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La toux
par Jean-Paul Homasson
Centre hospitalier spécialisé en pneumologie, Chevilly-Larue, France.
La toux est une manifestation qui répond à de nombreuses situations pathologiques.
C'est aussi un élément de défense de l'arbre aérien qui permet l'expulsion d'éléments
des voies aériennes : sécrétions, particules ou corps étrangers plus ou moins
volumineux. La toux est habituellement un phénomène réflexe mais peut aussi être
volontaire avec parfois une composante psychogène.
I. Mécanisme
La toux est caractérisée par la succession de 3 phases. Le cycle complet débute par
une phase inspiratoire profonde à glotte ouverte sous l'effet d'un stimulus ; puis il y a
fermeture de la glotte et contraction des muscles expiratoires. Cette phase de
compression induit une forte pression positive dans le thorax et l'arbre trachéobronchique. Puis la glotte s'ouvre. Durant cette phase expiratoire la pression
intrathoracique est ramenée à la pression atmosphérique ; il s'ensuit une brutale
expulsion de l'air qui provoque la mobilisation et l'élimination du mucus et des
particules étrangères.
La toux est un phénomène réflexe qui trouve son origine au niveau de récepteurs
périphériques dont les localisations sont multiples : voies aériennes supérieures
(muqueuse nasale ou sinusienne), trachée, bronches mais aussi plèvre, diaphragme
voire péricarde. C'est dire que les étiologies sont très variées. Les stimuli peuvent
être de nature inflammatoire, mécanique, chimique (inhalation de gaz, de fumées) ou
thermique (inhalation d'air froid). Les voies afférentes sont représentées par les
nerfs phréniques, pneumogastriques mais aussi trijumeaux et glosso pharyngiens ;
les voies efférentes, par le nerf pneumogastrique et phrénique. Le centre nerveux de
la toux n'est pas localisé avec précision.
Il. Les caractères de la toux
Il est important, par l'interrogatoire, d'analyser les caractères de la toux.
permettent déjà une orientation diagnostique. On doit préciser :
Ils
- son ancienneté : toux récente ou chronique (plus de 4 semaines) ;
son mode de début : brutal ou progressif
- son horaire (surtout chez l'enfant)
- et les circonstances de survenue :

nocturne : équivalent d'asthme, évocatrice de reflux gastro-oesophagien voire de
cause cardiaque. La toux nocturne correspond habituellement à une cause
organique.

diurne : faire préciser un éventuel facteur déclenchant, géographique, saisonnier,
le contact avec un animal, les variations de température, le travail, etc…

plutôt matinale : suspecter des bronchectasies ; toux du fumeur (" nettoyage du
matin "),

lors des repas : fausse route, fistule oeso-trachéale, reflux gastro-cesophagien,

à l'effort : épreuve d'endurance chez l'enfant suggérant un asthme d'exercice ;
cause cardiaque (oedème pulmonaire subaigu) ;
- sa productivité et son aspect : on distinguera les toux sèches des toux productives,
les toux aboyantes ou quinteuses plutôt d'origine laryngo-trachéale (coqueluche).
L'expectoration est purulente ou non : rosée et spumeuse elle oriente vers un
oedème pulmonaire cardiogénique. Elle peut être hémoptoïque ;
- son timbre : la toux sifflante fait penser à un bronchospasme.
III. Les signes associés
Avant de proposer des examens complémentaires, certains signes vont compléter
l'orientation diagnostique : rhinorrhée, signes de reflux gastro-oesophagien, dyspnée,
fièvre, douleurs thoraciques, altération de l'état général ; on complètera par un
examen clinique.
IV. I'environnement
Il est utile de faire préciser la profession et surtout le tabagisme.
V. Les étiologies
Il faut séparer les toux en 2 catégories : les toux survenant dans un contexte aigu,
fébrile ou non et les toux chroniques.
1. Les toux aiguës

Contexte infectieux
La présence de fièvre fait penser d'emblée à une pathologie ORL ou
bronchopulmonaire dont l'origine est le plus souvent virale. On recherchera un
contexte épidémique, saisonnier. Le début est brutal, avec des signes associés
rhino-pharyngés, parfois une douleur à la pression des zones sinusiennes, des
courbatures et céphalées.
Chez le nourrisson la respiration sifflante et
l'encombrement bronchique sont évocateurs de bronchiolite.
L'auscultation
pulmonaire peut faire suspecter une pathologie pleurale associée.
Les examens complémentaires doivent être limités : radiographie pulmonaire si l'on
suspecte une pneumopathie ; biologie (NFS, VS, CRP), bactériologie, examen direct
de crachat BK et Gram, éventuellement.

Sans contexte infectieux
Inhalation d'un corps étranger chez l'enfant rechercher un syndrome de pénétration.
La radiographie pulmonaire est indispensable sachant aussi que certains corps
étrangers ne sont pas radio-opaques. L'endoscopie bronchique doit être réalisée
dans les délais les plus brefs dans une structure spécialisée.
Inhalation de produits irritants et toxiques solvants, produits ménagers, fumées...
L'origine peut être professionnelle. Il faut réaliser une radiographie pulmonaire et
une endoscopie. Des explorations fonctionnelles respiratoires sont utiles à distance,
ces inhalations pouvant induire une pathologie asthmatiforme.
Toux saisonnière d'origine allergique : elle apparaît souvent dans un contexte de
rhume des foins pouvant précéder, accompagner ou succéder à un asthme vrai.
Isolée, c'est un équivalent d'asthme révélant un spasme bronchique réversible. La
toux équivalent d'asthme peut aussi être une toux chronique.
OEdème aigu du poumon: toux avec expectoration mousseuse, rosée ; présence de
la " marée montante " des râles sous crépitants et bruit de galop gauche à
l'auscultation cardiaque. La radiographie confirme un diagnostic essentiellement
clinique.
Pathologie pleurale : en cas de pneumothorax, la toux est un signe associé,
rarement révélateur. Douleur et dyspnée dominent le tableau clinique. La
radiographie confirme le diagnostic clinique. Certaines pleurésies peuvent survenir
sans contexte infectieux. La toux est le plus souvent un signe associé.
2. Toux chronique
Souvent il s'agit d'un symptôme isolé qui motive la consultation. La pathologie ORL
est la première cause de toux (écoulement pharyngé postérieur) ; vient ensuite
l'asthme ou la toux équivalent d'asthme.
Causes ORL
-
Écoulement nasal et jetage postérieur.
Sinusite chronique.
Polypose nasale ou sinusienne.
Otite chez l'enfant.
Tumeur de la sphère ORL.
La toux nécessite donc d'abord un examen ORL avec éventuellement un
complément radiologique : scanner si c'est possible, plus précis que la radiographie
de sinus.
Causes pneumologiques
- Tuberculose pulmonaire.
- Asthme. La toux peut être le seul symptôme révélateur. Un test thérapeutique en
fera vite la preuve.
- Tabagisme.
- Pathologies tumorales, le plus souvent malignes, (cancer du poumon).
- Bronchectasies.
- Pathologies pleurales (pleurésie, pneumothorax).
- Corps étranger méconnu.
- Toux post-virales : il s'agit de toux résiduelles après un épisode infectieux initial qui
peuvent durer plusieurs semaines et qui résistent souvent aux thérapeutiques
habituelles. Elles font souvent l'objet de prescriptions inappropriées d'antibiotiques
successifs.
Des examens vont étayer le diagnostic : Imagerie (radiographie simple) et en milieu
spécialisé : tomodensitométrie ; endoscopie trachéo bronchique ; explorations
fonctionnelles respiratoires avec épreuves pharmacodynamiques.
Causes digestives
- Fausse route d'une pathologie pseudo-bulbaire ou fistule oeso-trachéale.
- Reflux gastro-cesophagien responsable de 20 % des toux isolées. Cette toux,
grasse ou sèche est majorée par le décubitus (toux nocturne) et une position
penchée en avant. Elle s'associe à des régurgitations fréquentes, parfois des
douleurs, lors de l'alimentation, retrosternales et une sensation de goût acide dans la
bouche. Un traitement anti-reflux d'épreuve doit être débuté sans aucun examen
complémentaire de confirmation. C'est seulement devant la persistance des signes
cliniques malgré un traitement bien conduit que l'on pourra demander une
endoscopie, un transit oeso-gastrique ou une pHmétrie en milieu spécialisé.
3. Causes cardio-vasculaires
Médicamenteuses : toujours demander si le malade n'est pas hypertendu et s'il ne
prend pas des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, souvent responsables de toux
sèche d'irritation, sans support organique et qui cède à l'arrêt du traitement.
Poumon cardiaque ou oedème cardiogénique subaigu ou chronique de l'insuffisance
ventriculaire gauche, caractérisé par des râles crépitants ou sous crépitants aux
bases pulmonaires, un bruit de galop gauche au repos ou apparaissant à l'effort. La
radiographie pulmonaire peut être évocatrice avec une redistribution vasculaire vers
les sommets, l'apparition de lignes de Kerley. À l'endoscopie les " bronches
cardiaques " sont évoquées devant une hypervascularisation sous muqueuse intense
dans un contexte inflammatoire.
4. Toux psychogène
C'est seulement lorsque les autres étiologies ont pu être éliminées que l'on peut
évoquer le diagnostic de toux psychogène. Elle survient préférentiellement chez le
grand enfant, plutôt chez les garçons. Elle peut succéder à un épisode infectieux ou
être concomitante de problèmes psychologiques. La toux psychogène présente
certaines caractéristiques : c'est une toux essentiellement diurne, quinteuse,
explosive et aboyante, souvent majorée en présence du médecin ou d'un public. Les
traitements sont inefficaces, qu'il s'agisse d'antitussifs, d'antihistaminiques, antiinflammatoires stéroïdiens ou non, de bronchodilatateurs. La toux psychogène peut
durer plusieurs mois. Elle est bien tolérée, gène seulement l'entourage qui s'inquiète
mais l'état général n'est en rien altéré et l'examen clinique est toujours négatif. Sa
persistance peut induire la prescription d'examens complémentaires qu'il conviendrait
de limiter (radio, explorations fonctionnelles) si le diagnostic est fortement suspecté.
Devant une toux chronique (plus de 15 jours), avec ou sans expectorations, toujours
penser à la tuberculose.
Développement et Santé, n° 145, février 2000
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