La formation professionnelle en mutation
coordonné par Henri Jacot, Damien Brochier et Myriam Campinos-dubernet
Editions Liaison, Collection Liaisons sociales, Paris, 2001
Les sessions nationales de l'INTEPF (l'institut national du travail, de l'emploi et de la
formation professionnelle) rassemblent chaque année 30 acteurs économiques et sociaux issus
de trois collèges différents: employeurs ou cadres du secteur privé, syndicalistes et
fonctionnaires. Elles visent à développer les capacités d'analyse des acteurs sociaux sur les
grandes mutation du travail et de l'emploi. Des sessions régionales sont également organisées.
Constats majeurs:
Irruption de notions et de pratiques nouvelles / aux principes fondateurs et aux instruments
liés à la loi de 1971 et à ses aménagements successifs:
-La notion de compétence qui s'est diffusée à partir des années 90 interpellant fortement les
salariés: quel est le positionnement de la notion de compétence/ à celle de qualification?
-La notion d'organisation apprenante: intégrer des modes de développement et de
renouvellement des savoirs ne relevant plus du classique stage de formation mais qui s'appuie
sur les situations de travail. Apparaît un nouveau partage des responsabilités entre l'individu
et l'entreprise en matière de gestion des savoirs liés à l'évolution professionnelle.
1.Etat des lieux de la formation professionnelle en France:
Profonde transformation du système socio économique entre la phase d'émergence du système
de FP et la période actuelle: basculement du paradigme productif, d'une configuration inspirée
par la production de masse de biens relativement peu différenciés à un paradigme gouverné
par la qualité et l'innovation: passage d'un mode de formation des savoirs à un autre (Boyer R
"La FP au cours de la vie", Gauron, formation tout au long de la vie, rapport du conseil
d'analyse économique, La documentation française, 2000).
Cette partie s'appuie sur la rapports suivants:
-Donner un nouvel élan à la FP, rapport de Michel de Virville au ministère du travail et des
affaires sociales, la documentation française, 1996;
-La FP: diagnostic, défis et enjeux, contribution du secrétariat d'Etat aux droits des femmes et
à la FP, 1999.
-Les acteurs de la FP: pour une nouvelle donne, rapport de Gérard Lindeperg (député et
conseiller régional) au 1er ministre, 1999.
-Formation tout au long de la vie, André Gauron, rapport du conseil d'analyse économique, la
documentation française, 2000.
-la professionnalisation de l'offre de la formation et des relations entre les utilisateurs et les
organismes, rapport final de la table ronde organisée par le secrétariat d'Etat aux droits de la
femme et à la FP, 2000.
Transformations:
-La structure et le contenu des emplois se sont modifiés: le nombre des employée, cadres et
professions intermédiaire a augmenté. Par ailleurs, Les NTIC et la communication modifient
l'environnement immédiat de nombreux salariés et nécessitent qu'ils soient plus autonomes,
polyvalents, réactifs, plus ouverts à un fonctionnement en réseau.
-La relation au travail est caractérisée par les mobilités et les ruptures: si durant la période de
croissance, la formation visait à accroître le niveau des qualification et à accompagner les
mutations du travail, aujourd'hui, elle vise en premier lieu à contribuer à la mobilité et à
l'adaptation des salariés.
-La percée des femmes dans la sphère productive pose la question de l'articulation entre vie
professionnelle et privée (éducation des enfants).
-La nécessaire professionnalisation des jeunes qui mettent tous du temps à trouver un premier
emploi stable. L'entreprise assure un rôle de professionnalisation.
Ces mutations font de la FC un levier de la performance économique et une composante
déterminante de la relation de l'homme au travail. Elle doit permettre à chacun de mettre à
jour des connaissances en perpétuelles évolution, mais encore de confronter les savoirs
construits dans l'action et les savoirs formels. Les salariés sont beaucoup plus tributaire de
leurs propres ressources pour construire leur qualification.
Un système inégalitaire qui doit mieux cibler ses bénéficiaires:
Nécessité de recibler les dispositifs de FP sur ceux qui en ont le plus besoin. La France est en
retard dans l'adaptation de la qualification de la Md'O au nouveau contexte socio productif.
Face aux prévisions démographiques, il faudra à la fois compter sur les ressources de
l'immigration et se tourner vers les actifs + âgés pour préserver le niveau d'activité. Un enjeu
central sera celui de l'actualisation des connaissances. C'est un défi pour la formation qui
jusque là privilégiait les actifs plus jeunes et mieux formés.
Il faut repositionner la formation comme un outil de lutte contre l'exclusion temporaire ou
définitive du marché du travail.
Un système gestionnaire en quête de réflexions sur ses finalités:
La loi de 71 à été modifiée par de nombreux apports législatifs au détriment de sa cohérence.
Des institutions nouvelles ont progressivement intégré ce système sur la base de règles de leu
peu claires, provoquant souvent un chevauchement de compétences, un cloisonnement des
dispositifs et une sédimentation des instances de concertation. Cela entraîne un efficacité
amoindrie, la perplexité des partenaires sociaux, une frustration des usagers, une difficulté de
contrôle qui jette la suspicion sur le système de formation.
Les analyses mettent en cause la prédominance actuelle des enjeux gestionnaires et financiers
sur le comportement des acteurs. Nécessité de la reprise des débats entre les différents
partenaires sur les finalités de leurs pratiques et de leurs dispositifs: il faut redonner une
dimension politique à la FP.
Un système qui doit interroger ses critères d'efficacité:
Les différents rapports mettent en question les critères communément utilisés jusque pour
apprécier son efficacité. L'obligation de dépense n'implique pas pour une entreprise un
engagement de formation des salariés.
Par ailleurs, les PME et surtout les TPE sont beaucoup moins impliquées que les grandes et
surtout valorisent des formations ne relevant pas du cadre gal (comme les formations sur le
tas).
Il faut passer de l'obligation de dépenser à celle de former.
La formation tend de + en +à se concentrer sur les I que l'entreprise veut distinguer des autres
et dont elle souhaite renforcer la collaboration. Or, il paraît + urgent de se focaliser sur la
formation des moins formés.
2. Balises pour un débat:
Un débat fondateur: formation professionnelle versus éducation permanente:
L'une est portée par des enseignements qui prétendaient promouvoir la culture comme gage
de citoyenneté et de démocratie; l'autre s'ancre sur les réalités du monde professionnel.
Si la loi de 71 à articulé ces deux termes, ces développements ultérieurs ont permis à la FP de
prendre le pas sur l'éducation permanente.
L'I et l'entreprise: dualité ou complémentarité?
Le système de FP apparaît aujourd'hui fortement structuré autour de la formation des salariés
dans l'entreprise. Un enjeu du débat actuel est l'élaboration d'un cadre dans lequel la formation
serait reconnue prioritairement comme support individuel des mobilités inter-entreprises et
inter-situations (chômage, inactivité...), sans pour autant que soit supprimée l'architecture des
plans de formation internes aux entreprises.
La formation: investissement de long terme ou adaptation à court terme?
Le salarié mais aussi la hiérarchie et la direction sont confrontés à une injonction paradoxale:
il leur faut concilier la possibilité de bâtir des perspectives sur le long terme pour les individus
grâce à la formation (ce qui à un coût élevé) avec le respect des contraintes immédiates de
production ou de service qui rend très difficile la mise en œuvre d'une autre logique de
formation que celle de la simple adaptation.
La formation: enjeu technique ou pédagogique?
Enjeu lié au développement des NTIC: y a t-il un couplage possible entre le e-learning
(permettant une meilleure diffusion de l'accès à la formation) et le maintient d'une logique
plus personnalisée mais plus coûteuse, fondée sur le face à face pédagogique?
Quel est le niveau d'impulsion maximale: local, national ou Européen?
La centralisation pose le problème de partage du pouvoir et de construction de logiques
partenariales. S'ajoute désormais la question de l'intégration du niveau européen dans la
dynamique.
3. La question des compétences:
Pour certains, la notion de compétence tendrait à se substituer à celle da qualification. Pour
Zarifian, elle serait plutôt "une forme sociale nouvelle" ("La compétence une approche
sociologique", L'orientation scolaire et professionnelle, n°3, 1997) qui cherche sa voie par la
confrontation sociale. Elle est avant tout une construction sociale. elle doit donc être analysée
avec les enjeux de cette construction.
1. La notion de qualification dans les 30 glorieuses:
Les grille Croizat-Parodi distinguent et décrivent les postes de travail (manœuvres, ouvriers
spécialisés et professionnels), elles sont le résultat d'une longue construction conflictuelle qui
prend sa source au début du siècle et s'accentue dans l'entre deux guerres.
Cette substitution de la qualification au métier, va de pair avec la mise en place d'une
organisation du travail taylorienne et fordienne dans les entreprises: stricte séparation des
tâches de conception et d'exécution censée permettre le maximum d'économies d'échelles
pour une production "de masse". Elle permet aux entreprises d'employer des travailleurs peu
qualifiés, facilement interchangeables et dont les caractéristiques personnelles, les aptitudes
individuelles comptent peu.
o La qualification requise est celle des emplois existants, du travail vivant. C'est celle
qui est demandée aux salariés par les employeurs en fonction de la définition des postes et en
lien avec les mutations technologiques et les changements organisationnels.
o La qualification acquise est celle des salariés et non + des emplois., telle qu'elle
résulte notamment du système de formation initiale et continue mais aussi de la pratique
professionnelle. c'est dons l'articulation des savoirs, savoir-faire et savoir être.
o La qualification reconnue est celle qui s'exprime dans les classifications, compromis
provisoires + ou acceptés par les salariés ou imposés par les employeurs. Les 1er veulent se
voir rémunérés le mieux possibles leurs qualifications acquises alors que les 2ième visent au
contraire à ne payer que les qualifications requises par la production.
Les qualifications ne sont que la résultantes toujours provisoire voire instable de la
confrontation permanente de ces point de vue. L'articulation qui s'était progressivement
constituées au cours des trente glorieuses tend à voler en éclat, du fait des transformations tant
dans les modes de production que des formations ou des négociations collectives.
2. Crise du modèle fordiste et émergence de la notion de compétence:
La 1ière revendication d'1 reconnaissance de la compétence n'émane pas des employeurs amis
des travailleurs: des OS de la métallurgie au lendemain de mai 68 exige de voir reconnu leur
travail el et pas seulement le travail prescrit par le bureau des méthodes. Il faut admettre le
caractère positif de la part d'initiative et de responsabilité prise par les travailleurs d
'exécution. Il en résultera un nouveau système de classification dans la métallurgie (accord du
21 juillet 75). Ce type de grille repose sur une approche de la qualification centrée sur la
capacité des I à occuper un emploi, sa contribution à la réalisation des objectifs de l'entreprise.
4 critères de classement sont introduits: l'autonomie, la responsabilité, le type d'activité et les
connaissances requises. Mais leur impact reste limité. Ce système n'est donc pas une totale
rupture avec le précédent et peut être vu comme un transfert de pouvoir effectif de classement
des branches vers l'entreprise, et comme une individualisation des salaires au niveau de
l'établissement.
Mais l'épuisement du fordisme va amener de nouveaux principes productif mettant l'accent
sur la qualité des produits. Amplifiées par l'essor des NTIC ces transformations
s'accompagnent d'importantes réorganisations du travail et d'une modification de son contenu:
redistribution des services fonctionnels (maintenance, qualité...) vers les ateliers,
racourcissement de la ligne hiérarchique, redéfinition du rôle de l'encadrement, et finalement
un transfert de responsabilité vers les opérateurs.
3. Le modèle de la compétence:
Pour Zarifian: passage d'une logique de l'opérateur à une logique de réaction à l'événement: le
modèle de la compétence repose sur l'intelligence pratique des événements, la communication
dans le travail et la prise de responsabilité. S'instaure un nouveau système de positionnement
des salariés fondé sur les savoir-faire opérationnels, cad sur ses connaissances et son
expérience applicables dans une organisation adaptée, confirmés par le niveau de formation et
ensuite par la maîtrise des fonctions successivement exercées.
4. 2 acceptations de la notion de compétence:
1ière définition: la compétence est un savoir agir reconnu. Cette compétence ne peut être
validée qu'en constant que le salarié agit d'une certaine façon.
La seule manière d'observer ces compétences est de rechercher des preuves, cela ne peut se
faire que dans l'entreprise qui est capable de lier ressources technologiques, moyens
organisationnels et ressources humaines pour développer sa productivité et sa compétitivité.
Ce n'est pas l'accès à l'information brute qui constitue le ressort de la croissance et de l'emploi
mais l'aptitude des acteurs à la transformer, à la comprendre, l'interpréter et l'utiliser pour
atteindre un objectif spécifique et mesurable.
La 2ième définition : la compétence est une disposition à agir. Elle est quelque chose en
devenir, en gestation. Elle n'est pas immédiatement visible, il faut la détecter, la repérer, la
faire émerger. Il faut détecter le potentiel à être "en capacité de".
Ceci ne peut se faire que dans une entreprise qui utilise l'ensemble de son K et
particulièrement son K humain, pour mettre en œuvre les changements nécessaires à son
évolution et à son adaptation. Ce n'est pas le travail qui constitue le ressort de la croissance et
de l'emploi mais la capacité des acteurs à se transformer pour anticiper les besoins, à se
remettre en cause pour atteindre des objectifs non encore totalement cadrés.
Une telle conception du fonctionnement de l'entreprise correspond à une stratégie centrée sur
ses métier. Le management passe alors par une évolution régulière de l'entreprise et donc une
capacité à conduire le changement en le faisant accepter par les salariés.
5. La notion de compétence pour la Médef:
Pendant les journées de Deauville de 1998, il retient une définition très stricte de la
compétence comme une combinaison de connaissances, savoir-faire, expériences et
comportements s'exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de sa mise en œuvre
en situation professionnelle à partir de laquelle elle est validable. C'est donc à l'entreprise qu'il
appartient de la repérer, de l'évaluer, de la valider et de la faire évoluer.
Critique des syndicats: cette conception ouvre la voie à la subjectivité, voire à l'arbitraire des
critères de jugement. Il faut donner un cadre de validation des compétences, entourer cette
notion de garanties collectives.
La démarche compétence est un outil de management des RH, de gestion et d'adaptation de
ces dernières aux nouvelles technologies et à des situations de travail inédites.
6. nécessité de repères collectifs:
La logique compétence opère un déplacement de l'évaluation des qualités du travail vers l'I.
Elle mobilise un des principes de jugement de la logique métier qui prévalait avant mêle la
logique de qualification. Mais la reconnaissance des qualités de l'individu ne dépend plus de
la communauté d'appartenance et du respect des règles instaurées par cette communauté. En
effet, la compétence est évaluée dans et par l'entreprise.
Les compétences introduisent une distance entre les caractéristiques du poste ou de l'emploi et
celle du salarié qui l'occupe. Cela signifie qu'un même emploi peut-être différemment tenu et
qu'en conséquence, la contribution des différents salariés qui l'occupent n'est pas
nécessairement identique. La combinaison des modalités différenciées de tenir un même
emploi et de la proximité entre emploi permet l'ouverture d'espace de mobilité au sein de
l'entreprise. L'organisation de la mobilientre entreprise, nécessite l'élaboration de repères
communs, collectifs en matière de performance. + le système de professionnalisation est
régulé conjointement par les acteurs sociaux et s'appuie sur des identités professionnelles
fortement constituées, + il a de légitimité pour participer à la production de normes en matière
de compétence.
Mais le débat sur les compétences n'a pas de réel autonomie et ne recèle pas d'enjeu en dehors
du système de qualification. A l'inverse, le débat prend d'autant + d'autonomie que le système
de professionnalisation perd de sa légitimité ou correspond à régulations démantelées.
Mais maillon manquant: l'articulation entre la branche et l'entreprise. Cantonner la notion de
compétence à la seule entreprise n'est pas satisfaisant, ni pour les salariés ni pour les
employeurs. Pour l'entreprise, la valorisation des RH dans une démarche de compétence est
devenue un atout concurrentiel, un condition d'efficacité économique. Ce constat permet
d'imaginer la possibilité de transformer les compétences en outil permettant de redonner aux
salariés et à leurs représentants un nouveau pouvoir de gociation. L'articulation entre un
1 / 12 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !