SÉMINAIRE
Lieu : Université Catholique d’Afrique Centrale – Campus d’EKOUNOU,
Yaoundé, 06/ 07 février 2013
REGARDS PRATIQUES SUR LES DIFFICULTÉS DÁPPLICATION DE L’ACTE
UNIFORME PORTANT ORGANISATION DES VOIES D’EXÉCUTION
ET
LES GRANDES TENDANCES DE LA RÉFORME DU DROIT DES SOCIETÉS
COMMERCIALES OHADA
Avec le soutien de l’UNIDA
LES DIFFICULTES RELEVEES A PROPOS
DES SAISIES IMMOBILIERES DANS L’ESPACE OHADA
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Me ABDOUL BAGUI Kari
Avocat au Barreau du Cameroun
BP 25 082 Yaoundé
Tél : +237 33014095/22790950
1. La saisie immobilière est une voie d’exécution par laquelle un créancier
impayé fait placer sous la main de justice et fait vendre par expropriation forcée
les immeubles de son débiteur, dans le but de se payer sur les deniers de la
vente.
2. Cette procédure est régie dans notre espace par l’acte uniforme sur les
procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution
1
à
travers un arsenal qui a pour but de concilier les divers intérêts en présence.
- Intérêt du débiteur d’abord dont l’immeuble est par excellence un élément
important et affectif de la fortune qu’il convient sinon de sauvegarder, du
moins d’assurer une dépossession dans les meilleures conditions pour en
tirer le prix maximum.
- Intérêt des tiers ensuite, qui peuvent avoir des droits sur l’immeuble et qui
ne peuvent être sacrifiés parce qu’un débiteur n’acquitte pas ses
obligations. Tel est le cas principalement des créanciers hypothécaires et
de ceux munis de privilèges immobiliers spéciaux.
- Intérêt de l’acquéreur enfin, qui doit être assuré d’un droit solide et libre
de toute charge sur l’immeuble. Pour cette raison, le législateur a
minutieusement réglé les détails de cette procédure.
3. La saisie immobilière est caractérisée par la longueur, la complexité et le
formalisme de la procédure qui aboutit en cas de validation à la vente forcée de
l’immeuble ou des immeubles saisis.
La procédure est longue dans la mesure l’acte uniforme édicte des délais
incompressibles et même en l’absence de tout incident de procédure elle peut
banalement s’étaler sur au moins quatre (4) mois.
Elle est complexe parce qu’elle fait appel à l’intervention de plusieurs actes dont
l’élaboration est rigoureusement réglementée.
Elle est enfin très formaliste parce que l’article 246 invite au respect des
nombreuses formalités substantielles prescrites et sanctionne de nullité toute
convention contraire des parties.
1
Cette législation en vigueur depuis 1998 a eu le mérite de fondre dans un texte la procédure de saisie
immobilière qui, au Cameroun était régie avant ce texte pour partie par l’arrêté n°6750 du 16 décembre 1954
portant code de procédure civile et commerciale et pour partie par le code de procédure civile métropolitain.
La longueur, la complexité et le formalisme entrainent forcément des difficultés
diverses à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure de réalisation forcée
de l’immeuble.
Ces difficultés tirées de la complexité des textes juridiques et nourries par des
pratiques judiciaires et administratives diverses s’observent tantôt à l’occasion
de l’élaboration des actes à accomplir (I), tantôt aux menaces qui pèsent sur le
respect des délais d’action (II) et tantôt sur le risque réel d’obstruction à la vente
par le dilatoire procédural (III).
I - Les difficultés liées à l’élaboration des actes à accomplir
La législation en matière de saisie de saisie immobilière est loin d’être simple et
nombre de praticiens affrontent cette procédure avec la peur au ventre.
La première difficulté semble être la non maitrise ou la manipulation
approximative des textes gissant la matière qui, nous l’avons déjà signalé,
prescrivent un formalisme très lourd en vertu duquel beaucoup de diligences
doivent être accomplies à peine de nullité.
a) Le commandement aux fins de saisie
Il s’agit d’un exploit d’huissier qui est une sommation de payer préalable
adressée, en respectant le formalisme de l’article 254 de l’AUPSVE
2
, aux
débiteurs de l’obligation de paiement et même au tiers détenteur de l’immeuble
dont la poursuite est envisagée.
Des mentions de l’article 254, il ressort que cet exploit vise 3 objectifs précis :
- Identifier les parties (désignation complète des parties, élection de
domicile, pouvoir spécial)
- Etablir la créance, (reproduction ou copie du titre exécutoire, précision du
montant dont recouvrement)
2
A peine de nullité, le commandement doit contenir :
1) La reproduction ou la copie du titre exécutoire et le montant de la dette, ainsi que les noms, prénoms
et adresses du créancier et du débiteur et, s’il s’agit d’une personne morale, ses frome, dénomination
et siège social ;
2) La copie du pouvoir spécial de saisir donné à l’huissier ou à l’agent d’exécution par le créancier
poursuivant, à moins que le commandement ne contienne sur l’original et la copie, le bon pour
pouvoir signé de ce dernier ;
3) L’avertissement que, faute de payer dans les 20 jours, le commandement pourra être transcrit à la
conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication ;
4) L’indication de la juridiction où l’expropriation sera poursuivie ;
5) Le numéro du titre foncier et l’indication de la situation précise des immeubles faisant l’objet de la
poursuite ;
6) La constitution de l’avocat chez lequel le créancier poursuivant élit domicile et où devront être notifiés
les actes d’opposition au commandement, offres réelles et toutes significations relatives à la saisie.
- Identifier précisément l’immeuble objet des poursuites,
- Avertir le débiteur des conséquences du non paiement de la dette
(poursuite expropriation et indication juridiction compétente)
Bien que la rigueur de la loi soit tempérée par l’admission à l’article 297 al2 du
principe, « pas de nullité, sans grief », il est important de demeurer vigilant et
ticuleux lors de l’élaboration des actes.
Le commandement servi et non suivi de paiement doit être déposé à la
conservation foncière compétente pour publication. Cette dernière formalité
vaut saisie et rend en conséquence indisponible l’immeuble saisi tout en
immobilisant les fruits
3
;
Du fait de l’indisponibilité, le débiteur saisi, bien que toujours propriétaire du
bien, ne peut plus désormais effectuer des aliénations ni grever son bien de
nouveaux droits réels ou charge.
b) Le cahier des charges
Les clauses et conditions sous lesquelles sera menée la vente par expropriation
forcée de l’immeuble saisi sont consignées dans un document appelé « cahier
des charges » rédigé par l’avocat du poursuivant et déposé au greffe de la
juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le bien concerné. Les mentions
obligatoires du cahier des charges sont consacrées par l’article 267
4
;
3
A ce stade, la pratique consiste à faire désigner un tiers séquestre des fruits de l’immeuble poursuivi. C’est
généralement, le greffier du Tribunal compétent ou le notaire devant qui l’adjudication aura lieu. L’article 263
dit que les fruits sont immobilisés, ils déposés à la caisse des dépôts et consignations ou entre les mains d’un
tiers séquestre désigné.
4
Le cahier des charges contient, à peine de nullité :
1) L’intitulé de l’acte ;
2) L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées et du commandement
avec la mention de sa publication ainsi que toutes décisions judiciaires intervenus postérieurement au
commandement et notifiées au créancier ;
3) L’indication de la juridiction ou du notaire convenu entre le poursuivant et le saisi devant qui
l’adjudication est poursuivie ;
4) L’indication du lieu où se tiendra l’audience éventuelle prévue par l’article 270 ci après ;
5) Les nom, prénom, profession, nationalité, date de naissance et domicile élu du créancier poursuivant ;
6) Les nom, qualité et adresse de l’avocat poursuivant ;
7) La désignation de l’immeuble saisi contenue dans le commandement ou le procès verbal de
description dressé par l’huissier ou l’agent d’exécution ;
8) Les conditions de la vente et, notamment, les droits et obligations des vendeurs et adjudicataires, le
rappel des frais de poursuite et toute condition particulière ;
9) Le lotissement s’il y a lieu ;
10) La mise à prix fixée par le poursuivant, laquelle ne peut être inférieure au quart de la valeur vénale de
l’immeuble.
L’essentiel dans ce document est relatif à :
- L’identification des parties,
- L’énonciation du titre exécutoire, du commandement et de sa publication,
- La désignation de l’immeuble,
- La détermination du lieu d’adjudication
5
et de l’audience éventuelle,
- Les clauses et charges de la vente (mise à prix, modes des enchères, frais
des poursuites, garanties diverses, modalités de paiement, conditions
d’entrée en jouissance).
Bien que la loi n’en ait pas fait une obligation, le cahier des charges comporte
généralement la mention de la date d’adjudication projetée et la date de
l’audience éventuelle
6
.
Une difficulté particulière pour le praticien à ce stade est de réussir
l’agencement des dates ;
- L’adjudication doit intervenir entre le 45è et le 90è jour après le
dépôt du cahier des charges ;
- L’adjudication doit intervenir entre le 30è et le 60è jour après
l’audience éventuelle ;
- L’adjudication doit intervenir entre le 15è et le 30è jour après
l’apposition des placards et l’insertion dans un journal d’annonces
légales de l’avis de vente.
Un calendrier sous forme de chronogramme d’activités avec indication des
périodes légales d’action doit être tenu par l’avocat du poursuivant dès l’entame
de la procédure de saisie immobilière à cet effet.
L’acte de dépôt du cahier des charges au greffe du Tribunal doit contenir
indication de la date d’adjudication.
Il faut signaler que l’acte de dépôt du cahier des charges qui est un document du
greffe est dans la pratique rédigé par l’avocat du poursuivant et soumis à la
signature du greffier du Tribunal ; Il est établi sous forme d’un procès verbal
indiquant la date de comparution de l’avocat qui le contre signe, constate le
5
Nullité des poursuites pour violation d’une clause contractuelle et de l’article 297 lorsque face à une
stipulation prévoyant que l’expropriation aura lieu par devant notaire, le poursuivant saisit le tribunal TRHC
Dakar, 27.9,2000 ; Emmanuel Senghor c/ BICIS, www.ohada.com, Ohadata J-03-10.
6
L’audience éventuelle qui a lieu sans dires et observations et sans que le juge n’use de la faculté de l’article
275 ne donne pas lieu à un jugement mais à un simple renvoi à l’audience d’adjudication. CA Dakar, 23.1.2000,
Faye c/ BICIS.
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