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Compte-rendu élaboré par Madame Matias-Zigmut, professeure de SES, du séminaire
sur « Droits et grands enjeux du monde contemporain », Bordeaux mai 2012
Un compte rendu de ce séminaire devrait être mis en ligne par le CRDP d’Aquitaine, début
juin, puis sur Eduscol.
SOURCES INTERNET À EXPLOITER :
- site du CRDP d’Aquitaine : http://crdp.ac-bordeaux.fr/c2000/index.asp
- site Eduscol (onglets programmes et formation)
http://eduscol.education.fr/cid59321/presentation.html
http://eduscol.education.fr/cid59269/rendez-vous-droit-grands-enjeux-monde-
contemporain.html
Sur la DILA (on doit tous obtenir le cours, la jurisprudence, bibliographie ...)
http://formation.ladocumentation rançaise.fr/index.php
JEAN-LOUIS NEMBRINI, RECTEUR DE L’ACADÉMIE DE BORDEAUX
QUESTION DE LA SALLE : à la question d’ouvrir les DGEMC aux SES, la réponse est
non, car cela compromettrait à nouveau la filière L. Il faut sauver les L en les élargissant et en
les distinguant, ce que permettent les DGEMC.
XAVIER RONSIN, DIRECTEUR DE L’ECOLE NATIONALE DE LA
MAGISTRATURE
Toute personne est un sujet de droit.
Le droit est quotidien : acheter son pain chez le boulanger est un acte juridique qui crée des
obligations (contrat).
Pourtant, le droit est invisible pour les sujets de droit : ils n’en ont pas conscience. Très
souvent, le citoyen suit les lois sans s’en rendre compte. Le droit devient visible dans certains
cas : on rédige un testament, on se marie, on crée une société, on signe son contrat de travail.
Mais le plus souvent, le droit s’effectue naturellement sans l’intervention du juge.
Le droit devient visible avec l’entrée en scène du juge. Le citoyen devient justiciable, vient
réclamer son dû. Le juge tranche”; les parties affirment des prétentions, que l’autre
“combat”. Donc référence à des mots violents. Mais le juge pacifie les relations. La justice est
rendue au nom du peuple français, par des juges qui doivent être considérés comme des juges
légitimes.
La légitimité du magistrat passe par une éthique. Le magistrat est rappelé à ses pouvoirs,
mais aussi à ses devoirs. Il n’y a pas de justice sans confiance : les parties doivent adhérer à la
décision de justice. Donc nécessité du magistrat d’être indépendant, impartial, équitable,
humain ... Donc publication par le CSM d’un recueil de règles déontologiques (le juge n’a
pas le droit de refuser de juger; doit le faire dans un délai raisonnable; refus de la corruption;
juste mesure entre la volonté du législateur - connue par les actes préparatoires- et les
évolutions concrètes de la société. D’où le pouvoir créateur de droit du juge; le juge doit-il
donner son opinion et de quelle façon ? ...).
Protectrice de la liberté, la justice est aussi une institution avec les avocats, médiateurs,
conciliateurs de justice, juges non professionnels ... A chaque fois, ce qui les lie au-delà leurs
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différences, ce sont les règles éthiques qui fondent la confiance en la justice.
JEAN-MICHEL BLANQUER, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ENSEIGNEMENT
SCOLAIRE, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS
1- Objectifs institutionnels de l’enseignement DGEMC :
enrayer les difficultés de recrutement de la filière L : la réforme des lycées a donc créé
cette matière attractive. Nous assistons depuis la rentrée dernière à un petit rebond
d’inscriptions des élèves en L ;
développer du lien entre le lycée et le supérieur, afin de remédier aux césures entre les
deux niveaux d’enseignement ;
améliorer l’insertion professionnelle des élèves et leur orientation : il faut qu’ils aient la
capacité de se projeter dans le futur, de définir un spectre de vocations.
2- Objectifs intellectuels de l’enseignement DGEMC : ils tiennent à montrer la nécessité de
connaître le droit.
a- il faut faire saisir aux élèves la relation entre le droit d’une part, et le temps d’autre
part : il faut dévoiler la dimension courante du droit. ll faut montrer aux élèves que le
droit est quotidien (l’achat de la baguette de pain).
Le droit se vit ensuite comme une réparation : le droit va créer artificiellement une
réhabilitation de l’ordre juridique qui a été brisé, un retour dans le temps, une capacité à
restituer un ordre qui a été brisé.
b- L’enseignement de DGEMC a clairement développé une méthode inductive : partir
des observations concrètes que peuvent connaître les élèves (l’achat de baguette de pain
chez le boulanger) pour leur enseigner le droit. I Cela peut être saisi concrètement par
des exemples de la vie de l’établissement (il existe des exemples de juridicisation des
établissements scolaires), des décisions de droit. La procédure introduit de la raison
dans une période on donne le pas à l’immédiateté, ce qui procure de l’impatience.
Mais il faut expliquer l’importance de la procédure, qui apporte une garantie au fond. Le
droit régule les relations sociales.
Il faut éviter le risque de l’abstraction, de la désincarnation. Parmi les pratiques à
encourager, il y a les procès fictifs (en mettant les élèves dans des situations différentes :
position de la défense, puis position du parquet). On peut partir des séries américaines
qui sont complètement imprégnées de droit : on peut s’en accommoder et jouer avec
cela. Cela peut les renvoyer à des cultures juridiques différentes. Il faut rendre cet
enseignement vivant.
c- Il faut replacer l’enseignement dans le temps auquel vivent les élèves : Le programme
met en relation le droit et les grands enjeux du monde contemporain. Il ne faut
surtout pas séparer l’enseignement en créant deux blocs (d’ailleurs, les élèves ne doivent
pas faire un plan I- Droit II- problèmes contemporains). On peut penser au débat
positivisme - naturalisme.
Le positivisme affirme le droit-vérité. Ceci fige le droit dans les codes. Ce paradigme
vérité est le paradigme dominant au 19ième siècle. Le droit est affirmé comme une
science, et devient une matière en circuit fermé (avec une logique propre qui lui permet
de s’auto-justifier) (cf. Kelsen). Or Hitler est arrivé au pouvoir légalement, et le
positivisme n’est pas parvenu à critiquer ce nouvel ordre juridique.
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Puis cette prétention scientifique a été questionnée. Le droit peut être envisagé comme
l’art du bon et du juste = développement du “ jus naturalisme “.
On peut faire discuter les élèves sur la dichotomie entre les paradigmes. On peut aussi
montrer que le droit sert l’individualisme, mais aussi l’harmonie sociale.
QUESTION DE LA SALLE : DGEMC contribue d’abord à revaloriser la filière L. Donc
n’est pas envisa pour les SES pour l’instant. Mais il sera assez naturel, dans les temps
futurs, d’étendre l’enseignement DGEMC en SES.
Il serait aussi peut-être une bonne idée de l’ouvrir en première. Mais cela se ferait au
détriment d’autres matières. Donc ce serait très difficile à mettre en pratique à court terme.
PHILLIPE RAYNAUD, PROFESSEUR DE SCIENCE POLITIQUE À L’UNIVERSITÉ
PANTHÉON-ASSAS
Droit, éthique et morale
DÉFINITIONS :
Le droit peut se voir comme la rétribution. Le droit peut aussi se voir comme un
système de normes et de contraintes.
Morale et éthique : ce sont des ordres normatifs qui n’ont pas forcément de sanctions
légales. Pas de distinction entre les notions de morale et d’éthique.
LE LIEN ENTRE DROIT ET ÉTHIQUE
- héritage Aristote : la justice dans la cité. La loi est une source du droit, mais l’objet de la loi
est de régler les comportements des citoyens pour qu’ils soient conformes aux intérêts de la
cité, et pour les rendre heureux. La loi a une vertu éducative et impérative, et a un lien étroit
avec la morale.
- conception moderne Kant) : La conscience moderne est souvent choquée par cette idée que
la loi est pour rendre heureux (cf. Ancien régime). Dans la conception moderne, la loi a
pour objet sur la coexistence des libertés, ce qui implique un volet répression. Kant : le droit
est l’ensemble conceptuel des conditions sous lesquelles le libre-arbitre de chacun peut
coexister avec celui de l’Autre, dans le cadre d’une loi de liberté. Donc ce qui distingue le
droit et la morale, c’est la sanction: extérieure dans le cadre de la morale ; intérieure dans le
cadre du droit.
- Dans l’univers démocratique, on a tendance à séparer la morale et le droit : cf. Kelsen. Selon
P. Raynaud, la critique vulgaire formulée à l’encontre de Kelsen consiste à dire que le droit
positiviste conduirait à justifier n’importe quel régime totalitaire. Mais dans le positivisme
juridique, on ne considère pas que le droit positif soit toujours bon. On peut toujours critiquer
le droit positif, mais cette critique est morale, et non juridique. Faire entrer la morale dans le
droit, ce serait opposer le droit au droit.
Rq : L’argument positiviste s’est formé au 17è s, pour défendre les pouvoirs de l’Etat et la
monarchie absolue. Le paradoxe est que cette doctrine défend aujourd’hui l’idée que le droit
positif défend les libertés.
- Hobbes (à suppr sauf dernière ligne) : est en conflit avec la tradition anglaise de la
Common Law car il accorde moins d’importance au juge. Le véritable fondement de la pensée
de Hobbes est une pensée fondée sur l’égalité. Donc la source de droit n’est pas la vérité, mais
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l’existence d’une autorité de créer des normes et de les interpréter. Hobbes veut montrer
qu’aucun homme n’a de droit naturel à dominer autrui (même le plus fort peut être tué par le
plus faible pendant la nuit. Or si on peut tuer quelqu’un, on est son égal). Donc le système de
Hobbes est égalitaire. Hobbes critique ainsi la monarchie absolue. Dans l’état de nature, les
hommes s’entretuent --> nécessite de l’Etat qui déconnecte droit et morale.
Mais on ne peut nier que les sociétés démocratiques sont animées par la croyance en l’égalité.
On voit aujourd’hui se développer l’éthique de façon autonome (développement de comités
éthiques ...). Et le droit doit avoir pour objet de répondre aux exigences éthiques de la société.
On voit bien par exemple qu’aux Etats-Unis, on peut condamner à mort des malades mentaux
ou des mineurs, ce qui correspond à une autre morale qu’en France.
Comment comprendre la vie publique française et européenne à travers le droit ?
PASCAL JEAN, PROFESSEUR DES DES UNIVERSITÉS, SC PO BORDEAUX
Vie publique = vie politique, parlementaire, judiciaire.
Question 1 : Comment appréhender la vie publique, et comment à travers le droit, on arrive à
contester des idées reçues, idées véhiculées par les medias.
Question 2 : Comment on peut appréhender une question juridique à travers les libertés en
général. L’objectif d’un Etat est en effet la liberté.
Exemples tirés de l’actualité :
Exemple 1 : le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel (CCel) abroge le délit de
harcèlement sexuel. Beaucoup ne comprennent pas la décision : on devrait protéger les
victimes ! L’opinion critique le juge constitutionnel. Or cette abrogation repose sur le
principe de légalité. La loi doit être claire. L’abrogation de la loi critique le législateur
qui n’a pas fait son travail. Le conseil constitutionnel protège ici la liberté. Donc le fait
que le délit de harcèlement moral ait été dépénalisé n’est pas de la faute du juge, mais
du législateur.
Exemple 2: la négation de la censure d’admettre le génocide arménien. aussi :
scandale. Mais aussi, le fond du problème, c’est qu’on a affaire à une loi
mémorielle. Le principe de la liberté d’expression justifie la censure de cette loi. Le
problème est qu’une loi mémorielle n’est pas normative, donc n’a pas lieu d’être.
Exemple 3 : depuis les élections présidentielles, certains hommes politiques invoquent
l’idée qu’il faudrait dégager une majorité au parlement, et éviter les blocages
institutionnels. Il leur est souvent rétorqué que l’exécutif peut user du 49-3 pour
débloquer une situation et sortir de la paralysie. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’en
2008, il y a eu une modification de la constitution qui a modifié le 49-3, et cet article
devient utilisable uniquement pour un texte par cession, contrairement à avant le
49-3 pouvait être utilisé (et a été utilisé : par Rocard ...) un grand nombre de fois.
Donc le fait de dire qu’aujourd’hui que l’absence de majorité parlementaire ne
poserait pas pb car avant, on s’en sortait quand même, est un raisonnement faux, car
entre temps, la règle a changé.
Donc la connaissance minimale du droit, des règles du jeu, permet de comprendre le
fonctionnement de la vie publique.
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I- LE DROIT COMME SOURCE DE COMPRÉHENSION DES INSTITUTIONS
PUBLIQUES
A- Le droit de facteur de compréhension de la vie politique en général, et de la vie
parlementaire en particulier.
La vie politique est rythmée par des décisions. Et le droit aide à comprendre ces décisions.
Exemple 4 : la séparation des pouvoirs (règle juridique, principe constitutionnel) n’interdit
pas au pouvoir exécutif de critiquer une décision de justice, ni le pouvoir parlementaire de
critiquer le pouvoir exécutif ... Or c’est ce qu’on entend souvent dans les médias.
B- Le droit permet de comprendre les relations entre les institutions françaises et
européennes.
On entend dire souvent que 80 % de la législation française dépend directement de
Bruxelles. Faux : on est env. à 20%. Mais le pb n’est pas : on a accepté la primauté des
traités européens soit directement (référendums) ou indirectement (traités).
Dans le système normatif européen, on distingue les règlements et les directives. Le
droit européen prend le pas sur la législation française. Cette primauté s’est accélérée à partir
des années 90.
Ces transferts de souveraineté concernaient les domaines des parlements nationaux,
domaines qui sont gérés au niveau européen par les ministres. Donc plus on transfert des
compétences vers l’UE, plus on réduit le pouvoir législatif. Mais il ne faut pas oublier que le
parlement a deux fonctions : faire la loi, et contrôler. Il faudrait donc renforcer les pouvoirs de
contrôle du parlement (national et européen).
Remarque : Rapport annuel du Sénat sur l’application de la législation : montée en puissance
des décrets d’application (car la loi n’est pas toujours claire). 16,7 % des dispositions
législatives n’ont jamais trouvé d’application entre 1981 et 2007. Tout ça parce que les lois ne
sont pas toujours claires, ou parce que l’exécutif fait en quelque sorte blocage.
II- LE DROIT COMME FACTEUR EXPLICATIF DES DÉCISIONS PUBLIQUES
- Exemple 5 : Décision garde à vue du CCel : le CCel a censuré le dispositif législatif. Le
CCel a affirmé que la censure ne sera pas appliquée pendant un an. La motivation du CCel de
ce caractère différé de sa décision repose sur l’exigence de maintien de l’ordre public (il ne
peut y avoir de liberté sans sécurité). Cela peut paraître injuste, mais l’intérêt général est au-
dessus des intérêts et des libertés individuelles.
- Exemple 6 : le président Obama s’est déclaré à titre personnel favorable au mariage de
personnes de même sexe. A titre personnel, car il faudrait réviser la constitution fédérale. Or
aux Etats Unis, il faut les 2/3 des parlementaires, du Sénat, et de 3/4 des Etats. Donc c’est
quasi impossible de réviser la constitution aux Etats Unis. Donc on ne peut critiquer ce à
titre personnel “ de la même façon aux Etats-Unis qu’en France.
QUESTION DE LA SALLE
- précisions sur le 49-3 : avant 2008, on pouvait déclencher le 49-3 sur n’importe quel type
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