
la pensée du signe et de la pensée sujet-objet. Ces attitudes envers la réalité, par 
leurs distanciation,  rendent possible  d’un  côté d’exercer  une  dominance  sur le 
monde et de le maîtriser jusqu’à un certain point, d’un autre côté, elles privent 
l’être  humain  d’être  en  congruité  avec  soi-même.  Cela  se  manifeste  dans  une 
désorientation générale. Dans le contexte de la question anthropologique, qu’est-
ce  que  l’être  humain ?,  il  faudrait  prendre  en  considération  des  modèles 
alternatives de pensée qui permettront une conception plus large de la raison. 
Mes  recherches  antérieures,  portant  en  grande  partie  sur  la  poétique  de  Paul 
Celan,  m’ont  sensibilisé  pour  la  manière  comment  le  mouvement  de  la  parole 
dans le langage crée le sens, comment le sens est constitué dans le langage. J’ai 
étudié ces processus dans un bon nombre de textes – de Celan, mais également 
de Franz Kafka, d’Ilse Aichinger, d’Ingeborg Bachmann, de l’avant-garde entre les 
deux  guerres,  et  de  Michael  Donhauser  et  Hans  Ulrich  Treichel.  Ces  études 
analysent en même temps entre autres le rapport de la littérature à la musicalité, 
à  la  nature,  au  mémoire,  à  l’espace  et  à  l’abîme.  Ces  questionnements  avaient 
déjà  entamé  le  travail  sur  le  rapport  entre  la  pensée  poétique  et  la  question 
anthropologique. 
Les  théories  de  Peter  Sloterdijk  et  de  Giorgio  Agamben  présentent une  entrée 
stimulante dans les réflexions sur ce rapport. Sloterdijk thématise les problèmes 
de  légitimation  de  l’Humanisme  aujourd’hui,  dans  des  conditions  médiatiques 
changées. Il propose une anthropologie ascétique, où l’être humain est présenté 
comme étant constitué par ses systèmes d’exercices, d’ascèses. Il évoque aussi la 
constitution dyadique de l’être humain, les atmosphères et les résonances ; or, ces 
éléments ne sont pas suffisamment élaborés et motivés chez lui. Ils sont pourtant 
des  approches  importantes  dans  l’autoréflexion  de  l’être  humain ;  le  travail 
présenté dans ce dossier les poursuit dans la perspective de la pensée poétique 
en établissant des soubassements plus solides.  
Agamben  étudie  la  question  anthropologique  dans  des  conditions 
contemporaines en vue des mises en question historiques et technologiques de 
l’Humanisme. Il  oppose sa  notion  de forme de  vie  à celle  de  biopolitique ; cette 
dernière  est  pour  lui  la  conception  de  l’être  humain  qui  est  privé  de  son 
humanité, considéré comme élément stratégique dans des enjeux politiques. La 
forme  de  vie,  en  revanche,  implique  que  l’être  humain  est  toujours  considéré