Evaluation du pratiquant : la fréquence cardiaque Pour une meilleure utilisation de la FC à l’entraînement : le mythe de la FCT Le miroir aux alouettes Beaucoup d’ouvrages de physiologie prône l’utilisation de la formule : FCT = 220 – âge, pour estimer la fréquence cardiaque maximale théorique (FCT) d’une personne en vu de gérer l’intensité de l’exercice. Or, depuis de nombreuses années, nous savons que cette relation n’est pas fiable. Elle n’est en fait qu’une estimation approximative du meilleur ajustement linéaire appliqué à une série de moyenne de fréquence cardiaque maximale publiées dans des articles scientifiques et compilée dans la figure d’un article de synthèse publié par Fox et coll. (1971). En refaisant le calcul de la droite de régression passant par les valeurs de fréquence cardiaque maximale (FCM) de 35 des 42 expériences regroupées sur la figure (du fait d’erreurs dans la bibliographie de l’article), Robergs et Landwehr (2002) ont trouvé la relation suivante : 215,4 - 0,9147 * âge ± 21 bpm Cette équation n’est évidemment pas similaire à celle initialement de la FCT. Et cela, nous le savons depuis la publication de la première équation de prédiction de FCT proposée par Robinson (1938 ; 212 – 0,77 * âge). Pour que la formule 220 – âge soit correcte, il faudrait que la pente de la relation entre la diminution de FC et l’augmentation de l’âge soit de 1… ce qui n’est évidemment pas le cas au regard des valeurs publiées par Astrand et coll. (1952, 1973, 1997). On voit clairement dans la figure ci-dessous que la relation entre FC et âge est curviligne ; la formule de FCT n’est donc pas applicable aux sujets de moins de 10 ans. Et même si l’on fait abstraction de ce sous-groupe en ne gardant que les personnes d’un âge supérieur à 10 ans, l’équation que l’on obtient est : Pascal Prévost – UFRSTAPS Paris XII 1 Evaluation du pratiquant : la fréquence cardiaque Ce qui ne correspond toujours pas à la formule de la FCT. Aujourd’hui, nous savons qu’il n’existe pas de formule ayant une précision acceptable pour faire cette prédiction quel que soit l’individu ou la pratique sportive. Néanmoins, il existe plusieurs façons de contourner le problème pour réussir à obtenir cette fameuse FCM. Nous complèterons cette approche par certaines recommandations concernant la bonne évaluation et l’utilisation judicieuse des paramètres obtenus. Importance de la FCM Tout d’abord, il est bon de rappeler que l’utilisation de la FC repose sur l’existence d’une relation entre ce paramètre cardiaque et le débit maximal d’absorption et de transport de l’oxygène dans notre corps, mesuré par le VO2. Les recherches menées depuis ces 100 dernières années ont montré clairement qu’il existe bien une FCM qui ne peut être dépassée en dépit de l’augmente de l’intensité de l’exercice ou des adaptations à l’entraînement. L’une des applications les plus intéressantes de la réponse cardiaque à l’exercice est l’utilisation d’une FC sous-maximale de la réserve cardiaque maximale (RCM), c’est-à-dire de l’amplitude maximale que la fonction cardiaque peut fournir et que l’on obtient en faisant la soustraction entre la FCM et la fréquence cardiaque de repos (FCR) : RCM = FCM – FCR. L’autre intérêt de connaître cette relation entre intensité d’exercice et FC est que la FC peut être utilisée pour calibrer le degré de difficulté d’un exercice en fonction d’un certain pourcentage du VO2max que l’on souhaiterait atteindre ou maintenir. Ainsi, on peut prendre comme référence un pourcentage de la FCM ou de la RCM, c’est-à-dire une FC sous-maximale (%FCmax) qui serait équivalente à un travail réalisé à tel pourcentage du VO2max (%VO2max). Il est alors possible de calculer une équation reliant ces deux paramètres. Swain et coll. (1994) a proposé l’équation suivante : %FCM = %V02max * 0,64 + 37 La relation inverse est donnée par la formule suivante : %VO2max = 1,5625 * %FCM – 57,813 Les choses sont grandement simplifiées si l’on prend comme référence un pourcentage de la RCM et non de la FCM. Dans ce cas, il y a correspondance parfaite en chacune valeur de pourcentage (à 60% de VO2max correspond 60% de la RCM). A cela, nous pouvons ajouter les équivalences suivantes qui permettent de prédire une valeur en connaissant l’autre : VO2max = 3,5 * VMA ± 8 % (Léger et Mercier, 1983) VMA = 0,2857 * VO2max Nous disposons maintenant d’un arsenal permettant de passer d’un paramètre à l’autre en sachant qu’il y a toujours une source d’erreur possible liée aux différences interindividuelles de coût énergétique d’un même exercice. Intensité optimale de travail Le Collège Américain de Médecine du Sport, qui publie régulièrement des synthèses bibliographiques sur des thèmes bien précis en liaison avec le sport, recommande d’utiliser une intensité donnée comprise entre 70 et 85% de la FCM pour obtenir une amélioration de la forme en endurance à l’aide d’un travail continu ou fractionné de 2 à 3 séances de 20-30 min par semaine. En dessous, le travail est considéré comme du reconditionnement (par exemple la reprise d’une Pascal Prévost – UFRSTAPS Paris XII 2 Evaluation du pratiquant : la fréquence cardiaque pratique après une longue période d’inactivité, ou après une période de convalescence). Au-dessus, on entre dans le domaine du travail intermittent utilisé en pour les préparations compétitives. Cependant, ce type de travail peut également fait avec des personnes non confirmées à condition qu’elle est suivi au préalable une première phase de mise en forme pour aborder sans risque cette forme de travail très efficace. On découpe généralement l’amplitude des intensités en pourcentage de la FCM de la façon suivante : 60 % et moins faible 60-70 % faible à modérée 70-80 % modérée à élevée 80-90 % élevée 90% et plus très élevée Estimation de la FCM Il reste maintenant à évaluer la FCM de façon directe ou indirecte. Evaluation directe La première méthode est de loin la meilleure. Elle s’obtient au cours d’un test triangulaire (progressif et maximal) grâce à l’utilisation d’un cardiofréquencemètre pouvant mémoriser ou non la FC. L’avantage de cette méthode est que la FCM peut être immédiatement mise en relation avec un autre paramètre de terrain (VMA) ou de laboratoire (VO2max) par exemple pour affiner la gestion et l’optimisation des séances d’entraînement. Evaluation indirecte Elle ne peut être obtenue qu’à l’aide d’équations prédictives. Il faut définitivement abandonner la formule classique (220 – âge) pour les raisons évoquées plus haut. A l’heure actuelle, aucune formule publiée n’est suffisamment précise pour être considérée comme fiable en toute circonstance, les erreurs possibles de prédiction étant toujours trop importantes pour correspondre exactement aux intensités relatives de VO2max souhaitées. La formule qui possède la marge d’erreur la plus petite est celle de Inbar (205,8 – 0,685 * âge ± 6,4 obtenue au cours d’une étude réalisée avec 1424 sujets des deux sexes, âgés entre 20 et 70 ans pour une moyenne située à 46,7 ans ; 1994). L’idéal serait que cette marge d’erreur soit réduite à 3 bpm (± 1,5 bpm) pour être acceptable. Certains auteurs (comme Londeree et Moeschberger, 1982) ont même proposé des équations multivariées : âge, âge2, âge4/1000, ethnie, mode d’exercice, niveau d’activité, type de protocole utilisé pour évaluer FC, sans que cela apporte à la qualité de la prédiction. Bibliographie Astrand, P.O. (1952). Experimental studies of physical working capacity in relation to sex and age. Copenhagen, Musksgaard. Astrand, I., Astrand, P.O., Halback, I. and Kilbom, A. (1973). Reduction in maximal oxygen uptake with age. J Appl Physiol, 35:649-654. Astrand, P.O., Bergh, U. and Kilbom, A. (1997). A 33 yr follow-up peak oxygen uptake and related variables of former physical education students. J Appl Physiol, 82:1844-1852. Fox, I., Naughton, J.P., and Haskell, W.L. (1971). Physical activity and the prevention of coronary heart disease. Ann Clin Res, 3:404-432. Inbar, O., Oten, A., Scheinowitz, M., Rostein, A., Dlin, R., and Casaburi, R. (1994). Normal cardiopulmonary responses during incremental exercise in 20-70 yr-old men. Med Sci Sport Exerc, 26:538-546. Léger et Mercier (1983). Coût énergétique de la course sur tapis roulant et sur piste. Motricité humaine, 2 : 66-69. Londeree B.R., and Moeschberger, M.L. (1982). Effect of age and other factors on maximal heart rate. Res Quarter Exerc Sport, 53:297-304. Pascal Prévost – UFRSTAPS Paris XII 3 Evaluation du pratiquant : la fréquence cardiaque Robergs, A.R. and Landwehr, R. (2002). The surprinsing history of the “HRmax=220-age” equation. J Exerc Physiol online, 5:1-10. Swain, D.P., Abernathy, K.S., Smith, C.S., Lee, S.J., and Bunn, S.A. (1994). Target hearts rate for the development of cardiorespiratory fitness. Med Sci Sports Exerc, 56:112-116. Pascal Prévost – UFRSTAPS Paris XII 4