Contribution au Colloque RBP des 24 et 25 Mars 2007 Orsay
Création contre Evolution
Hasard, complexités et Finalité
Georges VANDAMME , avril 2006
La finalité, l’être et l’auto-organisation
1° Partie : Pour clarifier les idées :
Il nous paraît cessaire avant toute chose de définir autant que faire se peut le domaine de la
science, celui de la philosophie (dont la métaphysique) et celui de la théologie. Ce n’est pas
chose facile, car nous nous sommes rendu compte, que sans le faire exprès beaucoup de
penseurs de l’une ou l’autre discipline interfèrent dans l’un ou l’autre domaine, ce qui crée la
confusion.
Ce qui suit concerne davantage la partie : Articulation science-foi, mais permet aussi de
répondre à la 1° partie : la finalité en science
A Quel est le domaine de la science ?
Quand, dans une émission de télévision le meneur de jeu interroge un participant Monsieur X
vous êtes scientifique, chercheur dans tel Institut, que pensez-vous de ceci ?
Tous les chercheurs font-ils de la science ? Oui si on met sous ce mot toutes les disciplines
actuelles dans tous les domaines, (histoire, exégèse, psychologie, droit constitutionnel, etc...)
et celles qui surgiront dans l’avenir, mais si on n’est pas plus précis on va vers l’érudition et
non plus vers la science.
Le domaine de la science qui nous intéresse en tout premier lieu c’est la physique dans ses
trois branches : l’astrophysique, la macrophysique, la micro ou la nano physique, car elle va
nous permettre de réfléchir sur ce qu’elle peut nous apporter pour faire de la métaphysique
La biologie occupe une place particulière comme nous l’explique très bien François JACOB
dans son livre « La logique du vivant » Page 328 :
L’analyse des molécules et des organites cellulaires est maintenant devenue l’affaire des
physiciens. En ce qui concerne les détails de structure : la cristallographie,
l’ultracentrifugation, la résonnance nucléaire, la fluorescence etc.. Cela ne signifie nullement
que la biologie soit devenue une annexe de la physique. Avec chaque niveau d’organisation
apparaissent des nouveautés, tant de propriété que de logique. Sans cesser d’obéir aux
principes qui régissent les systèmes inertes, les systèmes vivants deviennent l’objet de
phénomènes qui n’ont aucun sens au niveau inférieur. La biologie ne peut, ni se réduire à la
physique, ni se passer d’elle.
Alors les Mathématiques ? Elle aussi occupe une place particulière,
Tous les physiciens se servent des mathématiques. Elle leur est indispensable pour faire
connaître le processus mental qui leur permet de communiquer le cheminement de leur
pensée. Depuis l’addition d’objets, jusqu’au calcul intégral ou à d’autres encore plus
complexes, tout peut se faire au tableau noir.
Car c’est bien là que se trouve le noeud du problème. Les physiciens dont la curiosité
intellectuelle est sans limite se servent des mathématiques pour essayer de nous faire
comprendre ce qu’il y avait avant le « Big-Bang
Dans le dossier de préparation du R.B.P de Février 2006 je cite « La finalité, les lois et le
hasard en sciences » Cependant face à l’infinité d’univers que les lois rendent possibles, la
notion de hasard ne peut être écartée par la cosmologie, à moins que l’on propose comme
certains de compléter les lois de la physique par le « principe anthropique »La dialectique
entre hasard et nécessité semble avoir dépassé la biologie et s’étendre à toutes les sciences de
la matière. Qu’en est-il dans la pratique scientifique actuelle ? Peut-on se passer de la
finalité ? (fin de citation)
Lorsque des physiciens en se servant de calculs mathématiques avancent l’hypothèse
d’univers multiples, ils se placent d’emblée dans le cas d’hypothèses invérifiables, Le tout est
de savoir quel crédit l’on est disposé à leur accorder.
Quant à la dialectique entre hasard et nécessité elle a en effet quitté le domaine de la biologie,
Mais la notion de hasard définie par Jacques MONOD « le hasard pur, le seul hasard : liberté
absolue mais aveugle est à la racine du prodigieux édifice de l’évolution. Cette notion
centrale de la biologie moderne, n’est plus aujourd’hui une hypothèse parmi d’autres
possibles. ou au moins concevables. Elle est la seule concevable » a été tempérée quelques
années plus tard par François JACOB qui a émis l’idée du « Jeu des possibles » Editions
Fayard page 63 et 64
« Dans notre univers, la matière est agencée selon une hiérarchie de structures par une série
d’intégrations successives. Qu’ils soient inanimés ou vivants, les objets trouvés sur la terre
forment toujours des organisations de systèmes. A chaque niveau, ces systèmes utilisent
comme ingrédients certains des systèmes du niveau inférieur, mais certains seulement.
Les molécules, par exemple, sont faites d’atomes, mais les molécules trouvées dans la nature
ou produites au laboratoire ne représentent qu’une petite fraction de toutes les interactions
possibles entre atomes. En même temps, les molécules peuvent présenter certaines propriétés,
telles l’isomérisation ou la racémisation, qui n’existent pas chez les atomes. Au niveau
supérieur les cellules sont faites de molécules. encore, l’ensemble des molécules existant
chez les êtres vivants ne représente qu’un choix très restreint parmi les objets de la chimie.
En outre, les cellules sont capables de se diviser, mais non les molécules. Au niveau suivant,
le nombre des espèces animales vivantes s’élève à quelques millions, ce qui est peu en regard
de ce qui pourrait être. Tous les vertébrés sont composés de quelques types cellulaires
nerveux, glandulaires, musculaires, etc. en nombre limité, deux cents peut-être. Ce qui
donne aux vertébrés leur grande diversité c’est le nombre total de cellules ainsi que la
répartition et les proportions relatives de ces types cellulaires.
La hiérarchie dans la complexité des objets a donc deux caractéristiques : d’une part les
objets qui existent à un niveau donné ne forment jamais qu’un échantillon limité de tous les
possibles offerts par la combinatoire du niveau le plus simple.
Vivant ou non, les objets complexes sont les produits de processus évolutifs dans lesquels
interviennent deux facteurs : d’une part les contraintes, qui à chaque niveau déterminent les
règles du jeu (c’est-à-dire les lois) et marquent les limites du possible.
S’y ajoute les contraintes dues à l’environnement dans l’histoire. Les objets les plus simples
sont soumis aux contraintes plus qu’à l’histoire mais avec la complexité grandit l’influence de
l’histoire »
Ce texte nous semble particulièrement intéressant car il prend en compte à la fois la matière
inerte et la matière vivante pour nous faire comprendre comment dans les règles du jeu (c’est-
à-dire les lois) peut s’ insérer le « Jeu des possibles »
Ce « jeu des possibles » trouve son explication dans l’espace d’indéterminisme créé au coeur
de la matière inerte et de la matière vivante qui s’exprime par les potentialités que l’univers
est capable d’accepter ou non.(TRINH XUAN THUAN)
Ce qui devrait servir de base au raisonnement métaphysique, c’est l’acquit scientifique
immense des hypothèses vérifiées ayant donné lieu à des réalisations concrètes, mais aussi
tout ce qui est accessible à notre investigation.
En physique le problème est relativement simple, mais demande une vigilance constante pour
ne pas poser de conclusions métaphysiques sur des hypothèses invérifiables, or cela se produit
souvent en toute bonne foi
Qu’il nous suffise de citer Stéphen HAWKING astrophysicien qui écrit dans son livre « Une
brève histoire du temps » Flammarion.
« Tant que l’univers aura un commencement, nous pouvons supposer qu’il a eu un créateur.
Mais si réellement l’univers se contient tout entier n’ayant ni frontières, ni bord, il ne devrait
avoir, ni commencement ni fin : il devrait simplement être. Quelle place reste-t-il pour un
créateur ?
On se trouve devant le cas typique du changement de registre. D’abord que met-il sous le
mot être, la finition de ce mot relève de la philosophie pour faire la nuance entre l’être et
l’étant. Et surtout la question de l’existence d’un créateur ne relève pas de la science.
Noue ne pouvons faire mieux que de citer Claude ALLEGRE qui affirme nettement dans son
livre « Dieu face à la science » (Edition Fayard Page 301) écrit en caractère gras
« La science ne peut ni infirmer, ni confirmer l’existence de Dieu »
et cela pour les raisons suivantes :
« La science avance constamment : ce que l’on a compris est toujours provisoire. La règle
d’airain de la science est là inflexible. Sa méthode est et doit être : le raisonnement, la
démonstration, l’expérience, l’observation et rien d’autre. Le but de la science est de
construire une représentation du monde objective donc vérifiable. Par principe Dieu (qui est
esprit) est exclu du champ d’investigation de la science et du même coup la démonstration de
son existence ou de son inexistence. De plus la science ne donnera jamais de réponse aux
deux questions fondamentales :l’univers a-t-il un sens ? (ceci est une question métaphysique)
et qu’y avait-il avant la naissance de l’univers ? (puisque c’est un hypothèse invérifiable) La
science ne dira jamais ce que signifie le zéro et l’infini dans les coordonnées de temps et
d’espace (puisque ce sont des notions métaphysiques ou philosophiques) Nous ne pourrons
jamais savoir ce qu’il y avait avant le « Big-Bang » (puisque cela relève d’hypothèses
invérifiables) C’est nous qui avons mis les phrases entre parenthèses)
En biologie concernant la théorie de l’évolution on se trouve en face d’une hypothèse en
grande partie vérifiée, qui dans son ensemble est parfaitement plausible, bien qu’il y manque
quelques maillons qui restent à la disposition des chercheurs en paléontologie. Cependant il
serait illusoire de vouloir la contester pour ce qui lui manque. Ce n’est pas en s’appuyant sur
ces manques que l’on peut réfuter un ensemble cohérent reconnu par les biologistes.
Par contre ce qui est abusif c’est de s’appuyer sur le darwinisme ou le néo-darwinisme pour
vouloir démontrer l’inexistence de Dieu, puis que la science ne peut se prononcer sur ce point.
Ceci dit tout homme et aussi le scientifique peut se servir de la science comme base de sa
réflexion métaphysique et philosophique. Celle-ci peut très légitimement être positiviste
(Jacques MONOD, François JACOB, Claude ALLEGRE) ou adopter le point de vue
finaliste : (Alfred KASTLER, Hubert REEVES, Bernard d’ESPAGNAT, THRIN XUAN
THUAN). C’est une question libre, chacun choisit la réponse qui lui convient en toute
honnêteté intellectuelle. Quand un scientifique se prononce pour l’inexistence de Dieu, il
prend une position philosophique et non scientifique, et vice et versa, une position pour
l’existence de Dieu est une position philosophique, non scientifique. Ceci retire à l’athéisme
néo-darwinisme et au dessein intelligent (version fondamentaliste) la base scientifique sur
laquelle ils s’appuyaient.
Ce choix peut être comparé à deux hommes qui se trouvent sur une plage au bord de la mer.
Tout d’un coup l’un d’eux dit à l’autre « Regarde -bas à l’horizon il y a un navire » et
l’autre lui répond « Moi, je ne vois rien » Qui a raison ? Le premier est sûr de ce qu’il voit.
Le second de ce qu’il ne voit rien. Ils ne peuvent pas être départagés dans la situation où ils se
trouvent, car aucun n’a les moyens d’y aller voir. Ils sont libres en toute bonne foi de
conserver leur opinion
B Quel est le domaine de la Philosophie. ?
A notre grande surprise, parce que nous n’en avions pas conscience, il y a à notre époque un
conflit entre la métaphysique et la philosophie
Il y a quelques années dans un interview à « La croix » Claude IMBERT Editorialiste à
l’hebdomadaire « Le Point » affirmait :
« Pour l’avenir du christianisme, il me semble important que les chrétiens opèrent un retour à
la métaphysique. »
Georges CHARPACK et Roland OMNES dans « Soyez savants, soyez prophètes » Ed Odile
Jacob écrivent (pagre 170 et 171)
« la mutation est (c’est l’introduction dans le principe de causalité de l’indéterminisme en
microphysique) Ce qui en recèle probablement la clef se trouve dans l’existence des lois et
dans l’interprétation de leur caractère. La philosophie peut-elle apporter quelque lumière en
l’occurrence? Nous n’avons rien trouvé qui réponde vraiment à nos désirs. Mais la question
reste posée, non pas comme un défi lancé aux philosophes, mais comme une requête instante
présentée à leur réflexion »
Ainsi Claude Imbert en appelle à la métaphysique et Georges Charpack et Roland Omnes à la
philosophie. Ils ne risquent pas d’avoir une réponse de sitôt si l’on en croit la position
philosophique que nous avons relevée dans un livre tout récent sorti en Janvier 2006 aux
Editions Manuels Payot et qui s’intitule « Est-ce que Dieu existe ? » Dialogue sur la vérité, la
foi et l’athéisme.
Ce livre comprend quatre parties : « Est-ce que Dieu existe ? »la première reprend in extenso
un débat public entre le Cardinal J. Ratzinger (futur Benoît XVI) et le philosophe Paolo Flores
d’Arcais professeur à l’université de la Spienza à Rome devant une salle comble et deux
mille personnes à l’extérieur qui n’avaient pu entrer. La deuxième partie « Vérité du
christianisme » et la troisième partie « Le christianisme au-delà de la tradition » traitées par le
Cardinal J Ratzinger enfin la quatrième partie « Athéisme et vérité » par Paolo Flores
d’Arcais ; C’est celle-ci qui nous intéresse particulièrement pour les questions qu’elle soulève.
Pourquoi Dieu et pas plutôt les êtres ? (page 176 et suivantes)
« il ne faut pas toutefois se laisser intimider. Le noeud des contradictions infinies de la
théologie (et plus que jamais dans la période postheideggerienne) est un noeud gordien, et en
tant que tel doit être tranché d’un seul coup :l’Etre comme différence ontologique n’est pas le
Dieu ultime mais l’ultime illusion, le refuge postmétaphysique contre le désenchantement,
l’astuce philosophique qui permet d’échapper au la peur du) fini pour ne pas le vivre, pour
ne pas être-là.
La question métaphysique ne constitue pas du tout l’essence de la philosophie mais en est la
restauration la plus caduque, alors que le problème était tombé en discrédit en tant que
problème, et qu’après Hume (et pour une part après Kant) la seule attitude digne de la
philosophie était de la négliger, le sachant irrecevable, car dénué de sens.
Pourquoi l’être et pas plutôt le néant ? Formuler cette question métaphysique, c’est déjà
penser du point de vue du néant. Le présupposer. Considérer d’emblée l’être comme
(possible) néant, alors que le fini de l’existence est au contraire l’être ferme sans lequel ne
peut se faire entendre aucune question (métaphysique ou pas).
La question métaphysique doit donc être abandonnée justement parce qu’il y a déjà une
question en général (peu importe laquelle), que cette question est et que seul l’être peut être.
La poser c’est déjà fournir la garantie que la question métaphysique n’a pas de sens.
En réalité, la question métaphysique ne questionne pas sur le néant (elle ne peut même pas le
poser comme hypothèse, au moment même elle questionne) mais elle désire être rassurée
sur le sens (ou même sur la possibilité du sens).
Ce n’est pas une question . C’est une réponse consolatoire que l’on fait passer pour une
question- qui anticipe et neutralise les possibles réponses dérangeantes à la demande de sens.
C’est la mithridatisation contre les questions à risques. C’est l’immunisation contre les
questions. C’est une demande de salut, une prophylaxie contre le désenchantement. »
Voici donc résolu par Paolo Flores d’Arcais l’opposition entre la métaphysique et la
philosophie et du même coup la question du sens.
C Quel est le domaine de la Théologie ?
Etant donné la présence d’éminents théologiens dans ce débat j’affirmerai simplement que
pour moi il s’agît du « Dieu révélé par Jésus-Christ » ce qu’à très bien résumé le Père J-M
MALDAME dans sa conclusion en faisant remarquer que les tenants de l’Intelligend Design
relèvent d’une conception trop étroite de l’action de Dieu, mais ceci s’explique en partie parce
que si l’on raisonne sur la science on ne peut pas aboutir au Dieu de la Révélation en Jésus-
Christ, mais seulement à la perception intellectuelle de l’existence d’un Etre Divin
C’est pourquoi, je pense qu’il est indispensable pour éviter la confusion décelée chez
P.F.d’Arcais de bien effectuer une démarcation rigoureuse car l’articulation de la pensée
scientifique et de la pensée religieuse est d’abord une question philosophique difficile qui
nécessite un travail exigeant sur le statut et les présupposés de chaque type de discours.
Bien délimiter le domaine de :
La science, ce qu’elle peut dire et ce qu’elle ne peut pas dire (hypothèses vérifiées)
Les idées venues de la science peuvent être signifiantes pour la culture humaine, mais elle
relèvent de la métaphysique (celle-ci est-elle encore de la philosophie ? après ce qu’en dit
P.F.D’arcais) et par voie de conséquence ne sont pas contraignantes pour l’esprit.
La philosophie ne peut aboutir par la réflexion humaine qu’à la perception intellectuelle de
l’existence d’un Etre Divin, mais ne peut rien savoir de Lui.
La théologie (basée sur la Révélation) permet à la suite de la philosophie d’accéder à la notion
d’un Etre Divin qui est Père, créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible et
qui aime chacun de ses enfants.
On passe de l’Etre Divin perçu par la raison au Dieu Père révélé par Jésus-Christ, c’est une
avancée dans la connaissance, mais qui ne peut se faire que dans la foi en Dieu et en Jésus-
Christ. La notion que Dieu est Amour est à la base de la religion chrétienne.
Pour plus de clarté il conviendrait de limiter l’usage des mots à leur signification exacte.
En métaphysique utiliser le terme Etre Divin ou Esprit Créateur.
En philosophie parler du Dieu de la raison
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