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Le système nerveux central
Il est difficile de comprendre le système nerveux sans connaître les principes qui président à son
développement. Il est évident que l'information génétique disponible, qui représente dans notre
espèce de l'ordre de 20.000 gènes, ne suffit pas à coder spécifiquement chaque connexion du
système nerveux, dont on ne connaît pas le nombre mais que l'on peut estimer de l'ordre de 1014 à
1015. C'est-à-dire que le développement du système nerveux fait appel à des mécanismes de
contrôle extragénétiques qui modulent, dans le temps et l'espace, l'activité d'ensembles de gènes
de façon combinatoire. Ces influences ont leur origine à l'intérieur de l'embryon - signaux
intercellulaires et molécules de surface - et dans l'environnement facteurs nutritionnels,
influence de l'éducation, etc... La neurobiologie du développement s'est énormément développée
ces dernières années, au point qu'il est impossible d'en donner autre chose qu’un bref aperçu.
Nous nous contenterons donc de présenter les aspects les mieux établis et directement utiles à la
compréhension du fonctionnement du système nerveux central, en décrivant tout d’abord la mise
en place des différentes parties du SNC, avant de discuter les mécanismes cellulaires principaux.
La neurulation
Le système nerveux (SN) est un derivé ectodermique qui se met en place dès la fin de la
gastrulation, au début de la troisième semaine, sous forme d’un épaississement ectodermique, la
plaque neurale, qui apparaît dans la région dorsale moyenne. La plaque neurale se creuse
rapidement en gouttière neurale, qui est particulièrement large et épaisse au niveau rostral, où elle
forme les plis neuraux. Ensuite, les bords de la gouttière s’élèvent pour se rapprocher l’un de
l’autre jusqu’à fusionner dorsalement et former le tube neural. La fermeture du tube neural
commence au niveau cervical, et se poursuit dans les sens caudal et rostral. Aux extrémités, le
tube reste initialement ouvert, formant les neuropores antérieur et postérieur qui mettent en
communication la lumière du tube neural et la cavité amniotique. Le neuropore antérieur se ferme
au stade de 18-20 somites, et le postérieur deux jours plus tard.
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La moelle
Sitôt après sa fermeture, la paroi du tube neural est composée d’un neuro-épithélium. Les cellules
s’étendent à travers toute l’épaisseur, formant un épithélium pseudostratifié, et sont connectées à
leur pôle luminal par des jonctions. Les mitoses se poursuivent dans la zone qui entoure le
ventricule, appelée pour cette raison zone ventriculaire. A la partie externe du neuro-épithélium
apparaissent de grandes cellules qui correspondent aux premiers neurons, et qui se disposent dans
le manteau qui deviendra la substance grise de la moelle. La partie encore plus externe, la zone
marginale, contient essentiellement les fibres provenant des neurones du manteau, et plus tard les
fibres afférentes d’autres sources. A un stade plus tardif, les axones s’entourent d’une gaine de
myéline et cette zone marginale devient la substance blanche de la moelle. Suite à la formation et
à la migration des neurones, les côtés du tube neural augmentent de volume. En position ventrale
se trouvent les lames ou plaques basales, qui contiennent les motoneurones et des interneurones,
alors que les plaques ou lames alaires, en position plus postérieure, forment les aires sensitives.
Ces deux lames sont séparées par un sillon appelé sillon limitant. Les parties médianes ventrale et
dorsale portent le nom de plancher (floor plate) et toit (roof plate); elles ne contiennent pas de
neurones, mais le plancher joue un rôle dans le guidage des axones qui croisent la ligne médiane
(commissures). En plus des cornes ventrale et dorsale, des neurones se disposent en position
intermédiaire, formant la corne intermédiolatérale peuplée de neurones orthosympathiques aux
niveaux dorsal et lombaire, et de neurones parasympathiques au niveau sacré.
Les premières fibres motrices apparaissent à la quatrième semaine, au départ de la corne ventrale
de la moelle. Elles se groupent au niveau des racines ventrales. Les racines dorsales contiennent
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les axones des neurones des ganglions rachidiens, dont l’extrémité proximale plonge dans la
moelle et l’extrémité distale se joint aux fibres de la racine ventrale pour former les nerfs
périphériques.
Au 3ième mois, la moelle occupe toute la longueur de l’embryon, et les nerfs rachidiens quittent
le rachis en regard de leur origine. Ensuite, le rachis s’allonge plus vite que la moelle, de sorte
que l’extrémité caudale de la moelle prend une position relative de plus en plus rostrale. A la
naissance, l’extrémité de la moelle est au niveau de L3. En parallèle, les racines rachidiennes
descendent dans le canal rachidien avant de rejoindre leur trou de conjugaison. Chez l’adulte, la
moelle se termine en L2-L3, alors que le sac dural descend jusque S2 avant de se prolonger par le
filum terminal qui l’attache au coccyx. Le paquet de racines nerveuses qui cheminent dans le sac
dural en dessous de L3 forme la queue de cheval. C'est pourquoi la ponction lombaire est
toujours pratiquée au niveau lombaire bas pour éviter de piquer la moelle.
Les malformations les plus fréquentes de la moelle sont les anomalies de fermeture du
tube neural ("dysraphies"), qui peuvent impliquer le tissu nerveux mais aussi les arcs vertébraux,
les muscles et la peau. Le spina bifida est une division des arcs vertébraux, accompagnée ou non
de division de la moelle. Son incidence est de 1/1000 avec de grandes variations régionales. Le
spina bifida occulta est un déficit qui ne touche que les arcs vertébraux, généralement au niveau
L4 S1 et s’accompagne fréquemment d’une touffe de poils en regard de la région impliquée.
Cette anomalie touche environ 10% des personnes. Le spina bifida kystique est une malformation
grave où une poche de méninges et de tissu médullaire fait hernie à travers un déficit des arcs
vertébraux et de la peau. Ces kystes sont le plus souvent situés dans la région lombosacrée et
entraînent un déficit neurologique, mais pas de retard mental. La hernie de méninges et de liquide
céphalorachidien est appelée méningocoele. Si du tissu nerveux y est inclus, on parle de
méningomyélocoele. Le cas le plus rare est celui où la moelle est ouverte vers l’extérieur : spina
bifida aperta. Ces anomalies sont parfois accompagnées d’hydrocéphalie, par trouble de
circulation du liquide céphalorachidien. Le diagnostic de spina bifida kystique est posé avant la
naissance au moyen de l’échographie et par dosage de l’alphafoetoprotéine qui s’élève dans le
plasma de la mère et dans le fluide amniotique. Les cas sévères bénéficient d’un traitement
chirurgical in utero vers 28 semaines, qui diminue les séquelles neurologiques. L’origine des
anomalies de fermeture du tube neural est diverse et largement inconnue. Il semble bien que
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l’administration d’acide folique diminue l’incidence de cette malformation à condition d’être
commencée avant la conception et poursuivie pendant la gestation.
Rhombencéphale, cervelet, mésencéphale
La partie rostrale du tube neural forme trois dilatations correspondant aux trois vésicules
primaires, à savoir le prosencéphale (cerveau antérieur), le mésencéphale (cerveau moyen) et le
rhombencéphale (cerveau postérieur). En parallèle, se forment deux flexions, la flexion cervicale
entre le cerveau postérieur et la moelle, et la flexion céphalique dans la région du cerveau moyen.
Au stade de 5 semaines, le prosencéphale se différencie en télencéphale, formé d’une portion
médiane et de deux évaginations latérales, les futurs hémisphères, et en diencéphale. Le champ
optique, à partir duquel se forment les vésicules optiques, est actuellement considéré comme un
territoire propre plutôt que comme une extension rostrale du diencéphale. Un sillon profond,
l’isthme rhombencephalique, sépare le mésencéphale du rhombencéphale. Ce dernier comporte
deux parties, à savoir le métencéphale, qui forme plus tard le pont et le cervelet, et le
myélencéphale, précurseur du bulbe. La jonction de ces deux derniers territoires est marquée par
la flexion pontine. La lumière du tube neural, le canal central, se continue dans les différentes
vésicules. La cavité du rhombencéphale est le quatrième ventricule, celle du diencéphale le
troisième, et celles des hémisphères correspondent aux ventricules latéraux. Au niveau du
mésencéphale, la lumière se rétrécit et devient l’aqueduc de Sylvius. Les ventricules latéraux
communiquent avec le troisième par les trous de Monro.
Le rhombencéphale est composé du myélencéphale (bulbe rachidien, anciennement appelé
"moelle allongée", d'où la traduction anglaise de « medulla », à ne pas confondre avec la moelle,
« spinal cord ») et du métencéphale, qui forme le pont (pont de Varole, ou protubérance). Le
cervelet se développe au départ de la face postérieure du métencéphale. Le rhombencéphale
prolonge la moelle, mais sa forme est différente suite à l’apparition du quatrième ventricule avec
ouverture de la partie dorsale, et en raison de la nécessité d’innerver des structures spécifiques de
l’extrémité céphalique, à savoir les organes des sens et les dérivés des arcs pharyngiens. Les
lames basales et alaires sont séparées par le sillon limitant. Comme dans la moelle, la lame basale
contient les noyaux de neurones moteurs où l’on distingue cependant trois groupes au lieu de
deux dans la moelle : noyaux moteurs somatiques en position paramédiane, noyaux moteurs
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branchiaux (dits « viscéraux spéciaux ») en position intermédiaire, et noyaux viscéraux généraux
(parasympathiques) en position plus latérale. La colonne motrice somatique paramédiane
prolonge la corne ventrale de la moelle et inclut les neurones moteurs du XII (muscles de la
langue), du VI (oculomoteur externe), et au niveau mésencéphalique, du IV (pathétique ou
trochléaire) et du III (oculomoteur commun). La colonne viscérale spéciale innerve les muscles
dérivés des arcs pharyngiens, via les nerfs V moteur (masticateur), le VIIbis (intermédiaire de
Wrisberg), IX (glossopharyngien) et X (vague ou pneumogastrique). La colonne
parasympathique fournit l’innervation parasympathique préganglionnaire de la tête et de l’étage
supérieur du corps (noyau pupilloconstricteur d’Edinger Westphal, noyaux salivaires supérieur et
inférieur et noyau dorsal du vague ou cardiopneumoentérique). Les lames alaires contiennent
trois groupes de neurones sensoriels. Le groupe le plus latéral reçoit les afférences auditives et
vestibulaires (nerfs cochléaires et vestibulaires) et est formé des noyaux cochléaires et
vestibulaires. En position un peu plus interne, on trouve la colonne sensitive de la face formée par
le noyau sensitif du V (trijumeau). Une colonne intermédiaire, le noyau du tractus solitaire, reçoit
les afférences viscérales spéciales, à savoir les afférences gustatives, ainsi que les afférences
viscérales générales, comme les fibres parasympathiques afférentes en provenance du cœur, des
bronches ou encore du tractus digestif.
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