
ENSEIGNEMENT DE SPÉCIALITÉ 
Correction sujet B - En quoi la stratégie de monopole discriminant repose-t-elle sur un 
pouvoir de marché ? 
 
 
 En 2008, un  rapport parlementaire portant  sur la tarification  des billets de  train  par la  SNCF notait que peu de 
voyageurs  payent  le  même  prix  pour  un  trajet  donné.  Ce  rapport,  réalisé  au  nom  de  la  commission  des  Finances  de 
l'Assemblée, et intitulé "Le consommateur a le droit de comprendre", ne conteste pas la différenciation des prix opérée par 
l’entreprise, mais revendique une plus grande transparence tarifaire pour les consommateurs. 
  Cette  différenciation  des  tarifs  pour  un  même  bien  correspond  à  une  pratique  de  monopole  discriminant.  Nous 
étudierons dans un premier temps comment cette stratégie est mise en œuvre afin de montrer qu’elle repose nécessairement 
sur un pouvoir de marché. 
 
  Une stratégie de monopole discriminant vise à capter la totalité de la disposition à payer de chaque consommateur 
afin  d’accaparer  la totalité  du  surplus  du  consommateur  au  profit  de  l’entreprise.  Les  services  vendus  doivent  être  alors 
différenciés pour justifier les différences de prix entre le service vendu le plus cher aux consommateurs qui ont la plus forte 
disposition à payer et le service vendu le moins cher à ceux dont la disposition à payer est la plus faible.  
 Cette pratique est fréquente dans l’hôtellerie ou le transport. Dans le secteur aérien, elle est connue aussi sous le 
nom du « yield management ». Il s’agit de proposer, pour un même trajet Paris-New York par exemple, des services différents 
en termes de confort (classe affaire, 1ère classe, classe économique), de services annexes (priorités d’enregistrement, qualité 
des repas  à  bord, …),  de possibilités  d’échanges  de  billets  ou de remboursement, …  Pour  des chambres d’hôtel,  les tarifs 
peuvent aussi être différenciés en fonction de la qualité de la chambre, de son orientation, des services optionnels (wi-fi, mini-
bar, accès aux salles de sport, …), des dates de réservation, … Pour le train, les tarifs varieront en fonction de la date d’achat 
(à l’avance ou en dernière minute), du taux de remplissage des trains, de la possibilité d’échanger ou non le billet, de la date de 
départ (vacances, week-ends ou semaine), des cartes de fidélité achetées (selon l’âge ou la fréquence des trajets), … 
Cette discrimination par les prix fonctionne bien lorsque les consommateurs peuvent assez difficilement différer leur 
consommation dans le temps (c’est souvent au moins partiellement le cas pour les voyages, qu’il s’agisse de voyages d’affaires 
ou de tourisme) et lorsque les consommateurs potentiels ont des caractéristiques différentes et donc des attentes différentes 
(comme pour les voyageurs d’affaires ou de loisirs).  
 
Cette discrimination par  les  prix  suppose néanmoins que l’entreprise dispose d’un  pouvoir de marché (c’est-à-dire 
d’une capacité à accroître ses prix sans perdre de clients) relativement important. En d’autres termes, cette stratégie nécessite 
que la concurrence soit limitée sur le marché. D’ailleurs, si l’on observe ces stratégies de différenciation des prix dans d’autres 
structures que les monopoles (par exemple dans certaines situations d’oligopole ou de concurrence monopolistique), elle n’est 
pas possible en situation de concurrence. 
En effet, plus l’élasticité de la demande par rapport au prix est faible, plus le monopole peut fixer un prix élevé. Au 
contraire, plus elle est forte, plus le monopole a intérêt à fixer un prix bas. Or, cette élasticité-prix de la demande dépend en 
partie  du  niveau  de  la  concurrence.  Par  exemple,  on  constate  que  si  le  prix  des  vols  pour  les  hommes  d’affaire  sont 
relativement élevés, cela s’explique par le fait qu’il leur est plus difficile d’arbitrer entre un nombre limité de concurrents sur un 
long-courrier sans escale sur des dates fixes. Au contraire, dans le cas des voyages de tourisme pour des destinations plus 
proches, la concurrence est plus vive avec le rail ou la voiture et il y a davantage de trajets low-costs, car l’élasticité-prix de la 
demande est alors plus élevée. 
Cette discrimination par les prix est aussi d’autant plus efficace qu’il est difficile pour le consommateur de repérer le 
meilleur rapport qualité-prix. Or, la multiplication des services proposés par les monopoles discriminants limite cette capacité du 
consommateur à  choisir  entre  les  différents  concurrents  éventuels  lequel  propose ce  meilleur  rapport  qualité-prix.  Par  sa 
stratégie de différenciation des services, l’entreprise acquiert ainsi un pouvoir de marché basé sur l’absence d’homogénéité du 
produit vendu. Ce  pouvoir  du  monopole  discriminant  s’accompagne  aussi  souvent  de  politiques  de  fidélisation  (Smile’s  par 
exemple dans le transport aérien ou vente de cartes de réduction spécifiques par la SNCF) qui accroissent son  pouvoir de 
marché.  Enfin, on peut faire remarquer que cette stratégie de différenciation des prix ne pourrait pas être mise en place dans 
un marché où les acheteurs qui ont bénéficié du prix d’achat le plus faible pourraient revendre le service acheté à un prix un 
peu plus élevé aux consommateurs dont la disposition à payer est la plus forte (mais à un prix plus faible que celui proposé par 
le monopole discriminant). C’est pour cela que cette stratégie de différenciation des prix ne peut s’opérer que sur des marchés 
où la concurrence est limitée. Par exemple, dans le cas du transport aérien, la concurrence est limitée par le fait que les billets 
sont nominatifs et ne peuvent pas être revendus, comme le soulignent Grégory Mankiw et Mark Taylor dans leur ouvrage 
Principes de l’économie. 
 Au final, si la SNCF peut réaliser une tarification aussi différenciée selon les caractéristiques de ses voyageurs, c’est 
bien parce qu’elle bénéficie d’un réel pouvoir de marché pour les trafics ferroviaires basée sur l’absence de concurrent direct et 
une élasticité-prix de la demande relativement faible pour de nombreux voyageurs. L’ouverture à  la  concurrence des trajets 
voyageurs  imposée  par  la  Commission  européenne tendra  peut-être  à  améliorer  la  transparence  de  l’information  tarifaire 
réclamée par de nombreuses associations de consommateurs.