FLEUR DE SAISON :
PRUNUS SPINOSA
Outre leur intérêt alimentaire ou encore en ébénisterie, certains de ces arbres trouvent aussi une
vocation médicinale.
Dans le langage populaire, le Prunellier porte plusieurs noms : Prune des Champs, Epine Noire , Epine
des Haies, témoignant ainsi d’une longue et ancienne histoire commune avec l’homme. En effet, des
fouilles sur maints sites paléolithiques ont permis de retrouver des noyaux de prunelles , reliefs des
repas de nos ancêtres.
Il pousse volontiers sur des sols ingrats, pauvres et caillouteux, ce qui explique, au passage, sa relative
fréquence sur nos talus qu’il contribue à structurer. Il réclame beaucoup de lumière, le froid et le vent ne
lui font pas peur, et on le retrouve ainsi dans presque toute l’Europe et dans la partie occidentale de
l’Asie, tant que l’altitude ne dépasse pas 1000 mètres.
Décrire un vrai tronc est chose difficile chez le Prunellier qui adopte volontiers la forme d’un buisson.
Celui-ci est d’autant plus touffu et impénétrable qu’il a reçu lumière et chaleur en abondance, ce qui,
chez la plupart des autres arbres induit, au contraire, une pousse ‘’longiligne’’, une tendance à occuper
l’espace. L’explication de ce paradoxe tient au fait que les pousses nouvelles ou celles de l’année
précédente dépérissent rapidement, de l’extrémité vers le centre, se transformant de la sorte en épines
résiduelles , rapidement durcies par un apport de sels de calcium qui les rend résistantes aux injures du
temps. Le processus végétatif n’a alors d’autre alternative que de favoriser une pousse en oblique, ce
qui provoque un coude au niveau de la branche, une croissance de la branche dans un plan se
rapprochant de l’horizontale, et , finalement, amène à la création du buisson. Outre l’abondance requise
de la lumière, une pauvreté du sol en dérivés azotés coexistant avec une importante présence de
calcium favorise encore plus la formation des épines . On peut comparer l’épine du Prunellier, résultant
d’un processus de dépérissement , avec celle de la ronce ( Rubus Fructicosus ) qui, au contraire, croît
et embellit avec la pousse de la plante quand les circonstances lui sont favorables.
Ceci n’empêche pas, pour autant, la cohabitation de ces deux espèces, ce qui amène la création de
lieux impénétrables pour les prédateurs, gage de survie pour nombre d’oiseaux et autres petits
rongeurs.
Les racines diffusent en rampant dans un plan horizontal avant d’émettre leurs ramifications en
profondeur. Sous l’influence de l’ensoleillement, la photosynthèse s’effectue dans les feuilles, du sucre
est ainsi produit, qui ne va pas, à l’inverse des autres arbres fruitiers, au bout des branches, vers les
fruits, mais, à l’inverse, dans les racines où il est stocké sous la forme de grains d’amidon.
Les feuilles resteront toujours petites, ne dépassant pas 5 centimètres au mieux. Elles sont dépourvues
de nectaire, donc peu attirantes pour la plupart des insectes pollinisateurs.
Dans la classification botanique, le
Prunellier appartient au genre Prunus, au
même titre que d’autres arbres portant
des fruits à noyaux tels que le cerisier, le
merisier, le prunier, le mirabellier, le
pêcher, l’abricotier, l’amandier, le laurier-
cerise.
La floraison du prunellier est très spectaculaire. Nous avons dit que la forte exposition à la lumière
empêche la croissance de longues branches..
A l’inverse des feuilles, les fleurs sont très riches en nectar, attirant les insectes.
Quand les fleurs sont épanouies, les feuilles n’en sont encore qu’au début de leur
développement et ne peuvent donc subvenir aux importants besoins en sucres générés par la
fabrication du nectar. Ce sont donc les réserves contenues dans les racines qui seront
affectées à cette fonction.
Les fleurs sont très riches en substances appelées flavonoïdes, hétérosides du kaempférol et
du quercétol, qui sont, en quelque sorte, les agents anti-stress du végétal. En médecine
humaine, les flavonoïdes trouvent une application dans la protection des vaisseaux sanguins .
Les hétérosides cyanogènes que nous avons déjà évoqués plus haut sont également
représentés dans les fleurs, en de plus fortes proportions même que dans les feuilles. Ils sont
des formes de réserve des protéines de la plante, très présents aux moments les synthèses
des substances les plus compliquées à élaborer sont lancées. Leur représentant le plus
emblématique est l’amygdaloside.
Et pourtant, elles sont très prisées de beaucoup
de chenilles de papillons, probablement en
raison de leur richesse en hétérosides
cyanogènes, substances qui, comme leur nom
le suggère, permettent le synthèse de molécules
proches du cyanure. Nous allons retrouver de
telles substances dans les fleurs.
De ce fait, les fleurs restent extrêmement
concentrées, tassées les unes contre les
autres, et l’arbuste est totalement
recouvert de fleurs blanches
Ces hétérosides , loin d’atteindre le degré de toxicité du cyanure, n’en ont pas moins une
certaine agressivité à l’encontre de notre système nerveux, ce qui explique leur utilisation en
homéopathie, pratique médicale visant à soigner un processus pathologique par une très forte
dilution du ‘’poison’’ qui serait susceptible, s’il était ingéré, de produire les mêmes signes que
ceux de la maladie elle-même .
Par exemple, des prises de ce remède Prunus Spinosa sont tout à fait appropriées pour le
traitement des vives douleurs oculaires et /ou urinaires, surtout quand elles s’accompagnent
d’un blocage de la respiration.
Ces symptômes se rencontrent dans les névralgies de la face, le glaucome, le zona
ophtalmique, certaines infections urinaires ou prostatiques.
Les fruits, bleu foncé, voient leur maturation s’étirer , tout en longueur, jusqu’à l’automne. Il y a
peu de chair, mais , par contre, un gros noyau : on a le sentiment d’un fruit inachevé , la
production du sucre ayant été grandement consommée au stade de la fleur, et il n’en reste plus
beaucoup pour le fruit. Mais, si la Prunelle contient peu de sucre, elle est particulièrement bien
lotie en acides végétaux ainsi qu’en tannins. Ces substances perdent de leur pouvoir ‘’agressif’’
après les premières gelées, en se mariant aux protéines et à la pectine. La Prunelle est , alors,
bonne pour la consommation. Les tannins, quand à eux, peuvent trouver une utilisation dans le
traitement des cuirs qu’ils contribuent à rendre solides et résistants aux agressions
microbiennes et mycosiques.
La Prunelle est, de plus, un excellent antioxydant. Les pigments bleus qu’elle contient, les
anthocyanes, la rendent, à poids égal, 30 fois plus efficace dans ce domaine, que le raisin. De
plus, elle est aussi riche en vitamine C, elle-même anti oxydante, et ceci d’autant plus que
l’ensoleillement a été fort. Ceci fait l’affaire des oiseaux à l’automne, quand la nourriture se fait
rare et pauvre.
Pour conclure, Prunus Spinosa est un arbuste bien commun, souvent rencontré au cours de
nos randonnées. Résistant, difficile à pénétrer, avec un métabolisme secret et étonnant, bien
intégré dans la chaîne alimentaire des humains comme dans celle des oiseaux, riche en
substances qui peuvent soigner, il peut et doit devenir notre ami, un peu secret sans doute,
mais si généreux pour qui sait prendre le temps de le deviner.
Léon Kerné.
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