Vandamme 1 - Réseau Blaise Pascal

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Contribution au Colloque RBP des 24 et 25 Mars 2007 Orsay
Création contre Evolution
Hasard, complexités et Finalité
Georges VANDAMME , avril 2006
[email protected]
La finalité, l’être et l’auto-organisation
1° Partie : Pour clarifier les idées :
Il nous paraît nécessaire avant toute chose de définir autant que faire se peut le domaine de la
science, celui de la philosophie (dont la métaphysique) et celui de la théologie. Ce n’est pas
chose facile, car nous nous sommes rendu compte, que sans le faire exprès beaucoup de
penseurs de l’une ou l’autre discipline interfèrent dans l’un ou l’autre domaine, ce qui crée la
confusion.
Ce qui suit concerne davantage la 3° partie : Articulation science-foi, mais permet aussi de
répondre à la 1° partie : la finalité en science
A – Quel est le domaine de la science ?
Quand, dans une émission de télévision le meneur de jeu interroge un participant Monsieur X
vous êtes scientifique, chercheur dans tel Institut, que pensez-vous de ceci ?
Tous les chercheurs font-ils de la science ? Oui si on met sous ce mot toutes les disciplines
actuelles dans tous les domaines, (histoire, exégèse, psychologie, droit constitutionnel, etc...)
et celles qui surgiront dans l’avenir, mais si on n’est pas plus précis on va vers l’érudition et
non plus vers la science.
Le domaine de la science qui nous intéresse en tout premier lieu c’est la physique dans ses
trois branches : l’astrophysique, la macrophysique, la micro ou la nano physique, car elle va
nous permettre de réfléchir sur ce qu’elle peut nous apporter pour faire de la métaphysique
La biologie occupe une place particulière comme nous l’explique très bien François JACOB
dans son livre « La logique du vivant » Page 328 :
L’analyse des molécules et des organites cellulaires est maintenant devenue l’affaire des
physiciens. En ce qui concerne les détails de structure : la cristallographie,
l’ultracentrifugation, la résonnance nucléaire, la fluorescence etc.. Cela ne signifie nullement
que la biologie soit devenue une annexe de la physique. Avec chaque niveau d’organisation
apparaissent des nouveautés, tant de propriété que de logique. Sans cesser d’obéir aux
principes qui régissent les systèmes inertes, les systèmes vivants deviennent l’objet de
phénomènes qui n’ont aucun sens au niveau inférieur. La biologie ne peut, ni se réduire à la
physique, ni se passer d’elle.
Alors les Mathématiques ? Elle aussi occupe une place particulière,
Tous les physiciens se servent des mathématiques. Elle leur est indispensable pour faire
connaître le processus mental qui leur permet de communiquer le cheminement de leur
pensée. Depuis l’addition d’objets, jusqu’au calcul intégral ou à d’autres encore plus
complexes, tout peut se faire au tableau noir.
Car c’est bien là que se trouve le noeud du problème. Les physiciens dont la curiosité
intellectuelle est sans limite se servent des mathématiques pour essayer de nous faire
comprendre ce qu’il y avait avant le « Big-Bang
Dans le dossier de préparation du R.B.P de Février 2006 je cite « La finalité, les lois et le
hasard en sciences » Cependant face à l’infinité d’univers que les lois rendent possibles, la
notion de hasard ne peut être écartée par la cosmologie, à moins que l’on propose comme
certains de compléter les lois de la physique par le « principe anthropique »La dialectique
entre hasard et nécessité semble avoir dépassé la biologie et s’étendre à toutes les sciences de
la matière. Qu’en est-il dans la pratique scientifique actuelle ? Peut-on se passer de la
finalité ? (fin de citation)
Lorsque des physiciens en se servant de calculs mathématiques avancent l’hypothèse
d’univers multiples, ils se placent d’emblée dans le cas d’hypothèses invérifiables, Le tout est
de savoir quel crédit l’on est disposé à leur accorder.
Quant à la dialectique entre hasard et nécessité elle a en effet quitté le domaine de la biologie,
Mais la notion de hasard définie par Jacques MONOD « le hasard pur, le seul hasard : liberté
absolue mais aveugle est à la racine du prodigieux édifice de l’évolution. Cette notion
centrale de la biologie moderne, n’est plus aujourd’hui une hypothèse parmi d’autres
possibles. ou au moins concevables. Elle est la seule concevable » a été tempérée quelques
années plus tard par François JACOB qui a émis l’idée du « Jeu des possibles » Editions
Fayard page 63 et 64
« Dans notre univers, la matière est agencée selon une hiérarchie de structures par une série
d’intégrations successives. Qu’ils soient inanimés ou vivants, les objets trouvés sur la terre
forment toujours des organisations de systèmes. A chaque niveau, ces systèmes utilisent
comme ingrédients certains des systèmes du niveau inférieur, mais certains seulement.
Les molécules, par exemple, sont faites d’atomes, mais les molécules trouvées dans la nature
ou produites au laboratoire ne représentent qu’une petite fraction de toutes les interactions
possibles entre atomes. En même temps, les molécules peuvent présenter certaines propriétés,
telles l’isomérisation ou la racémisation, qui n’existent pas chez les atomes. Au niveau
supérieur les cellules sont faites de molécules. Là encore, l’ensemble des molécules existant
chez les êtres vivants ne représente qu’un choix très restreint parmi les objets de la chimie.
En outre, les cellules sont capables de se diviser, mais non les molécules. Au niveau suivant,
le nombre des espèces animales vivantes s’élève à quelques millions, ce qui est peu en regard
de ce qui pourrait être. Tous les vertébrés sont composés de quelques types cellulaires –
nerveux, glandulaires, musculaires, etc. – en nombre limité, deux cents peut-être. Ce qui
donne aux vertébrés leur grande diversité c’est le nombre total de cellules ainsi que la
répartition et les proportions relatives de ces types cellulaires.
La hiérarchie dans la complexité des objets a donc deux caractéristiques : d’une part les
objets qui existent à un niveau donné ne forment jamais qu’un échantillon limité de tous les
possibles offerts par la combinatoire du niveau le plus simple.
Vivant ou non, les objets complexes sont les produits de processus évolutifs dans lesquels
interviennent deux facteurs : d’une part les contraintes, qui à chaque niveau déterminent les
règles du jeu (c’est-à-dire les lois) et marquent les limites du possible.
S’y ajoute les contraintes dues à l’environnement dans l’histoire. Les objets les plus simples
sont soumis aux contraintes plus qu’à l’histoire mais avec la complexité grandit l’influence de
l’histoire »
Ce texte nous semble particulièrement intéressant car il prend en compte à la fois la matière
inerte et la matière vivante pour nous faire comprendre comment dans les règles du jeu (c’està-dire les lois) peut s’ insérer le « Jeu des possibles »
Ce « jeu des possibles » trouve son explication dans l’espace d’indéterminisme créé au coeur
de la matière inerte et de la matière vivante qui s’exprime par les potentialités que l’univers
est capable d’accepter ou non.(TRINH XUAN THUAN)
Ce qui devrait servir de base au raisonnement métaphysique, c’est l’acquit scientifique
immense des hypothèses vérifiées ayant donné lieu à des réalisations concrètes, mais aussi
tout ce qui est accessible à notre investigation.
En physique le problème est relativement simple, mais demande une vigilance constante pour
ne pas poser de conclusions métaphysiques sur des hypothèses invérifiables, or cela se produit
souvent en toute bonne foi
Qu’il nous suffise de citer Stéphen HAWKING astrophysicien qui écrit dans son livre « Une
brève histoire du temps » Flammarion.
« Tant que l’univers aura un commencement, nous pouvons supposer qu’il a eu un créateur.
Mais si réellement l’univers se contient tout entier n’ayant ni frontières, ni bord, il ne devrait
avoir, ni commencement ni fin : il devrait simplement être. Quelle place reste-t-il pour un
créateur ?
On se trouve là devant le cas typique du changement de registre. D’abord que met-il sous le
mot être, la définition de ce mot relève de la philosophie pour faire la nuance entre l’être et
l’étant. Et surtout la question de l’existence d’un créateur ne relève pas de la science.
Noue ne pouvons faire mieux que de citer Claude ALLEGRE qui affirme nettement dans son
livre « Dieu face à la science » (Edition Fayard Page 301) écrit en caractère gras
« La science ne peut ni infirmer, ni confirmer l’existence de Dieu »
et cela pour les raisons suivantes :
« La science avance constamment : ce que l’on a compris est toujours provisoire. La règle
d’airain de la science est là inflexible. Sa méthode est et doit être : le raisonnement, la
démonstration, l’expérience, l’observation et rien d’autre. Le but de la science est de
construire une représentation du monde objective donc vérifiable. Par principe Dieu (qui est
esprit) est exclu du champ d’investigation de la science et du même coup la démonstration de
son existence ou de son inexistence. De plus la science ne donnera jamais de réponse aux
deux questions fondamentales :l’univers a-t-il un sens ? (ceci est une question métaphysique)
et qu’y avait-il avant la naissance de l’univers ? (puisque c’est un hypothèse invérifiable) La
science ne dira jamais ce que signifie le zéro et l’infini dans les coordonnées de temps et
d’espace (puisque ce sont des notions métaphysiques ou philosophiques) Nous ne pourrons
jamais savoir ce qu’il y avait avant le « Big-Bang » (puisque cela relève d’hypothèses
invérifiables) C’est nous qui avons mis les phrases entre parenthèses)
En biologie concernant la théorie de l’évolution on se trouve en face d’une hypothèse en
grande partie vérifiée, qui dans son ensemble est parfaitement plausible, bien qu’il y manque
quelques maillons qui restent à la disposition des chercheurs en paléontologie. Cependant il
serait illusoire de vouloir la contester pour ce qui lui manque. Ce n’est pas en s’appuyant sur
ces manques que l’on peut réfuter un ensemble cohérent reconnu par les biologistes.
Par contre ce qui est abusif c’est de s’appuyer sur le darwinisme ou le néo-darwinisme pour
vouloir démontrer l’inexistence de Dieu, puis que la science ne peut se prononcer sur ce point.
Ceci dit tout homme et aussi le scientifique peut se servir de la science comme base de sa
réflexion métaphysique et philosophique. Celle-ci peut très légitimement être positiviste
(Jacques MONOD, François JACOB, Claude ALLEGRE) ou adopter le point de vue
finaliste : (Alfred KASTLER, Hubert REEVES, Bernard d’ESPAGNAT, THRIN XUAN
THUAN). C’est une question libre, chacun choisit la réponse qui lui convient en toute
honnêteté intellectuelle. Quand un scientifique se prononce pour l’inexistence de Dieu, il
prend une position philosophique et non scientifique, et vice et versa, une position pour
l’existence de Dieu est une position philosophique, non scientifique. Ceci retire à l’athéisme
néo-darwinisme et au dessein intelligent (version fondamentaliste) la base scientifique sur
laquelle ils s’appuyaient.
Ce choix peut être comparé à deux hommes qui se trouvent sur une plage au bord de la mer.
Tout d’un coup l’un d’eux dit à l’autre « Regarde là-bas à l’horizon il y a un navire » et
l’autre lui répond « Moi, je ne vois rien » Qui a raison ? Le premier est sûr de ce qu’il voit.
Le second de ce qu’il ne voit rien. Ils ne peuvent pas être départagés dans la situation où ils se
trouvent, car aucun n’a les moyens d’y aller voir. Ils sont libres en toute bonne foi de
conserver leur opinion
B – Quel est le domaine de la Philosophie. ?
A notre grande surprise, parce que nous n’en avions pas conscience, il y a à notre époque un
conflit entre la métaphysique et la philosophie
Il y a quelques années dans un interview à « La croix » Claude IMBERT Editorialiste à
l’hebdomadaire « Le Point » affirmait :
« Pour l’avenir du christianisme, il me semble important que les chrétiens opèrent un retour à
la métaphysique. »
Georges CHARPACK et Roland OMNES dans « Soyez savants, soyez prophètes » Ed Odile
Jacob écrivent (pagre 170 et 171)
« la mutation est là (c’est l’introduction dans le principe de causalité de l’indéterminisme en
microphysique) Ce qui en recèle probablement la clef se trouve dans l’existence des lois et
dans l’interprétation de leur caractère. La philosophie peut-elle apporter quelque lumière en
l’occurrence? Nous n’avons rien trouvé qui réponde vraiment à nos désirs. Mais la question
reste posée, non pas comme un défi lancé aux philosophes, mais comme une requête instante
présentée à leur réflexion »
Ainsi Claude Imbert en appelle à la métaphysique et Georges Charpack et Roland Omnes à la
philosophie. Ils ne risquent pas d’avoir une réponse de sitôt si l’on en croit la position
philosophique que nous avons relevée dans un livre tout récent sorti en Janvier 2006 aux
Editions Manuels Payot et qui s’intitule « Est-ce que Dieu existe ? » Dialogue sur la vérité, la
foi et l’athéisme.
Ce livre comprend quatre parties : « Est-ce que Dieu existe ? »la première reprend in extenso
un débat public entre le Cardinal J. Ratzinger (futur Benoît XVI) et le philosophe Paolo Flores
d’Arcais professeur à l’université de la Spienza à Rome devant une salle comble et deux
mille personnes à l’extérieur qui n’avaient pu entrer. La deuxième partie « Vérité du
christianisme » et la troisième partie « Le christianisme au-delà de la tradition » traitées par le
Cardinal J Ratzinger enfin la quatrième partie « Athéisme et vérité » par Paolo Flores
d’Arcais ; C’est celle-ci qui nous intéresse particulièrement pour les questions qu’elle soulève.
Pourquoi Dieu et pas plutôt les êtres ? (page 176 et suivantes)
« il ne faut pas toutefois se laisser intimider. Le noeud des contradictions infinies de la
théologie (et plus que jamais dans la période postheideggerienne) est un noeud gordien, et en
tant que tel doit être tranché d’un seul coup :l’Etre comme différence ontologique n’est pas le
Dieu ultime mais l’ultime illusion, le refuge postmétaphysique contre le désenchantement,
l’astuce philosophique qui permet d’échapper au (à la peur du) fini pour ne pas le vivre, pour
ne pas être-là.
La question métaphysique ne constitue pas du tout l’essence de la philosophie mais en est la
restauration la plus caduque, alors que le problème était tombé en discrédit en tant que
problème, et qu’après Hume (et pour une part après Kant) la seule attitude digne de la
philosophie était de la négliger, le sachant irrecevable, car dénué de sens.
Pourquoi l’être et pas plutôt le néant ? Formuler cette question métaphysique, c’est déjà
penser du point de vue du néant. Le présupposer. Considérer d’emblée l’être comme
(possible) néant, alors que le fini de l’existence est au contraire l’être ferme sans lequel ne
peut se faire entendre aucune question (métaphysique ou pas).
La question métaphysique doit donc être abandonnée justement parce qu’il y a déjà une
question en général (peu importe laquelle), que cette question est et que seul l’être peut être.
La poser c’est déjà fournir la garantie que la question métaphysique n’a pas de sens.
En réalité, la question métaphysique ne questionne pas sur le néant (elle ne peut même pas le
poser comme hypothèse, au moment même où elle questionne) mais elle désire être rassurée
sur le sens (ou même sur la possibilité du sens).
Ce n’est pas une question . C’est une réponse consolatoire – que l’on fait passer pour une
question- qui anticipe et neutralise les possibles réponses dérangeantes à la demande de sens.
C’est la mithridatisation contre les questions à risques. C’est l’immunisation contre les
questions. C’est une demande de salut, une prophylaxie contre le désenchantement. »
Voici donc résolu par Paolo Flores d’Arcais l’opposition entre la métaphysique et la
philosophie et du même coup la question du sens.
C – Quel est le domaine de la Théologie ?
Etant donné la présence d’éminents théologiens dans ce débat j’affirmerai simplement que
pour moi il s’agît du « Dieu révélé par Jésus-Christ » ce qu’à très bien résumé le Père J-M
MALDAME dans sa conclusion en faisant remarquer que les tenants de l’Intelligend Design
relèvent d’une conception trop étroite de l’action de Dieu, mais ceci s’explique en partie parce
que si l’on raisonne sur la science on ne peut pas aboutir au Dieu de la Révélation en JésusChrist, mais seulement à la perception intellectuelle de l’existence d’un Etre Divin
C’est pourquoi, je pense qu’il est indispensable pour éviter la confusion décelée chez
P.F.d’Arcais de bien effectuer une démarcation rigoureuse car l’articulation de la pensée
scientifique et de la pensée religieuse est d’abord une question philosophique difficile qui
nécessite un travail exigeant sur le statut et les présupposés de chaque type de discours.
Bien délimiter le domaine de :
La science, ce qu’elle peut dire et ce qu’elle ne peut pas dire (hypothèses vérifiées)
Les idées venues de la science peuvent être signifiantes pour la culture humaine, mais elle
relèvent de la métaphysique (celle-ci est-elle encore de la philosophie ? après ce qu’en dit
P.F.D’arcais) et par voie de conséquence ne sont pas contraignantes pour l’esprit.
La philosophie ne peut aboutir par la réflexion humaine qu’à la perception intellectuelle de
l’existence d’un Etre Divin, mais ne peut rien savoir de Lui.
La théologie (basée sur la Révélation) permet à la suite de la philosophie d’accéder à la notion
d’un Etre Divin qui est Père, créateur du ciel et de la terre de l’univers visible et invisible et
qui aime chacun de ses enfants.
On passe de l’Etre Divin perçu par la raison au Dieu Père révélé par Jésus-Christ, c’est une
avancée dans la connaissance, mais qui ne peut se faire que dans la foi en Dieu et en JésusChrist. La notion que Dieu est Amour est à la base de la religion chrétienne.
Pour plus de clarté il conviendrait de limiter l’usage des mots à leur signification exacte.
En métaphysique utiliser le terme Etre Divin ou Esprit Créateur.
En philosophie parler du Dieu de la raison
En théologie parler du Dieu révélé (en Jésus-Christ)
Mais pour cela il faut avoir constamment à l’esprit le domaine dans lequel on expose ses
idées, et cela est loin d’être facile.
Nous en avons un excellent exemple avec Claude ALLEGRE dont nous apprécions par
ailleurs le passage que nous avons cité page 3 sur l’incapacité de la science à trancher le
problème de l’existence de Dieu (Etre Divin) et qui connaissant les prises de position de
certains astrophysiciens les accuse sous couvert de science de propager des idées finalistes
proprement religieuses. Eh bien nous pensons que là, il se fourvoie. Le finalisme est d’abord
Un concept métaphysique avant d’être une option religieuse. Ce concept est aussi libre et
légitime que son contraire puisque la science est neutre
Dans la citation que nous faisons (page 3) Claude ALLEGRE parle effectivement de Dieu. La
science ne peut ni infirmer, ni confirmer l’existence de Dieu. Il aurait dû utiliser le terme
d’Etre Divin. Dans sa critique du finalisme, il eût mieux valut utiliser le terme philosophique
au lieu du terme religieux.
Que chacun fasse son examen de conscience pour constater que bien souvent on donne soimême prise à la confusion.
Cette opinion de Claude ALLEGRE sur le finalisme nous permet de répondre à la 1° partie
« La finalité «les lois et le hasard » en science.
La notion de « sens » utilisée par « L’intelligent design » inclus le concept philosophique de
« finalité »
Sur ce sujet voici ce qu’en pensait Alfred KASTLER dans son livre « Cette étrange matière »
Page 258 (1976)
« Ainsi la loi causale se dégage peu à peu de l’observation des faits. Mais en observant les
événements en microphysique, il a bien fallu que le physicien apprenne avec quelque surprise,
qu’en réalisant les mêmes conditions initiales il n’observe pas toujours les mêmes effets. Et
qu’à une loi causale il doit substituer une loi de probabilité. (depuis le principe
d’indéterminisme de Heisenberg a prouvé son caractère incontournable dans de nombreuses
réalisations techniques)
Pourquoi l’esprit humain se comporterait-il autrement en observant d’autres types de
phénomènes ? Si l’observation patiente des faits biologiques impose à l’esprit l’idée qu’un
organe d’un être vivant – son oeil ou son estomac- est là pour accomplir une fonction, pour
servir à une fin, pourquoi rejeter cette idée et refuser de parler de finalité ? »
Nous pensons que cette analyse concerne ce que nous pourrions appeler un « finalisme
objectif », mais celui qui nous intéresse est d’un autre ordre. Il s’agirait plutôt d’un finalisme
cosmique et que Hubert REEVES résume en cette formule :
« L’univers possède depuis les temps les plus reculés accessibles à notre exploration, les
propriété requises pour amener la matière à gravir les échelons de la complexité »
Il nous semble intéressant de revenir sur la communication faite à la revue « Connaître » N°
22-23 par Henri ATLAN « Spinoza, Dieu et l’action intentionnelle. » (page 44)
Il y développe l’idée de « « l’auto-organisation »
« Un état mental peut-il être la cause d’un mouvement physique ? Plus généralement de quoi
est faite l’expérience de la conscience d’un état mental ? On peut essayer de résoudre le
problème à l’aide de plusieurs modèles qui constituent ce que l’on peut appeler une autoorganisation intentionnelle, c’est-à-dire une machine capable de modifier sa propre
organisation de façon telle qu’apparaissent comme propriétés émergentes de cette machine au
moins certaines des propriétés qui caractérisent un comportement intentionnel
(Ces modèles qui simulent le comportement biologique du vivant sont-ils des modèles
informatiques intégrés dans le logiciel d’un ordinateur qui serait la « machine ? »
Autrement dit on essaye de concevoir par exemple un réseau de neurones formels, qui sont
des unités mathématiques très simples et une structure de neurones tels que ce réseau va
s’auto-organiser de manière à modifier sa structure et éventuellement ses fonctions. Parmi ces
modifications il va produire des propriétés fonctionnelles qui sont celles d’une action
intentionnelle. C’est ainsi que dans ce modèle, l’état final sert de but poursuivi par le réseau,
mais si l’on veut que ce modèle ait un minimum de vraisemblance, il faut qu’il ait mémorisé
une collection d’états finaux et de chemins pour y arriver, et qu’on ait une « fonction de
satisfaction » pour choisir entre eux. (cette fonction de satisfaction me semble peu
scientifique)
Si cette fonction de satisfaction est programmée par le concepteur de la machine, on n’a rien
gagné puisque l’intention vient de l’extérieur, comme dans toutes les machines que nous
connaissons. Il faut donc que la fonction de satisfaction soit produite par le système lui-même.
Pour cela on peut admettre que les états finaux qui vont être produits par hasard vont l’être à
cause de l’exposition du réseau à un certain nombre d’états initiaux qui proviennent de
l’environnement du système et de son histoire. Parmi ces états finaux qui proviennent de
l’environnement et de son histoire, certains vont être produits plus fréquemment que d’autres.
C’est cette fréquence qui va servir de « fonction de satisfaction » ne seront conservés en
mémoire que les états finaux les plus fréquents »
Revenons quand même sur cette « fonction de satisfaction » qui est la clef du changement.
H.Atlan nous dit qu’elle a une raison causale parce que ne sont conservés que les états finaux
les plus fréquents et il nous indique (page 45) comment il a conçu les détails du modèle de sa
« machine » Il s’agissait de construire un modèle capable de simuler l’activité des grands
singes dans le film « 2001 : l’odyssée de l’espace » On y voit des grands singes qui s’amusent
avec des ossements et puis à un moment donné il y en a un qui fait un geste non-intentionnel
qui se traduit par un coup donné à un autre avec un de ces os. Alors, il comprend qu’il peut
utiliser l’os avec l’intention de donner un coup.
Si on suit les processus décrits pour obtenir le modèle inspiré par cette séquence
cinématographique, c’est un geste non-intentionnel qui permet après réflexion de donner un
coup intentionnel et de passer à l’action intentionnelle.
Avec ce geste non-intentionnel on est là à la racine du hasard. Ce geste non-intentionnel
aurait pu ne pas être donné et l’ idée du coup donné à un autre n’aurait jamais existée.
A partir de là on revient au « Jeu des possibles » qui peut fonctionner, comme décrit par
François Jacob. Ce qui rendrait caduque la conclusion qui suit car de plus le passage du geste
non-intentionnel à l’action intentionnelle se fait après réflexion (hypothèse difficilement
acceptable pour l’ensemble du vivant à partir de la bactérie)
En résumé ce qui précède semble être l’exposé d’une expérience pour savoir si un état mental
peut être la cause d’un mouvement physique, et plus généralement de quoi est faite
l’expérience de la conscience d’un état mental. Et H. Atlan en tire comme conclusion que
cette auto-organisation lui permet d’affirmer que l’on n’a pas besoin de supposer un être
intelligent pour produire des êtres intelligents.
Un des participants au débat Jean – L.. page 61 lui fait remarquer « que les simulations qui
sont faites représentent bien le comportement d’un organisme évolué en situation
d’apprentissage de psychomotricité, et que pour parler d’’auto-organisation au sens fort, il
faudrait par exemple qu’un ordinateur banal puisse spontanément se programmer pour devenir
un simulateur comme celui dont vous parlez. Je n’ai jamais entendu dire qu’une chose pareille
se soit jamais produite. Il me semble qu’il faut beaucoup d’intelligence humaine pour
produire des embryons d’intelligence artificielle
Dans sa réponse qui est la conclusion de l’entretien H. Atlan reconnaît qu’il faut beaucoup
d’intelligence humaine pour comprendre le fonctionnement et la nature d’un électron. La
question est : Que veut dire comprendre ? De façon purement causale et mécanique ? ou en
invoquant des causes finales ou même une intentionnalité dans la nature, ou encore le mystère
de la volonté de Dieu, toutes choses qui sont en fait des projections anthropomorphiques sur
des réalités non humaines ?
Le balancement de la phrase laisse supposer qu’il y a d’un côté ceux qui pensent de façon
causale et mécanique et les autres qui pensent de façon anthropomorphique donc moins
rationnelle. Pourrais-je me permettre une remarque un tantinet impertinente ? Parler dans une
démonstration qui se veut uniquement rationnelle de « fonction de satisfaction » n’est-ce pas
déjà mettre le petit doigt dans l’anthropomorphisme ? Bien sûr les tenants de la «finalité » s’y
engage un peu plus, et les tenants de « l’homme à l’image de Dieu » totalement, mais même
les tenants d’une démonstration purement causale et mécanique n’en sortent pas indemnes.
Nous n’en voulons pour preuve que face à cette interprétation équivoque qui en appelle à une
« fonction de satisfaction » pour expliquer le choix indéterministe avec l’intention d’en
revenir « in fine » au principe de causalité, nous avons relevé une opinion complètement
opposée avancée par Jeffrey Schwartz anthropologue qui défend la thèse d’une évolution où
les nombreuses mutations nécessaires pour obtenir un saut évolutif se produiraient lors de
grands changements dans l’environnement, mais resteraient cachées – récessives – dans
l’organisme jusqu’à un événement propice. Ou bien l’organisme profondément modifié par
les mutations disparaît ou bien il acquiert un avantage décisif qui l’amènera à s’imposer (dans
le cadre du « jeu des possibles ») Une étude récente de comportement des cellules publiées
par Jeffrey Schwartz semble conforter ce mouvement évolutif. Il montre que celles-ci sont
capables de changer fortement leur structure pour s’adapter à de « gros stress »
Nous avons là deux interprétations opposées, mais subjectives (fonction de satisfaction ou
gros stress) pour tenter d’expliquer un choix de nature indéterministe. (qui relève de la
physique) Pour H. Atlan l’explication se trouve dans ces états finaux qui proviennent de
l’environnement et de son histoire, certains sont produits plus fréquemment que d’autres, et
cette fréquence va servir de « fonction de satisfaction ». Pour Jeffrey Schwartz ce sont les
changements dans l’environnement qui agiraient de façon récessives dans l’organisme jusqu’à
un moment propice. Le premier s’appuie sur la mémorisation d’une collection d’états finaux
et de chemins pour y arriver, mais qui proviennent de l’environnement et de son histoire, le
second se reporte à des événements extérieurs (ce qui revient au même) pour déceler la
« cause ». Mais dans l’incapacité de déceler les raisons du choix ils ont recours l’un et l’autre
au sentiment : la satisfaction ou son opposé le stress. Nous pensons qu’à ce niveau de microbiologie il est inutile de recourir à un sentiment pour expliquer une décision, mais plutôt
d’admettre simplement que l’existence d’un espace d’indéterminisme permet une capacité de
choix qui s’inscrit dans le « jeu des possibles » mais sans avoir recours à un sentiment à ce
niveau invérifiable et donc injustifiable, (alors que l’espace d’indéterminisme existe puisque
c’est lui qui permet le changement et l’évolution)
Ce qui est le plus intéressant se situe dans le débat (page 60) en réponse à Philippe :
Henri Atlan affirme :
« Il faut faire plusieurs distinctions. D’abord déterminé, ça veut dire conditionné par un
ensemble de causes bien précis, avec programmé on va plus loin, ça signifie déterminé en vue
d’une fin. Dans les exemples que vous avez cité, ces situations sont déterminées par un
ensemble de causes liées à l’univers. Nous en sommes tout à fait d’accord, c’est ce que dit
Spinoza, mais comme nous ne connaissons pas cet ensemble de causes, nous sommes obligés
de prendre les choses globalement en disant (par exemple) c’est la volonté de Dieu. Comme
elle est inconnue et inconnaissable Spinoza dit : c’est l’asile de l’ignorance. On peut, défendre
toutes les positions que vous voulez, les plus faibles ou les plus fortes concernant le libre
arbitre sans qu’il soit possible de démontrer la fausseté de ces positions. Les modèles que j’ai
présentés apportent une simple vérification du fait suivant : on peut concevoir des
mécanismes « causaux » (c’est nous qui soulignons) par lesquels des êtres intelligents par
exemple peuvent être produits par une nature qui elle-même n’est pas intelligente.
On n’a pas besoin de supposer l’existence d’un être intelligent pour produire des êtres
intelligents. De la même façon on peut concevoir des mécanismes par lesquels les êtres sont
vivants c’est-à-dire ont les propriétés spécifiques de la vie sans qu’il soit nécessaire de
supposer une Nature ou un Etre déjà vivants pour les produire. Les modèles « d’autoorganisation » qui sont génériques n’apportent rien de plus, mais on ne peut pas démontrer la
position inverse »
A ce stade de réflexion, nous nous permettons plusieurs remarques :
a) H. Atlan reste fidèle au principe de causalité ce que conteste les physiciens
b) « La fonction de satisfaction » et le « stresse » ne sont pas des principes déterministes,
mais des sentiments, et ce faisant on s’éloigne du réalisme philosophique.
c) Si l’on n’a pas besoin de supposer une Nature ou un Etre déjà vivants pour produire des
êtres intelligents, le mot « nature » est impropre de même que « Etre déjà vivants ». Ces
termes désignent implicitement un être biologique. Or l’Etre Divin est « Esprit » c’est un
esprit actif (intellectuellement actif), et s’Il est vivant, c’est de la vie de l’Esprit, qui en aucun
cas ne doit être confondue avec la nature et encore moins avec la nature vivante.
Que doit-on penser de cette démonstration de l’auto-organisation qui exclût l’idée de l’Etre
divin ?
Il faut la recadrer dans un ensemble beaucoup plus large. Nous avons constaté que parmi les
scientifiques qui nous ont fait part de leurs options philosophiques on peut noter que les
partisans de l’auto-organisation sont surtout les biologistes ou neurobiologistes. Sans doute
parce que ce qu’ils explorent c’est de la matière vivante, à un stade d’évolution donné Mais
cette auto organisation ne peut être que biologique et non-générique. Les biologistes se posent
rarement la question : comment cette matière vivante peut-elle exister et se manifester ?
Toutes les lois biologiques obéissent au principe néguentropique. Tout organisme vivant puise
à l’extérieur dans son environnement, l’énergie dont il a besoin. et cet environnement, c’est
l’univers qui lui est entropique Il fournit de l’énergie dans un univers en expansion, mais il la
perd (ex : l’énergie solaire) Sans entropie dans l’univers, il n’y aurait pas d’existence du
vivant.
L’univers, c’est le domaine des physiciens et des astrophysiciens, qui étudient la matière
inerte soit sur notre planète (où il y a de la matière inerte) soit dans le cosmos et leur réflexion
les conduit à une toute autre explication. Les physiciens s’intéressent à la microphysique audelà de la matière sécable pour conclure à un indéterminisme devenu fondamental et
incontournable parce que débouchant sur des réalisations techniques. Les astrophysiciens eux
interrogent le Cosmos et constatent que les objets obéissent aux lois de la physique que Trinh
Xuan Thuan (astro-physicien) a très bien résumé dans le « Chaos et l’harmonie » page 416
« Les lois de la nature sont universelles : Elles s’appliquent partout dans l’espace et dans le
temps. Cette universalité a été maintes fois vérifiées par les observations astronomiques.
L’astrophysique permet des voyages dans le passé interstellaire, pas une fois nous n’avons
constaté de Lois physiques différentes de celles qui régissent notre petit coin de terre.
- Les lois de la nature sont absolues : Elles ne dépendent ni de la personne qui les étudie, ni
de l’état du système observé. Un physicien étranger à l’autre bout du monde déduira les
mêmes lois physiques qu’un physicien français.
- Les lois de la nature sont intemporelles : Ces lois bien qu’elles relient ensemble des états
distincts d’un même système à des époques ne varient pas en fonction du temps.
- Les lois de la nature sont omniscientes : En ce sens que les objets de l’univers n’ont pas à
les « informer » de leurs états particuliers pour que ces lois agissent. Elles savent à l’avance. »
Ces lois de l’univers possèdent des caractéristiques telles que l’intelligence humaine n’aurait
même pas pu les imaginer. Il en ressort ceci qu’en réflexion philosophique
Ces lois de l’univers existent en dehors de nous. Nous en connaissons quelques unes et
d’autres qui restent à découvrir Elles s’imposent à l’univers de manière inéluctable.
Elle ne proviennent pas de l’univers lui-même puisque celui-ci dès son origine, n’est que
matière inerte incapable de penser donc de créer des lois cosmiques qui elles résultent
d’une intelligence. Si nous comprenons ces lois c’est parce que notre intelligence est en
intime connexion originelle avec celle qui agît dans le cosmos,
Les biologistes reconnaissent que la biologie ne peut se réduire à la physique, mais qu’elle ne
peut se passer d’elle, dans le domaine qui leur est propre. Alfred Kastler l’avait pressenti
lorsqu’il écrit dans son livre « Cette étrange matière » page 254 :
« Si l’on veut faire un rapprochement entre un être vivant et un système physique, ce n’est pas
à l’ordre statique des cristaux qu’il faut se référer, mais à l’ordre dynamique d’un système
dissipatif dont il possède tous les attributs ». Pour comprendre l’univers, ce n’est pas le
chemin de l’auto-organisation qu’il faut prendre, qui ne peut être que biologique mais celui
des lois physiques de l’univers qui postule une « intelligence tellement supérieure qu’au
regard d’elle toutes les pensées humaines avec toute leur ingéniosité ne peuvent que révéler
leur néant dérisoire » (Eisntein) C’est pourquoi c’est à la physique que vont nos préférences,
car c’est elle qui explique le mieux l’univers dans sa globalité.
Terminons pour aborder le problème de « L’ETRE »
Lorsque P.F d’Arcais récuse le problème du sens et de la finalité, il le fait surtout pour
aborder le problème de l’Etre puisqu’il reprend le thème dans « Dieu existe-t-il ? » page 178
« Pourquoi pas Dieu et pas plutôt les êtres ? telle est en revanche, la question, douloureuse et
nécessaire qui fut finalement formulée et, avec Hume inaugura une phase radicalement
nouvelle pour la philosophie. Ouvrant inévitablement la porte à toutes sortes de réactions
restauratrices à l’encontre de la pensée du désenchantement, à commencer par celle de Hegel.
Le « dévoiement de la philosophie –si tant est qu’on puisse utiliser un langage qui implique
un avertissement donné à la philosophie - ne concerne par conséquent aucun oubli de
l’interrogation sur le dépassement de l’être par rapport à toutes les dimensions de l’étant.
Dans cet oubli n’intervient aucune élusion d’une quelconque énigme (que la pensée au
contraire raviverait –en opposition polémique avec la rationalité calculante) La philosophie
doit simplement penser le dépassement sur l’étant comme le devoir-être inévitablement choisi
qui ne fait qu’un avec l’être-là. Et non plus comme un subrogé d’un Dieu
Et à la philosophie – qui reconnaît définitivement à la science la suprématie en ce qui
concerne la connaissance de l’être- il reste à penser l’abîme entre être (en tant rien de plus que
l’ensemble des étants) : (nous ajoutons : ce qui constitue l’univers) et devoir-être (en quoi
consiste l’être-là) seule différence fondamentale, ontologique une fois dissipée les ivresses
néo-et postmétaphysiques. Il reste, en somme l’univers entier de l’existence finie. Le devoirêtre créé par l’homme seigneur et maître de la norme, ce seul « dépassement » par rapport à
l’étant, essentiel à un être contingent (non seulement mortel, mais aussi contingent) l’être-là
qui naît (évolue à partir) du singe nu »
Le fond du problème se ramène à la discussion sur l’être et l’étant
Si pour Stéphen Hawking l’univers devrait simplement être c’est dans la perspective où les
scientifiques l’observent, c’est-à-dire, un objet. C’est d’ailleurs la seule connaissance qu’ils
puissent en avoir.
Si nous nous référons à la définition grammaticale du mot « étant » participe présent du verbe
être, il faut savoir ce que nous mettons sous le mot être.
Nous avons vu que nous l’employons pour nous-même pour exprimer notre conscience
d’exister. Nous parlons couramment de l’être humain pour désigner l’homme ou la femme.
Mais nous ne parlons jamais de l’être chevalin pour désigner un cheval ou une jument, de
même nous ne parlons jamais de l ‘être herbacé pour désigner une prairie, ni de l’être
géologique pour désigner une pierre, car le cheval, comme l’herbe ou la pierre existent, mais
ne sont pas des êtres au sens plein du terme, comme lorsque nous parlons de l’être humain. Ce
sont des êtres-là, mais ils n’ont pas conscience d’exister
L’homme est un être, c’est-à-dire un étant qui pense et qui a conscience d’exister. Il l’est aussi
par la conscience de son existence passée grâce à sa mémoire, mais
Il est un « étant » biologique dans le continuum de sa présence dans le temps
P.A D’Arcais manifeste de façon très nette sont hostilité à la métaphysique ( une fois dissipée
les ivresses néo et postmétaphysiques) Il affirme reconnaître définitivement à la science la
suprématie en ce qui concerne la connaissance de l’être.
S’il maintient sa position, la discussion avec les scientifiques et en particulier les physiciens
va devenir extrêmement difficile quant à la seconde position elle est totalement infondée. La
science moderne n’a jamais pu croire ni même penser comme celle du début du 20°Siécle
avoir la suprématie en ce qui concerne la connaissance de l’être qui est un concept
philosophique et qui ne ressort pas du domaine de la science (voir Claude Allégre « Dieu face
à la science)
Albert Jacquard commet la même confusion dans son livre « DIEU ? » sur lequel le précédent
colloque de « Foi et Culture » a réfléchi en 2005 Il écrit page 77 :
« Un des chercheurs les plus en pointe parmi les astrophysiciens, Stéphen Hawking que nous
avons déjà cité pense que : « Tant que l’univers aura un commencement nous pouvons
supposer qu’il a eu un créateur. Mais si réellement l’univers se contient tout entier, n’ayant
ni frontières, ni bord, il ne devrait avoir, ni commencement, ni fin : il devrait simplement être.
Quelle place reste-t-il pour un Créateur ? » C’est une question philosophique.
Constatons que l’univers existe. Mais est-il un être ? Le mot exprime l’existence. « Il est »
Le vrai problème qui se pose est le suivant. Si l’univers se contient tout entier n’ayant ni
frontières ni bord, il ne devrait avoir ni commencement, ni fin, il devrait simplement être.
Mais nous l’avons vu la science ne peut exercer son investigation que sur des objets.
L’être l’est-il vraiment Avant le « Big-Bang » et même Après ? Pour que cette proposition
soit vraie, il faudrait que cet univers ait conscience d’exister. Un système solaire, une planète,
(même morte) un astéroïde, un caillou peuvent-ils vraiment être ? Ce sont des objets, de la
matière, que la science étudie quand elle peut les atteindre. Or manifestement la matière
originelle n’a jamais eu conscience d’exister.
Par contre toute ce qui est supposé précéder le « Big-Bang » (la soupe pré-matière) mais
également tout l’univers et la création d’Après le « Big-Bang » relèvent d’une toute autre
notion :
C’est non plus la notion d’être, mais celle « d’Etant »
Version grammaticale : « Etant : Participe présent du verbe « ETRE »
Version philosophique : Etant : qui participe au présent d’un ETRE
L’existence de cet « Etant » doit rester accessible à l’exploration scientifique dans la limite
des moyens techniques pour rester dans le domaine des hypothèses vérifiables. C’est sur cette
réalité que nous devons concentrer notre recherche et notre réflexion.
L’ETRE et L’ETANT
Le verbe être est le verbe le plus philosophique qui soit. Quand je dis « Je suis » je constate
que j’existe. Je l’affirme parce que j’ai la conscience d’exister au moment où je l’affirme.
Comme le dit très bien Werner Heisenberg « Nous savons que la conscience existe par ce que
nous la possédons nous-même » (La partie et le tout : Albin Michel Page 166) Quand nous
disons que l’univers est un « étant » pensons-nous que l’homme (l’espèce humaine en
général) est compris dans cet étant ?
Dans son aspect biologique : OUI.
En effet à notre naissance, nous sommes constitués de milliards de cellules neuves ou presque
provenant des cellules initiales de notre fécondation par un homme et une femme qui sont nos
parents biologiques.. Ces milliards de cellules initiales vont disparaître au fur et à mesure de
notre vie. Progressivement, suivant leur nature et leur durée, elles seront remplacées par
d’autres. A notre mort toutes les cellules vivantes de notre corps disparaîtront et il ne restera
que notre squelette pour témoigner de notre existence passée.
Nous ne maîtrisons pas l’évolution de nos cellules, comme nous ne maîtrisons pas les
fonctions biologiques permanentes (dont la nutrition à l’intérieur de notre corps) qui nous sont
pourtant indispensables pour continuer à vivre. L’homme subissant son état est
biologiquement un « étant » en évolution permanente : naissance, croissance, maturité,
vieillissement et mort.
Dans cette perspective, l’homme est effectivement au coeur de la création un « étant », mais
n’est-il que cela ? Car il est aussi un « être », c’est-à-dire un étant qui pense et donc qui a une
conscience et qui sait qu’il existe. Il est un être dans le présent au moment où il l’affirme par
sa conscience d’exister. Il l’est aussi par la conscience de son existence passée grâce à sa
mémoire. Mais il est un étant biologique dans le continuum de sa présence dans le temps.
L’Etant est un être actuel en évolution
Il n’est donc saisissable que dans l’instant. L’affirmation de certains philosophes de
reconnaître à la science la supériorité décisive en ce qui concerne la connaissance de l’être est
donc infondée puisque cette connaissance ne peut être que celle de l’instant.
La science ne peut connaître que des instants d’existence et non des êtres.
Ceci s’applique aussi bien au cosmos (en expansion : astres disparus) qu’à la vie et à l’homme
Il en est de même pour l’univers et pour la création. Karl Popper l’a très bien exprimé dans
son livre « Plaidoyer pour l’indéterminisme » (Edition Herman) Page 107 :
« Il faut rejeter toute idée d’un univers causalement fermé, aussi bien que d’un univers
fermé probabiliste (postulat du hasard). Notre univers est partiellement causal, partiellement
probabiliste, et partiellement ouvert. Il est émergent » A chaque moment infinitésimal, tout
ce qui semble exister, « évolue » et remplit ainsi toutes les conditions et toutes les
caractéristiques d’un « Etant ».
L’univers a été, il est, et il sera sans interruption dès son origine jusqu’à sa disparition (nous
en revenons à la philosophie ) un Etant qui participe au présent d’un Etre. C’est du moins
la position philosophique qui nous semble la plus fondée en raison
Si l’on se réfère à cette notion philosophique d’un Créateur (voir page 11)
L’univers et toute la création sont dans la durée et l’espace « l’Etant » de l’ETRE
DIVIN. Ils participent dans un présent absolu à sa pensée créatrice
(cette participation ne concerne que l’immanence divine, ce qui exclût tout panthéisme)
Parvenu à cette conclusion nous constatons que nous sommes en pleine harmonie avec celles
du Père Jean-Michel MALDAME qui relève que :
«Dans la tradition chrétienne la création est un acte au présent. La providence est une qualité
de l’action créatrice, dont on considère la réalisation au cours d’un processus temporel.
L’action de Dieu n’est pas à penser comme une intervention sur des sujets pour les orienter
d’une manière qui ne correspondrait pas à leur être. Elle doit être pensée comme le don de
l’être (ne serai-ce pas plutôt l’Etre Divin ?) à ce qui est singulier et à ce qui forme un tout : le
monde. C’est un univers aux yeux du scientifique en ce sens que les phénomènes s’y
déroulent suivant des lois. On le nomme comme création d’un point de vue théologique quand
on perçoit qu’il réalise une même et unique volonté. Cette perspective insiste sur son unité et
sur le dynamisme du mouvement qui l’oriente vers un accomplissement, sans que rien ne soit
faussé du jeu ni de l’interaction des éléments entre eux ou l’aléatoire a sa place ».
Cette vision trouve son expression dans une formule que nous trouvons excellente de
l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan :
« Dieu (l’Etre Divin pour rester dans le domaine de la Métaphysique) créateur des Lois
intemporelles serait responsable de l’ordre du monde non par action directe, mais en
offrant des potentialités que l’univers peut actualiser ou non.
Cette perspective ouvre une voie intéressante si par « nature » l’on considère la matière inerte,
mais aussi la matière vivante et ses implications sur les mécanismes de l’évolution. On
s’aperçoit que :
La responsabilité de l’Etre Divin aussi bien dans le cosmos que dans le vivant se situe tout
autrement si c’est dans l’univers que se fait le choix indéterministe des potentialités qui lui
sont offertes.
Même les catastrophes naturelles : éruptions de volcans, tremblements de terre, tsunami,
avalanches, inondations) trouvent leur origine dans des évolutions brusques de notre planète,
inhérentes à sa constitution et qui sont peut-être dues à des choix potentiels internes dont
nous ne pouvons que constater les résultats sans pouvoir expliquer pourquoi, ils se produisent
ici où là et à tel moment plutôt qu’à tel autre.
Ceci permet de mieux comprendre quelle est la part de responsabilité de la nature dans les
catastrophes naturelles celles-là mêmes que nous imputons inconsidérément à la malédiction
divine. et d’ aborder de façon plus sereine la question du mal et de la souffrance évoquée en
conclusion de « connaître » N° 22-23 par le Père J-M MALDAME comme l’obstacle majeur
à la foi pour ceux qui ne connaissent la Révélation chrétienne que de l’extérieur . Mais ceci
devrait faire l’objet d’un autre débat.
CONCLUSIONS
Nous pensons avoir apporté quelques éclaircissements aux questions posées par
« L‘Intelligent Design’ » en montrant la grande importance qu’il faut apporter à la précision
du langage si l’on veut être compris et éviter les malentendus. Surtout pratiquer une
démarcation permanente entre les trois disciplines en cause : la science, la métaphysique, (qui
devrait se trouver incluse dans la philosophie) et la théologie.
Nous avons articulé notre exposé sur la conférence de H. ATLAN (voir « Connaître » N° 2223) parce que sa démonstration en faveur d’une auto-organisation par des causes purement
causales et mécaniques excluait la question du sens. Surtout son affirmation (page 60) qu’il
n’est pas besoin d’un être intelligent pour produire des êtres intelligents excluait la possibilité
de croire en un Etre Divin. Nous avons essayé d’y apporter une réponse.
L’autre partie concernait le concept de l’être chez P.F. d’Arcais justement parce que suivant la
réponse que l’on y apporte se trouve incluse ou non la question du « Dessein Intelligent » ou
celui de la finalité. A quoi bon la question du « sens » s’il ne mène à rien ? (Pourquoi Dieu et
pas plutôt des êtres ?) Là aussi, nous avons essayé d’apporter une réponse.
Claude Imbert demande aux chrétiens de revenir à la métaphysique.
Georges Charpack et Roland Omnes lancent un appel aux philosophes pour que ceux-ci
répondent à leur requête instante.
Face à cette demande, nous espérons qu’il se trouvera parmi les participants au Réseau Blaise
Pascal, des philosophes qui accepteront d’ouvrir le débat entre la science et la métaphysique,
pour parvenir à réconcilier celle-ci avec la philosophie contemporaine.
Georges VANDAMME
Marcq-en-Baroeul (Nord)
Le 16 Avril 2006
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