1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires L'estimation des fonctions de demande Traduit et adapté de: "Managerial Economic: theory, practice and problems", Evan J. Douglas, chapitre 5, par Paul Cardinal Introduction Rappelons qu'une fonction de demande cherche à traduire la relation entre les quantités demandées d'un bien et un ensemble de déterminants jugés pertinents. Jusqu'à maintenant, nous avons supposé que les fonctions de demande étaient connues. Toutefois, dans la réalité, il est rare que ce genre d'information soit directement disponible. Par conséquent, les gestionnaires doivent, par différentes méthodes d'analyse de marché et d'analyse statistique, tenter d'obtenir des données leur permettant d'estimer les fonctions de demande. Ce sera notre sujet de discussion dans les pages qui suivent. Ce en quoi consiste l'estimation des fonctions de demande Habituellement, les variables retenues comme influençant la quantité demandée (Qd) d'un bien sont: le prix du bien (P), le revenu du consommateur (R), le niveau de publicité (A) et le prix d'autres biens, substituts (Ps) ou complémentaires (Pc). On peut aussi inclure toute autre variable (N) jugée pertinente. La spécification générale est alors la suivante: Q d ( P, R, A, Ps , Pc ,..., N ). Qd est la variable dite dépendante ou expliquée. P, R, A, Ps, Pc et N sont les variables dites indépendantes ou explicatives. En supposant une relation linéaire, la fonction s'écrira: Q d 1 P 2 R 3 A 4 Ps 5 Pc ... n N où est une constante et où les coefficients ß1, ... , ßn représentent le montant par lequel la Qd varie pour une variation unitaire de la variable explicative correspondante. En d'autres mots, les 12 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires coefficients ß1,...,ßn indiquent de combien la quantité demandée augmente (si le coefficient est positif) ou diminue (si le coefficient est négatif), suite à une variation d'une unité de la variable qui lui est associée. Toute la problématique liée à l'estimation de fonctions de demande réside précisément dans l'estimation des paramètres et ß. L'information concernant les coefficients ß est particulièrement utile au gestionnaire d'entreprise, puisqu'ils permettent d'isoler l'impact sur la quantité demandée d'une variation dans le niveau d'une des variables indépendantes lorsque le niveau des autres variables est maintenu constant. Bien sûr, le gestionnaire d'entreprise ne contrôle pas le niveau de toutes les variables explicatives. Bien qu'il puisse déterminer en partie le prix du bien et le niveau de publicité, celui-ci n'a évidemment aucun contrôle sur le revenu des consommateurs et le prix des autres biens (tout comme il ne contrôle pas non plus d'autres variables pouvant influencer la quantité demandée comme la population, les préférences des consommateurs ou les actions des concurrents). Toutefois, il demeure utile d'avoir une idée de la valeur probable des coefficients associés à ces variables puisque cela permet de réduire l'incertitude concernant l'évolution de la demande suite à une quelconque variation dans le niveau d'une de ces variables. Ceci permet de prévoir plus efficacement le niveau de production, le niveau d'inventaire, la quantité de maind'oeuvre requise et les recettes de l'entreprise. Les méthodes directes et les méthodes indirectes Les méthodes utilisées pour estimer les paramètres d'une fonction de demande sont de deux ordres. Premièrement, les méthodes directes font directement appel aux consommateurs et regroupent les sondages et les entrevues, les marchés simulés et les marchés-tests. Deuxièmement, les méthodes indirectes utilisent des données recueillies sur les variables indépendantes et cherchent à établir une relation statistique entre celles-ci et le niveau observé de la variable dépendante. Les méthodes d'estimation directes sont l'objet de cours de marketing, alors que les méthodes d'estimation indirectes, faisant appel aux techniques de corrélation simple ou de régressions multiples, sont le propre des cours de méthodes quantitatives. Ici, nous nous concentrerons sur l'application de ces méthodes en vue d'estimer les paramètres d'une fonction de demande. 13 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Entrevues et sondages Cette méthode consiste à demander directement aux consommateurs comment leur niveau de consommation du bien considéré serait modifié si le prix (ou le niveau de toute autre variable indépendante) variait. Bien que cette méthode apparaisse très simple, elle présente plusieurs problèmes. Premièrement, il est important que les individus interrogés constituent un échantillon représentatif du marché; sinon, les résultats seront biaisés. À ce titre, on doit disposer d'un échantillon suffisamment grand et constitué de façon aléatoire. Deuxièmement, puisque les individus doivent répondre à des questions hypothétiques, les réponses obtenues s'avèrent hypothétiques et peuvent, pour toutes sortes de raison, ne pas refléter fidèlement les intentions d'achat des consommateurs. Troisièmement, même si les réponses obtenues reflètent fidèlement les intentions du consommateur, celles-ci peuvent changer au moment de l'achat. Finalement, souvent le répondant peut simplement ignorer la réponse. Par exemple, êtes-vous en mesure de dire avec précision de combien variera votre consommation d'un produit suite à une augmentation du niveau de publicité et ce, sans même connaître la qualité de la campagne publicitaire? L'élaboration d'un questionnaire efficace, donnant des résultats significatifs, est une tâche délicate. Le type, la forme, le nombre et la séquence des questions sont autant de facteurs qui peuvent avoir une influence sur les résultats. Dans ce type de méthode, la construction d'un bon questionnaire est primordiale afin d'obtenir des résultats probants. Aussi, lorsque cela est possible, il est recommandé de comparer les résultats obtenus avec d'autres estimations. Exemple Une compagnie songe à lancer sur le marché un nouveau modèle de portefeuille en cuir et cherche à estimer la demande pour ce nouveau produit. À l'aide d'un questionnaire élaboré par les membres du département de recherche commerciale, on a recueilli le point de vue de 1000 répondants à la recherche de produits similaires. Les personnes interrogées devaient indiquer si elles étaient prêtes à acheter le portefeuille pour chacun des cinq niveaux de prix suggérés. Pour ce faire, on demandait aux répondants de choisir une réponse parmi les six choix suivant: a) certainement pas, b) probablement pas, c) peut-être, d) probablement, e) très probablement et f) avec certitude. Les résultats sont consignés dans le tableau 1. 14 1-803 Analyse Microéconomique Prix($) 9 8 7 6 5 Textes Complémentaires NOMBRE DE PERSONNES AYANT CHOISI LA RÉPONSE: (a) (b) (c) (d) (e) (f) 500 300 100 50 0 300 225 150 100 25 125 175 250 100 50 50 150 250 300 225 25 100 150 250 300 0 50 100 200 400 Tableau 1: Sommaire des résultats du questionnaire On a établi que la probabilité d'acheter le portefeuille associée à chacune des réponses est de: 0 pour la réponse a); 0.2 pour la réponse b); 0.4 pour la réponse c); 0.6 pour la réponse d); 0.8 pour la réponse e); et 1 pour la réponse f). À partir de ces données, nous pouvons calculer la valeur espérée de la quantité demandée pour chacun des prix. Par exemple, pour un prix de 9$, nous avons: E(Q) 500 (0) 300 (0.2) 125 (0.4) 50 (0.6) 25 (0.8) 0 (1) 160 unité s. De la même façon, pour des prix de 8$, 7$, 6$ et 5$, on trouve des quantités espérées de 335, 500, 640 et 800 unités respectivement. En représentant ces points graphiquement, on obtient une courbe de demande dont l'ordonnée à l'origine serait d'environ 10.07$ et la pente d'environ -0.0063. Figure 1: Estimation des courbes de demande et de revenu marginal Prix par unité ($) 12 10 8 6 Px = 10.07 - 0.0063 Qx 4 Rm = 10.07 - 0.0126 Qx 2 0 0 2 4 6 8 10 12 14 Quantité (X 100) La pente (dP/dQ) indique que pour vendre une unité de plus, le prix doit diminuer de 0.63 cents (ou encore, pour vendre 100 unités de plus, le prix doit diminuer de 63 cents). 15 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires La fonction de demande serait donc estimée à P=10.07-0.0063Q. L'expression de la recette marginale serait: Rm=10.07-0.0126Q (en prenant la même ordonnée à l'origine et le double de la pente de la fonction de demande). Rappelons que cette estimation de la demande est valable dans la mesure où: 1) l'échantillon de personnes interrogées est représentatif du marché dans son ensemble; 2) les réponses des consommateurs reflètent bien leurs véritables intentions d'achat; et 3) que l'hypothèse toutes choses étant égales par ailleurs (ceteris paribus) est respectée en ce qui a trait aux goûts et aux revenus des consommateurs, aux prix des concurrents, et ainsi de suite. Les marchés simulés Une autre façon d'évaluer la réaction des consommateurs à une variation de prix (ou d'efforts publicitaires) est de construire un marché artificiel et d'observer le comportement des participants. Une telle façon de faire implique souvent que l'on distribue une certaine somme d'argent aux participants, somme qu'ils devront dépenser dans un "environnement commercial fictif". Il s'agit ensuite d'observer le comportement des différents groupes de participants qui font face à des structures de prix différentes. Si les participants sont représentatifs du marché, on pourra inférer que l'ensemble des consommateurs se comporteront de façon similaire. Il faut faire preuve de beaucoup de prudence dans l'interprétation des résultats obtenus à l'aide d'une telle méthode. Il est vraisemblable de croire que les participants ne dépenseront pas nécessairement l'argent des autres de la même manière qu'ils l'auraient fait avec leur propre budget. Aussi, puisque de tels marchés artificiels sont coûteux à mettre en place, l'échantillon recueilli risque d'être trop petit et non représentatif du marché dans son ensemble. Exemple Une entreprise qui vend du café de marque "X" cherche à connaître la sensibilité de la demande des consommateurs à une variation de prix de sa marque de café. Six groupes de 100 consommateurs ont été choisis afin de participer à une expérience de marchés simulés. Dans chacun des groupes, les caractéristiques socio-économiques des participants étaient sensiblement les mêmes et reflétaient celles du marché dans son ensemble. Chaque participant se voyait remettre un montant d'argent fictif de 30$ qu'il devait dépenser dans un supermarché laboratoire. Pour chacun des groupes, on avait fixé un prix différent pour la marque de café "X" alors que le prix des autres marques de café était maintenu constant. 16 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Les quantités demandées pour chaque niveau de prix apparaissent au tableau 2 ci-dessous. MARQUE DE CAFÉ " X" Prix ($ par Qté demandée livre) (livres) Groupe 1 2 3 4 5 6 3.39 3.29 3.49 3.19 3.69 3.59 AUTRES MARQUES Prix ($ par Qté demandée livre) (livres) 112 123 94 154 37 71 3.49 3.49 3.49 3.49 3.49 3.49 150 145 165 134 190 175 Tableau 2: Quantités demandées lors des marchés simulés On a tracé, à la figure 2, la courbe de demande qui semble le mieux correspondre à ces observations.1 F ig u r e 2 : D r o ite d e la d e m a n d e e s tim é e p o u r le c a fé d e m a rq u e " X " Prix par livre ($) 4 3 ,7 5 3 ,5 P = 3.88 - 0.0045 Qx 3 ,2 5 3 2 ,7 5 0 100 200 Q u a n t it é ( liv r e s ) L'ordonnée à l'origine est d'environ 3.88$ et la pente de 0.0045. L'expérience a donc permis d'estimer la demande à: P = 3.88 - 0.0045Q (ceteris paribus). Les points obtenus ne permettent pas de tracer une droite parfaite. La droite tracée ici est celle qui s’ajuste le mieux au nuage de points. Nous verrons plus loin comment choisir une telle droite. 1 17 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Nous pouvons maintenant facilement calculer l'élasticité-prix2 de la demande pour la marque “X”, en prenant soin de prendre l'inverse de la pente, soit 1/-0.0045 pour obtenir dQ/dP, et en choisissant une combinaison prix-quantité donnée. Par exemple, l'élasticité-prix au prix de 3.59$ serait de: E 222 ,22 3,59 12 ,27 65 Nous pourrions également calculer l'élasticité-prix croisée entre la marque “X” et les autres marques (Y), car nos données nous permettent d'évaluer les quantités demandées des autres marques lorsque l'on fait varier le prix de la marque “X”. La figure 3 met en relation les quantités demandées des autres marques et le prix de la marque “X”. Pour calculer l'élasticité-prix croisée nous avons besoin de l'expression dQy / dPx que nous obtenons en calculant la pente du graphique. À partir de deux points sur la figure, on trouve une pente d'environ 110. Figure 3: Relation entre les quatités demandées pour les autres marques et le prix de la marque "X" 200 Quantité 180 Qy = -220 + 110 Px 160 140 120 100 3 3,2 3,4 Prix de "X" Pour un prix donné, disons 3.69$, l'élasticité-prix croisée serait: E cyx 2 dQy P 3,69 x 110 2 ,17 dPx Qy 1,87 Rappel: Ep=(dQ/dP) (P/Q). 18 3,6 3,8 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Bien entendu, les données confirment que ces marques de café sont substituables entre elles. L'élasticité-prix croisée étant relativement élevé, nous pouvons affirmer que les autres marques de café sont fortement substituables à la marque "X". Pour une augmentation de prix de 10% de la marque "X", la quantité demandée des autres marques devrait augmenter d'environ 22%. Les marchés-tests Il est possible d'appliquer à de vrais marchés la procédure suivie lors de marchés simulés. On parle alors de marchés-tests. Par exemple, une entreprise peut décider d'abaisser son prix de 10% sur un marché régional donné et comparer le niveau des ventes avec celui observé précédemment ou encore avec le niveau des ventes sur un autre marché régional dont les caractéristiques seraient similaires. On pourra ainsi juger de l'impact d'une telle politique avant d'encourir des dépenses et des risques plus élevés. De la même façon, une entreprise peut décider de tester une campagne publicitaire dans une région particulière avant de l'étendre à l'échelle nationale. Exemple Le 6 octobre 1994, LA PRESSE rapportait qu’à l'automne 1995, le groupe Vidéotron et ses partenaires prévoyait lancer un projet pilote afin de tester le marché potentiel d'un nouveau système multimédia ou "autoroute électronique" appelé UBI. Le consortium devait investir 21 millions $ afin d'équiper en UBI, 80% des foyers du Saguenay desservis par le câble, soit 34 000 foyers de Chicoutimi et Joncquière. Selon le projet initial, les foyers équipés d'un terminal UBI n'avaient rien à payer en sus de l'abonnement au câble. À l'aide du téléviseur et d’une simple commande sans fil, les usagers se voyaient offrir différents services transactionnels, par exemple, la consultation de catalogues électroniques. Les annonceurs pouvaient allécher les téléspectateurs en leur faisant parvenir instantanément des primes et des coupons, tout en effectuant des sondages sur leurs habitudes de consommation. Les usagers pouvaient également réaliser certaines transactions financières à partir de leur terminal UBI. Les usagers n'avaient à payer que pour les transactions effectuées. UBI devait pour sa part tirer des revenus de ses fournisseurs qui paieraient pour diffuser sur le réseau. Si le projet devait s’avérer prometteur, le consortium prévoyait installer 1.44 millions de terminaux UBI entre 1996 et 2002, à Québec et à Montréal. Le choix du Saguenay pour débuter tenait à ce que le marché est homogène. Une autre façon de conduire des marchés-tests est de faire appel à des méthodes de marketing direct, en observant les réponses des consommateurs suite aux promotions dans les journaux, les magazines, à la radio, à la télévision ou par envois postaux. Cela fournit de bons indicateurs de la demande de marché. Par exemple, suite à une annonce télévisée où les consommateurs 19 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires doivent commander un produit par la poste ou par téléphone, la réponse des consommateurs est généralement rapide et est connue en quelques jours. En faisant varier les promotions d'une région à l'autre ou d'un échantillon de personnes à un autre, on peut estimer la réaction des consommateurs à une variation de prix ou à une variation de l'effort promotionnel. Notons toutefois qu'il est possible que seulement un type particulier de consommateurs soit sensible à de telles techniques de marketing et non pas le marché dans son ensemble. Note: Chaque fois qu'on procède à un changement de prix ou à une nouvelle campagne promotionnelle, on peut s'attendre à ce qu'il y ait un impact initial suivi d'ajustements à plus long terme de la part des consommateurs. Par exemple, suite à une baisse de prix, certaines personnes peuvent essayer un nouveau produit mais, après ce premier essai, revenir à leur ancien produit. Suite à une baisse de prix, certains consommateurs peuvent aussi acheter un produit en grande quantité en vue de se constituer des réserves en anticipant qu’il ne s’agit que d’une baisse de prix temporaire. Il y a alors un risque de surestimer l'impact de la baisse de prix sur les ventes futures. Aussi, il est préférable que de telles expériences soient conduites sur une période de temps suffisamment longue. Estimation de la demande à l'aide de régressions linéaires La régression est une technique statistique utilisée afin de déterminer la relation fonctionnelle entre une variable (Y) et une ou plusieurs autres variables explicatives (Xi). Par cette technique, on cherche en fait à estimer la valeur numérique des paramètres de la relation. Cette méthode pourra donc s'appliquer à notre problème d'estimation des fonctions de demande. Pour effectuer une régression, l'on doit disposer d'un ensemble d'observations portant sur la valeur de la variable expliquée et sur la valeur correspondante de chacune des variables explicatives. Il est alors possible de travailler à partir de données en séries chronologiques (ou séries temporelles) ou de données en coupes instantanées (ou coupes transversales). Des données en séries chronologiques regroupent des observations sur des variables particulières enregistrées sur une période de temps donnée. Il peut s'agir par exemple de données mensuelles sur le prix et le niveau des ventes d'un produit d'une entreprise pour une période de douze mois. Un des problèmes avec de telles données en séries chronologiques est que le niveau des ventes 20 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires peut avoir varié au cours de la période suite au changement du niveau d'une ou plusieurs autres variables que l'entreprise ne peut contrôler. Ainsi, les variations observées dans le niveau des ventes peuvent résulter de changements dans les revenus ou les préférences des consommateurs, ou encore d'actions entreprises par les concurrents plutôt que d'une variation de prix. Si ces variables sont observables, il faudra les inclure dans la régression. Les données en coupes instantanées, quant à elles, regroupent des observations sur différentes entreprises d'une même industrie à un moment donné dans le temps. Il peut s'agir par exemple de données sur le niveau des ventes et les dépenses en publicité pour différentes firmes au cours d'un mois donné. Lorsqu'on travaille avec ce type de données, le problème décrit plus-haut ne se pose plus. Par contre, les variations dans le niveau des ventes peuvent cette fois-ci être dues à d'autres facteurs qui diffèrent d'une entreprise à l'autre, par exemple, l'efficacité de l'équipe de vente, l'état du fond de roulement ou la stratégie de l'entreprise. Encore une fois, il faudra inclure ces variables dans la régression si elles sont observables et si l'on dispose des données. Linéarité de l'équation de régression Après avoir supposé que la variable Y est fonction des différentes variables Xi, il faut ensuite spécifier la forme de la relation. L'utilisation de la méthode de régression linéaire suppose une équation de la forme: Y 1X1 2 X2 i Xi e où e est un terme d'erreur. L'erreur (ou erreur résiduelle ou résidu) correspond à la différence entre la valeur observée de la variable Y et celle estimée par le modèle de régression à partir des Xi correspondants. On devrait s'attendre à ce que les termes d'erreurs soient aussi bien positifs que négatifs et distribués de façon aléatoire. L'équation de régression doit être linéaire, mais la relation que l'on suppose entre les variables elle, ne l'est pas forcément. On peut supposer une relation de forme quadratique, cubique, exponentielle ou hyperbolique, en autant que l'on puisse la ramener sous forme linéaire par des transformations mathématiques. La forme non-linéaire la plus répandue est la suivante: Y X1 1 X2 2 21 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Dans ce cas, l'effet des variables explicatives sur Y est multiplicative plutôt qu'additive. Nous pouvons ramener une telle fonction sous forme linéaire en utilisant le logarithme naturel de chacune des variables comme suit: ln Y ln 1 ln X1 2 ln X2 Les coefficients ß1 et ß2 sont obtenus directement en effectuant la régression. Le coefficient s'obtient en prenant l'antilogarithme de ln . L'estimation des paramètres Pour trouver les valeurs des paramètres et ß qui traduisent le mieux la relation entre Y et les Xi, on utilise souvent la méthodes des moindres carrés ordinaires. Pour illustrer cette méthode, utilisons un exemple simple où il n'y a qu'une seule variable explicative (on parle alors de régression linéaire simple - lorsqu'il y a plus d'une variable explicative, on parle de régression linéaire multiple). Supposons que l'on a recueilli dix couples d'observations3 sur Y et X. Chaque couple est identifié par un astérisque sur la figure 4. À partir des données, on suppose une relation linéaire entre les deux variables (Y = + ßX). La régression sera utilisée pour trouver les paramètres et ß de la droite qui caractérise le mieux la relation entre les deux variables. La méthodes des moindres carrés ordinaires est une méthode statistique permettant de trouver les paramètres et ß qui minimisent la somme des carrés des erreurs. Dans la figure 1, les erreurs correspondent à la distance verticale entre chacune des valeurs observées de Y et la droite de régression pour un X donné. Par exemple, pour X1 l'erreur résiduelle est la différence entre la valeur observée Y1 et la valeur estimée à partir des paramètres de la régression que l'on désigne ) . La droite de régression minimise la distance verticale totale entre les par Y 1 (e1 Y1 Y 1 ) par l'équation de régression. Chaque erreur valeurs observées de Y et les valeurs estimées ( Y est élevée au carré , d'une part pour éviter que des erreurs de signe inverse ne s'annulent; et 3 Le type de données (séries chronologiques ou en coupes transversales) n'a pas d'importance dans notre exemple. 22 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires Figure 4: Droite d'ajustement Variable dépendante, Y Y1 Y 1 Erreur résiduelle e1 = la différence entre la valeur actuelle Y1 et la valeur estimée Y 1 X1 Variable indépendante, X d'autre part pour accorder plus de poids aux erreurs les plus grandes dans la sommation des résidus. Nous n'entrerons pas ici dans le détail du calcul des paramètres de la droite de régression. Plusieurs logiciels informatiques peuvent être utilisés pour faire ce calcul. Sommaire et conclusion Afin de prendre des décisions optimales, les gestionnaires doivent tenter de connaître le plus précisément possible l'état actuel de la demande et les facteurs qui l'influence. L'estimation d'une fonction de demande consite à trouver, par différentes méthodes, la valeur appropriée des paramètres de la fonction. Les méthodes directes d'estimation de la demande cherchent à évaluer la réaction des consommateurs suite à une variation dans le niveau d'une des variables indépendantes à l'aide d'entrevues, de marchés simulés ou de marchés-tests. Il faut toujours s'assurer d'avoir un échantillon aléatoire suffisamment grand qui reflète le marché ciblé. Lorsque l'on tente d'estimer la demande par des entrevues auprès des consommateurs, l'élaboration d'un bon questionnaire est primordiale. Plusieurs biais peuvent survenir lorsqu'on procède d'une telle façon. Les marchés simulés et les marchés-test permettent quant à eux 23 1-803 Analyse Microéconomique Textes Complémentaires d'observer plus directement la réaction des consommateurs lors du processus de décision. Il faut cependant faire attention de distinguer les effets de court terme et de long terme. Il faut également s'assurer que le comportement des participants est bien celui qui serait effectivement observé dans la réalité. Aussi, on peut utiliser des techniques de marketing lorsqu'on veut tester différents niveaux de prix et d'efforts promotionnels. Finalement, l'estimation des coefficients à partir de données empiriques est rendue possible grâce à la technique de régression linéaire. La régression est un outil puissant lorsqu'utilisée correctement. Elle permet d'estimer les liens statistiques apparents entre des variables issues aussi bien de séries temporelles que de données en coupes transversales. Nous avons insisté ici sur la méthode des moindres carrés ordinaires. Puis, nous avons vu que certaines statistiques nous aident à déterminer le pouvoir explicatif du modèle de régression ainsi que le degré de confiance que l'on peut associer aux prédictions faites à partir de celui-ci. 24