Le contrat de licence - Conseil Francophone de la Chanson

publicité
LE CONTRAT DE LICENCE
Quand un producteur indépendant a produit un ou plusieurs
enregistrements avec l’artiste, il cherche évidemment à en assurer la
commercialisation. Il pourrait fabriquer lui-même des exemplaires du
disque et en assurer seul la promotion et la distribution auprès des
magasins. Mais cette tâche suppose une infrastructure importante et
des moyens financiers considérables si l’on veut toucher un large
public. C’est pourquoi les producteurs s’adressent aux firmes de
disques en concluant avec celles-ci des contrats de licence.
Le contrat de licence est celui par lequel le propriétaire d’un
enregistrement (le producteur) donne à un autre (le licencié) le droit de
reproduire et de le commercialiser. Ce droit peut être exclusif ou non
exclusif.
Les parties au contrat sont donc le producteur et la maison de disques.
L'artiste n'intervient pas directement dans le contrat de licence et n'en
est pas signataire. Il n'est même pas tenu informé, la plupart du temps,
des détails du contrat qui unit le producteur à la société licenciée.
Toutefois, la maison de disque ne s'engage par rapport au producteur
que parce qu'elle sait que l'artiste est lié à celui-ci par un contrat. Le
producteur doit donc garantir au licencié qu'il possède tous les droits
sur les enregistrements de l'artiste pour une durée au moins égale à
celle qu'il cède au licencié.
Le producteur cède ainsi au licencié le droit de commercialiser les
enregistrements de l'artiste sous forme de phonogramme et de
cassette, principalement. En échange de cette cession, le producteur
recevra une royalty sur les exemplaires vendus. Comme dans le cas du
contrat d'artiste, il recevra également une avance sur royalties de la
part du licencié.
CLAUSES ESSENTIELLES DU CONTRAT DE LICENCE
Identification des parties au contrat
On ne saurait trop insister sur la nécessité de s’informer complètement
sur les personnes avec qui l’on contracte car, la plupart du temps, les
contrats de licence sont conclus entre sociétés. En cas de doute -qui
devrait être systématique- les avocats et les juristes sont habitués à se
renseigner auprès des administrations compétentes pour connaître la
solvabilité du partenaire pressenti.
Objet du contrat
La licence et ses limites contractuelles
Le contrat de licence consiste en la concession, par le producteur au
licencié, du droit de reproduire, fabriquer et communiquer au public
l’enregistrement dont le producteur est propriétaire.
La reproduction des enregistrements peut être concédée soit sur tous
types de supports, soit sur phonogrammes uniquement. Dans le
premier cas, le licencié pourra, par exemple, reproduire les
enregistrements en vue de les synchroniser à des films ou des
publicités; il pourra autoriser leur utilisation comme musique d’attente
pour le téléphone ou la céder à des banques de sons sur le réseau
Internet, voire même utiliser certaines parties de l’enregistrement dans
d’autres (sampling). Aucune de ces utilisations ne sera possible, au
contraire, si seule la reproduction sur « phonogramme » ou « disque du
commerce » a été autorisée par le producteur.
Enregistrements fermes et optionnels
Les options
Le contrat de licence exclusive concerne usuellement un ou plusieurs
enregistrements fermes et d’autres enregistrements optionnels. Les
enregistrements fermes sont ceux que la firme de disques s’engage à
commercialiser; les enregistrements dits optionnels concernent ceux
que la firme ne s’engage à exploiter que sous condition.
La figure classique pour un artiste débutant consiste en une licence de
1 single ferme (support court) avec option sur un autre single et sur
deux ou trois albums subséquents. La firme de disques limite ainsi les
risques puisqu’elle ne s’engage formellement que pour un seul support;
dans le même temps, elle s’assure l’exclusivité des enregistrements
suivants au cas où, pour des raisons diverses (succès d’estime du
premier single, succès commercial, artiste à développer, etc.) elle
estimerait devoir continuer la collaboration avec celui-ci. On comprend
que, pour un producteur, cette limitation des risques soit peu
enthousiasmante car elle ne présente aucune sécurité pour l’avenir. La
plupart des producteurs tentent donc par divers moyens d’exiger la
licence ferme d’au moins un album. La tentative n’est évidemment
envisageable que s’il existe au moins des maquettes des titres
suivants.
Mise en œuvre des options
Les options concédées au licencié sont distinctes, successives,
exclusives et irrévocables. Elles s’appliquent dès lors enregistrement
par enregistrement, l’une à la suite de l’autre et sans possibilité pour le
producteur de mettre le licencié en concurrence avec une autre firme
plus généreuse. Il est évidemment essentiel de préciser dans les
moindres détails le mécanisme de mise en œuvre des options, pour
éviter de se trouver dans une situation floue où plus personne ne sait si
les délais contractuels ont été ou non dépassés. Ceci suppose que les
parties détaillent :





1.- le moment où les maquettes des nouveaux enregistrements
doivent être remis au licencié : le producteur est tenu, en
général, de fournir ces enregistrements démos dans un certain
délai à compter de la commercialisation du support précédent. Il
est toujours utile, pour éviter tout malentendu, de préciser qu’on
se réfère ainsi à la « première commercialisation dans les
circuits normaux de distribution » du support considéré, dans le
territoire considéré;
2.- le délai dans lequel le licencié doit se prononcer : un délai de
30 jours ouvrables à compter de la remise des maquettes est
usuel;
3.- la forme dans laquelle le licencié doit exercer son option :
habituellement par lettre recommandée adressée au producteur;
4.- le sort des enregistrements optionnels lorsque l’option n’est
pas exercée : chaque option étant successive, il est utile de
prévoir ce qu’il advient, par exemple, de l’album optionnel 2
lorsque l’option sur l’album optionnel 1 n’a pas été levée;
5.- le délai dans lequel le support sur lequel l’option a été levée
doit être commercialisé.
Parfois, les contrats de licence ne concernent qu’un seul
enregistrement sans aucune option. Il s’agit des contrats relatifs aux
compilations. Ces contrats ne sont jamais exclusifs.
La durée
L’exclusivité consentie au licencié varie théoriquement de trois à cinq
ans à compter de la sortie commerciale du dernier enregistrement
lorsque le contrat porte sur des enregistrements fermes et optionnels.
Le territoire
Le droit de licence peut être concédé pour un certain territoire (la
France), une partie du monde (les pays de l’Union européenne) ou le
monde entier, au gré des parties. Il s’agit là d’une question d’ordre
stratégique et financier.
En général, on recommande aux producteurs de s’adresser à des
licenciés différents pour trois raisons essentielles. D’une part, il est
vraisemblable qu’en négociant avec différents pays, le cumul des
avances sera, sauf exception, supérieur à l’avance mondiale que
pourrait concéder un seul licencié, même important. D’autre part, la
complication des réseaux créés par les majors dans le monde entier, la
bureaucratie qu’elle entraîne, les conflits internes et internationaux,
l’ignorance des marchés nationaux sont autant d’obstacles à une
communication directe entre le producteur et le sous-licencié établi à
l’étranger. Un directeur national d’une multinationale peut « craquer »
personnellement pour un artiste sans qu’il y ait aucun enthousiasme
chez son homologue étranger. Un producteur a dès lors plutôt intérêt à
rechercher des licences locales et à réduire ainsi le territoire
d’exploitation de chaque licencié. Enfin comme on le verra ci-dessous,
les redevances générées à l’étranger font en général l’objet de sévères
réductions lorsque le licencié initial sous-licencie lui-même.
Les licenciés essaient, de leur côté, d’élargir ce territoire, surtout
lorsqu’il s’agit de multinationales dont c’est l’essence même. Dans ce
cas, la multinationale doit garantir la commercialisation dans les
territoires qu’elle réclame. Une telle garantie étant souvent difficile à
donner, la plupart des contrats de licence prévoient un mécanisme
d’option exclusive à durée limitée par lequel le licencié bénéficie du
premier droit de commercialiser l’enregistrement considéré et les
enregistrements optionnels dans tels et tels territoires. Passé un délai
contractuellement convenu, ce droit revient au producteur. Le licencié
s’octroie souvent, à cette occasion, une participation sur les revenus de
licence étrangère.
Exploitation, publicité et promotion
Exploitation
L’objet du contrat de licence est la commercialisation. Le contrat de
licence doit dès lors la garantir et en préciser le délai.
La commercialisation ne peut être entendue que comme la mise à
disposition dans le commerce d’exemplaires de l’enregistrement en vue
de leur vente au public. Il ne peut s’agir ni de la seule fabrication
d’exemplaires ni de la seule promotion de ceux-ci auprès d’un certain
public sans passer par le commerce. Ainsi, le seul envoi de
phonogrammes auprès de discothèques ne constitue pas une
commercialisation puisqu’il n’y a pas de but direct de vente. Il faut
préciser que la pratique s’éloigne sensiblement de ces définitions
juridiques pour des raisons que l’on peut comprendre. En réalité, bon
nombre de firmes de disques se contentent de faire fabriquer un certain
nombre d’exemplaires, de l’envoyer à certains médias et d’attendre
leurs réactions. En cas de réaction négative, l’enregistrement passe
purement et simplement dans le compte de profits et pertes. Si la
réaction est positive, la promotion commence, sans qu’il y ait toujours
mise à disposition immédiate du phonogramme. Le risque de
fabrication intensive n’est pris que lorsque la demande est assurée.
Juridiquement, le licencié a l’obligation d’exploiter. Il s’agit là de l’objet
même du contrat de licence. Lorsque, pour des raisons d’ordre interne,
un licencié ne commercialise pas l’enregistrement, le producteur peut
en principe exiger la résiliation du contrat et le paiement d’une
indemnité. Dans la pratique, si le recours aux tribunaux est peu
fréquent pour ce type de litige, il n’est pas rare qu’une indemnité
contractuelle et forfaitaire soit négociée entre les parties.
Publicité, promotion et marketing
Dans une industrie où la concurrence fait rage, il est illusoire de penser
que le seul lancement d’un disque auprès des médias assurera son
succès. Il est tout aussi vain de penser, pour un producteur, que
l’expression « le licencié assurera la promotion des enregistrements
selon les usages de la profession » signifie quelque chose de concret.
La promotion est pourtant l’élément essentiel de toute stratégie
commerciale : non seulement auprès des radios FM, mais auprès des
télévisions, de la presse, des discothèques, des représentants, du
public enfin. Sans ces éléments, aucun disque n’a de chance, sauf
exception, et il est de loin préférable de ne pas le commercialiser car il
serait voué à un échec certain. Il faut en effet comprendre qu’une
maison de disques qui commercialise un single sans investir les efforts
nécessaires communique à tous les médias qu’elle ne croit pas au
produit qu’elle lance. Pourquoi voudrait-elle alors que quelqu’un fasse
quoi que ce soit ?
Quelle garantie exiger ? Un investissement financier. Une firme de
disques doit pouvoir garantir par contrat qu’elle investira un certain
montant dans la promotion et le marketing du support commercialisé. Il
peut s’agir d’un investissement dans un clip (devenu presque essentiel
aujourd’hui quoi que personne n’ait jamais pu prouver que cela fasse
vendre un disque), dans une campagne publicitaire radio, télé et/ou
presse ou encore dans la PLV (publicité sur le lieu de vente).
Redevances
En contrepartie des droits d’exploitation des enregistrements qui lui
sont cédés, le licencié verse au producteur une redevance négociable
sur chaque exemplaire vendu.
Base de la redevance
Dans la plupart des pays européens à l’exception du Royaume-Uni,
l’assiette de la redevance est constituée par le « prix de gros base
B.I.E.M.», c’est-à-dire le prix utilisé pour le calcul des droits de
reproduction mécanique, suite aux accords B.I.E.M./I.F.P.I. Ce prix
comprend donc les abattements de -10% puis -9%.
Taux de redevance dans le ou les territoires principaux
S’il n’existe évidemment pas de taux « légal » puisque celui-ci est
laissé à la négociation des parties, le taux de redevance applicable à
une licence varie en général de 12 à 25% . Habituellement, le taux
augmente en fonction du nombre d’exemplaires vendus, comme dans
l’exemple ci-dessous :

entre 1 et 50 000 exemplaires : 21%



entre 50 001 et 100 000 exemplaires : 22%
entre 100 001 et 200 000 exemplaires : 23%
au-delà de 200 001 exemplaires : 24%
La notion d’exemplaire se réfère le plus souvent à un album car il est
de moins en moins courant d’accorder des taux graduels aux singles.
Ceux-ci sont normalement comptabilisés, pour le franchissement des
paliers, par des équivalences définies contractuellement, comme
expliqué ci-dessous. Cette redevance comprend, comme on l’a dit, la
redevance due à l’artiste (qui lui sera payée par le producteur) ainsi
que, d’une manière générale, à tous les ayants droit ayant participé à
l’enregistrement, à l’exception des auteurs compositeurs. Ceux-ci sont
en effet payés séparément par le licencié, via les sociétés d’auteurs.
Exportations
Lorsque les phonogrammes sont vendus à l’étranger au départ du pays
d’origine, le taux de la redevance subit généralement un abattement
(30%) mais le prix de gros reste identique.
Ventes à l’étranger
Lorsque les ventes sont effectuées soit par un sous-licencié, soit par un
affilié de la société licenciée, le taux de la redevance subit également
un abattement. Les licenciés suggèrent en général une réduction de
50% du taux de base. Il est plus acceptable de limiter celui-ci à 25%
pour les pays proches (Belgique et Suisse par exemple) et 40% pour
les autres territoires. Cette redevance est soit calculée sur le prix de
gros hors taxe du pays considéré, soit sur les 2/3 de la base sur
laquelle la redevance est payée dans le cas où le licencié perçoit une
redevance calculée sur le prix de détail.
Best of
Le best of est un moyen souvent utilisé par les firmes de disques pour
relancer la carrière d’un artiste sur le déclin et réamorcer une promotion
autour de son nom. Il est prudent de prévoir que le taux applicable à ce
type d’album est le taux le plus haut atteint par celui dont le ou les titres
proviennent lorsque le contrat contient des taux progressifs. Si tel n’est
pas le cas, il faut alors convenir d’un taux progressif, spécialement
prévu pour ce support et démarrant au taux de base du contrat.
Ventes en série à prix réduit
Par série budget , il est en général convenu d’entendre un
phonogramme dont le prix de gros hors taxes est inférieur de 70% du
prix de gros hors taxe de ce même phonogramme lors de sa première
commercialisation. Cette dernière précision est importante dans la
définition que donne le contrat des séries budget. Le taux de redevance
subit un abattement (40% par exemple) sur le prix de gros. Il est
important que le contrat exige l’accord préalable du producteur avant
de telles ventes et interdise la commercialisation de tels supports avant
un certain délai à compter de la première commercialisation.
Ventes assorties d’une campagne de publicité payante
Lorsque le licencié investit dans une campagne de publicité payante
(radio, télévision, affichage), il répercute cet investissement sur les
redevances dues au producteur. Cette répercussion varie selon le
montant des investissements, un schéma classique étant par exemple
une diminution de redevances de :



20% pour une campagne d’un montant compris entre 60 000 € et
90 000 €
30% pour une campagne d’un montant compris entre 90 000 € et
120 000 €
40% pour une campagne d’un montant supérieur à 120 000 €
Dans ce type de clause qui constitue un véritable nid à conflits, presque
chaque terme devrait être défini de manière précise, l’ensemble des
réductions devant être soigneusement limité.
Il faut d’abord savoir que, de manière générale, le montant de la
campagne annoncé n’est pas le prix réellement payé par le licencié
mais le montant de la valeur de la campagne. Il est courant, par
exemple, qu’une major ne paie en réalité qu’un tiers de la valeur de la
campagne, grâce aux accords de régie et qu’elle récupère ensuite ce
dernier tiers par le biais de ristourne. En conséquence, il faut toujours
tenter de négocier sur base des prix réellement facturés et payés et
non sur base des valeurs de campagnes. La réduction des redevances
doit ensuite être strictement circonscrite :



dans le temps : on s’accorde en général à limiter la réduction à
une période de 3 mois à dater du premier jour de la campagne;
dans l’espace : seules les ventes effectuées dans le territoire de
diffusion de la campagne seront soumis à réduction;
par rapport aux supports : seuls les supports promotionnés
feront l’objet de réduction. Il faut également régler le sort des
supports vendus en dehors des circuits normaux de distribution
et qui font déjà l’objet d’abattements de redevances (par
exemples les ventes par correspondance). Sous peine de ne
percevoir pratiquement rien sur ces dernières ventes, le
producteur veillera à ne pas les soumettre aux réductions pour
campagne de publicité payante.
Ventes club et ventes par correspondance
Si la vente par correspondance est encore peu développée en Europe
par rapport aux États-Unis, de nombreux clubs proposent à leurs
membres des disques et des livres qu’ils fabriquent eux-mêmes (Dial)
ou qu’ils achètent au licencié (France Loisir). Lorsque le licencié
accorde une sous-licence, il perçoit lui-même une redevance sur
laquelle est calculée la redevance du producteur (autour des 40%). En
cas de vente de phonogrammes sous forme de produits finis, la
redevance producteur subit un abattement et il est usuel que le
producteur perçoive 2/3 de la redevance initiale. La justification de
l’abattement est basée sur le fait que les frais de marketing sont élevés
et qu’il y a de nombreux mauvais payeurs qui commandent mais ne
paient pas.
Il est par ailleurs toujours prudent de préciser que ces réductions ne
sont pas applicables si le club est un affilié du licencié...
Ventes de singles et de mini-albums
Un abattement de 10 à 15 % est appliqué à la redevance de base pour
la vente de supports courts.
Ventes spéciales
Lorsque les ventes ont lieu en dehors des circuits traditionnels
commerciaux (par exemple pour une utilisation éducative ou
publicitaire) le taux de la redevance est réduit usuellement de moitié.
Free goods ou bonus
Les free goods sont les supports longs ou courts qui sont donnés par le
licencié aux grossistes à titre promotionnel. Le grossiste qui
commande, par exemple, 1 000 exemplaires n’est facturé que pour 850
seulement.
Cette démarche commerciale peut avoir des conséquences financières
importantes pour un producteur si les free goods sont donnés pour
promotionner un autre enregistrement, ce qui est assez souvent le cas.
On peut imaginer en effet que pour imposer un enregistrement
nouveau, un licencié cède gratuitement à ses distributeurs une certaine
quantité d’un album à succès que le grossiste va pouvoir revendre sans
difficulté. S’il s’agit toujours du même support, les pertes pour le
producteur peuvent alors s’avérer énormes. Il est donc toujours sain de
limiter le nombre d’exemplaires free goods en précisant, par exemple,
que le licencié ne pourra distribuer plus de 15% de phonogrammes à
titre gratuit par rapport aux exemplaires vendus.
Minidiscs et DCC
Un abattement supplémentaire de 20% est appliqué à la redevance de
base lorsque les enregistrements sont reproduits sur ce type de
support. On justifie cet abattement du fait de la nouveauté de ces
supports et de la promotion qu’une diminution de prix peut entraîner. Il
est prudent de prévoir une limitation dans le temps de ce type
d’abattement (par exemple pendant les 3 premières années de la
commercialisation de la DCC) pour éviter de voir le taux réduit 15 ans
après le lancement du produit. Les producteurs qui n’ont pas veillé à
introduire cette limitation lors de l’introduction du CD à l’époque du
vinyle subissent encore une réduction de 15 à 20% alors que le CD est
devenu le format standard.
Compilation
Les compilations sont devenues une source de profit majeure pour
l’industrie du disque. Pour les producteurs et artistes, il en va
autrement.
En principe, lorsque la compilation est réalisée par le licencié lui-même,
la redevance de base ne varie pas mais est due « pro rata titulis »
c’est-à-dire au prorata du nombre de titres du producteur figurant sur la
compilation par rapport au nombre total de titres (1/12e, 1/14e, etc.). Au
contraire, les compilations qui n’émanent pas du licencié et constituent
donc une sous-licence subissent, quant au taux, un abattement variant
de 15 à 30%.
Il est judicieux pour un producteur de limiter le nombre de compilations
autorisées ou, s’il le peut, de les interdire purement et simplement.
D’abord, un artiste peut souhaiter ne pas se trouver sur telle ou telle
compilation avec d’autres artistes; ensuite, si l’enregistrement est un
succès et « tire » la compilation, il n’y a pas de raison que le producteur
perçoive une redevance réduite par rapport à d’autres supports. Enfin
et surtout, la présence de succès sur des compilations diminue très
fortement les ventes d’albums.
Cette restriction, très appliquée aux États-Unis, explique que l’on ne
retrouve jamais certains artistes en compilations. Ventes hors des
circuits normaux de distribution (kiosques, maisons de presses,
bureaux de tabac, etc.)Un abattement de 20% est appliqué au taux de
base, étant entendu que le prix de base considéré est le prix auquel le
licencié vend les supports à ces circuits. Le chiffre d’affaires réalisé par
les maisons de disques dans ce secteur est énorme.
Le cumul des abattements
Si les taux d’abattement pour les diverses ventes spéciales sont
négociables, le producteur doit tenter d’obtenir également l’obligation
de son accord préalable pour la commercialisation de tout support non
traditionnel ou en dehors du circuit de vente traditionnel. Il s’agit à la
fois d’une question stratégique par rapport à la carrière de l’artiste et
d’une question financière. Stratégiquement, un producteur doit obtenir
la garantie que son enregistrement sortira en produit « full price
nouveauté » avant d’entrer dans toute autre catégorie de prix réduit,
sous peine de voir déprécier son artiste. Financièrement, il est tout
aussi essentiel d’interdire le cumul des abattements (par exemple
cumul de l’abattement pour vente à prix réduit et de l’abattement pour
campagne publicitaire) afin d’éviter une réduction dramatique des
redevances.
Calculs et paiement des redevances
Établissement des décomptes
La formule permettant de calculer les redevances revient à multiplier
les quantités vendues par le taux de redevances et le prix de base.
Les quantités vendues prises en considération sont les quantités
facturées et non les exemplaires fournis gratuitement pour la
promotion. Il convient de préciser, comme il a été dit plus haut, que la
redevance s’applique à cent pour cent des ventes. Le prix de gros est
le prix de gros hors taxes figurant au catalogue du licencié. Une
réserve pour retour est ensuite appliquée qui est habituellement d’un
montant équivalent à 15% des exemplaires vendus. Cette réserve est
régularisée au semestre suivant.
Les relevés sont habituellement arrêtés par semestre et payés dans les
3 à 4 mois au producteur. En principe, les relevés sont établis et
envoyés tant que dure l’exploitation de l’enregistrement, c’est-à-dire,
théoriquement, sans limitation de temps. Pour éviter des envois
coûteux, beaucoup de licenciés prévoient un report de relevés lorsque
les ventes du semestre considérés n’ont pas atteint un montant
minimum.
La détermination des paliers
Lorsque les taux de redevance sont progressifs, il n’est pas toujours
aisé de déterminer les exemplaires auxquels ils s’appliquent en raison
notamment des provisions pour retour. Il faudrait en principe connaître
le moment exact de la vente pour savoir quand on passe au palier
supérieur. Peu de licenciés appliquent rigoureusement cette méthode,
très coûteuse en temps. En outre, la plupart des contrats de licence
prennent comme unité de référence l’album et introduisent la notion
d’exemplaire équivalent pour convertir la vente d’un single en un
demi ou un quart d’album selon la formule suivante :
« un CD = une cassette = une cassette audionumérique =
un vidéodisque = une vidéocassette = 4 maxi = 4 CD
single = 2 mini albums »
Ceci signifie que, pour le franchissement des paliers, quatre singles ou
deux mini albums valent un album.
Les réclamations
Certains contrats stipulent qu’à défaut d’avoir réclamé dans un certain
délai à compter de la transmission des relevés, ceux-ci sont réputés
corrects et ne peuvent plus faire l’objet de rectification. La clause n’est
pas illégale mais ne couvre évidemment pas le « dol » c’est-à-dire la
fraude intentionnelle contre laquelle une action reste toujours possible.
Avances
Le montant de l’avance
Le montant de l’avance dépend de la négociation, de la situation des
parties et du territoire concédé. Pour un premier single, l’avance
accordée en France par les majors tourne usuellement autour des
7500€, et 45000€ pour un premier album, avec toutes les exceptions
qui confirment la règle. Généralement, l’avance des albums suivants et
optionnels n’est pas déterminée en chiffres mais en pourcentage (par
exemple 60%) des redevances versées au titre de l’exploitation de
l’album précédent jusqu’au dernier décompte semestriel précédent la
levée de l’option sans toutefois pouvoir être inférieure à un montant
déterminé (par exemple 60000€).
Le paiement de l’avance
L’avance est généralement payée pour moitié à la signature du contrat
et pour moitié à la remise des bandes.
La récupération de l’avance
L’avance est dite récupérable mais non remboursable de sorte qu’en
cas d’échec commercial, le producteur n’a pas à la rembourser. Le
contrat doit cependant préciser sur quels revenus l’avance peut être
récupérée. Dans une situation idéale, la récupération ne peut porter
que sur les redevances générées par la vente du support pour lequel
elle a été concédée. Ainsi, une avance de 45000€ pour un album n°2
ne pourrait être récupérée sur les ventes de l’album n°3. Il en va
toutefois rarement ainsi et la plupart des avances sont dites « crosslatéralisables ».
La « cross-latéralisation » des avances a entraîné de nombreux
producteurs et artistes dans des situations financières catastrophiques
alors même qu’ils connaissaient le succès. Un exemple suffit à le
comprendre. Imaginons un contrat de licence pour un album ferme et
trois albums optionnels. Le licencié garantit par contrat une avance de
65000€ pour le premier album, 60000€ pour le second et un minimum
de 60000€ pour le troisième. Le contrat garantit en outre un minimum
d’un vidéoclip d’une valeur de 40000€ par album . Le premier album
rencontre un succès d’estime et le deuxième est un échec commercial.
Si le licencié décide de lever l’option (parce qu’il estime, malgré les
échecs, que l’artiste va finir par s’imposer ou parce que sa nouvelle
fiancée l’adore) les sommes à récupérer sont les suivantes :
45 000 € (avance n°1)
40 000 € (vidéoclip n°1)
60 000 € (avance n°2)
70 000 € (vidéoclip n°2)
60 000 € (avance n°3)
40 000 € (vidéoclip n°3)
285 000 €
Si le premier single issu du dernier album rencontre enfin le succès et
se vend à 300 000 exemplaires, il est fort probable que le producteur
n’en gagnera pas un franc et les comptes du licencié resteront négatifs
compte tenu de l’importance des investissements réalisés.
Droits voisins
Les droits voisins revenant au producteur (copie privée, rémunération
équitable) sont généralement partagés par moitié avec le licencié.
Utilisations secondaires
À côté de l’utilisation primaire des enregistrements, c’est-à-dire leur
exploitation en tant que phonogramme, on distingue l’utilisation
secondaire, c’est-à-dire non initialement prévue par les parties et qui
couvre
essentiellement
la
synchronisation
audiovisuelle
(l’enregistrement devient musique d’une publicité ou d’un film). Le
contrat de licence n’autorise pas toujours le licencié à autoriser et
conclure de telles utilisations et, à défaut de l’autoriser, le contrat
l’interdit. Lorsque ce droit est concédé au licencié, il peut prendre une
forme exclusive ou non (la synchronisation elle-même étant toujours
non exclusive) et le contrat précise le partage des revenus qu’elle
pourrait générer. On trouve différentes proportions, le plus souvent
60/40 pour le licencié. Il faut préciser s’il s’agit de sommes nettes ou
brutes.
Enregistrements audiovisuels
Une vidéomusique est aujourd’hui indispensable pour assurer la
promotion d’un enregistrement. La marché des radios est en effet
devenu tellement pointu que, bien souvent, un nouvel enregistrement
qui ne correspond pas aux standards (souvent identiques) des FM n’a
aucune chance d’être connu du grand public s’il n’est diffusé en
télévision. C’est pourquoi tout producteur essaie d’obtenir par contrat la
garantie d’une vidéomusique produite ou coproduite par le licencié.
Le montage d’une telle coproduction passe par la valorisation des
apports respectifs entre la musique proprement dite ( la quote-part
son ) et l’image ( la part image ). On peut estimer qu’une valorisation de
la part son à 40% de la valeur totale du clip est acceptable pour le
producteur. Cette part fait à son tour l’objet d’un partage entre le
producteur et le licencié, le plus souvent sur une base 50/50 : chaque
partenaire détient ainsi la moitié de la part son évaluée à 40% de la
valeur totale du clip.
Le partage de la part image est effectué en fonction des apports des
parties ou des apports suscités par elles (par exemple des
subventions).
Droits de télédiffusion des vidéogrammes
Dès que les parts sont ainsi définies, les revenus sont partagés au
prorata des apports des producteurs, les revenus étant les sommes
encaissées en raison de la télédiffusion.
Exploitation commerciale sur support vidéographique
Il peut arriver que la vidéomusique soit exploitée et vendue dans les
circuits commerciaux à l’usage privé du public au même titre qu’un
disque. Dans cette hypothèse, les redevances versées par le licencié
sont calculées sur le prix de gros hors taxe de chaque exemplaire et le
taux est souvent supérieur au taux disque. Les abattements pochette
sont également applicables et évoluent entre 15 et 25%.
Nouvelles technologies :


1.- CD-ROM CDI
La redevance est, ici encore, différente des précédentes (20%)
et est calculée prorata temporis, c’est-à-dire en fonction de la
durée de la musique utilisée par rapport à la durée totale de la
musique du support. On tient compte également, comme dans
toute production audiovisuelle de la part son par rapport à la
part image.
2.-Supports informatiques, téléphoniques on line et/ ou
télématiques
La redevance et l’assiette de calcul n’ayant pas encore fait l’objet
de rémunération standard, elles sont négociées au cas par cas
entre les parties. C’est du moins l’hypothèse la plus favorable
pour le producteur qui doit, en général, s’abstenir de fixer une
rémunération sur des modes d’exploitation encore inconnus. En
ce qui concerne la musique on line , on sait qu’il est possible de
télécharger de nombreux enregistrements et de les fixer ensuite
sur un support matériel. Quels que soient les développements
futurs de ce nouveau mode d’achat, il est vraisemblable que les
artistes et producteurs pourront exiger dans l’avenir un taux de
redevance plus élevé car les frais inhérents à la distribution
traditionnelle (fabrication, stock, représentants, etc.)
disparaîtront.
Fin du contrat
À l’expiration du contrat, les licenciés disposent en général d’une
période de sell of d’une durée de 6 mois pour vendre sans exclusivité
les exemplaires restant en stock, sous réserve, bien entendu, de payer
les redevances dues. À l’issue de cette période, le droit d’exploitation
revient au producteur et le licencié est tenu de détruire les exemplaires
restant.
Litiges/Droit applicable et tribunaux compétents
Comme dit dans le chapitre consacré au contrat d’enregistrement
exclusif, cette clause est d’une importance capitale. Il est toutefois
exceptionnel qu’un licencié accepte une attribution de compétence à
des tribunaux éloignés.
Lettre d’intervention de l’artiste
Puisque les droits cédés par le producteur au licencié ont pour origine
les droits cédés par l’artiste au producteur, certains licenciés prennent
la précaution de conclure directement avec l’artiste une convention
appelée « lettre d’intervention » ou letter of inducement ou encore flowtrhrough clauses. Par ce document, l’artiste s’engage à conclure
directement un contrat avec le licencié au cas où le contrat entre luimême et le producteur prendrait fin pour une raison quelconque. Les
raisons les plus fréquentes sont la liquidation judiciaire ou la faillite du
producteur.
Téléchargement