1 - polys-ENC

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Polycopié National des Enseignants de Cardiologie / 2002-2003
LE RETRECISSEMENT AORTIQUE VALVULAIRE
J-Ph. LESBRE - CHU Amiens - K. ISAAZ - CHU St-Etienne
C’est la plus fréquente des valvulopathies puisqu’elle représente 25 à 30 % d’entre elles.
A partir d’études échographiques portant sur plus de 5000 patients âgés de 65 ans et plus, Stewart
estime sa prévalence à 2 % montant à 4 % au-delà de 85 ans.
L’écho-Doppler occupe une place prépondérante dans son diagnostic, et a totalement supplanté
l’hémodynamique.
L’intervention ne doit être proposée que lors de l’apparition des premiers signes fonctionnels.
Rappelons enfin que la surface normale de la valve aortique est de 2.5 à 3.5 cm2 :
* qu’il y a apparition d’un souffle lorsque la surface diminue de 25 %
* qu’il y a apparition d’un gradient de pression lorsque la surface est < 1.5 cm2,
* enfin qu’il y a apparition de signes fonctionnels et que l’on parle de RA chirurgical lorsque
la surface est inférieure à 1 cm2 et le gradient moyen 50 mmHg.
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I - ETIOLOGIES ET ANATOMOPATHOLOGIE
Le rétrécissement aortique valvulaire peut être congénital (RA congénital en dôme) ou acquis : cas
le plus fréquent.
A - RA congénital
Dans la forme uni ou tricuspide , il ne représente guère que 4 % dans les séries chirurgicales de
l’adulte, en particulier la série de 300 cas publiée par ACAR.
Ici, la valve est transformée en un diaphragme bombant, percée en son centre d’un orifice plus ou
moins étroit “ en gicleur ”.
En revanche, dans sa forme bicuspide, il est fréquent puisque représentant 26 % dans la série de
ACAR. Elle représente 26 % dans la série de ACAR.
La bicuspidie est une malformation très fréquente puisque touchant 1 % de la population. Cette
malformation conduit à une “ usure ” plus rapide des valves en raison d’une ouverture incomplète
créant des turbulences favorisant fibrose et calcification précoces. Cette forme touche les sujets un
peu plus jeunes, et va se traduire par l’apparition d’un souffle vers la cinquantaine, il y a
pratiquement toujours association d’une fuite aortique, car la mauvaise qualité des cusps
s’accompagne d’un prolapsus de la plus grande d’entre elles.
B - RA acquis
1 - RA dégénératif ou maladie de Monckeberg
Il représente 56 % dans la série d’ACAR. Il n’y a pas de symphyse commissurale, mais des
calcifications d’évolution centripète, débutant au niveau de l’anneau aortique pour gagner le bord
libre des sigmoïdes. Ces calcifications peuvent devenir proliférantes, massives, en chou-fleur, et
gagner la racine de la grande valve mitrale, et le septum à l’origine de troubles de conduction.
Cette maladie n’est observée que chez les patients âgés de plus de 70 ans, habituellement
hypertendus. L’orifice est transformé en un dé filé de quelques mm de diamètre, à la fois rétréci et
incontinent.
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L’hypertension, l’hypercholestérolémie, et surtout, l’insuffisance rénale dialysée constituent des
facteurs favorisants principaux de ce RA dégénératif.
2- Etiologie rhumatismale
Elle représente 14 % dans la série de ACAR.
Elle est identifiable au plan anatomique comme échographique par l’existence d’une symphyse
commissurale centripète allant de la périphérie à la partie centrale.
Les valves sont à la fois rétractées et épaissies par fibrose cicatricielle. L’orifice résiduel est
triangulaire et central, les calcifications apparaissent sur la face valvulaire des commissures.
L’évolution sténosante est lente, et il faut 10 à 20 ans pour constituer une sténose aortique
(évolution plus lente que pour l’orifice mitral). Il y a bien souvent association d’atteinte mitrale.
3 - Les causes plus rares sont représentées par :
. la maladie de Paget
. la polyarthrite rhumatoïde
. l’ochronose
C - Lésions extravalvulaires
L’aorte ascendante est dilatée et le maximum de dilatation intéresse le bord droit de l’aorte
ascendante entre 3 et 5 cm au-dessus du plancher sigmoïdien, au point d’impact du jet.
Cette dilatation est asymétrique et peut être anévrysmale, et exige un changement de l’aorte
ascendante quand le diamètre dépasse 50 mm.
Le ventricule gauche est le siège d’une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique sans
dilatation cavitaire, avec forte augmentation de l’épaisseur pariétale comprise entre 12 et 20 mm.
Rappelons que la finalité de cette hypertrophie est de normaliser la contrainte pariétale régie par la
loi de Laplace : t = pression X rayon/épaisseur.
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Les coronaires sont volontiers augmentées de calibre mais pas au prorata du degré d’hypertrophie
ventriculaire gauche. Il y a donc là le substrat de l’insuffisance coronarienne fonctionnelle.
Elles peuvent être dans 1/4 des cas environ le siège d’une athéromatose significative, dans 8 % des
cas, on retrouve des stigmates anatomiques d’embolie coronarienne (Normand).
La valve mitrale est elle même, dans plus de la moitié des cas, le siège de calcifications annulaires
prédominant au niveau de la racine de la petite valve.
Ces calcifications peuvent être à l’origine de sténoses mitrales dites “ extrinsèques ” parce que
respectant les commissures et engainant la face ventriculaire des feuillets mitraux.
II – PHYSIOPATHOLOGIE
La sténose produit un obstacle fixe à l’éjection du ventricule gauche.
Il apparaît un gradient de pression holosystolique entre le ventricule gauche à pression élevée et
l’aorte ascendante à pression normale ou basse.
Les conséquences anatomiques sont l’hypertrophie concentrique du ventricule gauche avec masse
myocardique augmentée (Loi de Laplace). Le ventricule garde des dimensions internes normales,
s’il n’y a pas de fuite significative associée.
Conséquences sur les flux : le flux aortique est propulsé à très haute vitesse, en particulier au niveau
du jet central laminaire qui peut atteindre 4 à 6 m/sec. dans les sténoses aortiques serrées
chirurgicales voisines de 0.75 cm2.
Le débit cardiaque au repos est conservé, en particulier pendant toute la phase compensée où
l’augmentation de tension pariétale est compensée par une diminution du rayon et une augmentation
de l’épaisseur de la paroi ventriculaire gauche.
Les signes fonctionnels sont la conséquence directe de l’obstruction : syncope et angor d’effort.
A la phase décompensée, le débit cardiaque au repos est diminué, et apparaissent alors la dyspnée
d’effort puis la dyspnée de repos.
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III – CLINIQUE
Il faut souligner la très longue latence fonctionnelle du rétrécissement aortique qui ne “ parlera ”
que lorsque la surface devient inférieure à 1 cm2.
Dans la maladie de Monckeberg, c’est par le jeu des calcifications que l’évolution s’opère dans le
sens de l’aggravation de la sténose et de l’apparition des signes fonctionnels.
• L’angor d’effort s’observe dans 3/4 des cas de rétrécissement aortique sévère. Il correspond
au plan physiopathologique dans le 3/4 des cas à une insuffisance coronarienne fonctionnelle ;
dans 25 % des cas, il correspond à une insuffisance coronarienne organique.
• Syncopes d’effort : elles s’observent dans 40 % des cas de RA sévère. Elles sont souvent
révélatrices de la maladie, car elles amènent à consulter.
Elles peuvent être remplacées par des équivalents mineurs : étourdissements, vertiges, instabilité
déclenchés par des efforts physiques significatifs. Au plan physiopathologique, elles correspondent
à l’absence d’augmentation du débit cardiaque à l’effort par conséquence de la sténose valvulaire
fixe et à la redistribution du débit cardiaque au niveau des masses musculaires actives
quadricipitales au détriment de la sphère céphalique.
C’est donc par le biais de l’ischémie cérébrale d’effort que surviennent syncope et étourdissement.
• La dyspnée d’effort est un signe révélateur fréquent observé dans un tiers des cas. Elle
s’explique par la dysfonction diastolique, conséquence de la forte hypertrophie ventriculaire
gauche. C’est pourquoi, elle peut précéder en fait de plusieurs années la dyspnée de repos ou
l’oedème aigu du poumon qui est retrouvé dans un tiers des cas de rétrécissements aortiques
chirurgicaux.
Les données de l’examen physique :
• La présence d’un souffle systolique éjectionnel, c’est-à-dire mésosystolique ne couvrant pas
toute la systole, séparée de B1 et de B2 par une césure, crescendo decrescendo, maximum au
foyer aortique et irradiant sur les vaisseaux du cou de tonalité rude, râpeuse, serratique,
associée à une extinction franche du 2ème bruit par immobilité des sigmoïdes aortiques
pétrifiées.
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• Le pouls aux 4 membres est petit, difficile à percevoir : “ pulsus parvus et tardus ” des anciens
auteurs. L’existence d’un thrill sera recherchée systématiquement au niveau du foyer aortique
principal : il n’existe que pour des sténoses chirurgicales à gradient élevé ≥ à 70 mmHg.
• On recherche des signes de stase pulmonaire : absent à ce stade. La tension artérielle est
normale sans augmentation de la différentielle ou élevée : l’hypertension favorisant la génèse
du RA.
IV - EXAMENS PARACLINIQUES
• Le téléthorax révèle simplement une dilatation post-sténotique de l’aorte ascendante et parfois des
calcifications valvulaires.
Le rapport cardiothoracique reste normal du fait de l’HVG concentrique.
• L’ECG révèle des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche systolique : RV5 > 30 mm,
RV6 > 25 mm, associée à des ondes T négatives et asymétriques.
• L’Echo Doppler : c’est l ’examen clef puisqu’il permet le diagnostic de sténose aortique, de son
type, de sa sévérité, de son retentissement ainsi que l’évaluation des autres valves.
a - Le diagnostic de sténose aortique repose sur l’épaisseur anormale et la limitation de l’ouverture
des sigmoïdes aortiques : les valves aortiques normales sont fines (1-2 mm) et s’ouvrent à plus de
17 mm dans une aorte dont le diamètre est compris entre 30 et 37 mm.
Dans la sténose aortique, les sigmoïdes sont anormalement épaissies et leur ouverture < 17 mm.
Dans les sténoses sévères, l’ouverture intersigmoïdienne est ≤ 8 mm.
Dans tous ces cas, est retrouvé en TM le signe cher à Gramiak : des calcifications rubanées
occupent la lumière aortique et délimitent un orifice aortique très restreint en forme de boutonnière
de chemise ou de haricot
b - Le diagnostic du type de la sténose
Le diagnostic de sténose congénitale se porte sur la coupe longitudinale parasternale grand axe
objectivant la déformation en dôme du plancher sigmoïdien au moment de la systole et l’orifice
étroit en gicleur. En diastole, le dôme se prolabe dans la chambre de chasse en inversant son rayon
de courbure.
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Cette image est commune à la sténose congénitale en dôme et à la sténose sur bicuspidie, bicuspidie
identifiée au mieux en coupe parasternale petit axe : cette coupe permet d’identifier 2 cusps inégales
au lieu de 3 séparées par un raphé épais.
La maladie de Monckeberg s’identifie en incidence parasternale grand axe sur la présence d’un
massif calcaire dense, témoignant de la pétrification massive de l’orifice.
En systole, les sigmoïdes antérieures et postérieures ne sont animées que de petits mouvements
d’ouverture délimitant un chenal tortueux et étroit.
Le rétrécissement aortique rhumatismal est reconnu aux symphyses commissurales solidarisant les
sigmoïdes et épaississant de façon très franche les commissures et délimitant un pertuis central
étoilé losangique.
Il faut souligner qu’à un stade tardif, chez un sujet âgé, par le jeu des calcifications massives, il
n’est plus possible de différencier la forme anatomique originelle.
c - Diagnostic de sévérité :
Il est basé essentiellement sur la planimétrie et surtout le Doppler.
L’utilisation du second harmonique permet maintenant d’obtenir chez les sujets échogènes une
bonne définition de la surface de l’orifice aortique en coupe transverse transthoracique. Pour
l’équipe de Roudaut cette détermination serait possible dans près de 80 % des cas. En fait, cette
détermination reste malheureusement difficile chez les sujets âgés, peu échogènes et à orifice
massivement calcifié. Même par voie oesophagienne, la planimétrie reste un exercice difficile, et ne
peut être considérée comme fiable que dans une moitié des cas.
Le Doppler reste donc la pierre d’angle du diagnostic de sévérité basé sur le calcul du gradient
moyen et le calcul de la surface.
Le Doppler continu, véritable vélocimètre de globules rouges, permet de déterminer par voie
apicale et par voie suprasternale la vitesse sanguine transsténotique. Alors que la vitesse au niveau
de l’orifice aortique normale est voisine de 1 m/sec. dans les sténoses aortiques cette vitesse monte
au voisinage de 5 à 6 m/sec.
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L’application de l’équation de Bernoulli (G = 4V2) permet de transformer cette courbe de vélocité
instantanée en courbe de gradient instantané dont le plus élevé est le gradient instantané maximal
correspondant au pic de vélocité du flux aortique. Le gradient moyen est obtenu par transformation
quadratique point par point de la courbe de vélocité aortique.
Il faut souligner que le gradient maximal instantané ne correspond pas au gradient pic à pic des
hémodynamiciens mais que par contre, la corrélation entre gradient moyen Doppler et gradient
moyen hémodynamique est remarquable avec un coefficient de corrélation à 0.92 dans les études
hémodynamiques et Doppler simultanées de Currie et de Danielsen. Rappelons que l’on parle de
sténose aortique serrée lorsque le gradient moyen est > 50 mmHg.
La détermination de surface : C’est à Skjerpe et Hatle que l’on doit en 1985 l’introduction de
l’estimation de la mesure non invasive de la surface de la sténose aortique uniquement par écho
Doppler en utilisant le principe de continuité de la dynamique de fluide :
A tout instant, le débit passant par la chambre de chasse aortique est égal au débit transsigmoïdien,
ce qui peut s’écrire :
ITV Ao X SAo = ITV chambre de chasse X surface chambre de chasse
d’où SAo = ITV ch. ch x S ch. Ch équation où ITV transsténotique
ITV transsténotique correspond à l’intégrale temps vitesse du flux sténotique en Doppler continu.
ITV chambre de chasse est l’intégrale temps vitesse du flux systolique de la chambre de chasse
ventriculaire gauche mesurée en Doppler pulsé.
Surface chambre de chasse est déterminée à partir du diamètre D de la chambre de chasse mesurée
en écho bi dimensionnelle sur la coupe parasternale grand axe et égale à D2/4.
SAo = surface fonctionnelle de la sténose aortique.
Skjerpe rapporte une excellente corrélation entre surface écho Doppler et hémodynamique (R =
0.87) : de nombreux travaux sont depuis venus confirmer la fiabilité remarquable de cette méthode.
On parle de sténose aortique sévère lorsque la surface est ≤ 1 cm2 pour les anglo-saxons, ≤ 0.75 cm2
pour les européens. Il faut tenir compte de la surface corporelle de l’individu et on parle de sténose
aortique chirurgicale lorsque la surface aortique est ≤ 0.45 cm2/m2 de surface corporelle.
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d - Diagnostic du retentissement
Le retentissement est double :
• au niveau ventriculaire, c’est le degré d’hypertrophie pariétale et l’état de la fonction
contractile appréciée par la fraction d’éjection. Ce dernier paramètre est primordial et son
fléchissement pousse à l’intervention en cas de RA serré.
• au niveau aortique, c’est le degré de dilatation de l’aorte ascendante qui peut être
anévrysmale (D˜55 mm) dans les bicuspidies sténosantes et conduire à un remplacement de
ce segment aortique.
e - Evaluation systématique des autres valves (mitrale en particulier)
Place du cathétérisme gauche
Il n’a plus sa place aujourd’hui car non exempt de risques et totalement supplanté par l’écho
Doppler qui fournit les mêmes renseignements que lui.
L’étape hémodynamique se résume donc aujourd’hui à la seule coronarographie.
V - FORMES CLINIQUES
Nous analyserons la sténose aortique en insuffisance cardiaque et la sténose aortique congénitale de
l’enfant.
1 - En insuffisance cardiaque
La sténose aortique y revêt un aspect extrêmement trompeur : le souffle devient minime en
imposant pour un banal souffle de sténose aortique. Il peut même être totalement absent, c’est dire
que toute insuffisance cardiaque du sujet âgé mérite un écho Doppler systématique pour ne pas
méconnaître le diagnostic de rétrécissement aortique chirurgical.
L’écho Doppler comme la clinique peut être trompeur dans ces formes en insuffisance ventriculaire
gauche : le gradient anormalement bas (≤ 35 mmHg) en raison du bas débit cardiaque peut suggérer
à tort une sténose modérée sur cardiomyopathie. Le test à la Dobutamine revêt ici un très grand
intérêt diagnostic et pronostic : dans les RA serrés avec réserve contractile, il est observé une
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franche augmentation du débit de la fraction d’éjection, la surface restant ≤ 1 cm 2. Le pronostic est
favorable si l’on confie le malade au chirurgien (88 % de vivants 5 ans après la chirurgie pour le
groupe de Guéret). Dans les RA sans réserve contractile, il n’y a pas de variation de débit ni de la
fraction d’éjection sous Dobutamine témoignant d’une dysfonction myocardique irréversible
(séquelle d’infarctus étendu ou cardiomyopathie associée) : ici le pronostic est très sombre et la
mortalité voisine de 75 % à 1 an qu’il y ait ou non remplacement valvulaire.
2 - Sténose aortique du nourrisson
Chez lui aussi, le rétrécissement aortique est le plus souvent valvulaire. C’est une cardiopathie assez
rare, 5 à 8 %, grave, et qui nécessite un recours thérapeutique en urgence. Le tableau clinique est
celui d’une défaillance cardiaque sévère survenant dans les premiers mois de la vie, c’est plus
rarement un souffle ou un malaise qui motive le 1er examen. Le nourrisson est polypnéïque, son
foie est gros. On perçoit un souffle systolique de type sténotique. A la palpation, la faiblesse des
pouls aux 4 membres est un excellent élément diagnostique. La radiographie ne révèle jamais un
coeur de volume normal : il est une fois sur 2 déjà très gros avec arc inférieur gauche bombant, les
poumons sont le siège de stase.
Jadis, indication d’une hémodynamique en urgence. C’est aujourd’hui l’échographie qui fait le
diagnostic différentiel entre fibroélastose, hypoplasie du cœur gauche et une sténose aortique
congénitale. Cette dernière forme nécessitant une dilatation par ballonnet ou une valvulotomie.
VI – EVOLUTION
La sténose aortique est une affection évolutive par le jeu des calcifications.
Cette notion est fondamentale et implique la surveillance régulière des malades en les prévenant de
l’aggravation inéluctable de la maladie au fil des ans.
Le pronostic spontané est bon, tant que le patient est asymptomatique.
Il est mauvais dès que l’expression fonctionnelle devient franche.
Différentes études de la littérature ont montré que l’espérance de vie moyenne est de 5 ans lorsque
surviennent les syncopes, 4 ans lorsque surviennent les angors d’effort, 2 ans lorsque surviennent
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les premières manifestations d’IVG, et de 6 mois lorsqu’il y a manifestation de l’insuffisance
cardiaque.
La mort subite représente un tiers du mécanisme des décès : cette mort subite peut relever d’une
insuffisance coronarienne fonctionnelle lors d’un effort excessif, d’un bloc auriculo-ventriculaire.
Dans les autres cas, elle survient par oedème aigu du poumon (rôle ++ de la fibrillation auriculaire)
par insuffisance cardiaque progressive, par endocardite (10 à 15 % des cas) ou par infarctus du
myocarde.
Retenons qu’il y a de grandes différences évolutives selon la nature du rétrécissement aortique :
• Le RA congénital voit sa surface fixe pendant 2 à 3 décades avant de s’aggraver par le jeu
des calcifications surajoutées.
• Le RA rhumatismal progresse très lentement, beaucoup plus lentement que le Monckeberg.
• Le RA calcifié sénile a une progression plus rapide que les 2 autres étiologies, du fait des
calcifications massives. En moyenne, la surface valvulaire diminue de 0.1 cm2 par an.
Chez les dialysés, l’évolution est beaucoup plus rapide de l’ordre de 0.25 cm2/an. C’est dire :
• que tout patient asymptomatique doit être prévenu du risque de l’aggravation et de survenue
des symptômes et de la nécessité d’une surveillance régulière tous les 6 mois au début pour
évaluer la vitesse évolutive.
• que tout patient symptomatique doit être confié au chirurgien, d’autant que cette intervention
est la plus gratifiante de l’ensemble de la chirurgie cardiaque.
VII - COMPLICATIONS RARES
1. Endocardite
2. Hyperexcitabilité ventriculaire
3. Troubles de la conduction
4. Embolies calcaires systémiques : classiques mais rares. Peuvent intéresser le cerveau, le
rein, les coronaires et l’artère centrale de la rétine (responsable de pertes transitoires de la
vision)
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5. Hémorragies digestives classiques ; le mécanisme est mal élucidé : idiopathique ou par
angiodysplasie
VIII – TRAITEMENT
Il repose sur la mise en place d’une bioprothèse de type Carpentier Edwards, pour les patients âgés
de 75 ans et +, de prothèse mécanique à ailettes type Saint Jude pour les patients de moins de 70
ans, d’homogreffes humaines ou de la propre valve pulmonaire du patient placée en position
aortique pour les jeunes patients.
La valvuloplastie aortique percutanée par ballonnet, selon la technique de Cribier, permet de passer
un cap chez les patients âgés en état critique pour qui l’on envisage néanmoins un recours
chirurgical.
L’indication opératoire exige la conjonction d’un RA serré 1 cm2 et de signes fonctionnels
d’intolérance. En cas d’interrogatoire ambigü, l’épreuve d’effort rend ici de très grands services :
s’il existe une absence d’élévation et a fortiori une chute tensionnelle à l’effort, on n’hésitera pas à
confier le patient au chirurgien.
Les résultats :
La mortalité opératoire est de 5 % au stade compensé.
Elle est de 10 à 15 % en cas d’insuffisance cardiaque ou de lésion coronaire imposant un pontage
associé.
Les résultats fonctionnels sont bons même chez les patients de 70 et 80 ans : dans la série de
Logeais, portant sur + de 4000 patients âgés de 68 ± 10 ans, la mortalité opératoire est de 7 %, la
survie actuarielle de 77 % à 5 ans, et 56 % à 10 ans.
98 % des survivants ont un excellent résultat fonctionnel et se retrouvent au stade I ou II de la
NYHA. 73 % sont asymptomatiques et mène une vie normale.
Chez les sujets jeunes, chez les jeunes femmes désirant une grossesse, l’intervention de Ross avec
utilisation d’une autogreffe pulmonaire, trouve toute son indication mais impose l’attente d’un
donneur d’une homogreffe de valve pulmonaire.
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Dans la série de Prat, les résultats à 10 ans sont remarquables.
Ainsi, la qualité des résultats à long terme justifie pleinement le traitement chirurgical du RA qui
reste une affection de plus en plus fréquente touchant avec prédilection les tranches les plus âgées
de la population.
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FIGURES
Figure 1 : Coupe parasternale gauche grand axe. Cliché en télésystole chez un patient porteur d’une
sténose aortique d’origine rhumatismale, calcifiée. On peut apprécier l’ouverture sigmoïdienne
mesurée ici à 8 mm. Noter le remaniement de l’appareil sous valvulaire mitral chez ce patient
porteur d’une sténose mitrale.
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Figure 2 : Coupe parasternale gauche petit axe transaortique chez un patient porteur d’une sténose
aortique calcifiée. La planimétrie est réalisable chez ce patient particulièrement échogène. La
surface est calculée à 0,6 cm2.
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Figure 3 : Coupe TM transaortique : sténose aortique. Les sigmoïdes sont épaissies, avec réduction
de l’écart intervalvulaire (8 mm). On note la présence d’échos pluristratifiés intra-aortiques systolodiastoliques
Figure 4 : Mesure du diamètre de la chambre de chasse ventriculaire gauche sur la coupe
parasternale gauche grand axe (d = 2,3 cm : s = 4,15 cm2).
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Figure 5 : Enregistrement sur le même cycle par voie apicale chez un patient porteur d’une sténose
aortique du flux aortique transvalvulaire et du flux dans la chambre de chasse ventriculaire gaucheaorte est à 63 mmHg, la vélocité maximale aortique à 4,8 m/s, l’ITV à 125 cm.
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