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L’économie européenne vient de subir deux chocs d’une violence sans
précédent depuis les années 1930 : la crise financière mondiale de 2007-
2009 et la crise des dettes souveraines de la zone euro, qui est toujours
en cours. Certains responsables des sphères politiques ou du monde
économique et une partie de l’opinion tiennent pour responsable de ces
chocs l’industrie bancaire européenne. L’indignation, bien justifiée,
suscitée par ces crises, est périodiquement ranimée par un évènement qui
vient rappeler le passé, et fait découvrir ou redécouvrir des fautes de
gestion, des fraudes, et aussi le cynisme de certains comportements, le
plus souvent aux Etats-Unis : les amendes considérables qu’acceptent de
payer de grandes banques internationales pour mettre fin à une procédure
judiciaire ; le procès de traders dont les folies ont coûté très cher à leur
employeur ; ou même la sortie d’un film, comme Inside Job de Charles
Ferguson ou Margin Call de J.C. Chandor. Le plus grave, c’est la
persistance d’accidents et de scandales : pertes de trading chez l’un,
blanchiment d’argent de la drogue chez l’autre ; insider trading chez un
troisième, sans parler de l’implication de plusieurs grands établissements
dans les manipulations du libor... A chaque fois, le monde bancaire dans
son ensemble est mis en accusation. Et pour recevoir les critiques se
trouvent en première ligne les équipes de banque de proximité, qui n’ont
cessé de servir avec dévouement leurs clients pendant toute cette
période, et qui sont très affectées d’avoir à répondre de comportements
étrangers à leur culture.
Ce n’est pas très équitable de faire porter la responsabilité de ces chocs à
l’industrie bancaire européenne. Pour ce qui est de la crise des dettes
souveraines en Europe, il est difficile de contester la responsabilité
centrale des Etats, qui ont accumulé les déficits et se sont trop endettés,
et des autorités européennes chargées d’assurer le respect des règles du
Pacte de Stabilité et de croissance. Quant à la crise financière, ses
origines sont aux Etats-Unis. Le premier responsable est le monde
financier américain, avec ses excès, ses erreurs, et parfois ses fautes, en
particulier la distribution massive de crédits trop risqués et la fabrication de
produits structurés toxiques. Il partage cette responsabilité avec les
régulateurs de la sphère financière qui n’ont pas empêché le
développement des mauvaises créances et des pratiques contestables ;
avec les autorités politiques qui ont déclenché le développement explosif
des crédits subprimes pour faire accéder à la propriété de leur logement
des minorités qui en étaient privées ; avec la Fed qui a trop longtemps
conduit une politique de facilité monétaire favorisant le surendettement de
l’économie américaine ; et aussi avec les agences de rating et leurs
opinions erronées ; avec les normalisateurs comptables et leur obstination
à faire de la valeur de marché la seule valeur juste. Si les interventions
des Etats n’avaient pas évité la crise systémique qu’a failli déclencher la
faillite de Lehman Brothers, de nombreuses banques européennes en
auraient été victimes, bien plus que coupables...
Dans chacune des deux crises, certaines de ces banques ont néanmoins
une vraie part de responsabilité. Celles dont l’existence a été menacée