TROIS HISTOIRES D’URTICAIRE Philippe GUERIN, Strasbourg. Journées de validation Reims, les 27,28 et 29 septembre 2004. Monsieur Z…, 41 ans, cuisinier. Monsieur Z… travaille depuis 15 ans dans un restaurant comme cuisinier, il est spécialisé dans le découpage de la viande. OBSERVATION : Il y a 4 ans, sur les lieux de travail, Monsieur Z… a présenté un œdème palpébral bilatéral. Il y a 3 ans, sont apparus des épisodes de conjonctivites et de rhinites rythmés par le travail. Il y a 2 ans, est apparue une urticaire des avants bras et des mains au contact de la viande crue. Il signale également des épisodes d’oedèmes de Quincke apparus 10 minutes environ après l’ingestion de viande insuffisamment cuite. Il y a quelques mois, il a présenté trois épisodes d’oppression thoracique nocturne avec sifflements spontanément résolutifs en une quinzaine de minutes, en dehors de tout contexte infectieux. Un traitement antihistaminique permet une nette amélioration de la rhinite et de la conjonctivite. L’examen clinique du salarié est sans particularité. Les tests cutanés aux principaux allergènes sont négatifs. Les prick-tests vis-à-vis des allergènes alimentaires de la batterie standard sont négatifs, ainsi que ceux de l’albumine humaine et de la gélatine. Les tests cutanés par scarification aux viandes crues de veau, bœuf, agneau, porc sont fortement positifs. Une forte réaction urticarienne par simple contact avec les viandes est notée. Les prick-tests pour les albumines d’origine animale sont positifs à partir de 10-5 g/l de protéine pour le cheval, le chien, le bœuf, le porc et le chat. Le dosage de Ig E spécifiques est de classe II (modéré) pour la viande de bœuf et de classe I (faible) pour le porc. Il n’existe pas d’ Ig E spécifiques pour la viande de poulet. Les journaux de surveillance des débits expiratoires de pointe ne révèlent aucune variation significative autant sur les lieux de travail qu’en dehors de celui-ci. Le débit expiratoire moyen est de 570 l /mn. Sur le plan fonctionnel, la spirométrie est satisfaisante sans atteinte des petites voies aériennes. Un test de broncho constriction à la métacholine réalisé après quinze jours de congés est négatif. Un contrôle trois semaines après la reprise du travail s’est révélé positif avec une chute de 22.6 % témoignant d’une hyperréactivité bronchique non spécifique liée à l’environnement professionnel. L’évolution est marquée par la persistance d’une rhinite et d’une conjonctivite, sans manifestation asthmatique alors que l’exposition aux viandes crues était moins importante. En revanche l’allergie alimentaire s’est complétée par l’apparition de manifestations cliniques d’allergie lors d’ingestion de viande cuite. CONCLUSION Il s’agit donc d’un salarié qui présente une sensibilisation respiratoire, cutanée et digestive aux protéines animales et plus particulièrement à l’albumine sérique, liée à son environnement professionnel. Dans son cas l’albumine sérique se comporte comme : - un pneumallergène, - un allergène alimentaire, - un allergène de contact Monsieur C…, 19 ans, agent d’entretien en nettoyage en milieu industriel Monsieur C… travaille depuis 15 mois comme agent d’entretien dans une entreprise de nettoyage en milieu industriel. Il intervient actuellement dans une entreprise agro-alimentaire fabriquant des produits dérivés du saumon. Il travaille dans une équipe de 7 personnes chacune étant chargée du nettoyage d’une pièce. Monsieur C… porte comme vêtement de protection une combinaison en coton recouverte d’une combinaison en PVC, des gants en vinyle avec manchette au niveau des poignets, des bottes en PVC. Ces vêtements sont fournis par l’entreprise mais lavés par le salarié. Monsieur C… assure le nettoyage des machines de production, des sols, des tapis convoyeurs, des murs, des égouts, et des tabliers des personnels. Le nettoyage des tabliers se fait ainsi : Monsieur C… les fait d’abord tremper dans une cuve contenant environ 3 litres de désinfectant de contact - ANIOS BX5, à base de formaldéhyde et d’ammonium quaternaire, risque spécifique R43 peut entraîner une sensibilisation par contact avec la peau -. Il doit pour les récupérer, avant de les brosser, puis de les rincer à la lance à eau froide, plonger les mains dans la cuve. Il précise que la combinaison de coton est trempée lorsqu’il enlève la combinaison en PVC. Les machines, les sols, les murs, les égouts sont d’abord nettoyés au jet d’eau à haute pression. Puis Monsieur C… pulvérise au canon à mousse un produit détergeant, dégraissant et désinfectant – ALCANIOS SF 20, risques spécifiques C corrosif, R35 peut provoquer de graves brûlures- qui doit agir 20 mn. Cette mousse est ensuite rincée par Monsieur C … au jet d’eau à haute pression. Monsieur C …désinfecte ensuite les machines avec l’ANIOS BX5. Monsieur C …précise qu’il utilise de l’acide une fois par semaine pour nettoyer les machines et une fois par mois pour nettoyer les murs. HISTOIRE DE LA MALADIE Monsieur C… aurait présenté dès le premier jour de travail dans cette entreprise des lésions cutanées à type de rougeur et de prurit importantes. Après son poste de travail et une douche les lésions auraient persisté, associées à un prurit intense. Il a tenu 15 mois malgré les lésions et le prurit et a consulté son médecin traitant qui lui prescrit un arrêt maladie et l’adresse à un dermatologue. Le dermatologue diagnostique une urticaire à la pression, il n’y a pas de tests allergologiques. A l’examen clinique dans le service, l’on retrouve une urticaire à la pression typique du dermographisme, le test au froid est négatif, il n’y a pas de lésions cutanées évocatrices d’allergie de contact. Cette urticaire à la pression est retrouvée sur toutes les parties du corps Un traitement antihistaminique a été prescrit par les dermatologues, abandonné au bout d’une semaine par le salarié en raison d’une prise de poids qui serait, d’après lui, en rapport avec le traitement. La symptomatologie a persisté malgré l’arrêt maladie, ce qui montre l’absence de lien avec le travail. CONCLUSION Monsieur C… peut donc reprendre le travail, cependant compte tenu du dermographisme, le port de vêtement de travail trop serré type combinaison pouvant déclencher une réaction urticarienne invalidante, un aménagement est demandé concernant le port de la combinaison serrée, et un reclassement sur d’autres chantiers ne nécessitant pas le port de telle combinaison est conseillé. Madame B…, 41 ans, assistante commerciale Madame B…est, depuis 7 ans, assistante commerciale dans une direction régionale de France Télécom. Elle a essentiellement un emploi administratif. Madame B… nous est adressée par son médecin du travail, pour bilan allergologique, en effet elle a présenté à l’occasion d’un changement de bureau des signes allergiques des voies aériennes supérieures, rythmés par le travail. Son passé allergique est long : - Il commence il y a 18 ans par l’apparition d’un œdème de Quincke qui conduit à une hospitalisation. Un bilan allergologique fait la même année montre une allergie aux acariens. - Par la suite, Madame B…décrit des épisodes d’oedèmes du visage et du larynx survenus après consommation de fruits, injection d’anesthésiques locaux, prises médicamenteuses – AINS, ATB, antalgiques, produits iodés…- Ses épisodes sont parfois constatés par son médecin généraliste ou son ORL, aucun bilan allergologique n’est pratiqué, - Ces épisodes ont conduit Madame B… à se munir en permanence de SOLUDECADRON, qu’elle s’injecte dès l’apparition d’œdème. - Elle n’a jamais présenté d’asthme, mais rapporte une urticaire cutanée lors du contact avec les gels douche, le nickel, les tissus synthétiques et les produits ménagers. Dans ses antécédents, on trouve de nombreux épisodes d’infection ORL, rhinites et otites, attribués à la climatisation. Le début de l’histoire actuelle commence par un changement de bureau lié à un changement de service. Arguant de ses problèmes ORL, elle demande un bureau sans climatisation générale. Un bureau lui est attribué, récemment rénové, du sol au plafond en passant par les murs, mais dont les meubles sont anciens. Dès le premier jour dans ce nouveau bureau, elle ressent une sensation désagréable du palais, améliorée par la prise de CELESTENE. Deux jours plus tard apparaissent une rhinite, une toux sèche, et un œdème du palais, il n’y a ni manifestation asthmatiforme ni manifestation oculaire. Elle consulte son ORL qui lui prescrit des corticoïdes inhalés, des antihistaminiques et un congé maladie de quelques jours. Lors de son retour au travail, la symptomatologie réapparaît, pour s’amender le week-end. Suite à intervention du médecin du travail, un autre bureau, non rénové, lui est affecté, la symptomatologie disparaît. Malheureusement, il s’agit d’un bureau directorial, où elle ne va pas pouvoir rester. L’examen clinique, dans le service, est sans particularité. Un bilan allergologique est pratiqué qui montre : - des tests épicutanés standards négatifs, - des tests aux anesthésiques locaux et au latex négatifs, - un dosage des IgE spécifiques aux pneumallergènes (CLA-30) négatif. La possibilité d’une allergie multiple n’est pas retenue étant donnée la rareté de l’association d’allergie avec la négativité du bilan allergologique. C’est le diagnostic d’urticaire chronique, avec manifestations d’œdème du palais, survenant suites à des expositions différents produits et substances qui est retenu. Il existe, très probablement, une allergie vraie aux bétulacées, qui expliquerait, par réactions croisées, les premières manifestations à l’ingestion de fruits. Sur le plan professionnel, c’est une intolérance aux produits chimiques, en rapport avec l’hyperréactivité de Madame B…, qui expliquerait la symptomatologie clinique. En effet, il existe des dégagements de composés organiques volatiles, décroissant lentement dans le temps, suite aux travaux de rénovation des revêtements de sol et des peintures. Il est fortement souhaitable que Madame B… puisse rester dans son bureau directorial.