Madame la Ministre, Nous accusons réception de votre réponse à

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Madame la Ministre,
Nous accusons réception de votre réponse à notre sollicitation concernant les primes à la queue de renard et de son
classement comme espèce « nuisible », et vous en remercions.
Pour justifier le classement du renard dans la liste des espèces dites « nuisibles », conformément à la législation en vigueur,
vous invoquez la « protection de la santé publique » et la « prévention des dommages importants aux activités agricoles ».
Considérant ce classement infondé, nous souhaitons porter à votre connaissance quelques éléments.
Le renard représente-t-il une menace pour la santé publique ?
En 2001, la France déclara officiellement avoir éradiqué la rage vulpine, suite à une campagne de vaccination réalisée avec
succès (et non grâce à la destruction, stratégie première qui se révéla inefficace). Dès 2002, soit quelques mois plus tard, les
chasseurs mirent curieusement en avant une nouvelle maladie pour justifier la persécution du renard : l’échinococcose
alvéolaire. Il s’agit maintenant de la maladie évoquée pour justifier un prétendu problème de santé public.
L’échinococcose alvéolaire est caractérisée par un parasite vivant à l’intérieur de l’intestin de certains mammifères (dont les
renards, mais également les chiens et les chats) et dont les œufs sont éliminés par les excréments.
Le risque de contamination pour l’Homme est présent en cas de consommation de végétaux souillés par des déjections
infectées. Cependant, dans les zones à risques, il existe des mesures relativement simples à mettre en place afin d’éviter
efficacement la maladie : ne pas toucher les excréments, se laver les mains avant chaque repas, faire cuire/bouillir les
aliments sauvages, vermifuger les chiens et chats tous les 6 mois (il est bon de rappeler que ces derniers sont un facteur de
contamination bien plus important que les renards).
Par ailleurs, la quasi-totalité des cas humains s’avèrent non mortels : une équipe de chercheurs francs-comtois a démontré
que l'Homme est un mauvais hôte pour ce parasite et que des mécanismes du système immunitaire se mettent en place
permettant de s'en débarrasser spontanément.
En outre, l’échinococcose alvéolaire est une maladie très localisée : 70 à 80% des départements français ne seraient pas
concernés (ce qui n’empêche manifestement pas les chasseurs d’invoquer cette maladie, quelque soit le département…).
Nous attirons particulièrement votre attention sur ce point : détruire les renards n’est pas un moyen de lutte contre la
maladie, au contraire, il a été démontré que cela intensifie sa progression notamment pour les raisons suivantes :
-En tuant des renards dont la majorité des individus sont sains, les chasseurs laissent de nouveaux territoires à conquérir
pour des renards éventuellement contaminés.
-Les renards pourchassés sont très mobiles et, en se déplaçant sur de longues distances, ils risquent ainsi de propager la
maladie.
-Les chasseurs pratiquent leurs activités généralement dans différents lieux, ainsi leurs chiens éventuellement contaminés
peuvent répandre la maladie.
-Il est fréquent que les chasseurs/piégeurs laissent des carcasses de renards se décomposer dans la nature, ce qui
constitue une source de contamination.
-Enfin, lors des déterrages de renards, les chiens ayant été à chaque fois en contact direct avec les renards, peuvent
propager la maladie d'un terrier à l'autre.
C’est pour ces raisons qu’en 1998 les autorités du Pays-Bas ont très logiquement interdit la chasse du renard.
Le seul moyen efficace de lutter contre l'échinococcose alvéolaire est le dépôt d'appâts contenant un vermifuge. Des tests
ont été effectués avec succès en Allemagne : des appâts contenant du Praziquantel ont été déposés dans une région où
34% des renards étaient contaminés par l'échinococcose. 14 mois plus tard, seul 4% des renards étaient infectés. Dans
cette population de renards où plus d'1 individu sur 3 était infecté, seul 1 sur 25 l'était toujours après le traitement. Ainsi, une
campagne analogue pourrait être mise en place en France et permettrait sans doute, d’ici quelques années, d’éradiquer
l’échinococcose alvéolaire de la France.
Enfin, il nous semble bon de citer deux spécialistes de la biologie du renard, Claude Rivals et Marc Artois, qui rappellent très
justement que le renard, en jouant son rôle de prédateur naturel, procède à « l’élimination des animaux faibles, malades ou
morts, évitant pullulation et épidémies. Son rôle de "policier sanitaire" a été maintes fois souligné. »…
Le renard cause-t-il d’importants dommages aux agriculteurs ou aux éleveurs ?
Chaque renard consomme 8 000 à 10 000 petits rongeurs par an, lesquels se nourrissant en particulier de céréales
commettent des dégâts sur les cultures et les herbages. La DREAL Haute Normandie a présenté en novembre dernier une
note portant sur l'intérêt économique des mustélidés : elle estime, pour le seul département de l’Eure, que le fait de les
piéger entraîne une perte de 105 000 € (à cause de l’absence de cette protection indirecte due à l’élimination des
« ravageurs » des cultures). Le renard est un canidé, mais celui-ci ayant une alimentation similaire à celles des mustélidés (il
se nourrit principalement de micro-rongeurs), les conclusions de cette note lui sont également applicables. Ainsi, loin de
porter préjudice aux agriculteurs, les renards leur sont au contraire des alliés précieux et leur destruction se révèle être à
l’origine d’importantes pertes financières.
Intéressons-nous maintenant aux élevages. Les dégâts provoqués par les renards sur des élevages avicoles professionnels
sont minimes, car les oiseaux sont généralement placés dans des bâtiments fermés ou détenus dans des terrains très bien
clôturés. Dans le cas des particuliers, il suffit de vérifier le bon état de la clôture du poulailler et de rentrer les oiseaux chaque
soir pour éviter tout problème. Ainsi, les attaques constatées sont la plupart du temps liées à une négligence du propriétaire.
En outre, s’agissant d’attaques occasionnelles et se déroulant de surcroit chez des particuliers, est-il vraiment soutenable
d’invoquer un « dommage important aux activités agricoles/d’élevages » ?
La véritable motivation du classement du renard parmi les espèces « nuisibles » est ailleurs. En effet, les chasseurs
considèrent les renards comme des concurrents et leur reprochent avant tout, sinon uniquement, de s’attaquer à « leur
gibier » et principalement aux animaux provenant d’élevages qu’ils relâchent par millions chaque année afin de pouvoir
réaliser des tableaux de chasse satisfaisants. Ces animaux lâchés ne connaissant que leur enclos d’élevage, inadaptés à la
vie sauvage, ne savent ni se nourrir correctement ni se protéger des prédateurs (dont le renard). Cette pratique, nommée
lâchers de tirs, est insoutenable d’un point de vue éthique et catastrophique sur le plan de l’écologie (introduction de
maladies, pollutions génétiques, etc.). Ne serait-il pas temps de mettre fin à ces lâchers et d’accepter que le renard joue son
rôle de prédateur naturel ?
L’éventuelle objection prétendant que retirer le renard de la liste des espèces classées « nuisible » causerait une diminution
du nombre de renards détruits ce qui aurait pour conséquence une augmentation de leur population, n’est pas recevable. En
effet, les prédateurs adaptent leurs densités en fonction des ressources alimentaires (les proies) et territoriales disponibles et
ne sont donc jamais en surpopulation. En 2001, des chercheurs de l'Université de Bristol ont notamment saisi une
opportunité pour mesurer l'impact de l'arrêt de la chasse sur les populations de renards. Ainsi, un protocole de décompte des
déjections de renards a permis de comparer la densité des populations avant et après la période d'interdiction de la chasse.
Il a été démontré que, contrairement aux proclamations du monde cynégétique, l'arrêt de la chasse n'avait pas été suivi
d'une augmentation des populations de renards. Par ailleurs, nous rappelons que le renard n’est pas à l’origine de
dommages pour la faune ou la flore (3ème critère permettant de classer une espèce comme « nuisible »). Au contraire, les
scientifiques ont démontré à de nombreuses reprises la place complexe et importante de ce prédateur pour le bon équilibre
des écosystèmes.
En conséquence, le classement du renard parmi les espèces dites « nuisibles », notamment pour des raisons de protection
de la santé publique ou de prévention des dommages agricoles, est injustifié.
Aussi, nous vous demandons de bien vouloir retirer le renard de la liste des espèces susceptibles d’être classées
« nuisibles ».
Dans l’attente de votre réponse et vous en remerciant, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l'expression de notre
haute considération.
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