1 Cruralgie La cruralgie est une manifestation de l'atteinte du nerf crural, formé de l'union de deux racines lombaires responsables chacune d'un trajet douloureux précis : L3, irradiant à la partie supéro-externe de la fesse, la région trochantérienne, la face antérieure de cuisse au tiers moyen puis la face interne au tiers inférieur, et la face interne du genou ; L4 : partie moyenne de la fesse, face externe de la cuisse à sa partie moyenne puis face antérieure au tiers inférieur, face antérieure du genou, face antéro-interne de la jambe le long de la crête tibiale jusqu'au cou-de-pied et au bord interne du pied. 1- La cruralgie commune est un diagnostic d'élimination La cruralgie commune d'origine discale touche plus souvent les hommes, entre 50 et 60 ans. La douleur est typiquement d'installation brutale, intense, impulsive à la toux, avec des dysesthésies à type de brûlures ou de broiement. Sa recrudescence nocturne est fréquente, à l'origine d'une insomnie voire d'une altération de l'état général. Il existe une diminution ou une abolition du réflexe rotulien. Le déficit du quadriceps est fréquent, avec une amyotrophie rapide dont la récupération peut nécessiter plusieurs mois. D'autres muscles peuvent être touchés selon la racine atteinte : le psoas (L3) et le jambier antérieur (L4). Une hypoesthésie superficielle de la face antérieure de la cuisse ou de la jambe est possible. Le signe de Léri signe l'atteinte du nerf crural: en décubitus ventral, la douleur à la face antérieure de la cuisse est reproduite lors de la flexion du genou à 90° ou lors de l'extension de la cuisse sur le bassin. L'examen clinique élimine : une atteinte de la hanche ou du genou une tendinopathie du moyen fessier (fessalgie irradiant à la face externe de cuisse, réveillée par l'abduction contrariée de la hanche) une bursite ischiatique (douleur à la face postérieure de cuisse réveillée par la pression de l'ischion et la flexion forcée de hanche) une méralgie paresthésique (paresthésies en raquette à la face externe de cuisse par compression du nerf fémoro-cutané). a cruralgie commune, d'origine discale ou arthrosique (arthrose facettaire, spondylolisthésis, canal lombaire étroit), représente la cause la plus fréquente d'atteinte du nerf crural. Il est néanmoins impératif de rechercher des signes cliniques de gravité et des signes évocateurs de cruralgie symptomatique. 2- Signes de gravité et signes d'alerte L'aggaravation du déficit moteur du quadriceps et du psoas iliaque avec apparition d'un déficit de cotation inférieure à 3/5 (absence de mouvement ou possibilité de mouvement après élimination de la pesanteur) constitue une urgence neurochirurgicale. La découverte d'une anesthésie en selle et de troubles sphinctériens associés signe un syndrome de la queue de cheval qui impose également une décompression en urgence. Les cruralgies symptomatiques touchent surtout les sujets de plus de 60 ans. Une origine tumorale (neurinome, métastase, myélome) est à suspecter devant un antécédent de cancer, une perte de poids inexpliquée, une fièvre modérée, une douleur qui s'aggrave et devient constante, une extension des territoires atteints. Une origine infectieuse (spondylodiscite, épidurite) est à évoquer devant une douleur tenace, une fièvre inconstante, une raideur rachidienne marquée, une intervention récente du rachis ou du petit bassin. 2 Une atteinte pagétique vertébrale peut entraîner une compression radiculaire tandis qu'un tassement vertébral bénin est rarement en cause. Parmi les cruralgies tronculaires, la compression par un hématome du psoas est à évoquer systématiquement en cas de traitement anticoagulant. L'examen clinique retrouve un psoïtis : impossibilité d'extension complète de la cuisse en décubitus dorsal. La compression du nerf crural peut aussi être due à un anévrisme de l'aorte, une hernie inguinale, un envahissement tumoral d'origine digestive, gynécologique, rénale, ganglionnaire. Les radiculites infectieuses se voient dans le cadre d'une atteinte herpétique, d'une maladie de Lyme, d'un zona, d'une séropositivité à VIH. Le diabète peut favoriser l'apparition et la chronicité d'une cruralgie. 3- Quels examens complémentaires ? La cruralgie est plus souvent symptomatique que la sciatique et touche habituellement des sujets plus âgés, ce qui justifie la pratique d'un bilan biologique (VS, CRP, NF, glycémie) et de radios du rachis lombaire et du bassin. Ce bilan est suffisant devant une forme typique de cruralgie commune et la tomodensitométrie est à réserver aux patients dont l'évolution fait envisager une chirurgie. Si une pathologie sous-jacente est évoquée, l'exploration est guidée par la clinique : IRM en cas de suspicion d'une origine lombaire tumorale ou infectieuse, échographie ou tomodensitométrie abdomino-pelvienne en cas de suspicion de compression tronculaire. 4- Initiation et adaptation du traitement Le traitement initial de la cruralgie commune associe le repos guidé par la douleur (et non le repos strict au lit), les antalgiques en passant rapidement au palier III (morphine et dérivés) si la douleur n'est pas bien contrôlée, et éventuellement les AINS pour une durée maximale de 15 jours. En deuxième intention, après 15 jours de traitement oral, il est possible de réaliser 2 à 3 injections épidurales de corticoïdes. La corticothérapie par voie générale n'a pas fait la preuve de son efficacité. Souvent très douloureuse, la cruralgie guérit spontanément dans la quasi-totalité des cas après une évolution qui dépasse souvent 3 mois. Dans les formes non compliquées, la chirurgie discale accélère la guérison et il est licite de proposer une imagerie du rachis lombaire et un avis chirurgical après 4 à 6 semaines de traitement médical sans amélioration franche, en informant le patient des rares complications possibles. Références Legrand E et coll. Conduite à tenir devant une lomboradiculalgie. La Revue du Praticien, 2008, vol 58 : 285-293. Collège Français des Enseignants en Rhumatologie : Les lomboradiculalgies des membres inférieurs. Précis de rhumatologie 2006 : 589-602. 01.14 UVD 08 F 1341 IN