Mais, et contre toute attente, le mouvement a viré rapidement à l'émeute. D'abord des marches pacifiques dans
les rues, des manifestations, barricades, pneus en feu pour bloquer la circulation, déchainement de violence
avec en prime le pillage des magasins, des agences bancaires et le saccage des bâtiments publics.
Manifestations, barricades et pneus en feu pour bloquer la circulation.
Tant que l'émeute demeure localisée, les forces de sécurité devraient normalement en venir à bout en
dispersant les manifestants accompagnées, il est vrai, par les éternelles surenchères de promesses des
politiciens qui découvrent subitement qu'il y a du travail pour tous. Les choses devraient normalement s'arrêter
là jusqu'au prochain incident.
Le problème aujourd'hui c'est que les protestataires de Kasserine ont fait des émules, inspirant des réactions
similaires dans de nombreuses autres villes du pays et leurs zones périurbaines, résultat de flux migratoires
incontrôlés et qui n'ont jamais été pensés. Les habitants de territoires qui n'auraient pas dû exister ne sont que
la conséquence d'une croissance urbaine mal gérée, dont les habitants se sentent forcément délaissés et se
réveillent de temps à autre pour accompagner les mouvements sociaux. Ils donnent alors aux manifestations le
caractère d'une mobilisation contestataire généralisée de l'ordre social qui va contribuer à la faillite du système.
Chômeurs, travailleurs précaires et autres mécontents
Parce qu'on distingue mal les rumeurs des faits réels, que l'on ne voit pas l'ombre d'une mobilisation urgente au
profit des défavorisés : chômeurs, travailleurs précaires et autres mécontents, loin de baisser les bras,
s'insurgent partout où ils peuvent et les rassemblements sont organisés dans les villes voisines qui tournent à
leur tour à l'émeute. On y trouve d'abord des jeunes, identifiés comme des meneurs, qui régissent les allées et
venues des émeutiers pour s'improviser ensuite médiateurs entre la foule déchaînée et les forces de l'ordre.
A la faveur de ces mouvements, des casseurs, des salafistes, des manipulateurs en tout genre et des
délinquants s'introduisent dans la mêlée et viennent renforcer les groupes d'assaillants. Les forces de l'ordre
multiplient les arrestations, verrouillent des quartiers, lancent de sévères mises en gardes, mais se retrouvent
très vite débordés par l'ampleur du mouvement et ses effets d'ubiquité. Incapables d'intervenir partout en même
temps, ils font appel à l'armée elle-même lourdement engagée dans la lutte contre les menaces