La multiplication des circonstances aggravantes est

La multiplication des circonstances aggravantes est-elle fondée ?
Introduction
I/ La multiplication des circonstances aggravantes synonyme de
diversification des fonctions du droit pénal
A/ Le respect des fondements classiques du droit pénal
1) Les circonstances aggravantes comme outil de répression
2) Les circonstances aggravantes comme outil de prévention
3) Les circonstances aggravantes comme outil d’expression
B/ La multiplication des circonstances aggravantes ou l’apparition de
nouvelles fonctions du droit pénal
1) La multiplication des circonstances aggravantes et la montée en puissance
d’une fonction déclarative du droit pénal.
- Répondre à un besoin de sécurité
- Répondre à un besoin de reconnaissance
- Exemples
2) La multiplication des circonstances aggravantes palliant les
disfonctionnements des régulateurs sociaux traditionnels
II/ Un phénomène de multiplication des circonstances aggravantes mal
maîtrisé modifiant le paysage de la sanction
A/ L’impact de la multiplication des circonstances aggravantes sur le juge et
le justiciable.
1) Un système parfois contraire au principe d’égalité devant la loi
2) La réduction du pouvoir du juge dans la détermination de la peine.
3) Un mouvement synonyme d’insécurité juridique
B/ La multiplication des circonstances aggravantes, vers un droit pénal
incohérent
1) Un droit pénal inopérant
- Un système d’accumulation de circonstances aggravantes parfois mal maîtrisé
- Le non respect du principe de proportionnalité
- L’ineffectivité de l’infraction aggravée
2) Vers un droit pénal illisible
Conclusion
Introduction
Chaque infraction est différente en ce qu’elle possède son contexte et sa réalité propre. Ainsi,
toutes les infractions de meurtre ou de vol ne se ressembleront pas : victime différente, auteur
différent, conditions de commission différentes… Le vol d’un portefeuille par un pic pocket
en toute discrétion par exemple, n’est pas le même que le vol du sac à main d’une personne
âgée exercé avec violence. Bien qu’il s’agisse de la même infraction, elle n’appelle pas le
même jugement de valeur et a fortiori la même sanction.
La prise en compte de cette réalité n’échappe pas au droit pénal. S’il lui est impossible
d’envisager les multiples aspects sous lesquels un même acte est susceptible de se présenter
en raison de son caractère général et absolu, rien ne l’empêche, en revanche de spécifier
certaines circonstances afin de nuancer la sanction qu’il porte sur un comportement déjà
pénalement répréhensible.
Cette technique est celle des circonstances aggravantes qui pourra s’exercer de deux
manières : d’abord à travers le juge, les circonstances aggravantes seront dites judiciaires,
ensuite à travers la loi, les circonstances aggravantes seront alors légales.
Les circonstances aggravantes judiciaires sont le corollaire du principe d’individualisation de
la peine, article 132-24 du CP, selon lequel il revient au juge de tenir compte des
circonstances de l’infraction pour déterminer la peine applicable. Le juge considérera alors de
manière discrétionnaire les éléments de fait qui entourent l’infraction pour ne retenir que ceux
qui lui paraissent atténuer ou en accroître la sanction. Il n’est limité que par le maximum de la
peine prévue par le législateur, l’objectif étant d’adapter la peine à la situation concrète du
délinquant.
Les circonstances aggravantes judiciaires ne feront pas l’objet de cet exposé de part leur
nature même qui sont propres à chaque infraction et à chaque juge dans sa décision.
Seules seront considérées ici les circonstances aggravantes dites gales qui sont différentes
en ce qu’elles sont directement définies par le législateur et sont liées à des faits particuliers
entourant l’infraction qui, s’ils sont caractérisés, entraînent une aggravation de la peine
encourue. Ces circonstances lient alors le juge dans sa décision qui est obligé d’en tenir
compte dans la détermination de la peine.
Ces circonstances aggravantes supposent nécessairement la préexistence d’une infraction
initiale. Elles ne se conçoivent que par rapport à cette infraction puisque par définition elles
vont permettre d’aggraver la répression du comportement déjà incriminé. Pour autant, la
circonstance aggravante se distingue de l’élément constitutif de l’infraction initiale qui lui est
propre et sans lequel celle-ci ne pourrait exister. La circonstance aggravante en revanche ne
fait pas disparaître l’infraction en son absence. Elle n’est qu’un ajout, un satellite qui tourne
autour de l’infraction.
Toutefois, la parenté entre la circonstance aggravante et l’élément constitutif est évidente car
il arrive qu’un même fait soit parfois un élément constitutif dans une infraction et une
circonstance aggravante dans une autre. Tel est le cas des violences volontaires, éléments
constitutifs du viol, qui deviennent circonstances aggravantes du vol ou du proxénétisme.
D’autre part, le gislateur incrimine parfois certains comportements en tant qu’infractions
autonomes, les mêmes comportements devenant des circonstances aggravantes dans d’autres
infractions. Ce sera le cas des tortures et actes de barbarie infraction autonome de l’article
222-1 du CP qui deviendront par exemple des circonstances aggravantes du viol, article 222-
26 du CP.
Deux types de classifications différentes sont proposés pour distinguer ces circonstances
aggravantes.
La classification doctrinale distingue, selon leur étendue, les circonstances aggravantes
générales et spéciales. La première catégorie contient uniquement la récidive, définie à
l’article 132-8 du CP, qui est susceptible de s’appliquer quelque soit l’infraction. Toutes les
autres circonstances aggravantes sont dites spéciales, c’est à dire applicable seulement si le
législateur les a expressément prévu à propos de telle ou telle infraction. Elles peuvent être
attrait à l’auteur ou à sa profession comme certaines infractions commises par un dépositaire
de l’autorité publique ou chargé d’une mission de service publique. Elles peuvent concerner la
condition de la victime, sa profession ou ses liens avec l’auteur comme les infractions
commises sur une personne vulnérable, un magistrat, un fonctionnaire de police ou encore un
ascendant gitime ou naturel de l’auteur. Il peut s’agir aussi d’une circonstance aggravante
ayant trait aux moyens ou aux modes utilisés pour commettre l’infraction comme l’usage ou
menace d’une arme, la préméditation, la réunion ou l’aide ou l’assistance d’un mineur.
L’aggravation de la peine peut concerner aussi le lieu de commission de l’infraction comme
l’infraction commise dans ou aux abords d’un établissement scolaire ou dans un bus. Enfin la
circonstance aggravante peut être attrait aux conséquences dommageables de l’infraction.
Cette classification doctrinale est purement artificielle et n’a qu’une visée pédagogique et
descriptive.
La jurisprudence a adopté une autre classification plus technique qui a pour but de déterminer,
le cas échéant, quelles circonstances appliquer à qui lorsqu’il y a plusieurs participants à une
même infraction. Elle distingue alors les circonstances aggravantes réelles des circonstances
aggravantes personnelles et mixtes. Les circonstances aggravantes réelles sont attachées aux
faits entourant l’infraction et se communiquent au complice, telle l’infraction commise avec
arme, en réunion ou sur une victime vulnérable. Les circonstances aggravantes personnelles
s’attachent à la personne de l’auteur et ne se communiquent pas au complice telle la récidive.
La circonstance aggravante mixte doit être recherchée dans les faits de l’espèce mais ne
concerne que tel ou tel participant et ne produit en principe un effet qu’envers la personne
concernée. Ce sera le cas de la préméditation par exemple.
Cette classification, si elle a une visée plus pratique est néanmoins parfois loin d’être évidente
tant la confusion sur la nature d’une circonstance aggravante peut être facile. Ainsi, dans un
arrêt du 27 avril 1994, la chambre criminelle a du rappeler que « la circonstance aggravante
personnelle d’autorité est distincte de la contrainte, violence et surprise, éléments constitutifs
des infractions de viol et d’attentat à la pudeur. »
Quoi qu’il en soit, les circonstances aggravantes ont pour objet d’accroître les peines
encourues. En principe, elles allongent la peine privative de liberté en l’élevant d’un degré sur
l’échelle des sanctions par rapport à l’infraction à laquelle elles s’attachent. Autrement dit,
elles modifieront le plus souvent la qualification légale de l’infraction au sein de la
classification tripartite faisant passer de la contravention au délit ou du délit au crime. Ainsi,
par exemple le vol qui est un délit passe a une qualification de crime dès lors qu’il est
accompagné ou suivi de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente
ou encore lorsqu’il est commis en bande organisée ( articles 311-7 et 311-9 du CP).
Cependant, le changement de qualification n’est pas systématique.
Il est également fréquent que la circonstance aggravante augmente le montant de l’amende
proportionnellement à l’augmentation de la durée de la peine privative de liberté. Mais cela
n’est pas une généralité.
De même, certaines circonstances aggravantes permettent au magistrat d’infliger des peines
complémentaires mais celles-ci sont rares.
Enfin, certaines circonstances aggravantes peuvent avoir des conséquences sur l’exécution de
la peine en interdisant au condamné de bénéficier de suspension ou fractionnement de peine.
Il est de constat évident que les circonstances aggravantes tendent ces dernières années à se
diversifier et se multiplier.
Diversification d’abord avec la création de nouvelles circonstances aggravantes. Par exemple,
en 1998 est créée la circonstance aggravante de commission de certaines infractions près d’un
établissement scolaire, en 2002 celles commises avec l’aide ou l’assistance d’un mineur, en
2003 celles commises à raison d’un mobile raciste, homophobe ou sexiste, ou encore celles
commises dans un transport collectif, à l’encontre d’un sapeur pompier ou un gardien
d’immeuble, en 2006 la circonstance aggravante d’infractions commises par le partenaire lié à
la victime par un PACS, enfin en 2007, l’une des petites dernières en date, la création de la
circonstance aggravante de rassemblement sur les toits d’immeuble.
Résultat, le code pénal compte aujourd’hui pas moins d’une 100ène de circonstances
aggravantes différentes.
Multiplication ensuite en ce que ces circonstances aggravantes spéciales existent ou sont
ajoutées à un nombre significatif d’infraction existante dans le code pénal. Rare est
l’infraction aujourd’hui qui ne possède pas sa ribenbelle de circonstances aggravantes qui
l’accompagnent ne manquant pas de rendre de plus en plus illisible notre code pénal.
La question se pose alors, pourquoi un tel phénomène ? Sur quoi se fondent les circonstances
aggravantes et leur multiplication ? Quels en sont les tenants et les aboutissants pour notre
droit pénal ?
Pour répondre à de telles questions il faut d’abord revenir aux sources du droit de punir et les
fondements sur lesquels se base cette technique des circonstances aggravantes. Si celles-ci se
basent toujours sur des fonctions répressives, expressives ou préventives, force est de
constater que l’évolution de la société a conduit à développer de nouvelles fonctions du droit
pénal qui se surajoutent aux fonctions traditionnelles et vont traduire ce phénomène de
multiplication des circonstances aggravantes. Reflet d’un droit pénal devenu déclaratif et
régulateur social, la multiplication des circonstances aggravantes vont permettre de répondre à
de nouveaux besoins de la population. Cependant, un tel phénomène n’est pas sans
conséquence sur la cohérence et les contours de notre droit pénal contemporain. On abouti
alors à un système illisible et parfois inopérant du point de vu de la sanction.
Ainsi, la multiplication des circonstances aggravantes si elle s’explique d’abord par les
fonctions traditionnelles du droit pénal, tend a exprimer d’autres fonctions. Elles sont le reflet
d’une diversification progressive des fonctions du droit pénal (I). Cependant, cette
multiplication des circonstances aggravantes laisse place à un système mal maîtrisé qui
transforme quelque peu le paysage de la sanction (II).
I/ La multiplication des circonstances aggravantes synonyme de diversification des
fonctions du droit pénal
Si la multiplication des circonstances aggravantes semble respecter les fonctions classiques du
droit pénal (A), on remarquera que leur fonction essentielle n’est plus de réprimer, prévenir
ou d’exprimer des valeurs générales. En effet, avec l’évolution de la société, des médias et des
actes de violence, le droit pénal acquière de nouvelles fonctions, à la fois une fonction
déclarative et une fonction de régulateur social principal (B).
A/ Le respect des fondements classiques du droit pénal
Le recours aux circonstances aggravantes se justifie ainsi au travers d’un triptyque classique,
propre au droit pénal. En effet, elles agissent à la fois comme un outil de répression, de
prévention et d’expression.
1) Les circonstances aggravantes comme outil de répression
Elaborée pour sanctionner, dans l’intérêt général, certains comportements dangereux pour
l’ordre public ou contraire aux exigences de la vie en société, la loi pénale a, avant tout, une
fonction répressive. L’infraction doit être punie en ce qu’elle porte atteinte à la société toute
entière. La peine est alors un mal qui est rendu pour un mal.
Les circonstances aggravantes sont l’illustration de cette fonction répressive. En effet, celui
qui commet une infraction plus grave mérite d’être puni plus durement. Mr Roux considérait
dans ce même sens qu’ « à une faute plus grave, il convient d’opposer une sévérité plus
grande ».
Les circonstances aggravantes sont ainsi le moyen de graduer la gravité d’un fait. Une
infraction sera plus ou moins grave selon qu’elle est commis sur telle ou telle personne, par
telle ou telle personne, ou par tel moyen ou dans telle circonstance.
Par exemple un meurtre sera juplus grave lorsqu’il sera commis sur un mineur que sur un
majeur. Cela ne choque personne et est considéré comme tout à fait normal.
Les circonstances aggravantes permettent également d’établir un degré plus ou moins
oppressif du droit pénal.
Par exemple, l'affermissement de la répression en matière d’infraction non intentionnelle
(notamment en matière de circulation routière) a été renforcé par l'éventail des circonstances
aggravantes suivantes, prévues par le législateur :
- la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de
prudence prévue par la loi ou le règlement,
- l'alcoolémie au volant, qu'il s'agisse d'une contravention ou d'un délit,
- le délit de fuite,
- la conduite après avoir fait usage de produits stupéfiants,
- la conduite sans permis valide, soit que l'auteur n'en ait jamais été titulaire, soit que
son permis de conduire ait fait l'objet d'une mesure de rétention, de suspension ou
d'annulation, ou d'invalidation par perte totale de points,
- l'excès de vitesse égal ou supérieur à 50 km/h.
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