d’adapter son environnement à son mode de vie qu’elle ne peut espérer survivre. Aménager la
décroissance signifie renoncer à l’imaginaire économique c’est à dire à la croyance que plus égal
mieux. Le bien et le bonheur peuvent s’accomplir à moindre frais. Le bonheur se réalise dans la
satisfaction d’un nombre judicieusement limité de besoins. Redécouvrir la vraie richesse dans
l’épanouissement de relations sociales conviviales dans un monde sain peut se réaliser avec
sérénité dans la frugalité, la sobriété voir une certaine austérité dans la consommation
matérielle. Les biens relationnels sont des biens dont on ne peut jouir isolément mais uniquement
en relation entre celui qui offre et celui qui demande comme par exemple les services aux
personnes (soins, bien-être, assistance) mais aussi les services culturels, artistiques et spirituo-
religieux. Il faut en somme favoriser le déplacement de la demande de production de biens
traditionnels à impact écologique élevé vers les biens pour lesquels l’économie civile possède un
avantage comparatif spécifique c’est à dire les biens relationnels. L’expansion de l’économie civile
à travers la production de biens relationnels crée non seulement une valeur économique là où l’on
peut réduire au minimum la dégradation de la matière/énergie mais constitue aussi une voie
puissante vers la réalisation d’une économie juste, réduisant l’accumulation des profits et donc
l’inégalité sociale et le chômage : la décroissance matérielle sera une croissance sociale et
spirituelle.
4 – LA DECROISSANCE EMBELLIE ET LE SUD REFLEURIT
La décroissance doit être organisée non seulement pour préserver l’environnement mais
aussi pour restaurer au moins le minimum de justice sociale sans lequel la planète est condamnée
à l’explosion. Survie sociale et survie biologique sont étroitement liées. Les limites du patrimoine
naturel ne posent pas seulement un problème équité intergénérationnelle dans le partage des
parts disponibles, mais un problème de juste répartition entre les membres actuellement vivants
de l’humanité. Le cercle vertueux de décroissance soutenable et conviviale peut être enclenché
par la réalisation de six objectifs interdépendants que sont la réévaluation de nos valeurs, la
restructuration de nos rapports sociaux, la redistribution de nos richesses et du patrimoine
mondial naturel, la réduction de nos modes de production et de consommation, la réutilisation et
le recyclage de nos déchets. Si une remise en question radicale des valeurs de la modernité
s’impose, cela n’implique pas nécessairement le rejet de toute science ni le refus de toute
technique. Nous aspirons seulement à la beauté des villes et des paysages, la pureté des nappes
phréatiques et l’accès à de l’eau potable, la transparence des rivières et la santé des océans.
Nous demandons une amélioration de l’air que nous respirons, de la saveur des aliments que nous
consommons. Il y a encore bien des progrès à faire pour lutter contre l’invasion du bruit, pour
accroître les espaces verts, pour préserver la faune et la flore sauvage, pour sauver le
patrimoine naturel et culturel de l’humanité. Pour les pays du Sud, touchés de plein fouet par les
conséquences négatives de la croissance nordique, il s’agit moins de décroître que de renouer le
fil de leur histoire rompu par la colonisation et l’impérialisme militaire, politique, économique et
culturel. La ré appropriation de leur identité est un préalable pour apporter à leurs problèmes les
solutions appropriées. Il peut-être judicieux de réduire la production de certaines cultures
destinées à l’exportation au profit de cultures vivrières. Il faut songer à renoncer à l’agriculture
productiviste pour reconstituer les sols et les qualités nutritionnelles. On a malheureusement
exclu des campagnes des millions et des millions de personnes, détruit leur mode de vie ancestral,
supprimé leurs moyens de subsistance, pour les jeter et les agglutiner dans les bidonvilles et les
banlieues du tiers-monde. Les naufragés du développement, les laissés pour compte, condamnés
dans la logique dominante à disparaître, n’ont d’autre choix pour surnager que de s’organiser selon
une autre logique : le développement est un facteur de paupérisation. A nous de transformer les
aides internationales en coopératives vouées à la régénération des connaissances, à la prise en
compte des modes de vie et du savoir-faire des cultures du monde entier.