EA 3187 – ATST-Centre Jacques Petit

publicité
EA 3187 – ATST-Centre Jacques Petit
Projet pour un contrat doctoral – Campagne 2011
Littérature française – Analyse du discours
Directeur de recherche : Pr. Bruno Curatolo
Le roman d’aventures dans les années 1920-1930 en France :
tradition, renouveau, invention.
Le terme « roman d’aventures » est étroitement lié à la réflexion théorique et critique sur le
roman qui inaugure le XXe siècle. Il se trouve en effet sous la plume de Marcel Schwob en 1896
dans Spicilèges, pour évoquer le roman à venir ; sous celle de Jacques Rivière, directeur de La NRF,
dans l’article qu’il donne en 1913, « Le roman d’aventure », ou encore, après-guerre, dans un article
d’Albert Thibaudet paru dans la même revue en 1919, « Réflexions sur la littérature : le roman de
l’aventure ». Le terme est à chaque fois employé pour illustrer le futur du roman, le roman nouveau
et il dépasse chez ces trois auteurs son acception usuelle. Schwob parle de l’aventure « dans le sens
le plus large du terme », Rivière décrit un roman qui serait comme une fuite en avant, que l’auteur
découvre alors qu’il l’écrit : pour lui l’aventure est dans la forme, et les événements relatés peuvent
s’ouvrir au domaine du psychologique, enfin Thibaudet conclut que l’aventure est désormais
« partout ». Pourtant, tous les trois se réfèrent à Defoe, Dumas, Stevenson, des auteurs d’aventures
plus traditionnelles, dont Jean-Yves Tadié donne les éléments d’une première définition dans Le
roman d’aventures : celui-ci se particulariserait dans son rapport au lecteur, entretenant toujours un
suspens et serait un roman tourné vers un après, centré sur un héros confronté au hasard et à la
mort, développant un « dialogue entre la mort et la liberté ». Le genre se déclinerait donc selon deux
pentes : roman d’aventures de mœurs, d’épreuves, selon Tadié, d’amour ou d’intelligence selon
Thibaudet.
Le terme de « roman d’aventures » se situe ainsi, en ce début de siècle, au point de rencontre
d’une réflexion poétique et esthétique novatrice et d’une tradition littéraire que l’on fait remonter à
l’antiquité, la nouveauté puisant son inspiration directement à ce qu’il y a de plus établi mais peutêtre aussi de plus essentiel. Le roman d’aventures, bâti sur une fuite en avant, un enchaînement
d’événements, une ouverture à l’avenir et au hasard, est de fait ressenti par les critiques plus haut
cités comme contenant l’essence du roman et de la narration.
Le but de cette thèse sera d’observer, dans les années 1920-1930, à la suite de ce que Michel
Raimond a nommé une « crise du roman », l’évolution de ce genre qui a largement inspiré la théorie
du roman. L’« ouverture » de l’« aventure » à tous les domaines réclamée par Rivière et Thibaudet
a-t-elle signifié la fin du roman d’aventures traditionnel, ou alors l’accent mis sur son caractère
essentiel annonce-t-il un renouveau et une pleine participation à la rénovation du roman ?
Cependant, le rôle du roman d’aventures dans le premier XXe siècle ne saurait être évalué
sans un rapprochement avec le XVIIIe s., chacune des deux périodes ayant connu à ses débuts une
« crise » du roman ; le genre subissant des attaques tant au plan esthétique que moral fut en effet
amené à se renouveler. Aussi la gestion de l’héritage du roman d’aventures des XVIIIe et XIXe
siècles par les romanciers des années 20/30 devra-t-elle être examinée.
Cette approche par l’histoire littéraire ira de pair avec une réflexion portant sur l’esthétique
et la sociologie du genre. Le début du XXe siècle connaissant l’avènement de la littérature de masse,
1
devra être prise en considération la dimension populaire du roman d’aventures, qui, si elle existe,
engage nécessairement sa forme : plus le lectorat est important, plus les horizons d’attente pèsent
sur la création romanesque. Quelle serait alors la place de la littérarité dans ce genre codé ?
Le corpus intègrera aussi bien des auteurs établis comme Cendrars, Kessel, Mac Orlan ou
Aragon que des auteurs « oubliés » comme Pierre Benoit, Gustave Lerouge, Joseph Peyré, Roger de
Lafforest ou Albert t’Serstevens. Une étude de la réception de ces romans pourra donc éclairer les
questions d’esthétique et de sociologie du genre mais aussi développer une réflexion sur l’histoire
littéraire. Pourquoi certains auteurs à succès comme Pierre Benoit, membre de l’Académie
française, ne sont-ils désormais plus connus que des spécialistes ? L’appartenance à la droite
réactionnaire de certains auteurs peut-elle éclairer la réponse ? Existe-t-il des rapports entre une
certaine mouvance politique et le genre du roman d’aventures ? Entre la politique et l’histoire
littéraire ? Cette étude se focalisera sur la figure du romancier voyageur, reporter, aventurier,
« bourlingueur » pour reprendre le qualificatif de Cendrars ; un romancier en marge, un romancier
de la réaction (de droite ou de gauche) face à la société établie, adoptant une posture politique et/ou
esthétique que traduit le goût du risque et du hasard.
Il sera nécessaire enfin de traiter les questions formelles, auxquelles toute étude de ce type
est confrontée, par le biais de l’analyse informatisée du discours (au moyen de logiciels
textométriques tels que Hyperbase, Lexico 3 ou Astartex) : y a-t-il, au niveau stylistique (lexique,
syntaxe, temps verbaux…), un « modèle » littéraire du roman d’aventures qui se serait transmis
depuis le XVIIIe siècle et confèrerait ainsi au genre un critère de reconnaissance indiscutable ?
2
Téléchargement