Résumé de l´audition de l´OMU le 20.10.2014 à Palermo

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Comité économique et social européen
Section spécialisée "Marché unique, production et consommation"
Observatoire du marché unique
http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.smo-observatory
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SÉANCE D'INTRODUCTION
Martin Siecker, président de la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» (INT),
haut fonctionnaire de la Fédération des Syndicats néerlandais (FNV)
Martin Siecker, président de la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» du Comité économique et social européen (Groupe II, Travailleurs –
Pays-Bas) informe l'assistance que le Comité a été établi en 1957 par le traité de Rome, en tant qu'organe consultatif du Parlement européen (en particulier depuis le
traité de Lisbonne en vertu de l'art. 134 du TFUE), de la Commission européenne et du Conseil des ministres, ainsi que des présidences de l'UE. Il permet une
consultation transparente et pluraliste associant des représentants des organisations de la société civile – les conseillers du CESE – c'est-à-dire des utilisateurs
organisés de la législation de l'UE, qui sont répartis en trois groupes: le Groupe I: Employeurs, le Groupe II: Travailleurs et le Groupe III: Activités diverses. M. Siecker
présente brièvement la section spécialisée «Marché unique, production et consommation» (INT), qui traite un large éventail de sujets, allant de la protection des
consommateurs aux services, en passant par la politique de concurrence et les PME, le droit des sociétés, l'innovation et la propriété intellectuelle et les politiques
relatives au marché unique, pour n'en citer que quelques-uns. Depuis 1999, la section spécialisée organise la Journée européenne du consommateur, une
manifestation très importante qui se tient chaque année au mois de mars 1, avec la participation du Parlement européen, de la Commission européenne et de la
présidence en exercice de l'UE.
L'Observatoire du marché unique (OMU) a été créé en 1994 en vue d'évaluer les progrès réalisés et les obstacles sur la voie du marché unique. Depuis 2010, il participe
directement à l'initiative de la Commission européenne visant à relancer le marché unique. Depuis 2005, il se concentre également sur les questions liées à
l'amélioration de la réglementation en général et, à la demande de la Commission européenne, sur l'autorégulation et la corégulation en particulier. Deux fois par an,
l'Observatoire du marché unique investit l'échelon local en organisant dans les États membres des auditions publiques sur diverses questions concernant le marché
unique. Il va de soi qu'il organise aussi régulièrement à Bruxelles des manifestations sur le marché unique. Par le truchement de son Observatoire du marché unique, le
Comité a formulé des recommandations sur les différentes communications de la Commission relatives et liées à l'Acte pour le marché unique I et II2.
L'un des grands principes du CESE est d'investir l'échelon local – comme l'illustre l'audition de l'OMU – afin de recueillir les points de vue et les recommandations des
acteurs concernés (citoyens et organisations de la société civile) dans les États membres, de transmettre leurs messages aux autres institutions de l'UE et, le cas
échéant, de réagir par l'élaboration d'avis d'initiative. En cette période de crise économique, un marché unique efficace, orienté vers l'avenir (et à l'épreuve du temps)
n'est pas seulement souhaitable, mais décisif pour l'avenir politique et économique de l'Union européenne: il convient d'accorder davantage d'attention aux
conséquences négatives imprévues du marché unique et d'adopter une approche plus réaliste. Il est crucial de se concentrer sur les vraies questions.
1
http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-consumer-day-2014.
2
http://ec.europa.eu/internal_market/smact/docs/single-market-act2_fr.pdf.
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Étant donné que les conseillers du CESE sont vos collègues, leur mission – celle du CESE – consiste à jeter un pont entre les institutions de l'UE et vos organisations,
c'est-à-dire à combler le fossé entre la vie locale et la grande politique à Bruxelles. Lorsqu'il investit l'échelon local, le CESE veille à choisir des questions d'actualité.
L'intégration des régions périphériques de l'UE au marché unique en fait sans nul doute partie.
Edgardo Iozia, membre du CESE, ancien président de l'OMU, secrétaire national de l'Union italienne du travail – crédit et assurances (UILCA), président d'UNI
Finance et d'Europa UNI Finance, président de la fondation PROSOLIDAR
M. Iozia, membre de l'Observatoire du marché unique (Groupe II, Travailleurs – Italie) présente la composition et le programme de l'Observatoire du marché
unique (OMU) du Comité économique et social européen. Investir l'échelon local est essentiel si l'on veut que les citoyens comprennent l'UE et que l'UE comprenne ses
citoyens. Une bonne communication est essentielle à cette fin. La manifestation de l'OMU à Palerme s'inscrit parfaitement dans cette optique. Les membres du CESE
incarnent la diversité des horizons et des intérêts représentés au sein du Comité et sont là pour vous écouter et pour répondre à vos questions. L'OMU étudie tous les
aspects pratiques de la vie au sein du marché unique, car ses membres et leurs organisations sont des utilisateurs de ce grand marché et de la législation qui le régit. Il
ne fait aucun doute que le marché unique est le principal fruit du processus d'intégration européenne, de par l'importance économique qu'il revêt pour 515 millions de
personnes. Sa mise en place s'avère à la fois très complexe et délicate, car elle implique une rupture avec les principes fondamentaux des différents États sur le plan
de la souveraineté nationale (douanes, impôts, etc.). Ceci explique pourquoi le marché unique n'est pas pleinement achevé, et ce processus suppose notamment un
partage équitable des bénéfices qu'il génère entre tous ses citoyens.
Aujourd'hui, l'objectif est d'examiner comment la Sicile se porte au sein de ce marché unique européen: la situation géographique de l'île lui est-elle préjudiciable? La
distance entre la Sicile et les régions du cœur de l'Europe a-t-elle un impact sur l'économie sicilienne? Sa position géographique représente-t-elle par exemple un
obstacle à l'investissement? L'avènement du marché unique a-t-il amené des changements dans la vie économique sicilienne? Sinon, à quel point l'UE et son marché
unique sont-ils éloignés de la vie quotidienne/ de l'activité économique en Sicile? De manière générale, il est plus onéreux de produire des biens dans des régions
insulaires et/ou périphériques. La répartition de l'activité économique est quant à elle plus variée dans les régions continentales ou centrales.
Si l'Union européenne se compose de 28 États membres, le marché unique en compte lui 31, étant donné qu'il s'étend à l'Islande (un État insulaire très périphérique), à
la Norvège et au Liechtenstein, pour former l'Espace économique européen (EEE). C'est pourquoi nous avons le plaisir d'accueillir, en qualité d'observatrice,
Mme Marianne Breiland, qui représente les syndicats norvégiens et le Comité consultatif de l'Association européenne de libre-échange (AELE).
Mais qu'est-ce qu'une île dans le vocabulaire européen? Selon la définition d'Eurostat, une île doit répondre aux critères suivants:
 avoir une superficie d'un kilomètre carré au minimum;
 être séparée du continent d'au moins un kilomètre;
 compter une population résidente permanente d'au moins 50 habitants;
 ne pas avoir de lien permanent avec le continent;
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 ne pas abriter une capitale de l'UE.
Toutefois:
 Cette définition de l'UE ne tient pas compte d'États membres insulaires comme Malte...
 Près de 21 millions d'Européens vivent sur des îles;
 Il existe de nombreux types d'îles (elles peuvent être ultrapériphériques, côtières, grandes ou petites, il peut s'agir d'États ou de régions, autonomes ou non,
etc.);
 Leurs ressources essentielles (par exemple l'eau ou les terres arables) peuvent être limitées;
 L'accès aux marchés centraux est difficile.
Le Comité a adopté en 2008 un avis sur «Une meilleure intégration dans le marché intérieur, facteur clé de la cohésion et de la croissance pour les îles» (CESE
1214/2008)3. Dans ce document, le Comité mettait en évidence les aspects suivants: la mise en place d'un processus dynamique à long terme d'intégration des îles au
marché unique; l'établissement d'un cadre intégré de politiques communautaires couvrant de manière cohérente l'ensemble des problèmes importants auxquels les
îles européennes sont confrontées; la nécessité d'une gouvernance solide pour traiter des problèmes tels que l'information et la communication; la mise en place de
services statistiques locaux et d'indices des prix afin de permettre l'émergence d'une méthode d'évaluation commune pour tous les services statistiques locaux dans
les îles européennes; la réalisation d'une analyse de l'impact sur les îles de toutes les initiatives de l'UE relatives au marché intérieur, la prise en compte des îles dans
chacune des politiques de l'UE et l'allégement des charges administratives, en particulier pour les PME. Étant donné que l'accessibilité est une question
fondamentale pour les îles, le CESE mettait l'accent sur la qualité de la continuité territoriale. Il soulignait que la politique régionale était un instrument utile pour les
îles, mais que cet instrument devait toutefois être développé et amélioré dans un cadre européen intégré.
Par nature, l'UE est fragmentée sur le plan géographique. Ceci suscite un certain nombre de questions: comment surmonter efficacement et effectivement cette
situation? Les régions insulaires regorgent de ressources (climat, citoyens, énergie, activités économiques, etc.). Comment s'assurer qu'elles soient utilisées
efficacement au profit des îles en question? Le marché unique est considéré à juste titre comme le joyau du processus d'intégration européenne. Néanmoins, il est
également considéré comme une réussite dans les régions insulaires d'Europe. Si ce n'est pas le cas, quelles sont les suggestions et recommandations de leurs habitants
en la matière?
C'est précisément dans cette optique que le Comité vient en Sicile: pour recueillir vos préoccupations et transmettre vos messages aux législateurs. Comme Martin
Siecker l'a déclaré tout à l'heure, les membres du CESE sont, tout comme vous, des acteurs économiques et sociaux, mais la différence est qu'ils ont la possibilité de
jeter un pont entre vous et l'Europe. Le Comité n'est pas la Commission européenne, mais son rôle est de s'assurer que la Commission tienne compte de vos
conclusions et recommandations sur les lacunes et les failles dans la législation réglementant le marché unique! L'Europe doit être réévaluée chaque jour à l'aune de
la contribution qu'elle apporte à ses citoyens et de son rôle sur le plan économique, afin de garantir que les propositions législatives européennes soient bien
conformes à la réalité sur le terrain. Il y a lieu, dans l'intérêt général, de surmonter la fragmentation culturelle, économique et politique et de tirer un meilleur parti
3
JO C 27, 03.02.2009, p. 123,
Voir également l'avis du CESE sur le thème «Innovation dans le tourisme pour les îles», JO C 44, 11.02.2011, p. 75,
Pour une vue d'ensemble de tous les avis du CESE concernant les îles, voir également le lien suivant:http://dm.eesc.europa.eu/EESCDocumentSearch/Pages/opinionsresults.aspx?k=islands. La section
spécialisée «Transports, énergie, infrastructures, société de l'information» (TEN) du CESE prépare actuellement un avis d'initiative sur «Les îles intelligentes» qui sera finalisé en 2015.
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des ressources des régions périphériques en améliorant la mise en œuvre du marché unique. Le principal inconvénient ou facteur de complexité auquel l'Europe est
confrontée réside précisément dans l'extrême diversité des intérêts et des contextes, et elle doit veiller à apporter les réponses adéquates. M. Iozia conclut son
intervention en assurant les participants que leurs conclusions et recommandations seront transmises à la Commission européenne.
Franco Garufi, chef du Département des politiques de cohésion économique et territoriale, CGIL (Confédération générale italienne du travail)
M. Garufi remercie le Comité économique et social européen pour son initiative judicieuse d'organiser son audition publique en Sicile et d'essayer d'appréhender la
situation en Europe méridionale d'un point de vue économique et social. Avec une superficie de 25 800 kilomètres carrés et une population de quelque 5 millions
d'habitants, la Sicile est la plus grande île de la Méditerranée. Depuis 2007, la crise économique et financière ronge non seulement le tissu économique de l'île, mais
érode également sa cohésion sociale. Environ 500 000 jeunes Siciliens (âgés de 15 à 32 ans) relèvent de la catégorie des «NEET» 4. Ce chiffre représente 42 % de la
tranche d'âge considérée. Le taux de chômage officiel s'élève à 18,6 %, mais le taux global réel avoisine les 32,8 %, une situation dramatique semblable à celle d'autres
régions d'Europe méridionale durement touchées comme l'Andalousie, en Espagne. Entre 2008 et 2012, le PIB de la Sicile a chuté de 11,1 %, alors que celui de l'Italie
dans son ensemble affichait une baisse moyenne de 6,9 %. On a assisté sur l'île à un véritable processus de désertification industrielle ces cinq dernières années et la
part du secteur manufacturier en termes de valeur ajoutée régionale y est passée de 8,1 à 6,3 %, contre 18,7 % dans le nord de l'Italie, l'objectif fixé en la matière par la
Commission européenne dans sa stratégie Europe 2020 étant quant à lui de 20 %5.
Il est important de réfléchir aux raisons des lacunes du marché unique et de son incapacité à donner la pleine mesure de son potentiel pour tous – entreprises,
travailleurs et citoyens. La compétitivité de la Sicile est en butte à de nombreuses difficultés, notamment l'obstination de l'Europe à mettre en œuvre des politiques
dictées par l'austérité et une situation économique qui ne sera bientôt plus viable. Dans le contexte du marché unique, les priorités de la Sicile résident dans
l'intégration et l'amélioration du réseau ferroviaire et du transport maritime – une question vitale pour les grandes îles – ainsi que dans le développement de
l'économie numérique et la mobilisation de fonds d'investissement, notamment en faveur de projets d'infrastructure à long terme. Ces projets revêtent une
importance essentielle pour la Sicile, qui accuse un retard non seulement par rapport à la moyenne européenne, mais également par rapport aux chiffres nationaux.
M. Garufi donne quelques exemples concrets pour illustrer la situation actuelle:

Le réseau ferroviaire a été abandonné par la holding publique qui en avait la charge. Sa taille a été réduite tant en ce qui concerne la longueur que les voies et
la qualité des services offerts a baissé par rapport à ce que l'on connaissait cinquante ans auparavant. Un simple coup d'œil à l'horaire des trains de Trenitalia,
la société gestionnaire, révèle que le trajet de Palerme à Catane, distantes d'environ 240 kilomètres, vous prendra, dans le meilleur des cas, 4 heures et
4
Ne travaillant pas et ne suivant ni études ni formation.
5
Sources: Institut italien pour le développement du Sud de l'Italie (SVIMEZ, Istituto per lo sviluppo del Mezzgiorno).
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
45 minutes. L'une des raisons de cet état de choses réside dans l'absence de ligne directe entre les deux villes principales de l'île6. La liaison ferroviaire
Palerme-Messine couvre environ 225 kilomètres en 2 heures et 55 minutes. Par conséquent, la région ne remplit pas les exigences de base du marché unique
en matière de compétitivité. L'alternative au transport ferroviaire réside dans le transport routier, qu'il soit public (réseau de bus fonctionnant sur la base d'un
système de licences) ou privé (voitures), avec les problèmes de compétitivité évidents qu'il implique pour le rail;
En ce qui concerne l'économie numérique, M. Garufi évoque le programme public de «cohésion ouverte»7 visant à suivre de près les dépenses publiques
d'investissement en faveur du développement. Il en ressort que les ressources pour la Sicile s'élèveraient à 446 millions d'euros. Cela correspond à un
financement public par habitant trois fois supérieur à la moyenne nationale 8. La Sicile est clairement à la traîne alors que la stratégie numérique constitue l'un
des piliers du programme des Fonds structurels 2014-2020. Avec environ 50 % des ménages ayant accès à Internet, la Sicile affiche un taux inférieur de 4 % à la
moyenne nationale. L'introduction du haut et de l'ultra-haut débit conformément au programme des Fonds structurels 2014-2020 revêt une très grande
importance pour l'île, et ce pour trois raisons:
o pour améliorer la qualité des services (inférieure à la moyenne nationale);
o pour accroître l'efficacité de l'administration publique locale;
o pour créer de l'emploi qualifié pour les jeunes.
M. Garufi déclare que l'agriculture a toujours été un secteur distinctif de la région. En dépit d'améliorations non négligeables sur le plan de la qualité des produits
(vin, denrées alimentaires et légumes), les activités et produits agricoles de Sicile semblent pénalisés par les dernières réglementations européennes. En effet, la
«contribution unique» introduite récemment revêt une importance spécifique dans le domaine de l'élevage. L'Italie étant considérée comme une «zone unique»,
aucune distinction n'est faite, dans l'application de la «contribution unique», entre les différentes parties du pays. En fin de compte, ce choix politique fait par l'Union
européenne a pour conséquence que de petits agriculteurs siciliens sont exclus du système des aides de l'UE. M. Garufi déclare qu'il n'y a aucune trace du processus
de Barcelone9, qui semble avoir été remplacé par des réglementations préjudiciables à l'économie sicilienne (et sans doute à d'autres États membres
méditerranéens de l'UE comme la Grèce et certaines parties de l'Espagne), ouvrant la porte à des produits issus de pays tiers qui ne sont pas passés par les
procédures de certification rigoureuses imposées aux produits locaux. La politique des distributeurs internationaux ne facilite nullement les choses. Enfin, il ajoute
que la recherche et l'innovation (le développement de nouveaux procédés agricoles) pâtissent de cette approche, exerçant un impact négatif sur l'agriculture locale,
qui n'est pas extensive mais de haute qualité.
Les conséquences de la crise financière et les règles du pacte social 10 étranglent les niveaux locaux de gouvernement de la Sicile, ce qui conduit à mettre en œuvre
deux scénarios tout aussi mauvais l'un que l'autre, c'est-à-dire soit licencier du personnel et des employés, soit fermer de nombreux sites de production. Il faut sortir
de cette conception bureaucratique de la gestion des affaires européennes, où Bruxelles émet tous les règlements et directives tandis que les fondements même de
6
Palerme et Catane comptent respectivement 900 000 et 600 000 habitants.
7
http://www.opencoesione.gov.it/ et http://www.opencoesione.gov.it/progetti/temi/agenda-digitale/.
8
Soit 150, 54 EUR contre 45,97 EUR pour la moyenne nationale.
9
Le partenariat euro-méditerranéen ou processus de Barcelone, datant de novembre 1995, constitue le cadre général des relations entre l'Union européenne, ses États membres et les pays du sud et
de l'est du bassin méditerranéen (désignés par le terme «partenaires méditerranéens»). Pour en savoir plus: http://ec.europa.eu/prelex/detail_dossier_real.cfm?CL=en&DosId=197081.
10
Voir également http://www.etuc.org/social-compact-europe et http://www.etui.org/News/Social-compact-a-necessity-for-the-survival-of-the-European-Union.
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la démocratie sont affaiblis, notamment en périphérie et au niveau local. Le libre marché ne semble pas être capable de compenser ces dysfonctionnements, et une
intervention publique est nécessaire pour protéger les droits sociaux fondamentaux des travailleurs et délaisser une élaboration des politiques actuellement centrée
sur l'austérité pour se tourner vers une approche plus favorable à la croissance, en facilitant l'investissement et en introduisant les euro-obligations dans le but
précis de financer la croissance. M. Garufi conclut son intervention en déclarant que la cohésion sociale de l'Europe est en péril et que des mesures doivent être
mises en œuvre pour contribuer à remédier à la pauvreté grandissante, qui prend des proportions dramatiques dans certaines régions urbaines et périphériques. Il y
a lieu de veiller également à ce que les droits sociaux (négociations collectives, droit de grève, détachement de travailleurs dans toute l'UE, etc.) ne soient pas mis à
mal par l'évolution du marché et des réglementations européennes contradictoires. Il rappelle à l'assistance l'article 3 du TFUE, visant à combiner une économie de
marché hautement concurrentielle et le progrès social, ainsi que la nécessité de juguler l'euro-scepticisme en abandonnant des politiques inadéquates qui, étant
axées exclusivement sur l'austérité, n'aident nullement l'Europe à sortir de la pire crise qu'elle ait connue au cours de la période qui a suivi la seconde guerre
mondiale. Dans ce contexte, il déclare placer de grands espoirs dans la nouvelle Commission présidée par M. Juncker pour trouver une issue à la situation actuelle et
conclut en soulignant qu'il est dans l'intérêt de la Sicile que le débat avec le CESE – en tant qu'interface entre les parties prenantes et les institutions de l'UE –
permette de dégager une solution pour sortir du climat de repli sur soi qui étouffe les forces politiques de la région.
DÉBAT GÉNÉRAL
M. Siecker souligne que les interventions antérieures fournissent une perspective tant orientée vers Bruxelles que locale. Il rappelle à l'assistance que si l'on blâme
beaucoup «Bruxelles», les États membres ne sont pas pour autant au-dessus de tout reproche, notamment en ce qui concerne la qualité de la mise en œuvre de la
législation européenne. Il lance le débat général en demandant aux participants quels obstacles empêchent encore les régions périphériques de s'intégrer comme il
se doit dans le marché intérieur de l'UE et ce qu'il convient de faire pour améliorer les conditions au niveau local. Il ajoute que les contributions de l'assistance
alimenteront les travaux du Comité, par exemple ses avis 11 destinés au Parlement européen, à la Commission européenne et au Conseil.
Umberto Di Maggio, coordinateur régional de LIBERA Sicilia
M. Di Maggio présente brièvement son organisation (fédération d'associations), LIBERA Sicilia, dont l'objectif est de réutiliser des avoirs saisis de la Mafia à des fins
sociales. Il évoque une initiative de 1996 signée par un million de citoyens dans toute l'Italie appelant le Parlement italien à voter une loi nationale permettant de
réaffecter des biens appartenant à différentes structures de la Mafia en Italie au profit de la société civile. Il souhaite attirer l'attention, en premier lieu, sur le fait
qu'en Italie, l'opinion publique est opposée aux mafias et en deuxième lieu, sur la nécessité d'unir les forces, non seulement au niveau européen, mais également à
l'échelle mondiale, pour combattre les organisations criminelles actives à l'échelle internationale en réutilisant leurs avoirs saisis. Les organisations mafieuses
11
Remarque à l'attention des participants locaux: les avis sont des prises de position officielles de la société civile organisée sur la législation de l'UE.
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italiennes opèrent à l'étranger et sont entre autres impliquées dans le blanchiment d'argent, le trafic d'êtres humains et la corruption au niveau mondial. Il explique
que certaines preuves indiquent que les mafias et organisations apparentées représentent une menace pour la sécurité intérieure de l'UE.
Réinsérer les sociétés utilisées par les mafias sur le marché légal constitue l'un des nombreux moyens d'action contre les structures criminelles. La formule de
l'utilisation, par des coopératives à forte dimension sociale, d'avoirs criminels saisis est une option. Dans ce contexte, M. Di Maggio ajoute que des structures ont été
créées en vue de faciliter la réinsertion de personnes défavorisées (chômeurs de longue durée, anciens toxicomanes, immigrants, victimes de discrimination) au sein
de la société et du marché de l'emploi. M. Di Maggio évoque les coopératives sociales qui exploitent des vignobles et des parcelles jadis aux mains de structures
mafieuses. Les produits de ces coopératives, tels que des pâtes et du vin, sont même exportés jusqu'aux États-Unis ou au Japon, sous le label "LIBERA Terra" (terre
libre). Il tient pour conclure à s'assurer que cette expérience sera partagée à une échelle plus large, même si elle émane d'une région périphérique européenne.
Beppe Citarella, chef du Centre de recherche de la région de Sicile
M. Citarella indique d'entrée de jeu qu'il souhaite tirer un signal d'alarme et remercie M. Garufi de sa déclaration au sujet de la situation économique en chute libre
de la Sicile, avec tous les risques que celle-ci comporte. Cette région a perdu 200 000 emplois ces quatre dernières années, sa valeur ajoutée a diminué de 15 % ; les
chiffres de la pauvreté, tant absolus que relatifs, sont les plus élevés d'Europe et les investissements ont chuté de 40 % entre 2008 et 2013. L'économie locale repose
largement sur les services (82 %) tandis que l'agriculture représente 5 % et l'industrie dans son ensemble, qui comprend par exemple le secteur de la construction,
13 %. Bien qu'il soit important, le secteur des services ne propose pas d'emplois de grande qualité, plutôt des emplois alimentaires.
M. Citarella se demande où est passé tout l'argent investi en Sicile par le passé, et demande à l'Union européenne d'enquêter sur ce qui se produit dans ce pays. Il
attire l'attention des membres du Comité sur l'économie de proximité et le potentiel de richesse de l'île, et suggère de combiner les deux pour faire renaître
l'économie locale. Selon J.M. Keynes, le niveau de revenu est dépendant du niveau de consommation, du niveau d'investissement, des dépenses publiques ou des
exportations. Toutefois, une forte baisse dans ces domaines (-12 % pour la consommation par exemple) compliquerait fortement la création et la sécurisation du PIB.
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Giusi Palermo, présidente de Federsolidarietà – Confcooperative Sicilia
Mme Palermo indique que son organisation représente environ 600 entreprises sociales en Sicile, comme par exemple les projets sociaux visant à soutenir les
personnes défavorisées mentionnés par M. Di Maggio. Elle demande à l'UE de cibler en particulier son soutien sur les entreprises sociales qui emploient 30 % de
personnes défavorisées (cf. loi 381/9112 du gouvernement italien au sujet de cette question spécifique) en rappelant une directive récente de l'UE sur les marchés
publics qui contient une référence particulière aux aspects sociaux. Elle demande au gouvernement italien d'élargir les catégories de personnes défavorisées afin de
garantir que les mesures de création d'emplois visant à améliorer l'intégration puissent concerner un nombre plus important de personnes. En Sicile tout
particulièrement, les entreprises sociales pourraient être utiles dans le contexte de la redistribution des richesses, et le soutien financier issu des fonds européens
serait le bienvenu.
Réactions des membres du panel à la discussion générale
Évoquant des initiatives importantes et significatives telles que LIBERA, M. Iozia reconnait le courage civique de ses membres, qui ont à un moment donné
véritablement risqué leur vie pour le bien commun et la défense des principes de la loi. Il indique que l'Europe devrait soutenir des processus de ce type non
seulement en Italie, mais également dans d'autres pays, étant donné qu'ils sont le fruit de l'action des citoyens contre le crime organisé. Il cite la loi La Torre13 et le
juge Rosario Livatino (1952-1990)14 qui fut le premier magistrat à l'appliquer. Il estime important que le Comité, en tant que maison de la société civile, examine les
questions de légalité et de concurrence équitable étant donné qu'à l'évidence, la corruption et les pratiques illégales n'ont jamais donné lieu à une économie viable
ni florissante.
Concernant l'économie locale, M. Iozia attire l'attention sur l'initiative du Comité d'organiser une manifestation très importante au sujet de l'économie sociale et de
l'entrepreneuriat social (voir à ce sujet: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.int-opinions.19122)15. La contribution du CESE dans ce domaine a été récemment
reconnue par le Commissaire Barnier, qui a insisté également pour promouvoir ce pilier, qui a toujours été perçu comme une forme d’expression du bénévolat dont
le rôle est de combler les lacunes de notre système économique. Celui-ci a ajouté que l'économie sociale présentait une dimension de dignité économique en raison
12
Plus d'information à ce sujet (en italien): http://www.milanocooperativa.it/index.php?option=com_content&view=article&id=386:cassazione-i-lavoratori-svantaggiati-nelle-sociali-non-sono-soloquelli-della-legge-38191&catid=1:notizie.
13
D'après l'homme politique sicilien Pio La Torre (1927-1982), assassiné par la mafia pour avoir instauré cette loi anti-mafia.
14
«Au cours de sa carrière, R. Livatino a lutté contre la corruption, et a remporté un succès dans un certain nombre de cas, en obtenant la saisie d'importantes sommes d'argent ou de propriétés, et
l'arrestation de figures clé du crime organisé» (source: Wikipedia).
15
Voir également la récente manifestation organisée cette année par le CESE à Strasbourg: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.fr.events-and-activities-social-entrepreneurs.
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de son lien évident avec le modèle social européen, qui fait l'objet à l'heure actuelle d'importantes remises en question. L'économie sociale se caractérise
notamment par la proximité, ce qui n'est pas le cas des grands projets.
M. Garufi demande un suivi des activités du comité anti-mafia du Parlement européen 2010-2015 tout en faisant comprendre à tous les acteurs concernés que ce
problème revêt une ampleur mondiale. Les signataires de l'Association La Torre ont récemment engagé un dialogue avec le Parlement européen dans l'objectif de
définir à l'échelon de l'UE la topologie du crime organisé, et d'encourager le Parlement 2015-2020 à accroître ses capacités à agir sur des questions liées à l'économie
illégale, et à promouvoir des mesures telles que la réutilisation des biens saisis. Il évoque les plans nationaux pour examiner l'allocation des fonds européens en
Italie, dans le but de lutter contre les activités illégales. Il ajoute que la CGIL et la LIBERA ont demandé à intégrer ces questions à la formation des dirigeants des
entreprises qui ont été associées à des pratiques économiques illégales.
M. Garufi demande une Union européenne dotée de caractéristiques fédérales qui pourrait garantir une réponse démocratique aux exigences et aux défis auxquels
celle-ci est confrontée, et déplore l'accent mis actuellement sur les mesures d'austérité. Il rappelle que l'ancien commissaire Romano Prodi avait beaucoup insisté
pour mettre en place un système européen de financement des investissements publics, le fameux projet Eurobonds. Dans ce contexte, si l'Europe était incapable
de reconstruire son économie, les citoyens percevraient les institutions de plus en plus comme une source de contraintes et de restrictions. Il évoque la Grèce, où le
coût économique et social des mesures destinées à renforcer les finances publiques est en fin de compte supporté presque exclusivement par les citoyens euxmêmes, ce qui comporte des risques bien connus. Il remercie le Comité économique et social européen d'insister, dans ses avis, sur la dimension sociale du marché
unique.
En conclusion, M. Garufi pense qu'il n'y a pas de recette unique pour remédier à la situation actuelle, et qu'il est nécessaire d'adopter une autre perspective. Il
mentionne le livre de l'économiste français Thomas Piketty16 qui déclare qu'il ne peut y avoir de monnaie unique sans politique budgétaire commune. En effet,
l'absence de politique budgétaire commune a abouti à une rupture progressive entre les politiques européennes et les citoyens, ce qu'ont illustré les récentes
élections européennes. T. Piketty suggère de créer une taxe sur les actifs du capital en particulier en raison du fait que si la crise a appauvri de nombreux citoyens en
Europe, elle a dans le même temps augmenté la richesse des mieux lotis, creusant le fossé qui sépare les extrêmes, au détriment de l'unité. L'Europe a besoin d'un
grand programme d'investissement, sans lequel l'économie européenne ne pourra se relever. Au fil du temps, la Sicile a perdu sa visibilité au sein du marché mondial
(elle était une grande productrice d'olives, de soie et de soufre au XIX e siècle et au début du XXe siècle, avant d'être touchée par une vague d'émigration massive)
tandis que la Politique agricole commune et son financement ont affaibli le Sud de l'Europe. À l'heure actuelle, la Sicile est à la recherche de sa spécificité à travers la
relance de produits agricoles locaux et d'une nouvelle vocation, par exemple dans le tourisme.
16
http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Capital_au_XXIe_si %C3 %A8cle.
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Réponses des membres de l'OMU
M. Siecker partage l'avis de M. Di Maggio au sujet du fait que le crime organisé se déroule à l'échelle internationale, et que les biens qui traversent les frontières
pourraient être saisis de manière à perturber de manière significative les opérations illégales. Toutefois, concernant différentes questions telles que la politique
fiscale, l'Union européenne n'a aucune compétence pour intervenir sur des matières qui sont considérées comme relevant de la souveraineté nationale des États
membres. En réponse à la contribution de M. Palermo, il indique que le rapport de suivi de la manifestation de Strasbourg sur l'entrepreneuriat social a été présenté
à la session plénière du CESE des 15 et 16 octobre 2014.Celui-ci dresse la liste d'un certain nombre de mesures que l'UE doit mettre en place si elle veut promouvoir le
travail et l'influence des entreprises sociales et il peut être téléchargé sur le site internet du CESE (y compris les recommandations de la société civile dans toutes les
langues officielles de l'UE, ainsi que d'autres sources d'information en anglais: http://www.eesc.europa.eu/?i=portal.en.social-entrepreneurship-make-it-happenfinalreport). M. Siecker confirme que le projet est en cours et que le CESE va mettre l'accent sur la promotion du rôle crucial de l'économie sociale en Europe. Il
ajoute que le modèle social européen a été développé dans les États membres du Nord de l'Union européenne et a été présenté aux nouveaux pays qui ont rejoint
l'Union en 2004 et ensuite comme une promesse d'un meilleur avenir, mais que l'ensemble du concept a été remis en question par les crises. Ce revirement a donné
naissance à des sentiments anti-européens qui illustrent la fragilité de l'UE et les risques qu'elle court si nous ne sommes pas vigilants.
Filip Hamro-Drotz, membre de l'Observatoire du marché unique (Groupe I, Employeurs – Finlande), regrette que les Chambres de commerce et d'industrie ne soient
pas représentées à l'audition: compte tenu de la situation économique dramatique de la Sicile, il aurait été utile de bénéficier de leur point de vue sur l'organisation
de l'économie de l'île. Bien que l'économie sociale mérite d'être soutenue en raison de sa contribution positive à la société, il indique que les entreprises sont à la fois
la colonne vertébrale de l'économie, ainsi que les investisseurs, et que la prospérité est générée sur le plan local par l'activité économique. Ceci suppose de pouvoir
compter sur le seul soutien financier de l'UE pour relancer l'économie. M. Hamro-Drotz ajoute que le marché unique est un instrument apporté par l'UE aux régions
et aux États membres pour y développer la prospérité. Le défi pour «Bruxelles» étant de remédier aux faiblesses de cet instrument, telles qu'elles sont perçues par
ses utilisateurs – la Sicile et l'Italie dans ce cas particulier. Il indique que les infrastructures, telles que les lignes de chemin de fer et les ports, sont cruciales et doivent
être améliorées, si la Sicile doit améliorer sa performance économique, et, par-dessus tout, attirer des entreprises dans cet objectif. Il félicite la fédération de M. Di
Maggio, LIBERA, de son action en faveur de la redistribution des biens issus d'activités criminelles qui ont été saisis. Il se demande comment ceux-ci sont identifiés, et
rappelle l'avis que le CESE programme sur «la lutte contre la corruption» 17, dont il est rapporteur, et invite M. Di Maggio à formuler des recommandations dans ce
contexte.
Evangelia Kekeleki, vice-présidente de l'Observatoire du marché unique (Groupe III, Activités diverses – Grèce), indique d'emblée qu'elle a noté que l'Italie était
divisée en deux: le Nord plus riche et doté de meilleures infrastructures, et le Sud, pauvre et en apparence négligé. Elle dresse un parallèle entre la Sicile et la Grèce
étant donné que ces deux pays sont confrontés à des crises similaires ayant des conséquences similaires, telles que le chômage, une baisse considérable des
investissements et de la consommation, la pauvreté et une récession cyclique. Elle estime que l'économie sociale pourrait contribuer à résoudre le problème, mais
n'est certainement pas le remède miracle à la récession économique. M me Kekeleki indique que la solution réside dans les entreprises, mais qu'elles doivent rester
situées en Europe au lieu de délocaliser leurs sites de production vers des pays tiers où la main-d'œuvre est bon marché et où elles profitent de l'exploitation et de
17
La Commission consultative des mutations industrielles (CCMI) est chargée de l'élaboration de cet avis.
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l'absence de législation et de considérations environnementales. Elle pense que la création d'emplois est la seule voie pour s'en sortir, du moment que ces emplois
ne sont aucunement liés à l'économie souterraine. Elle demande aux participants locaux s'ils ont des suggestions pour renverser la tendance négative actuelle et
attirer des entreprises.
Ullrich Schröder, membre de l'Observatoire du marché unique (Groupe I, Employeurs – Pays-Bas), félicite LIBERA de son rôle très important en particulier compte
tenu de l'influence croissante des mafias après la seconde guerre mondiale, et après la chute du Mur de Berlin, avec toutes ses conséquences pour l'ensemble de
l'Europe. Il rappelle que des chiffres de 2001 suggéraient que les activités de la mafia contribuaient au PIB de l'Italie à hauteur de 12 %. Il demande à M. Di Maggio si
cette contribution de 12 % au PIB du pays a augmenté depuis lors, en particulier compte tenu de l'implication des mafias dans le secteur de la construction, et si les
Fonds structurels de l'UE consacrés aux infrastructures et à la construction ont été détournés par des organisations criminelles. Concernant cette dernière question,
il indique que si cela s'avère être le cas, la Cour des comptes dispose d'un mandat pour mener des investigations au sujet d'éventuels détournements de l'argent des
contribuables de l'Union.
M. Schröder indique que la Sicile dispose d'infrastructures telles que des ports et de services tels que des ferries et, qu'en tant que plus grande île de la
Méditerranée, elle pourrait facilement être comparée à l'Irlande ou même la Finlande (comme le suggère M. Hamro-Drotz). Considérant cela, il se demande s'il
convient de considérer la Sicile comme une zone périphérique, ou s'il faut plutôt la comparer à d'autres régions italiennes rencontrant des difficultés similaires.
Rose D'Sa, membre de l'Observatoire du marché unique (Groupe III, Activités diverses – Royaume-Uni), remercie M. Garufi de sa contribution très intéressante. Elle
évoque le Pays de Galles, dont elle est originaire, et qui peut être considéré comme une région pauvre d'Europe, ainsi que le fait que l'Union européenne y est
relativement populaire non pour ses idéaux, mais plutôt parce qu'elle y est considérée comme une source de financements. Dans le contexte de la récession
actuelle, les données montrent que quelque 60 % de la population du Pays de Galles sont soit au chômage, soit allocataires sociaux, soit inactifs. Elle doute que la
principale réponse à la situation actuelle serait d'accroître l'autonomie locale (en y ajoutant des pouvoirs fiscaux). Mme D'Sa indique que cela découragerait les 40 %
restants (c'est-à-dire ceux qui travaillent et paient des impôts) de rester dans cette région pauvre. Ni le grand rêve, ni la vision politique de l'UE n'ont abouti à une
prospérité durable pour tous, et elle demande aux participants locaux leur avis sur la manière de permettre à la prospérité de parvenir en Sicile.
Réponse aux membres de l'OMU
Umberto Di Maggio indique que l'Italie en général et la Sicile en particulier ont connu une aggravation considérable des conditions sociales ces 15 dernières années.
Il y a environ 10 millions de pauvres en Italie, 5 millions d'Italiens vivent dans une «relative pauvreté» et la Sicile contribue dans une grande mesure à ces chiffres. Il
indique qu'il faut supprimer à la mafia sa capacité d'être un fournisseur de prospérité illégale, étant donné qu'elle a créé un système criminel de protection sociale
fournissant des emplois, y compris des emplois en dehors du champ de ses activités criminelles, et des logements dans les banlieues de grandes villes du Sud de
l'Italie. Elle permet également à certains d'utiliser des équipements publics tels que l'électricité et l’eau grâce à des connexions illicites au réseau public de fourniture
de ces produits. Ce faisant, la mafia donne l'impression qu'elle résout les problèmes des personnes défavorisées là où l'État a failli. M. Di Maggio indique que la mafia
est parvenue à avoir accès aux Fonds structurels de l'UE, mais comme le disait l'acteur Pier Paolo Pasolini, «je le sais, mais je ne peux le prouver». Les Fonds structurels
sont répartis sur la base d’un système de quotas, qui leur permet d'être dépensés rapidement et à travers des canaux relationnels qui ont facilité à la mafia l'accès à
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ces fonds. Il conclut en suggérant de repenser la répartition des fonds européens et d'améliorer le contrôle et le suivi en ligne grâce au programme FLARE18, une
structure parapluie européenne regroupant des associations telles que LIBERA. Il mentionne la directive européenne sur les biens saisis 19 qui doit être considérée
comme la référence de toute action dans ce domaine.
Franco Garufi confirme que la Sicile arrive en tête des régions italiennes en ce qui concerne la corruption en matière de financements européens. Il ajoute qu'il ne
fait aucun doute que certain des fonds détournés sont redirigés vers la mafia. Toutefois, les services chargés de l'application de la loi ont maintenant les moyens de
traiter les mécanismes qui ont permis cette sorte d'interférence criminelle, et en effet, l'OLAF20 s'est penché sur la question. Il estime que le principal problème
réside dans la manière de garantir le mieux possible que les attributions de marchés publics se fassent, dans toute l'Union européenne, selon des procédures
juridiques excluant tout risque de manipulation illicite. Il ajoute que l'Europe ne sortira pas de la crise tant qu'elle ne considérera pas sa partie méditerranéenne
comme une valeur plutôt que comme une charge, et que les politiques d'intégration visant les régions ayant besoin de soutien n'ont pas seulement mis l'accent sur
les parties Sud de l'UE, mais également sur des régions situées au Nord, telles que le Pays de Galles et d'autres zones industrielles en déclin. M. Garufi indique que, si
l'on considère l'UE depuis la partie Sud de la Méditerranée, il est clair que la Sicile, par exemple, dispose d'une localisation stratégique. Les problèmes auxquels la
Sicile est confrontée sont également partagés par une grande partie du Mezzogiorno, les régions du Sud de l'Italie, tandis que le centre et le nord de l'Italie les
distancent de plus en plus, étant donné qu'ils ont bien mieux réagi aux défis résultant de la crise.
En rappelant les possibilités qui existent aujourd'hui de combler le fossé, non seulement entre le Nord et le Sud, mais également entre les régions riches et pauvres
dans d'autres parties de l'UE, M. Garufi mentionne la notion de «banane européenne» de l'économiste italien Bruno Amoroso 21, de l'Université de Roskilde au
Danemark, qui décrit les régions riches de l'Europe s'étendant de la Lombardie, en Italie, à certaines parties de la Grande-Bretagne et comprenant une partie de la
France et de l'Allemagne. Ces régions riches tournent le dos à de vastes parties de l'Union européenne et l'UE a très peu agi pour remédier à ces disparités, hormis le
programme des Fonds structurels 2014-2020, dont le budget n'était pas suffisant pour aider l'Europe à sortir de la crise ni pour générer une nouvelle période de
croissance. Dans ce contexte, il souligne qu'il est nécessaire que l'Italie améliore d'une part sa manière d'allouer, de distribuer et d'utiliser les fonds de l'UE, et
d'autre part, l'efficacité de ses administrations publiques concernées. Les Fonds devraient être utilisés au mieux pour produire un effet cyclique ainsi qu'un effet
structurel, de manière à créer des conditions favorables à différentes formes de croissance. Il conclut en soulignant la complexité du contexte italien qui comprend
20 régions, dont certaines (comme la Sicile) sont autonomes, et la tentative du gouvernement italien d'opérer une recentralisation des politiques, avec le risque de
ne plus leur permettre de répondre de manière adéquate aux diverses exigences régionales.
Edgardo Maria Iozia partage l'avis de M. di Maggio selon lequel la mafia a détruit la citoyenneté en créant une société et des valeurs alternatives qui n'étaient pas les
valeurs traditionnelles de la Sicile. Il indique que l'un des échecs majeurs réside dans le fait que la classe politique n'a pas été capable de tirer le meilleur du potentiel
de cette île, ni de la gouverner correctement, ni même de concevoir des projets qui pourraient être soutenus par l'Union européenne. La corruption et les infractions
18
FLARE signifie en anglais Freedom, Legality and Rights in Europe (Liberté, légalité et droits en Europe).Voir aussi: http://www.libera.it/flex/cm/pages/ServeBLOB.php/L/IT/IDPagina/119et
http://flarenetwork.org/home/home_page.htm.
19
http://ec.europa.eu/home-affairs/news/intro/docs/20120312/1_en_act_part1_v8_1.pdf.
20
Les services de lutte contre la fraude de l'Union européenne.
21
http://rucforsk.ruc.dk/site/en/persons/bruno-amoroso(c88a4290-c396-48ac-a81f-f6d288215cd4).html.
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constantes au code civil s'ajouteraient à ces facteurs négatifs pour mettre un terme au développement et à l'accès aux financements, maintenant ainsi la région
dans un stade d'arriération. M. Iozia indique que nous commençons à assister à une réelle alliance au sein de la société civile, comme l'a récemment illustré le récent
bannissement des sociétés liées à la mafia par la communauté des entreprises siciliennes. Il indique que le processus d'intégration européenne a servi d'instrument à
ce changement de société, ainsi qu'à surmonter les problèmes liés à la localisation périphérique.
Antonio Longo, membre de l'Observatoire du marché unique (Groupe III, Activités diverses – Italie), indique qu'en dépit d'une interprétation plutôt morose de la
situation socio-économique de la Sicile, il existe des exemples positifs qui démontrent la capacité de cette région à attirer des entreprises internationales florissantes
et des partenariats d'entreprises, comme par exemple la société de micro-électronique STMicroelectronics, installée à Catane. Enfin, il est important d'envoyer des
signaux positifs et de quitter l'image généralement négative qui est celle de l'Italie du Sud. Il mentionne la région méridionale des Pouilles, qui en dépit de difficultés
similaires (crime organisé, localisation périphérique, etc.), a également attiré des activités économiques nouvelles et orientées vers l'avenir. Le tourisme est
certainement un facteur économique important pour la Sicile, mais une relance économique doit s'appuyer sur des instruments diversifiés tels que l'agriculture, la
logistique et les nouvelles technologies. M. Longo conclut en mentionnant le rôle et la responsabilité de la classe politique ainsi que l'interaction entre le
gouvernement central et le gouvernement local.
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Dix conclusions principales de l'audition
1.
La compétitivité de la Sicile est en butte à de nombreuses difficultés, dont l'obstination de l'Europe à mettre en œuvre des politiques dictées par l'austérité
et une situation économique qui ne sera bientôt plus viable;
2.
La région ne satisfait pas aux exigences fondamentales du marché unique en matière de compétitivité, en raison de son infrastructure de transport lacunaire (en
particulier ses voies ferroviaires);
3.
L'arrivée de la large bande et du haut débit (cf. le programme des Fonds structurels 2014-2020) est très importante pour améliorer la qualité des services,
renforcer l'efficacité de l'administration publique locale et créer des emplois pour les jeunes qualifiés;
4.
L'Italie étant considérée comme une «zone unique» (cf. également la «contribution unique»), aucune distinction n'est opérée entre les différentes parties du pays;
Ce choix politique de l'Union européenne a pour conséquence ultime d'exclure de petits agriculteurs siciliens du système des aides européennes;
5.
La crise financière et les règles du contrat social ont contraint les collectivités locales de la Sicile, ce qui aboutit à mettre en œuvre deux scénarios tout aussi
mauvais l'un que l'autre, c'est-à-dire soit licencier du personnel et des employés, soit fermer de nombreux sites de production;
6.
Unir nos forces, non seulement à l'échelle européenne mais également à l'échelle mondiale, pour combattre les organisations criminelles qui opèrent sur la scène
internationale en réutilisant leurs biens saisis, notamment dans des objectifs d'intégration sociale;
7.
En Sicile en particulier, les entreprises sociales pourraient être utiles dans le cadre de la redistribution des richesses, et le soutien financier issu des fonds
européens serait le bienvenu;
8.
L'Europe a besoin d'un grand programme d'investissement sans lequel la relance de l'économie européenne ne pourra advenir;
9.
L’affectation, la répartition et l'utilisation des fonds européens doivent être suivies de très près pour éviter les abus et les détournements (cf. programme
FLARE);
10.
Les Fonds devraient être utilisés au mieux pour produire un effet cyclique ainsi qu'un effet structurel, de manière à créer des conditions favorables à différentes
formes de croissance.
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Galerie de photos
Evangelia Kekeleki, vice-présidente de l'OMU, membres et participants
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La Sala Gialla, Palazzo dei Normanni.
De gauche à droite: F. GARUFI, M. SIECKER, président de la section spécialisée
«Marché unique, production et consommation», E.M. IOZIA
F. GARUFI, chef du Département des politiques de cohésion économique et
territoriale, CGIL (Confédération générale italienne du travail)
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