sensibilité poétique qui émane du paysage à l’arrière-plan baigne la scène dans une atmosphère fantastique.
Savant avec compas et sphère (Atlas?), 1520-1522, Dosso Dossi, (Ferrare, Pinacoteca Nazionale). Il fait partie d'une série de "Savants" réalisé par Dosso
qui représenteraient selon l'hypothèse de Federico Zeri (1984) les sept arts libéraux : le "trivium" (la grammaire, la logique et la rhétorique) et le "quadrivium" (la
géométrie, l'arithmétique, l'astrologie et la musique). Le "Savant avec compas et sphère" représenterait l'astrologie. La voûte céleste est encore plongée dans
l'obscurité de la nuit et Atlas, "prince des astrologues", s'empresse à mesurer avec son compas les astres qui disparaîtront bientôt avec la lumière du jour.
Apollon, vers 1525, Dosso Dossi, (Rome, Galleria Borguese). Apollon, une des douze divinités olympiques est représenté ici comme musicien. Il est couronné
de son attribut, le laurier, sur ses boucles noires aux reflets bleutés. Le naturalisme du torse et du bras tenant l'archet, et le paysage à l'arrière-plan, montrent
comme Dosso savait donner des exemples de cette observation directe de la nature dans ses oeuvres. Apollon qui dans les peintures est représenté nu, la
draperie a été ajoutée quelques années plus tard ; une fois enlevée, il laisserait apparaître Apollon sous une forme plus libre, semblable à celle de l'Apollon de
Raphaël dans le "Parnasse" des Chambres du Vatican.