Concernant le type de résistance, un prédicteur potentiel de durabilité (qui reste à
valider) est sa nature poly- ou monogénique (cf. ci-dessus). On peut y rajouter la
diversité des mécanismes contrôlés par les QTL et la largeur de leur spectre
d’action, un sélectionneur ayant a priori davantage intérêt à combiner des
mécanismes différents et à cumuler des QTLs à large spectre d’action que des QTLs à
spectre d’action étroit. D’autre part, les gènes majeurs facilement contournés
après introgression dans un fond génétique sensible voient leur durabilité
fortement augmentée dans un fond génétique partiellement résistant. Dans
certains cas où l’on connaît particulièrement bien les interactions moléculaires entre
les 2 antagonistes, une relation entre les mutations responsables de la résistance, la
structure tri-dimensionnelle du facteur de résistance et sa durabilité ont été
constatées. Ces résultats sont donc encourageants quant aux perspectives
d’utilisation des données fonctionnelles et moléculaires pour les programmes de
durabilité.
Du côté de l’agent pathogène,
- le nombre d’événements mutationnels menant à la virulence est clairement corrélé à
la durabilité de la résistance chez les virus de plantes. Cependant, la transposition de ce
critère à des bioagresseurs plus complexes s’avère délicate (surtout si différents
mécanismes moléculaires sont en jeu dont on ne connaît pas la fréquence relative –
substitutions d’acides aminés, délétions, insertions…).
- le coût de fitness associé à la virulence des pathogènes est également un critère relié à
la durabilité des résistances et qui peut certainement être plus facilement comparé entre
pathosystèmes que le précédent. Pour ce critère, on se heurte à plusieurs obstacles :
1) Rares sont encore les estimations précises de ces coûts. Ceci tient à des difficultés
techniques de mesure, surtout si les pathogènes virulents et avirulents sont en compétition
dans les même plantes.
2) Il est également difficile d’établir les conséquences épidémiologiques de ces coûts de
fitness et donc de connecter les différentes échelles (plante individuelle -> population de
plantes). Ceci repose essentiellement sur la modélisation.
3) Enfin, nous ne ne connaissons pas les paramètres qui peuvent modifier ces coûts de
fitness (fond génétique de la plante, compensations dans le fond génétique de l’agent
pathogène, environnement).
Il s’agit certainement d’un domaine de recherche à approfondir qui pourrait
permettre d’obtenir des données comparables entre pathosystèmes, comparables aux
durabilités observées et potentiellement utilisables comme prédicteurs de durabilité.
Des prédicteurs plus généraux ont également été recherchés. Le « potentiel évolutif »
défini par B. McDonald en est un exemple, développé pour les champignons et
appliqué ensuite aux virus. Un 2ème exemple, basé sur l’évolution des allèles de
virulence, suggère que la contrainte sélective exercée sur les gènes d’avirulence viraux
prédirait la durabilité des résistances correspondantes.
La validité et la généralisation de ces prédicteurs, ainsi que leur hiérarchisation
(voire leur articulation) restent à établir. A ce niveau, il convient de prendre
conscience que chacun des prédicteurs ne fera que participer à la prédiction globale de
la durabilité, d’une manière similaire à la contribution relative de différents facteurs
explicatifs de la variabilité d’un phénomène global dans une analyse de variance (où
des interactions/synergies entre facteurs peuvent exister). Une telle approche globale
ne pourra se faire sans le développement de modèles suffisamment génériques.