VOUS AVEZ DIT MODE CONTEMPORAINE ?
Ce segment de mode moyen de gamme né à la fin des années 90, a bouleversé le prêt-à-porter.
Le Printemps dédie deux étages à un nouveau segment du prêt-à-porter que les spécialistes
nomment mode contemporaine. Sous ce terme assez vague, ils désignent un prêt-à-porter
moyen de gamme. Les prix se situent au-dessus de Zara, H&M et en dessous de créateurs et
de couturiers comme Céline, Givenchy ou encore Balenciaga. « Ce créneau a été initié en
France dans les années 80 avec Agnès b. et APC, rappelle Tancrède de Lalun directeur mode
femme au Printemps. Ils ont été les premiers à proposer des vêtements faciles à vivre pour des
femmes actives et à des prix accessibles. » Le fameux cardigan à pressions n’était ni un
produit de luxe, ni un produit bas de gamme. Les marques les plus emblématiques : Comptoir
des Cotonniers, Maje, Sandro, Zadig&Voltaire. Ce sont elles qui ont ouvert ce segment
moyen de gamme que Frédéric Biousse définissait, en 2006 alors qu’il était pdg de Comptoir
des Cotonniers, comme « l’entrée de gamme pour les femmes qui ont de l'argent et le haut de
gamme pour celles qui en ont peu. » Aujourd’hui autant dire que tout le monde y trouve son
compte et les marques l’ont bien compris : elles s’y engouffrent toutes formant un patchwork
de références hétéroclites parmi lesquelles il est difficile de s’y retrouver... S’y côtoient des
maisons de couture comme Carven et des marques des années 70-80 comme Helmut Lang ou
Kenzo dépourvues de leurs créateurs originaux. Il y a aussi Gérard Darel, The Kooples,
Ventilo, Joseph ou Cos, la marque chic de H&M. Sur ce, les rejoignent des dizaines de
nouvelles marques comme Léon&Harper, Iro, Mes Demoiselles, Heimstone, Bérénice, etc.
Voilà qu’arrivent finalement les marques qui habillaient nos grands-mères : Rodier vient de
présenter une collection hiver 12-13 à des années-lumière de son image. La jeune créatrice
Emilie Luc-Duc, qui a fait un passage chez Ann Valérie Hash et Vanessa Bruno, a remplacé
les jupes à plis creux et les twin-sets vert bouteille par des robes à jupe patineuse, des
pantalons à ceinture drapée, etc. A des prix époustouflants. « Attention, toutes ces marques ne
sont pas à mettre dans le même panier, prévient Maria Luisa acheteuse pour l’espace
multimarques éponyme du 2ème étage du Printemps. Il existe des disparités énormes : certaines
défilent et d’autres pas, il y en a qui s’illustrent particulièrement par leur créativité comme
Carven avec Guillaume Henry qui a inventé une nouvelle silhouette. » Ce prêt-à-porter moyen
de gamme explose pour une autre raison majeure : il s’adresse à toutes les générations. « Il est
tombé pile au moment où les mères se sont mises à s’habiller comme leurs filles et vice et
versa », explique Tancrède de Lalun. La grande force de ce moyen de gamme tient finalement
à son essence même. Son mode de fonctionnement est typique de la fast fashion, c’est-à-dire
Zara et H&M : il a le même rythme effréné de collections et propose des réassorts en
permanence. Il s’adapte à la demande en un clin d’œil grâce à un temps de production très
court. Et en même temps, il multiplie les références à l’univers du luxe. Ses emplacements
premium sont à deux pas de Prada et de Gucci. Sa communication est à l’avenant avec des
campagnes de publicité qui trouvent leur place dans Vogue. Les collections, elles, suivent de
près les tendances présentées sur les podiums par les couturiers et les créateurs comme Ann
Valérie Hash, Céline, Lanvin ou Azzedine Alaïa. De quoi souvent déclencher l’ire de ces
derniers... Quant aux collaborations, elles sont de plus en plus prestigieuses : Sandro avec le
mannequin Dree Hemingway, Claudie Pierlot avec la créatrice de sacs Olympia Le Tan, etc.
Le modèle fonctionne tellement bien que LVMH a investi dans le capital de Maje-Sandro-
Claudie Pierlot. Mais quel est l’avenir de ces marques moyen de gamme ? Car elles doivent
éviter bien des écueils comme la tentation d’aller toujours plus vers le luxe. « Le risque est
alors de devoir augmenter les prix, commente Patricia Beausoleil fondatrice du bureau de
style Univers Mode qui estime qu’il leur faut également éviter de devenir des chaînes en
multipliant les ouvertures de boutiques et en photoco-pillant trop systématiquement les
modèles. » La cliente risque alors de se lasser. Rester sur ce segment relève donc du numéro