IP/C/W/484 - WTO Documents Online

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ORGANISATION MONDIALE
DU COMMERCE
IP/C/W/484
2 novembre 2006
(06-5266)
Conseil des aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce
Original: espagnol
RÉPONSE AUX OBSERVATIONS FIGURANT DANS LE
DOCUMENT IP/C/W/469 QUI ONT TRAIT À LA
COMMUNICATION PRÉSENTÉE PAR
LE PÉROU (IP/C/W/458)
Communication présentée par le Pérou
La communication ci-après, datée du 23 octobre 2006, est distribuée à la demande de la
délégation du Pérou. Elle a été distribuée à l'avance pour la réunion du Conseil qui s'est tenue en
octobre 2006.
_______________
I.
CONTEXTE
1.
Le 7 novembre 2005, le Pérou a présenté à l'Organisation mondiale du commerce (ci-après
dénommée l'"OMC") le document IP/C/W/458 intitulé "Analyse de cas éventuels de piratage
biologique".
2.
L'objet du document présenté par le Pérou est de décrire les progrès réalisés en matière
d'identification et d'analyse des demandes de brevets et des brevets délivrés qui se rapportent à des
inventions obtenues ou mises au point grâce à l'utilisation du camu-camu (Myrciaria Dubia).
3.
Ce document illustre quelques-uns des problèmes auxquels doit faire face un pays comme le
Pérou lorsqu'il détecte le dépôt d'une demande de brevet ou la délivrance d'un brevet portant sur une
invention obtenue ou développée à partir de l'utilisation d'une ressource biologique ou de savoirs
traditionnels, sans le consentement préalable en connaissance de cause respectivement du pays
d'origine de la ressource ou de la population indigène possédant des droits sur les savoirs, et sans
qu'aucun type de rémunération ne soit prévu respectivement pour le pays ou pour la population
indigène.
4.
En outre, le document comporte des commentaires sur les limitations et les difficultés
auxquelles font face, ou pourraient faire face, des pays comme le Pérou pour identifier, suivre et
analyser les demandes de brevets ou les brevets délivrés auxquels s'attachent des droits conférés à tort
ou qui portent atteinte aux régimes réglementant l'accès et/ou la protection des savoirs traditionnels.
5.
Dans le document mentionné il est établi qu'un nombre considérable de demandes de brevets
en instance et de brevets délivrés ne respectent pas les critères de nouveauté et d'activité inventive ou,
s'ils satisfont à ces critères de brevetabilité, comprennent (directement ou indirectement) des
ressources génétiques et des savoirs traditionnels obtenus de manière illégale, irrégulière ou, à tout le
moins, contestable.
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6.
Pour leur part, les États-Unis ont présenté à l'OMC le 13 mars 2006, le document IP/C/W/469
intitulé "L'article 27:3 B), la relation entre l'Accord sur les ADPIC et la CDB, et la protection des
savoirs traditionnels et du folklore".
7.
Le Pérou se félicite des observations formulées par la délégation des États-Unis et espère que
cet engagement d'approfondir les discussions, en particulier le débat technique fondé sur des faits,
permettra de trouver une solution appropriée aux problèmes auxquels des pays comme le Pérou sont
actuellement confrontés.
8.
Dans le document en question, les États-Unis ont formulé les observations ci-après en ce qui
concerne le document IP/C/W/458 présenté par le Pérou:
a)
"Les dernières communications du Pérou et l'annexe du document IP/C/W/459
permettent de prendre connaissance des expériences effectives que les délégations
auteurs de ces documents considèrent comme illustrant leurs préoccupations. Nous
estimons qu'une analyse plus poussée de ces documents s'impose." (paragraphe 11)
b)
"L'on ne comprend pas clairement comment il est possible de conclure, à partir du
simple fait qu'une demande de brevet en instance ou qu'un brevet délivré a trait à des
ressources génétiques ou revendique une invention qui peut avoir un rapport avec ces
ressources, que les ressources génétiques ou les savoirs traditionnels en question ont
été obtenus "de manière illégale, irrégulière ou contestable"". (paragraphe 12)
c)
"Il a été dit que beaucoup des ressources citées par le Pérou et d'autres Membres
pendant les discussions sont cultivées dans nombre de pays du monde, y compris
dans de nombreux pays dans lesquels des demandes de brevets sont déposées. Il a été
dit en outre que beaucoup de ressources d'origine péruvienne ont été exportées et
vendues pour la consommation directe ou comme matière première pour la
transformation industrielle, en vue d'un bénéfice économique immédiat. Le Pérou
lui-même reconnaît que cette question constitue un "problème majeur" ... La question
déterminante qui doit se poser est celle de savoir si ces exportations, ou les
transactions en rapport avec ces exportations, ont eu lieu dans le cadre du régime
d'accès et de partage des avantages en vigueur au Pérou. Si tel n'est pas le cas, force
est de conclure qu'il est probable que beaucoup, si ce n'est la totalité, des inventions
citées ont été élaborées à l'aide de matières de départ qui ont été obtenues par des
moyens légitimes, par exemple par des voies commerciales, et non par des moyens
illégaux, irréguliers ou contestables." (paragraphe 13)
d)
"En outre, un examen rapide de plusieurs des brevets énumérés dans la
communication du Pérou révèle que les inventeurs pour plusieurs de ces brevets ont
en fait divulgué la source et/ou l'origine de la ressource génétique en rapport avec
l'invention. Étant donné que nombre des brevets délivrés utilisant des ressources
génétiques cités par le Pérou et d'autres divulguent en fait la source et/ou l'origine du
matériel biologique, il est évident que les nouvelles exigences de divulgation
proposées ne permettront pas en soi de réaliser les objectifs déclarés."
(paragraphe 14)
e)
"La conception péruvienne de la "biopiraterie" semble se limiter uniquement au
contexte des demandes de brevets en instance et des brevets délivrés. Comme cela a
été dit précédemment, l'obtention d'un brevet n'est pas en soi une appropriation
illicite. Les analyses présentées par le Pérou peuvent fournir des renseignements
utiles sur l'état de la technique afin de mieux comprendre si un brevet devrait ou non
(ou aurait dû) être délivré dans ces cas. Rien, cependant, dans ces expériences ne
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permet de penser que les nouvelles exigences de divulgation proposées concernant la
source et/ou l'origine auraient été déterminantes pour établir la brevetabilité."
(paragraphe 16)
f)
"L'expérience du Pérou est instructive pour ce qui est d'identifier les "problèmes"
rencontrés pour recueillir des renseignements, mais là encore, ce sont les propositions
des États-Unis, et non les nouvelles exigences de divulgation proposées, qui peuvent
régler ces problèmes." (paragraphe 24)
g)
"La divulgation de la source ou de l'origine, le consentement préalable donné en
connaissance de cause ou les accords de partage des avantages auraient cependant peu
d'incidence, voire aucune, sur les situations décrites par le Pérou. En fait, les
demandes relatives à plusieurs des brevets mentionnés dans la communication de ce
pays ... divulguaient bien la source et/ou l'origine des matières de départ."
(paragraphe 25)
9.
Le contexte du débat trouve son origine dans la proposition d'inclure la divulgation de la
source et/ou de l'origine dans les demandes de brevets. Cette proposition n'est pas considérée comme
valable par la délégation des États-Unis, qui estime qu'un système contractuel assorti de l'utilisation
de bases de données structurées afin d'améliorer les recherches sur l'état de la technique concernant
les demandes de brevets, constituerait, entre autres moyens, une meilleure façon de faire face aux
problèmes mentionnés par le Pérou et d'autres délégations.
10.
Le présent document vise à clarifier quelques-unes des observations formulées par les
États-Unis au sujet du document présenté par le Pérou.
11.
Les États-Unis font observer1 que l'on ne comprend pas clairement en quoi une demande de
brevet ou un brevet délivré qui a trait à des ressources génétiques ou revendique une invention qui
peut avoir un rapport avec ces ressources peut amener à conclure que les ressources génétiques ou les
savoirs traditionnels en question ont été obtenus "de manière illégale, irrégulière ou contestable".
12.
En premier lieu, il est important de faire observer qu'il est indiqué dans le document élaboré
par le Pérou qu'il s'agit d'une analyse de cas éventuels de piratage biologique. Par conséquent, il est
entendu qu'il s'agit de cas "possibles" de piratage biologique. On ne cherche nullement à inférer que
tous les cas présentés dans le document sont, à ce jour, des cas de piratage biologique. On ne cherche
pas non plus à insinuer que toutes les demandes de brevets ou tous les brevets délivrés qui ont trait à
des ressources génétiques ou à des savoirs traditionnels ont été obtenus de manière illégale ou
irrégulière.
13.
Cependant, le Pérou rappelle ce qui est indiqué au paragraphe 7 de sa communication,
puisque nous ne sommes pas confrontés à des cas isolés qui se sont présentés récemment. Il existe un
nombre considérable de cas qui font naître des préoccupations dans beaucoup de pays – en particulier
dans les pays en développement ayant une grande diversité biologique – et qui sont liés à la protection
effective conférée par le système des brevets. Au Conseil des ADPIC, le Pérou et un très grand
nombre de pays ont présenté divers cas, afin de faire comprendre à l'aide d'éléments de preuve
concrets l'ampleur de leurs préoccupations.
14.
Depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur la diversité biologique (CDB), il est reconnu
– conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international – que les pays ont droit de
souveraineté sur leurs ressources naturelles et ont le pouvoir de déterminer l'accès aux ressources
1
Voir le paragraphe 12, à la page 4 du document IP/C/W/469.
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génétiques. Cette obligation juridique est exécutoire erga omnes et l'objet juridique protégé est la
ressource en soi.
15.
À cet égard, la divulgation de la source et/ou de l'origine permettrait – en premier lieu –
d'identifier les cas dans lesquels une ressource originaire du Pérou est utilisée hors de sa juridiction et
ainsi de vérifier si l'accès à la ressource biologique et/ou au savoir traditionnel qui a servi de source
pour mettre au point le procédé ou le produit à breveter était légal ou illégal. Étant donné qu'il
n'existe à l'heure actuelle aucune prescription imposant de divulguer l'origine des ressources utilisées
dans les brevets, chaque État doit utiliser les moyens dont il dispose pour pouvoir se conformer aux
obligations juridiques découlant de la CDB, ce qui occasionne des dépenses considérables et a rendu
nécessaire la création d'institutions chargées du suivi des obligations. Dans le cas du Pérou, comme
on l'a indiqué précédemment, cette tâche incombe en partie à la Commission nationale contre le
piratage biologique.
16.
Un deuxième élément a trait au respect des critères de brevetabilité (nouveauté, activité
inventive et application industrielle), lorsque les inventions sont fondées sur des savoirs traditionnels
ou des ressources génétiques – au-delà du point de savoir s'ils ont été obtenus de manière régulière ou
irrégulière.
17.
Il y a donc là un deuxième niveau d'analyse, qui a trait à la possibilité pour un État comme le
Pérou – une fois vérifiée l'origine de la ressource – d'examiner le respect des critères de brevetabilité,
en l'espèce ceux concernant la nouveauté et l'activité inventive en particulier. L'objet de cette analyse
est de déterminer si une invention satisfait ou non à ces critères, ou d'établir si – comme cela s'est
produit dans divers cas, entre autres celui de la maca – le produit ou le procédé breveté figure déjà
dans l'état de la technique. C'est là que la vérification de l'existence d'un savoir traditionnel associé à
la ressource génétique devient particulièrement pertinente.
18.
Ainsi, la prescription relative à la divulgation permettrait non seulement de connaître l'origine
physique – ce qui correspond au premier niveau de respect des obligations découlant pour l'État
péruvien des dispositions de la CDB – mais aussi, à un deuxième niveau, de satisfaire à l'obligation de
prendre en considération et, par conséquent, de respecter les savoirs traditionnels associés, dont il est
entendu qu'ils constituent l'état de la technique et que, bien souvent, un examinateur ne peut pas
connaître.
19.
Bien que le Pérou souscrive aux affirmations des États-unis en ce qui concerne l'utilité des
bases de données et des systèmes d'information publics2, ceux-ci ne présenteraient aucun intérêt s'il
n'était pas possible de vérifier la provenance ou l'origine de la ressource utilisée dans l'invention.
20.
En outre, un troisième niveau d'analyse doit permettre à un État de vérifier – dans le cas où
une demande ou un brevet a trait à une ressource d'origine péruvienne qui satisfait aux critères de
brevetabilité – qu'une autre des obligations imposées par la CDB a également été respectée:
l'obtention du consentement préalable en connaissance de cause du titulaire du brevet et une
répartition juste et équitable des bénéfices, conformément aux normes nationales en vigueur en la
matière. Là encore, pour pouvoir effectuer cette analyse, il est nécessaire de connaître l'origine de la
ressource; c'est pourquoi il est impératif de disposer d'une règle contraignante de caractère universel
qui, de l'avis du Pérou et de plusieurs autres délégations, doit être une prescription imposée dans le
cadre du système des brevets: la divulgation de la source et/ou de l'origine des ressources génétiques.
2
En fait, le Pérou a reconnu cette possibilité dans le Mémorandum d'accord négocié avec les
États-Unis dans le cadre de l'accord de libre-échange entre les deux pays. En outre, l'Institut national pour la
défense de la concurrence et la propriété intellectuelle installe actuellement un portail sur les savoirs
traditionnels
des
populations
indigènes,
auquel
on
peut
avoir
accès
gratuitement
(www.indecopi.gob.pe/portalctpi).
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21.
Contrairement à ce que les États-Unis indiquent dans leur communication, la grande majorité
des demandes de brevets ou des brevets3 ne divulguent pas l'origine de la ressource à partir de laquelle
le procédé ou le produit à breveter a été mis au point. Il est donc nécessaire que le système des
brevets inclue une obligation universelle de divulguer l'origine.
22.
Bien souvent, même lorsqu'il est indiqué que la ressource utilisée est connue au Pérou ou
qu'elle provient des Andes péruviennes, son origine exacte n'est pas établie en toute certitude. Par
conséquent, il serait secondaire d'établir si la ressource est ou non commercialisable.4 En outre,
l'existence d'une prescription relative à la divulgation permettrait en fait de dissiper tout doute
concernant la provenance légale de la ressource et, le cas échéant, de déterminer que la ressource a été
obtenue de manière légale et par des voies commerciales, ce qui exclurait toute présomption
d'acquisition illégale.
23.
Ces initiatives sont complétées par des règlements nationaux détaillés dans divers domaines
en rapport avec la promotion et la protection des ressources génétiques, l'accès aux ressources
génétiques et la protection des savoirs traditionnels, qui visent à établir un équilibre adéquat entre
l'utilisation durable des ressources et l'utilisation et la mise en œuvre positives du système des brevets,
auquel le Pérou accorde également la plus grande importance.
24.
Récemment, ces initiatives ont été complétées par la mise en place d'un nouveau système de
base de données pour l'enregistrement des savoirs traditionnels des populations indigènes
(www.indecopi.gob.pe/portalctpi), dont le Pérou espère qu'il fera l'objet d'une ample consultation,
surtout pour déterminer les espèces originaires du Pérou, et en particulier les savoirs traditionnels
associés.
3
On trouvera ci-après quelques exemples extraits de la base de données des États-Unis.
"1.
Imidazole alkaloids from Lepidium meyenii and methods of usage.
US 6,878,731 Cui, et al. April 12, 2005
Lepidium meyenii (commonly referred to as Maca) is indigenous to the Andean Mountains at an
altitude of higher than 10,000 feet. To the Andean Indians, Maca is a valuable commodity. Because so
little else grows in the region, Maca is often traded with communities at lower elevations for other
staples like rice, corn, and beans.
2.
Compositions and methods for their preparation from lepidium
US 6,552,206 Zheng, et al. April 22, 2003
Lepidium meyenii, commonly called maca or Peruvian ginseng, is a perennial plant having a fleshy,
edible, tuberous root. Another species is Lepidium peruvianum.
3.
Herbal composition for enhancing sexual response
6,444,237 Heleen September 3, 2002
In a preferred embodiment of the present invention the composition further includes effective amounts
of BEC and Lepidium meyenii ("Maca"), a traditional Peruvian aphrodisiac".
4
En tout état de cause, il est intéressant de signaler qu'à l'heure actuelle, il se pose aussi des problèmes
concernant l'admission sur le territoire de l'Union européenne de produits naturels issus de la diversité
biologique, en raison de l'existence d'un règlement communautaire qui interdit l'admission d'un groupe de
ressources biologiques considérées comme des "nouveaux aliments" (Règlement CE n° 258/97 relatif aux
"nouveaux aliments").
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II.
CONCLUSIONS
25.
La position du Pérou est claire, à savoir que, même quand il existe des outils utiles visant à
améliorer le système des brevets – et à vérifier le respect des obligations existantes en ce qui concerne
les critères de brevetabilité, en particulier la nouveauté et l'activité inventive – l'inclusion de la
prescription relative à la divulgation de la source et/ou de l'origine des ressources biologiques, qui est
proposée dans le document IP/C/W/473, est absolument nécessaire si l'on veut que le système des
brevets complète de manière adéquate les obligations découlant de la CDB, obligations que le Pérou
et tous les États Membres sont tenus de respecter.
__________
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