Histoire de la littérature chinoise classique chapitre 1
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AUX ORIGINES DE LA LITTERATURE CHINOISE
Introduction
Wen xue = littérature.
Le mot « littérature » date du 18e siècle en France. En Chine ancienne, le mot « littérature »
est différent. Les chinois avaient une réflexion sur l’écriture, la notion elle-me de littérature
est apparue plus tard. Les chinois ont un rapport différent au ciel et à la religion, par
conséquent un rapport différent au langage.
I. Des pratiques de la chose écrite dans l’antiquité chinoise
1. De la place de l’Etat
Les premiers textes chinois sont des textes de divination. Ils sont sur des carapaces de tortue,
des omoplates de bovins et sont utilisés pour des actes de divination. Puis, l’écriture rentre
dans le domaine de l’Etat. 5000 av JC, en Mésopotamie, phénomène différent : l’écriture
Sumer sert à des fonctions religieuses puis, très vite, à des fins privées (commerce).
2. Du caractère officiel de la fonction d’écriture dans la Chine ancienne
Il faut attendre très tard pour voir un homme privé écrire pour lui : après Confucius (551-479
av JC). Il commence à dire « je » mais il ne l’écrit pas directement. Ce sont des gens au
service de l’Etat qui écrivent et c’est pendant l’époque des printemps-automne et des
royaumes combattants que l’écriture privée naît. L’écriture était pour les gens, douée d’un
pouvoir magique car elle servait à la divination. Il y avait l’idée que l’écriture faisait parler
l’invisible (différent du judaïsme c’est Dieu qui parle). L’écriture est la marque de la
civilisation chinoise (du nord). Elle vient d’un milieu royal.
L’écriture a un caractère impersonnel. Celui qui la grave n’en est qu’un serviteur.
L’impersonnalité est une qualité chez les chinois, il faut se montrer de façon allusive, voilée.
3. Les grands textes hérités de la tradition antique et leur milieu d’origine
C’est dans le milieu des devins qu’est apparue l’écriture. Ils sont les soutiens du régime. Ils
ont abouti à une œuvre : yi jing, ou livre des mutations. Il est constitué de figures étranges :
des traits pleins yang, traits interrompus - - yin. Le yang et le yin sont les principes
fondamentaux de l’univers. Il y a une valeur symbolique attachée à l’opération de divination.
Cet ouvrage a été constitué au début de la dynastie des Zhou (1127- 771 av JC). Ce texte est
considéré comme très important, il devient donc un ouvrage classique, de référence. On ne
connaît pas l’auteur.
Le rite est une opération marquée par des gestes visibles : offrandes, cérémonies à dates
précises. Il est de nature religieuse et son but est d’harmoniser le monde des hommes avec
celui des dieux, de l’univers entier. Le roi est corseté par les rites : il devait s’habiller de telle
ou telle manière avec telle ou telle couleur. Selon les saisons, il devait manger telle ou telle
chose, habiter telle partie du palais. S’il ne respectait pas tout cela, la décadence s’ensuivait, le
monde tombait dans le chaos.
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Les ritualistes on écrit ensemble des textes très précis, comme une codification stupéfiante du
deuil. L’ensemble des textes aboutit à trois ouvrages nommés li ji, livre des rites. Cet
ensemble devient lui aussi in classique.
Souvent les textes gravés dans les objets en bronze de la dynastie des Zhou racontent les
histoires de personnages. Les rois demandaient aux scribes de noter tous les jours leurs actes
et gestes : ce sont des historiographes qui consignent ces faits. L’historiographe est différent
de l’historien dans la mesure on ne lui demande pas de réfléchir sur l’histoire. Dans la
première période des Zhou, naît un ouvrage qui deviendra un classique : shujing. Il a été
consigné par les scribes. A l’époque de Confucius, différents royaumes se font la guerre et
chaque roi veut un scribe qui écrive son histoire. La plupart des chroniques ont été perdues. Il
y en a une qui est restée car elle a été commentée par Confucius : chunqiu (printemps
automne) en 722 av JC. C’est la chronique du royaume est Confucius. Elle devient un
classique.
Le peuple dans ces temps-là était agricole à 100%. Leurs représentations du monde sont une
copie de la nature. Les paysans accompagnaient leurs travaux de chansons. Il y avait aussi des
chansons d’amour, de mariage, de fiançailles. Le roi règne par le mandat du ciel qui est lié à
l’idée d’opinion publique. En effet, très tôt, il y a eu l’idée que ce qui se dit au niveau des
gens simples doivent être écouté pour savoir dans quel sens va le vent. Car les paysans sont
ceux qui sont les plus proches de la nature, celle-ci étant très respectée. Il s’est donc instaurée
l’idée qu’il y a un sens caché dans les chansons des paysans, phénomène du zhi ji ma gou,
c’est-à-dire montrer le poulet en insultant le chien. Les rois ont donc estimé important de
consigner cette voix du peuple. On a estimé qu’ils avaient une grande valeur dans leur
simplicité, on les a réunis dans un recueil avec d’autres chants : shi jing, livre des poèmes. Il
contient plusieurs parties dont des chants populaires et des chants religieux (hymnes royaux).
Pour les chinois, c’est sacré car c’est de l’écriture. Mais pour nous, c’est intéressant car il y a
là l’origine de la poésie chinoise qui contient cette même caractéristique d’impersonnalité.
4. Quelques points de différence avec la tradition européenne
Différence de tradition avec les Grecs : ils ont toute une tradition d’oralité avec les aèdes
(poètes qui racontaient des épopées le sujet individuel est au centre de tout), le plus
célèbre étant Homère. Il n’y a pas à l’origine de la civilisation chinoise des récits, comme
chez les Grecs. Il y a accumulation de fiches. Ça ne constitue pas un récit à cause de la
valeur magique de l’écriture. Nous, occidentaux, sommes beaucoup plus héritiers de la
parole donc du sujet de l’individu. La littérature est donc plus individualisée dès le début à
cause de la parole, d’où la naissance rapide des tragédies c’est un destin individuel qui
est mis en scène avec des chants et des commentaires.
II. Dans l’ordre naturel du monde
1. Le wen une notion centrale mais vague
Aujourd’hui le wen veut dire langue, littérature, chose écrite ou orale. A l’origine, c’est un
pictogramme qui représente un homme tatoué sur la poitrine. Cela confère l’idée que ce
qui est écrit est une trace. Le premier sens de wen après l’homme tatoué est celui de traces
naturelles ou artificielles, donc de motif. Sa valeur symbolique est le dao ( = l’ordre du
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monde qui va de façon continue et qui fait que nous advenons). Derrière cette idée il y a
celle de régulation : les choses n’adviennent pas de façon anarchique mais de façon
ordonnée. Dans la nature, il y a beaucoup de traces qui sont dites de l’ordre de la nature :
les tigres ont des rayures, elles ne sont pas pour rien, ne sont pas apparues dans le
désordre. L’écriture est une trace mise en ordre, c ‘est pur cela que c’est appelé wen. Le
caractère sacde l’écriture en Chine naît dans la divination qui est ce par quoi l’invisible
(tout l’ordre de l’univers) parle. Tout ce qui sera trace écrite gardera l’idée de cette origine
première.
2. De la figuration à la civilisation
L’écriture a pour mission d’être un calque des choses. Par conséquent, elle est du côté de
ce qui est beau, de ce qui est parfait. Cette mission sacrée va faire en sorte qu’il y ait un
pont entre l’ordre intemporel et l’ordre historique, celui du monde des hommes. Par
conséquent, l’homme des hommes est celui du dao. La culture et la civilisation ont pour
vocation de s’accorder à l’absolu. Le sage en est le vecteur, le facteur de régulation.
Civiliser est partie prenante d’un effet de l’écriture : civiliser régule. L’écriture a donc
pour fonction de civiliser. Wen wang est considéré comme l’ancêtre des zhou. On le dit
wen parce qu’il commentait les figures symboliques du livre des mutations qui ont pour
mission de rendre compte de ce qui est invisible. C’était un humain doué d’une capacité à
comprendre l’absolu. Par le wen on agit sur le monde, non par violence mais par la vertu,
la morale, le ressourcement perpétuel de ce qui est à l’origine du wen selon la tradition.
Li veut dire ordonner, raisonner. Il contient la clé du jade qui est une pierre à veinures.
Ces veinures sont naturelles. Le potier, en occident, façonne la matière, il lui impose sa
volonté ; le lapidaire, en Chine, taille le jade, il va dans le sens de ses veinures, il se
soumet à un ordre qui l’a précédé.
3. Appréhender les réalités profondes de la nature Mettre en ordre
le monde
Un peu plus tard, des gens vont écrire sur l’écriture : Liu Xie va écrire un ouvrage mettant
en rapport les notions du wen et du dao. C’est au 4e siècle, une époque de divisions, la
notion de littérature s’établit. Il émet une théorie influente où il explique que la mission du
wen est de retourner au dao. Le dao ne parle pas ( comme le Dieu judéo-chrétien) mais on
peut le deviner à travers les traces faites sur terre. C’est ainsi qu’on retourne au dao à
travers ce qui est écrit. Cet esprit absolu s’individualisera en chacun de nous et se fixe par
l’écriture. Pour Liu Xie, le wen est tellement sublime qu’il ne peut être en les mains de
tous, le sage a donc la mission particulière d’écrire : le wen est excessivement élitiste. Les
textes classiques sont une concentration du wen écrit par les sages pour les chinois.
Chacun de ces livres traite du dao. Les chinois pensent la littérature en fonction de
classiques, ce qui n’est pas le cas en occident. Ils sont pensés comme modèles de la
littérature. Liu Xie s’exprime sous forme quasiment poétique car il n’estime pas qu’une
critique doit être écrite froidement. C’est à travers les textes classiques qu’on remonte au
dao.
4. Maîtrise des signes et exercice du pouvoir A l’origine de la valeur
de la chose littéraire en Chine.
Dans les examens mandarinaux, ce n’est pas la compétence mais la conformité morale qui
compte. Très tôt, s’est constitué l’idée que le pouvoir détient une arme plus puissante que
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l’arme de fer : la manipulation des signes. La possession du wen donne un magistère, une
autorité naturelle. Les techniques du wen ont pour vocation à être les opérateurs du
pouvoir. En occident, le rapport philosophie-pouvoir ne va pas de soi alors qu’en Chine, le
wen est partie prenante du pouvoir.
III. Traditions, commentaires, sages et penseurs Discours à caractère politique dans
l’antiquité chinoise
1. Influencer une « littérature » jamais gratuite
Les temps des printemps-automne et des royaumes combattants représentent le début de la
littérature autonome. La tradition du commentaire va naître car les textes sont tellement
importants qu’on ne finit jamais de les relire et d’en tirer des choses, d’où les
commentaires écrits du début des zhou aux han. La littérature n’est pas gratuite, elle a
toujours une fonction d’influence. Les sens cachés des poèmes sont mis par écrit au début
des han par Mao Chang, qui écrit le Mao Shi (poésie de Mao). Ces commentaires ont des
visées politiques. Tous les poèmes sont interprétés dans un sens moral qui peuvent
contenir des menaces voilées. La notion de mal n’existe pas en Chine comme en occident.
Mais celle de désordre a une connotation tout aussi dramatique. Il y a une énorme valeur
prêtée à l’allusion : moins on en dit, plus c’est fort. Cette manière de souvent parler par
allusions est ultra-élitiste. L’allusion est l’attribution du pouvoir par exellence.
2. Les grandes familles de pensée
Moralistes : textes de réflexion (Mencius), de dialogues (Confucius). 1ere utilisation
de l’écriture privée. Ils cherchent à donner une forme écrite à leur pensée. Après
Confucius, vient Mo Zi qui a une vision moins ritualiste des relations humaines
mais qui argumente bien, écrit bien, fait beaucoup pour enrichir la langue chinoise
au niveau de l’argumentation, pour construire un discours).
Taoïstes : Zhuang Zi puis Tao Zi. Ont une vision contraire à celle de Confucius.
Zhuang Zi écrit de façon très argumentée, parle de l’harmonie avec la nature. Il
utilise beaucoup d’images et de métaphores. Il développe un art magnifique du
langage. N’écrit pas de la littérature mais est imité pour ses qualités littéraires.
Légistes : Han Fei écrit le Han Fei Zi. C’est un théoricien de la tyrannie Il
s’exprime par de très belles fables.
Sophistes : ce sont des logiciens du langage. Ils utilisent le langage pour en montrer
les limites et les absurdités. Gong Sun long dit qu’il ne faut pas confondre les
catégories et les sous-catégories. Ils s’appuient tellement sur les paradoxes, qu’ils
réfléchissent aussi aux définitions des mots, sur le temps et l’espace.
IV. Les germes d’une tradition littéraire autonome
1. Pensée cosmologique
Toutes sortes de conceptions comme quoi le monde est un vaste réseau dans lequel il y a des
correspondances secrètes mais réelles prennent forme. C’est la pensée cosmologique. Elle est
héritée d’une pensée : le yin et le yang le monde est divien deux une partie visible et
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l’autre latente. Il existe une forte relation entre les deux qui fonctionne au gré de certaines
règles précises, notamment celle des 5 éléments : wu xing. On trouve ainsi des réflexions qui
vont attirer l’attention sur des phénomènes apparemment étrangers. Va être intégré au sein de
cette pensée cosmologique des éléments relevant de la magie de la croyance, du religieux. Il y
a un très grand intérêt pour tout ce qui est étranger, invisible très tôt : des faits inexplicables
reçoivent une explication, ce sont des présages. Le monde est traversé de qi (souffles) qui sont
justes ou maléfiques. Il y a un désir d’écrire, de classer et de mettre dans de grands ouvrages
tous ces exemples racontés dans un but quasi-scientifique. Il y a aussi une valeur littéraire qui
se profile : débuts de la littérature gratuite. Les premiers exemples de récits mythiques,
cosmologiques, datent de la fin des royaumes combattants : Buwei (d’origine marchande)
écrit le lü ming chun qiu qui est un exemple célèbre de cette tradition cosmologique.
2. Cultures périphériques la poésie de Chu ; Qu Yuan
Va se faire jour une expression plus libre, plus lyrique, plus expressive du « moi ». Il y a une
ligne de séparation importante entre la Chine du nord et celle du sud. La Chine du nord est la
Chine officielle : poésies sèches, pas très explicites. C’est dans le nord que s’est développée
l’idéologie confucéenne (ordre, famille, société…). La Chine du sud est de tradition taoïste
(royaume de Chu = actuel Hubei et Hunan). C’est un royaume relativement barbare, marginal
à l’origine, très forestier qui contenait un ensemble de croyances religieuses très riches.
Derrière le taoïsme se profile l’union avec la nature, parfois sexuelle avec les déesses. C’est là
que naît Qu Yuan (340-278 av JC). C’est un des héros nationaux. Il est à l’origine un ministre
malheureux car le roi ne l’écoute pas lui, mais des flatteurs et des courtiers vils qui obligent
Qu Yuan à quitter la cour. Il s’exprime donc dans un long poème narratif il parle de son
malheur et se jette dans une rivière.
Aujourd’hui, au 5e jour de la 5e lune, c’est la fête du Yang suprême : des courses de bateaux
avec des têtes de dragons sont organisées. Des gâteaux de riz et de viandes sont jetés dans la
rivière pour que les dragons ne mangent pas le corps du juste.
Il invente le thème dominant de la poésie en Chine du sud : la plainte. Souvent, le parallèle
avec la femme délaissée est fait lorsqu’on est un homme malheureux. Son poème s’appelle Li
Sao (malheur de la séparation). C’est un poème narratif où Qu Yuan se met en scène : voyage
dans un monde de divinités taoïstes où il y a des fleurs partout, des visions célestes. Il cherche
l’union parfaite avec une divinité (hiérogamie = s’unir par le mariage avec une déesse). Il rate
cette union et revient sans cesse sur le chant politique. Il se retrouve égaré au milieu de son
rêve d’immortalité. Il est désespéré.
Le Li Sao est inclus dans un ouvrage plus vaste : le Chu Ci, Les élégies de Chu. Ces poésies
sont à valeur cosmologique, en particulier les Tian wen qui sont des poésies lyriques,
angoissées à valeur religieuse. Une autre série de poème sont les Jiu ge ( les neufs chants) qui
sont des poèmes chamanistiques qui interrogent les dieux et les ancêtres. Cette poésie de Chu
va compter énormément dans la naissance de la poésie individuelle.
3. Une petite place pour le merveilleux Aux marges de l’histoire
Dans les écritures de la Chine ancienne, l’histoire officielle compte beaucoup mais il y a
quand même des textes marginaux qui voient le jour dont il nous reste quelques éléments : ce
sont des histoires non officielles où se mélangent le réel et le mythe.
Le Mu Tian Zi Zhuan date du 4e siècle BC. Mu est le premier roi des Zhou en 1000 av JC, et
le texte raconte son voyage d’inspection. Il finit loin vers l’ouest et rencontre la Reine-Mère
d’occident qui vit au milieu des monts KunLun. Il tombe amoureux d’une fille noble qui
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