Richard Goulet, MD, FRCPC Pédiatre*
*Le Dr Goulet est pédiatre à Québec. Il consacre
une partie de ses activités à soigner les personnes
présentant des difficultés d'apprentissage et des
troubles du comportement. Il est affilié à la
Clinique pédiatrique Lennec et au Centre-Mère-
Enfant de Québec (qui fait partie du Centre
hospitalier universitaire de Québec).
Incitons-nous nos enfants à devenir
toxicomanes?
Cette crainte n'est pas près de disparaître et bien des gens avancent
un certain nombre de raisons à l'appui – raisons qui peuvent être
justifiées ou non. L'une d'entre elles est la fréquence accrue, et dans
certains cas, la hâte à laquelle l'« hyperactivité » est diagnostiquée
chez les enfants. On a constaté que le nombre d'ordonnances de
Ritalin et d'autres médicaments semblables avait considérablement
augmenté au cours des dix dernières années. Il est également
inquiétant de voir que les substances hallucinogènes sont facilement
accessibles partout autour de nous, y compris dans les écoles
primaires
Malgré tout, devrions-nous continuer à penser de cette manière ou
adopter un point de vue radicalement différent?
Qu'est-ce que l'hyperactivité?
De nos jours, on a tendance à parler de TDAH (trouble déficitaire de
l'attention avec ou sans hyperactivité) au lieu d'hyperactivité. Les
principaux symptômes du TDAH sont l'inattention, l'hyperactivité et
l'impulsivité. Ce trouble peut apparaître seul ou, comme c'est plus
souvent le cas, s'accompagner d'un trouble oppositionnel'.
D'après le Dr Barkley
2
, spécialiste de renommée mondiale dans ce
domaine, le TDAH serait causé par un dysfonctionnement affectant
la région frontale du cerveau en liaison avec la transmission et
l'utilisation des substances chimiques produites par les cellules du
système nerveux. Les principales substances en question sont la
dopamine et la noradrénaline sur lesquelles agissent la plupart des
stimulants, dont Ritalin et ses dérivés.
La communication entre les différentes parties du cerveau dépendant
de ces substances, toute perturbation dans leur fonctionnement a un
impact négatif sur les fonctions cognitives, l'attention, les émotions et
l'activité motrice, entraînant entre autres de l'inattention, de
l'agitation et de l'impulsivité.
Il est maintenant reconnu que le TDAH est héréditaire ou génétique
dans près de 80 % des cas. Les autres cas peuvent être attribués à des
facteurs environnementaux, des troubles du développement et des
pathologies du système nerveux
2
.
Que pouvons-nous dire d'autre sur le TDAH?
Contrairement à l'opinion générale, la prévalence du TDAH n'a pas
augmenté au cours des dix dernières années mais le TDAH est mieux
reconnu et compris. Entre 3 et 5 % des enfants sont affectés par
cette
déficience — car c'est bien de cela qu'il s'agit. Elle affecte plus
particulièrement les garçons, mais les filles sont également touchées
dans une proportion de 3 contre 1'.
1. Le TDAH est un problème persistant
Il est désormais admis que le TDAH est un trouble qui persiste
souvent toute la vie et qui se manifeste de manière différente selon
l'âge'. Nous savons maintenant que de nombreux enfants atteints du
TDAH continueront à présenter des symptômes durant
l'adolescence et que, dans certains cas, ils éprouveront des difficultés
à l'âge adulte.
2. Le TDAH et les problèmes connexes
Les difficultés éprouvées par les enfants atteints du TDAH sont
souvent attribuées à l'hyperactivité, mais la présence de problèmes
sous-jacents, appelés comorbidités, est fréquente. Parmi ces
problèmes, on peut citer les difficultés d'apprentissage, les troubles
oppositionnels, l'anxiété et autres troubles de l'humeur associés, ainsi
que les troubles du comportement'.
Si le TDAH est diagnostiqué de façon hâtive ou erronée et que les
facteurs sous-jacents, comme ceux mentionnés ci-dessus, ne sont pas
examinés, l'intervention thérapeutique peut être inappropriée et le
problème principal risque même de s'aggraver.
3. Les conséquences du TDAH
Le TDAH est une affection évolutive, persistante et complexe qui a
des répercussions sur le fonctionnement social et les performances
scolaires, de l'enfance à l'âge adulte. Si le TDAH n'est pas traité, il peut
avoir des conséquences multiples, dont l'échec scolaire, l'abandon des
études, des problèmes émotionnels, familiaux et sociaux, ainsi que des
problèmes d'ordre juridique, la délinquance, la toxicomanie, etc.'
Pourquoi utilise-t-on des psychostimulants?
Avant de parler de traitement médicamenteux, on doit confirmer le
diagnostic par le biais d'une approche multidisciplinaire comprenant
des renseignements obtenus auprès du personnel de l'école et de divers
professionnels de la santé. Dans certains cas, la médication s'intègre à
une approche globale.
Ritalin° (méthylphénidate) est le plus connu des psychostimulants.
Prescrits par des personnes compétentes, les stimulants se sont révélés
efficaces dans plus de 80 % des cas'. Les effets secondaires sont en
général bénins; il s'agit principalement de perte d'appétit, d'insomnie,
de céphalées et de maux d'estomac. Dans de rares cas, il arrive que les
enfants traités souffrent d'irritabilité, de maniérisme, de tics et d'une