Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°15 – page 1/5 Les EU dans les années 30 : la crise et le New Deal Introduction : Les Américains, préoccupés par la bonne marche de l’économie, sont incapables de maîtriser la spéculation. Le krach boursier du jeudi 22 octobre 1929 marque le début d’une crise sans précédent à laquelle les Américains ne sont absolument pas préparés. La crise amène les démocrates au pouvoir avec le président Roosevelt qui met en œuvre des mesures originales pour sortir le pays de la crise, sans toucher à la démocratie libérale. 1 L’Amérique traumatisée par la crise, 1929-1933 La crise a surpris tout le monde, à commencer par les républicains dont le slogan était pour la campagne présidentielle de 1928 : « Un poulet dans chaque marmite et deux automobiles dans chaque garage ». Quelques mois plus tard, une crise sans précédent ébranle la société américaine. 1.1 Les origines de la crise : la fragilité de nombreux secteurs Le marasme dans l’agriculture se confirme avec une nouvelle chute des cours liée à une baisse de la demande intérieure (croissance moindre de la population) et extérieure (baisse des exportations freinées par des tarifs douaniers élevés). Les fermiers endettés doivent diminuer leurs achats. Le développement des crédits à la consommation stimule artificiellement la demande intérieure qui se ralentit avec la baisse de l’immigration et la baisse de la natalité. Les taux d’intérêt sont relevés de 5 à 6 % par le gouvernement américain qui rend ainsi l’argent plus cher. Il ne peut cependant empêcher que les capitaux s’investissent dans la spéculation boursière, plutôt que dans les entreprises, alors que la production s’est ralentie dans l’automobile, la construction de logements et l’électroménager. Ainsi entre 1927 et 1929, les cours en bourse ont augmenté de 90 % alors que la production industrielle a progressé de 15 %. Le cours des actions est donc très élevé par rapport aux dividendes que les actionnaires touchent. 1.2 La cause immédiate : le krach de Wall Street du 24 octobre 1929 À partir de septembre 1929, les spécula teurs qui se sont aperçus de la faiblesse des dividendes par rapport aux cours des actions commencent à revendre. Treize millions de titres (actions et obligations) sont mis en vente provoquant un effondrement des cours qui se confirme les jours suivants. La panique accélère la baisse : les ventes massives font baisser les cours et conduisent tous les porteurs à vendre pour perdre le moins possible. ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°15 – page 2/5 1.3 Le krach entraîne une crise générale aux Etats-Unis La conséquence immédiate du krach est la crise bancaire. Les banques sont en effet très vulnérables car elles ont placé une partie de leurs capitaux en actions et parce que leurs clients ruinés par le krach viennent retirer leurs capitaux. Les banques répondent à leurs difficultés en rapatriant leurs capitaux placés à l’étranger, en particulier en Europe ; la crise se transmet donc au reste du monde. Elles restreignent le crédit aux entreprises et aux particuliers. Plus de 2000 banques ont fait faillite en 1931. La crise bancaire entraîne les autres secteurs de l’économie. Les investissements s’effondrent, la consommation baisse et des stocks s’accumulent car il y a un excès d’offre par rapport à la demande qui se traduit par une baisse généralisée des prix. Beaucoup d’entreprises ferment leurs portes et provoquent le chômage de millions d’ouvriers, ce qui fait baisser la consommation encore plus. Le pays est précipité dans une spirale déflationniste. La crise devient sociale : le nombre de chômeurs passe de 4 millions en 1930 à 12 millions au début de 1933, soit 25 % de la population active. À la prospérité des années vingt, succède la misère des années trente avec les queues devant les soupes populaires, le retour de maladies telles que le rachitisme, la multiplication des sans-abri et les départs vers l’Ouest. Ainsi, de nombreux fermiers de l’Arkansas et de l’Oklahoma, déjà touchés par le dust bowl, migrent vers la Californie dans l’espoir d’une vie meilleure. La crise est aussi morale. En effet, les gens sont confrontés à l’absurdité de voir détruire des stocks de nourriture pour freiner l’effondrement des prix alors qu’ils souffrent de sousnutrition. La crise provoque des manifestations, des marches contre la faim, des associations de lutte contre les expulsions. Mais la démocratie libérale n’est pas remise en cause. Les partis révolutionnaires sont marginaux. En effet, l’esprit d’entraide caractéristique de la mentalité protestante américaine parvient à maintenir un minimum de cohésion sociale. La réaction des Américains à la crise se traduit sur le plan politique : aux élections présidentielles de novembre 1932, Hoover, qui n’a pas su trouver des solutions pour enrayer la crise, est battu par le démocrate Roosevelt qui va mettre en œuvre des solutions audacieuses. 1.4 La crise devient mondiale L’Europe est touchée la première et d’abord l’Autriche et l’Allemagne qui ont bénéficié le plus des investissements américains. Le Royaume -Uni, qui a beaucoup prêté à l’Allemagne et à l’Europe centrale, est touché immédiatement. La France résiste mieux car son système bancaire plus traditionnel est moins lié au capitalisme international. Toutes les économies européennes sont atteintes par la diminution de leurs exportations et la raréfaction des capitaux. Dans le reste du monde, les pays vendeurs de matières premières (cuivre du Chili, laine d’Australie) ou de denrées alimentaires (café du Brésil, cacao d’Afrique occidentale), sont souvent des mono-exportateurs (ils exportent un seul produit). Ils se trouvent confrontés à des stocks d’invendus en raison de la baisse de la demande aux États-Unis et en Europe et à l’augmentation des tarifs douaniers. Les stocks sont alors détruits. Ces difficultés accentuent l’exode rural qui alimente la croissance des bidonvilles. La crise, qui multiplie les victimes, épargne certaine s catégories comme les fonctionnaires, les propriétaires de biens fonciers ou immobiliers et ceux qui détiennent des emprunts garantis par l’État. Le sentiment d’injustice nuit au consensus social et se manifeste par des flambées de colère contre les pouvo irs en place rendus responsables de la misère. Certains partis extrémistes en profitent comme le parti nazi en Allemagne (voir leçon 20) ou les ligues en ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°15 – page 3/5 France (voir leçon 17). Mais en Grande-Bretagne et aux États-Unis, des politiques anti-crise permettent aux citoyens de retrouver leur confiance dans la démocratie. 2 La réponse américaine à la crise : le NEW DEAL 2.1 L’élection de Franklin Delano Roosevelt Ce sénateur démocrate de New York est élu triomphalement à la présidence des États-Unis en novembre 1932. C’est un avocat qui appartient à un milieu fortuné. Secrétaire d’État à la marine du président Wilson, il fait preuve d’un grand talent d’organisateur. Atteint de la poliomyélite en 1921, il lutte victorieusement contre la maladie et peut recommencer à marcher et reprendre une carrière politique. Sa vie offre le symbole de l’énergie qui permet de surmonter les drames les plus graves. Élu 4 fois à la présidence en 1932,1936, 1940 et 1944, c’est un homme qui a marqué profondément l’histoire de son pays. Dès son arrivée à la Maison Blanche, en mars 1933, il s’entoure d’une jeune équipe d’économistes décidés à faire une politique nouvelle, le New Deal (nouvelle donne), inspirée par John Maynard Keynes. Keynes (1883-1946) est un économiste anglais qui prône le redémarrage de l’économie par l’intervention de l’État qui favorise la relance de la consommation. Sa théorie est synthétisée dans son livre, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, publié en 1936, mais des ouvrages antérieurs avaient popularisé sa doctrine. Il recommande d’accroître les revenus de ceux qui ont consommé tout ce qu’ils gagnent, c’est-à-dire les ménages les plus modestes, par des transferts sociaux et par la baisse du chômage. Pour ce faire, l’État doit investir dans des programmes de grands travaux et d’équipements collectifs qui fourniront des commandes aux industries de base (métallurgie, matériaux de construction…). Celles-ci sorties du marasme pourront embaucher des chômeurs qui ainsi retrouveront un pouvoir d’achat. Pour financer ces travaux, l’État ne doit pas hésiter à mettre son budget en déséquilibre en augmentant ses dépenses. Ce déficit budgétaire sera de courte durée puisque la relance économique s’accompagnera d’une augmentation des rentrées d’impôts. Keynes préconise également l’abandon de l’étalon-or, au profit d’une monnaie plus souple que l’État peut faire varier selon ses besoins. Il recommande aussi une inflation modérée par une politique de création monétaire. En injectant de la monnaie dans l’économie, on provoque une augmentation de la demande favorable à la résorption des stocks et donc à la reprise. Les propositions de Keynes ont inspiré des politiques de relance en Suède, au Japon, en Grande -Bretagne et aux États-Unis. 2.2 Les mesures de relance Dès sa prise de fonction, Roosevelt obtient du Congrès le vote d’une série de mesures d’urgence. La réorganisation financière est la plus urgente. Elle débute par l’Emergency Banking Act qui accorde aux banques un moratoire des dettes et sépare plus nettement banques d’affaires et banques de dépôt avec la création d’un système d’assurance des dépôts bancaires. Pour favoriser les exportations et alléger les dettes des agriculteurs américains, la convertibilité en or du dollar est suspendue et la monnaie est dévaluée de 41 %. La relance économique est composée de trois parties : - Dans l’agriculture, l’Agricultural Adjustement Act ou A. A. A. (1933) incite les fermiers, par des indemnités, à réduire les surfaces cultivées et à abattre une partie de leur cheptel. La ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°15 – page 4/5 baisse de la production qui en résulte amène une remontée des cours et une augmentation du revenu des agriculteurs. De plus, la lutte contre l’érosion des sols est organisée. - Dans l’industrie, le National Industrial Recovery Act ou NIRA (1933) incite les entreprises de chaque branche industrielle à élaborer des codes de bonne conduite : fixation de prix minima et maxima et quotas de production. Les entreprises signataires pourront marquer leurs produits d’un aigle bleu, symbole du civisme… Il prévoit aussi un relèvement des salaires pour les ouvriers. - L’État finance des équipements collectifs. Le plus important est la Tennessee Valley Authority qui prévoit d’aménager la rivière et de l’équiper de 20 barrages pour favoriser l’industrialisation de la région. Ces mesures suscitent des réactions violentes dans les milieux conservateurs qui accusent la hausse des salaires d’alourdir les coûts de production. Des républicains attaquent les principes du New Deal devant la Cour Suprême car ils sont contraires à la liberté des différents États et à la liberté du travail. La Cour Suprême condamne le NIRA et l’AAA. 2.3 Les mesures sociales Les salariés ont obtenu, par le NIRA, la liberté syndicale, le relèvement des salaires et la réduction de la durée du travail. La même loi prévoit que la Civil Works Administration emploiera 4 millions de travailleurs pour la construction de routes, d’écoles, parcs, égouts. Un début d’un État-Providence s’affirme par le Wagner Act (1935) qui réaffirme la liberté syndicale et la nécessité de conventions collectives, et le Social Security Act qui crée des assurances chômage, vieillesse et invalidité, mais pas d’assurance maladie. En 1936, les électeurs approuvent le New Deal en réélisant Roosevelt triomphalement. 2.4 Un bilan mitigé L’économie se redresse de 1935 à 1937, mais connaît ensuite un ralentissement qui s’accompagne d’une reprise du chômage qui touche 7,7 millions d’individus en 1937, mais 10,4 en 1938. L’indice de la production industrielle ne retrouve le niveau de 1929 qu’en 1937, puis après une chute, en 1939. Les effets des aides fédérales varient. Ainsi la TVA, qui se spécialise dans la production d’électricité à bon marché, permet d’équiper les fermiers du Sud, ce qui était nécessaire puisqu’une seule ferme sur 100 dans le Mississipi, une sur 25 dans le Tennessee disposait d’installations électriques. Mais les effets du NIRA sont inégaux : les fermes les plus modernes profitent de la baisse des surfaces cultivées pour se mécaniser, alors que les petits propriétaires souffrent de la diminution des terres à exploiter. Sur le plan social, les résultats sont plus nettement positifs. Le Wagner Act permet d’établir de nouvelles relations entre les ouvriers et les patrons sur la base de la négociation. De plus, l’image de la pauvreté a changé dans la mentalité des Américains. La pauvreté n’est plus considérée comme un mal individuel qui touche les paresseux, mais un mal social qu’il faut secourir. Le gouvernement fédéral consacre 27 % de ses dépenses à l’aide sociale en 1939, c’est dire que la crise n’est pas terminée. Avec le New Deal, une nouvelle conception des relations sociales s’établit par la reconnaissance de la nécessaire solidarité prise en charge par l’État, en plus des associations caritatives, et par la reconnaissance des droits syndicaux comme le boycott et les grèves, mais aussi de l’interdiction pour les patrons d’utiliser des briseurs de grève. Les résistances du patronat sont très fortes mais ils sont obligés de reconnaître que les syndicats sont des partenaires. ©Cned 2004 Cycle préparatoire au DAEU – Cned Toulouse - Cours d’Histoire N°15 – page 5/5 Surtout, Roosevelt a habitué les Américains à l’intervention de l’État dans la vie économique et sociale. Sa popularité a renforcé le rôle du président dans les institutions américaines. Il sait parler aux médias et prend l’habitude de s’adresser directement aux Américains par l’intermédiaire de « causeries au coin du feu » retransmises à la radio. Le New Deal a, en outre, permis un assainissement des pratiques boursières et bancaires et, par là, renforcé le système économique. Roosevelt a donc été un président pragmatique et rassembleur, qui incarne les institutions démocratiques d’un pays qui a su consentir à un effort collectif pour sortir, même incomplètement, de la crise. Il aura besoin de tous ses talents pour convaincre ses compatriotes, absorbés par le relèvement économique, de rentrer dans la Deuxième Guerre mondiale pour battre l’Allemagne nazie ennemie de la Liberté. 2.5 Un bouillonnement culturel Les États-Unis des années trente sont un foyer de création. Ainsi les écrivains comme John Steinbeck et Dos Passos défendent, dans leurs romans, les victimes de la crise comme la photographe Dorothea Lange. Dans les studios d’Hollywood, qui réduisent leur production, les créations foisonnent : King Kong, La chevauchée fantastique de John Ford qui adapte aussi le chef-d’œuvre de Steinbeck Les raisins de la colère, mais aussi les films de Frank Capra comme Mr Smith va au Sénat à la fois satire sociale et hymne à la démocratie américaine. Des films à très grand spectacle sont produits comme Ben Hur et Autant en emporte le vent. Parallèlement, des savants européens qui fuient le nazisme alimentent la recherche scientifique : Albert Einstein, Enrico Fermi. Mais ils contribuent aussi à l’essor des sciences humaines comme Theodor Adorno, Bruno Bettelheim, et de l’économie avec Schumpeter. Ainsi, la vitalité culturelle et intellectuelle des États-Unis est le reflet du dynamisme d’une société qui a remis quelques-uns de ses principes en question comme « le laisser- faire » en matière économique mais qui a aussi renouvelé, par des votes successifs, son attachement à la démocratie. Conclusion : Les institutions américaines ont donc fonctionné malgré l’ampleur du traumatisme social des années trente parce que les changements de majorité issus du suffrage universel ont sanctionné l’échec des républicains et amené les démocrates au pouvoir. Ces derniers ont réellement apporté des solutions nouvelles permettant de remettre l’économie en marche et les Américains au travail. C’est l’acceptation de l’ intervention massive de l’État dans la vie économique et sociale, innovation majeure contraire à la tradition du capitalisme libéral, qui a permis aux Américains de préserver leur système démocratique. ©Cned 2004