LE CONTRAT DE LICENCE Quand un producteur indépendant a produit un ou plusieurs enregistrements avec l’artiste, il cherche évidemment à en assurer la commercialisation. Il pourrait fabriquer lui-même des exemplaires du disque et en assurer seul la promotion et la distribution auprès des magasins. Mais cette tâche suppose une infrastructure importante et des moyens financiers considérables si l’on veut toucher un large public. C’est pourquoi les producteurs s’adressent aux firmes de disques en concluant avec celles-ci des contrats de licence. Le contrat de licence est celui par lequel le propriétaire d’un enregistrement (le producteur) donne à un autre (le licencié) le droit de reproduire et de le commercialiser. Ce droit peut être exclusif ou non exclusif. Les parties au contrat sont donc le producteur et la maison de disques. L'artiste n'intervient pas directement dans le contrat de licence et n'en est pas signataire. Il n'est même pas tenu informé, la plupart du temps, des détails du contrat qui unit le producteur à la société licenciée. Toutefois, la maison de disque ne s'engage par rapport au producteur que parce qu'elle sait que l'artiste est lié à celui-ci par un contrat. Le producteur doit donc garantir au licencié qu'il possède tous les droits sur les enregistrements de l'artiste pour une durée au moins égale à celle qu'il cède au licencié. Le producteur cède ainsi au licencié le droit de commercialiser les enregistrements de l'artiste sous forme de phonogramme et de cassette, principalement. En échange de cette cession, le producteur recevra une royalty sur les exemplaires vendus. Comme dans le cas du contrat d'artiste, il recevra également une avance sur royalties de la part du licencié. CLAUSES ESSENTIELLES DU CONTRAT DE LICENCE Identification des parties au contrat On ne saurait trop insister sur la nécessité de s’informer complètement sur les personnes avec qui l’on contracte car, la plupart du temps, les contrats de licence sont conclus entre sociétés. En cas de doute -qui devrait être systématique- les avocats et les juristes sont habitués à se renseigner auprès des administrations compétentes pour connaître la solvabilité du partenaire pressenti. Objet du contrat La licence et ses limites contractuelles Le contrat de licence consiste en la concession, par le producteur au licencié, du droit de reproduire, fabriquer et communiquer au public l’enregistrement dont le producteur est propriétaire. La reproduction des enregistrements peut être concédée soit sur tous types de supports, soit sur phonogrammes uniquement. Dans le premier cas, le licencié pourra, par exemple, reproduire les enregistrements en vue de les synchroniser à des films ou des publicités; il pourra autoriser leur utilisation comme musique d’attente pour le téléphone ou la céder à des banques de sons sur le réseau Internet, voire même utiliser certaines parties de l’enregistrement dans d’autres (sampling). Aucune de ces utilisations ne sera possible, au contraire, si seule la reproduction sur « phonogramme » ou « disque du commerce » a été autorisée par le producteur. Enregistrements fermes et optionnels Les options Le contrat de licence exclusive concerne usuellement un ou plusieurs enregistrements fermes et d’autres enregistrements optionnels. Les enregistrements fermes sont ceux que la firme de disques s’engage à commercialiser; les enregistrements dits optionnels concernent ceux que la firme ne s’engage à exploiter que sous condition. La figure classique pour un artiste débutant consiste en une licence de 1 single ferme (support court) avec option sur un autre single et sur deux ou trois albums subséquents. La firme de disques limite ainsi les risques puisqu’elle ne s’engage formellement que pour un seul support; dans le même temps, elle s’assure l’exclusivité des enregistrements suivants au cas où, pour des raisons diverses (succès d’estime du premier single, succès commercial, artiste à développer, etc.) elle estimerait devoir continuer la collaboration avec celui-ci. On comprend que, pour un producteur, cette limitation des risques soit peu enthousiasmante car elle ne présente aucune sécurité pour l’avenir. La plupart des producteurs tentent donc par divers moyens d’exiger la licence ferme d’au moins un album. La tentative n’est évidemment envisageable que s’il existe au moins des maquettes des titres suivants. Mise en œuvre des options Les options concédées au licencié sont distinctes, successives, exclusives et irrévocables. Elles s’appliquent dès lors enregistrement par enregistrement, l’une à la suite de l’autre et sans possibilité pour le producteur de mettre le licencié en concurrence avec une autre firme plus généreuse. Il est évidemment essentiel de préciser dans les moindres détails le mécanisme de mise en œuvre des options, pour éviter de se trouver dans une situation floue où plus personne ne sait si les délais contractuels ont été ou non dépassés. Ceci suppose que les parties détaillent : 1.- le moment où les maquettes des nouveaux enregistrements doivent être remis au licencié : le producteur est tenu, en général, de fournir ces enregistrements démos dans un certain délai à compter de la commercialisation du support précédent. Il est toujours utile, pour éviter tout malentendu, de préciser qu’on se réfère ainsi à la « première commercialisation dans les circuits normaux de distribution » du support considéré, dans le territoire considéré; 2.- le délai dans lequel le licencié doit se prononcer : un délai de 30 jours ouvrables à compter de la remise des maquettes est usuel; 3.- la forme dans laquelle le licencié doit exercer son option : habituellement par lettre recommandée adressée au producteur; 4.- le sort des enregistrements optionnels lorsque l’option n’est pas exercée : chaque option étant successive, il est utile de prévoir ce qu’il advient, par exemple, de l’album optionnel 2 lorsque l’option sur l’album optionnel 1 n’a pas été levée; 5.- le délai dans lequel le support sur lequel l’option a été levée doit être commercialisé. Parfois, les contrats de licence ne concernent qu’un seul enregistrement sans aucune option. Il s’agit des contrats relatifs aux compilations. Ces contrats ne sont jamais exclusifs. La durée L’exclusivité consentie au licencié varie théoriquement de trois à cinq ans à compter de la sortie commerciale du dernier enregistrement lorsque le contrat porte sur des enregistrements fermes et optionnels. Le territoire Le droit de licence peut être concédé pour un certain territoire (la France), une partie du monde (les pays de l’Union européenne) ou le monde entier, au gré des parties. Il s’agit là d’une question d’ordre stratégique et financier. En général, on recommande aux producteurs de s’adresser à des licenciés différents pour trois raisons essentielles. D’une part, il est vraisemblable qu’en négociant avec différents pays, le cumul des avances sera, sauf exception, supérieur à l’avance mondiale que pourrait concéder un seul licencié, même important. D’autre part, la complication des réseaux créés par les majors dans le monde entier, la bureaucratie qu’elle entraîne, les conflits internes et internationaux, l’ignorance des marchés nationaux sont autant d’obstacles à une communication directe entre le producteur et le sous-licencié établi à l’étranger. Un directeur national d’une multinationale peut « craquer » personnellement pour un artiste sans qu’il y ait aucun enthousiasme chez son homologue étranger. Un producteur a dès lors plutôt intérêt à rechercher des licences locales et à réduire ainsi le territoire d’exploitation de chaque licencié. Enfin comme on le verra ci-dessous, les redevances générées à l’étranger font en général l’objet de sévères réductions lorsque le licencié initial sous-licencie lui-même. Les licenciés essaient, de leur côté, d’élargir ce territoire, surtout lorsqu’il s’agit de multinationales dont c’est l’essence même. Dans ce cas, la multinationale doit garantir la commercialisation dans les territoires qu’elle réclame. Une telle garantie étant souvent difficile à donner, la plupart des contrats de licence prévoient un mécanisme d’option exclusive à durée limitée par lequel le licencié bénéficie du premier droit de commercialiser l’enregistrement considéré et les enregistrements optionnels dans tels et tels territoires. Passé un délai contractuellement convenu, ce droit revient au producteur. Le licencié s’octroie souvent, à cette occasion, une participation sur les revenus de licence étrangère. Exploitation, publicité et promotion Exploitation L’objet du contrat de licence est la commercialisation. Le contrat de licence doit dès lors la garantir et en préciser le délai. La commercialisation ne peut être entendue que comme la mise à disposition dans le commerce d’exemplaires de l’enregistrement en vue de leur vente au public. Il ne peut s’agir ni de la seule fabrication d’exemplaires ni de la seule promotion de ceux-ci auprès d’un certain public sans passer par le commerce. Ainsi, le seul envoi de phonogrammes auprès de discothèques ne constitue pas une commercialisation puisqu’il n’y a pas de but direct de vente. Il faut préciser que la pratique s’éloigne sensiblement de ces définitions juridiques pour des raisons que l’on peut comprendre. En réalité, bon nombre de firmes de disques se contentent de faire fabriquer un certain nombre d’exemplaires, de l’envoyer à certains médias et d’attendre leurs réactions. En cas de réaction négative, l’enregistrement passe purement et simplement dans le compte de profits et pertes. Si la réaction est positive, la promotion commence, sans qu’il y ait toujours mise à disposition immédiate du phonogramme. Le risque de fabrication intensive n’est pris que lorsque la demande est assurée. Juridiquement, le licencié a l’obligation d’exploiter. Il s’agit là de l’objet même du contrat de licence. Lorsque, pour des raisons d’ordre interne, un licencié ne commercialise pas l’enregistrement, le producteur peut en principe exiger la résiliation du contrat et le paiement d’une indemnité. Dans la pratique, si le recours aux tribunaux est peu fréquent pour ce type de litige, il n’est pas rare qu’une indemnité contractuelle et forfaitaire soit négociée entre les parties. Publicité, promotion et marketing Dans une industrie où la concurrence fait rage, il est illusoire de penser que le seul lancement d’un disque auprès des médias assurera son succès. Il est tout aussi vain de penser, pour un producteur, que l’expression « le licencié assurera la promotion des enregistrements selon les usages de la profession » signifie quelque chose de concret. La promotion est pourtant l’élément essentiel de toute stratégie commerciale : non seulement auprès des radios FM, mais auprès des télévisions, de la presse, des discothèques, des représentants, du public enfin. Sans ces éléments, aucun disque n’a de chance, sauf exception, et il est de loin préférable de ne pas le commercialiser car il serait voué à un échec certain. Il faut en effet comprendre qu’une maison de disques qui commercialise un single sans investir les efforts nécessaires communique à tous les médias qu’elle ne croit pas au produit qu’elle lance. Pourquoi voudrait-elle alors que quelqu’un fasse quoi que ce soit ? Quelle garantie exiger ? Un investissement financier. Une firme de disques doit pouvoir garantir par contrat qu’elle investira un certain montant dans la promotion et le marketing du support commercialisé. Il peut s’agir d’un investissement dans un clip (devenu presque essentiel aujourd’hui quoi que personne n’ait jamais pu prouver que cela fasse vendre un disque), dans une campagne publicitaire radio, télé et/ou presse ou encore dans la PLV (publicité sur le lieu de vente). Redevances En contrepartie des droits d’exploitation des enregistrements qui lui sont cédés, le licencié verse au producteur une redevance négociable sur chaque exemplaire vendu. Base de la redevance Dans la plupart des pays européens à l’exception du Royaume-Uni, l’assiette de la redevance est constituée par le « prix de gros base B.I.E.M.», c’est-à-dire le prix utilisé pour le calcul des droits de reproduction mécanique, suite aux accords B.I.E.M./I.F.P.I. Ce prix comprend donc les abattements de -10% puis -9%. Taux de redevance dans le ou les territoires principaux S’il n’existe évidemment pas de taux « légal » puisque celui-ci est laissé à la négociation des parties, le taux de redevance applicable à une licence varie en général de 12 à 25% . Habituellement, le taux augmente en fonction du nombre d’exemplaires vendus, comme dans l’exemple ci-dessous : entre 1 et 50 000 exemplaires : 21% entre 50 001 et 100 000 exemplaires : 22% entre 100 001 et 200 000 exemplaires : 23% au-delà de 200 001 exemplaires : 24% La notion d’exemplaire se réfère le plus souvent à un album car il est de moins en moins courant d’accorder des taux graduels aux singles. Ceux-ci sont normalement comptabilisés, pour le franchissement des paliers, par des équivalences définies contractuellement, comme expliqué ci-dessous. Cette redevance comprend, comme on l’a dit, la redevance due à l’artiste (qui lui sera payée par le producteur) ainsi que, d’une manière générale, à tous les ayants droit ayant participé à l’enregistrement, à l’exception des auteurs compositeurs. Ceux-ci sont en effet payés séparément par le licencié, via les sociétés d’auteurs. Exportations Lorsque les phonogrammes sont vendus à l’étranger au départ du pays d’origine, le taux de la redevance subit généralement un abattement (30%) mais le prix de gros reste identique. Ventes à l’étranger Lorsque les ventes sont effectuées soit par un sous-licencié, soit par un affilié de la société licenciée, le taux de la redevance subit également un abattement. Les licenciés suggèrent en général une réduction de 50% du taux de base. Il est plus acceptable de limiter celui-ci à 25% pour les pays proches (Belgique et Suisse par exemple) et 40% pour les autres territoires. Cette redevance est soit calculée sur le prix de gros hors taxe du pays considéré, soit sur les 2/3 de la base sur laquelle la redevance est payée dans le cas où le licencié perçoit une redevance calculée sur le prix de détail. Best of Le best of est un moyen souvent utilisé par les firmes de disques pour relancer la carrière d’un artiste sur le déclin et réamorcer une promotion autour de son nom. Il est prudent de prévoir que le taux applicable à ce type d’album est le taux le plus haut atteint par celui dont le ou les titres proviennent lorsque le contrat contient des taux progressifs. Si tel n’est pas le cas, il faut alors convenir d’un taux progressif, spécialement prévu pour ce support et démarrant au taux de base du contrat. Ventes en série à prix réduit Par série budget , il est en général convenu d’entendre un phonogramme dont le prix de gros hors taxes est inférieur de 70% du prix de gros hors taxe de ce même phonogramme lors de sa première commercialisation. Cette dernière précision est importante dans la définition que donne le contrat des séries budget. Le taux de redevance subit un abattement (40% par exemple) sur le prix de gros. Il est important que le contrat exige l’accord préalable du producteur avant de telles ventes et interdise la commercialisation de tels supports avant un certain délai à compter de la première commercialisation. Ventes assorties d’une campagne de publicité payante Lorsque le licencié investit dans une campagne de publicité payante (radio, télévision, affichage), il répercute cet investissement sur les redevances dues au producteur. Cette répercussion varie selon le montant des investissements, un schéma classique étant par exemple une diminution de redevances de : 20% pour une campagne d’un montant compris entre 60 000 € et 90 000 € 30% pour une campagne d’un montant compris entre 90 000 € et 120 000 € 40% pour une campagne d’un montant supérieur à 120 000 € Dans ce type de clause qui constitue un véritable nid à conflits, presque chaque terme devrait être défini de manière précise, l’ensemble des réductions devant être soigneusement limité. Il faut d’abord savoir que, de manière générale, le montant de la campagne annoncé n’est pas le prix réellement payé par le licencié mais le montant de la valeur de la campagne. Il est courant, par exemple, qu’une major ne paie en réalité qu’un tiers de la valeur de la campagne, grâce aux accords de régie et qu’elle récupère ensuite ce dernier tiers par le biais de ristourne. En conséquence, il faut toujours tenter de négocier sur base des prix réellement facturés et payés et non sur base des valeurs de campagnes. La réduction des redevances doit ensuite être strictement circonscrite : dans le temps : on s’accorde en général à limiter la réduction à une période de 3 mois à dater du premier jour de la campagne; dans l’espace : seules les ventes effectuées dans le territoire de diffusion de la campagne seront soumis à réduction; par rapport aux supports : seuls les supports promotionnés feront l’objet de réduction. Il faut également régler le sort des supports vendus en dehors des circuits normaux de distribution et qui font déjà l’objet d’abattements de redevances (par exemples les ventes par correspondance). Sous peine de ne percevoir pratiquement rien sur ces dernières ventes, le producteur veillera à ne pas les soumettre aux réductions pour campagne de publicité payante. Ventes club et ventes par correspondance Si la vente par correspondance est encore peu développée en Europe par rapport aux États-Unis, de nombreux clubs proposent à leurs membres des disques et des livres qu’ils fabriquent eux-mêmes (Dial) ou qu’ils achètent au licencié (France Loisir). Lorsque le licencié accorde une sous-licence, il perçoit lui-même une redevance sur laquelle est calculée la redevance du producteur (autour des 40%). En cas de vente de phonogrammes sous forme de produits finis, la redevance producteur subit un abattement et il est usuel que le producteur perçoive 2/3 de la redevance initiale. La justification de l’abattement est basée sur le fait que les frais de marketing sont élevés et qu’il y a de nombreux mauvais payeurs qui commandent mais ne paient pas. Il est par ailleurs toujours prudent de préciser que ces réductions ne sont pas applicables si le club est un affilié du licencié... Ventes de singles et de mini-albums Un abattement de 10 à 15 % est appliqué à la redevance de base pour la vente de supports courts. Ventes spéciales Lorsque les ventes ont lieu en dehors des circuits traditionnels commerciaux (par exemple pour une utilisation éducative ou publicitaire) le taux de la redevance est réduit usuellement de moitié. Free goods ou bonus Les free goods sont les supports longs ou courts qui sont donnés par le licencié aux grossistes à titre promotionnel. Le grossiste qui commande, par exemple, 1 000 exemplaires n’est facturé que pour 850 seulement. Cette démarche commerciale peut avoir des conséquences financières importantes pour un producteur si les free goods sont donnés pour promotionner un autre enregistrement, ce qui est assez souvent le cas. On peut imaginer en effet que pour imposer un enregistrement nouveau, un licencié cède gratuitement à ses distributeurs une certaine quantité d’un album à succès que le grossiste va pouvoir revendre sans difficulté. S’il s’agit toujours du même support, les pertes pour le producteur peuvent alors s’avérer énormes. Il est donc toujours sain de limiter le nombre d’exemplaires free goods en précisant, par exemple, que le licencié ne pourra distribuer plus de 15% de phonogrammes à titre gratuit par rapport aux exemplaires vendus. Minidiscs et DCC Un abattement supplémentaire de 20% est appliqué à la redevance de base lorsque les enregistrements sont reproduits sur ce type de support. On justifie cet abattement du fait de la nouveauté de ces supports et de la promotion qu’une diminution de prix peut entraîner. Il est prudent de prévoir une limitation dans le temps de ce type d’abattement (par exemple pendant les 3 premières années de la commercialisation de la DCC) pour éviter de voir le taux réduit 15 ans après le lancement du produit. Les producteurs qui n’ont pas veillé à introduire cette limitation lors de l’introduction du CD à l’époque du vinyle subissent encore une réduction de 15 à 20% alors que le CD est devenu le format standard. Compilation Les compilations sont devenues une source de profit majeure pour l’industrie du disque. Pour les producteurs et artistes, il en va autrement. En principe, lorsque la compilation est réalisée par le licencié lui-même, la redevance de base ne varie pas mais est due « pro rata titulis » c’est-à-dire au prorata du nombre de titres du producteur figurant sur la compilation par rapport au nombre total de titres (1/12e, 1/14e, etc.). Au contraire, les compilations qui n’émanent pas du licencié et constituent donc une sous-licence subissent, quant au taux, un abattement variant de 15 à 30%. Il est judicieux pour un producteur de limiter le nombre de compilations autorisées ou, s’il le peut, de les interdire purement et simplement. D’abord, un artiste peut souhaiter ne pas se trouver sur telle ou telle compilation avec d’autres artistes; ensuite, si l’enregistrement est un succès et « tire » la compilation, il n’y a pas de raison que le producteur perçoive une redevance réduite par rapport à d’autres supports. Enfin et surtout, la présence de succès sur des compilations diminue très fortement les ventes d’albums. Cette restriction, très appliquée aux États-Unis, explique que l’on ne retrouve jamais certains artistes en compilations. Ventes hors des circuits normaux de distribution (kiosques, maisons de presses, bureaux de tabac, etc.)Un abattement de 20% est appliqué au taux de base, étant entendu que le prix de base considéré est le prix auquel le licencié vend les supports à ces circuits. Le chiffre d’affaires réalisé par les maisons de disques dans ce secteur est énorme. Le cumul des abattements Si les taux d’abattement pour les diverses ventes spéciales sont négociables, le producteur doit tenter d’obtenir également l’obligation de son accord préalable pour la commercialisation de tout support non traditionnel ou en dehors du circuit de vente traditionnel. Il s’agit à la fois d’une question stratégique par rapport à la carrière de l’artiste et d’une question financière. Stratégiquement, un producteur doit obtenir la garantie que son enregistrement sortira en produit « full price nouveauté » avant d’entrer dans toute autre catégorie de prix réduit, sous peine de voir déprécier son artiste. Financièrement, il est tout aussi essentiel d’interdire le cumul des abattements (par exemple cumul de l’abattement pour vente à prix réduit et de l’abattement pour campagne publicitaire) afin d’éviter une réduction dramatique des redevances. Calculs et paiement des redevances Établissement des décomptes La formule permettant de calculer les redevances revient à multiplier les quantités vendues par le taux de redevances et le prix de base. Les quantités vendues prises en considération sont les quantités facturées et non les exemplaires fournis gratuitement pour la promotion. Il convient de préciser, comme il a été dit plus haut, que la redevance s’applique à cent pour cent des ventes. Le prix de gros est le prix de gros hors taxes figurant au catalogue du licencié. Une réserve pour retour est ensuite appliquée qui est habituellement d’un montant équivalent à 15% des exemplaires vendus. Cette réserve est régularisée au semestre suivant. Les relevés sont habituellement arrêtés par semestre et payés dans les 3 à 4 mois au producteur. En principe, les relevés sont établis et envoyés tant que dure l’exploitation de l’enregistrement, c’est-à-dire, théoriquement, sans limitation de temps. Pour éviter des envois coûteux, beaucoup de licenciés prévoient un report de relevés lorsque les ventes du semestre considérés n’ont pas atteint un montant minimum. La détermination des paliers Lorsque les taux de redevance sont progressifs, il n’est pas toujours aisé de déterminer les exemplaires auxquels ils s’appliquent en raison notamment des provisions pour retour. Il faudrait en principe connaître le moment exact de la vente pour savoir quand on passe au palier supérieur. Peu de licenciés appliquent rigoureusement cette méthode, très coûteuse en temps. En outre, la plupart des contrats de licence prennent comme unité de référence l’album et introduisent la notion d’exemplaire équivalent pour convertir la vente d’un single en un demi ou un quart d’album selon la formule suivante : « un CD = une cassette = une cassette audionumérique = un vidéodisque = une vidéocassette = 4 maxi = 4 CD single = 2 mini albums » Ceci signifie que, pour le franchissement des paliers, quatre singles ou deux mini albums valent un album. Les réclamations Certains contrats stipulent qu’à défaut d’avoir réclamé dans un certain délai à compter de la transmission des relevés, ceux-ci sont réputés corrects et ne peuvent plus faire l’objet de rectification. La clause n’est pas illégale mais ne couvre évidemment pas le « dol » c’est-à-dire la fraude intentionnelle contre laquelle une action reste toujours possible. Avances Le montant de l’avance Le montant de l’avance dépend de la négociation, de la situation des parties et du territoire concédé. Pour un premier single, l’avance accordée en France par les majors tourne usuellement autour des 7500€, et 45000€ pour un premier album, avec toutes les exceptions qui confirment la règle. Généralement, l’avance des albums suivants et optionnels n’est pas déterminée en chiffres mais en pourcentage (par exemple 60%) des redevances versées au titre de l’exploitation de l’album précédent jusqu’au dernier décompte semestriel précédent la levée de l’option sans toutefois pouvoir être inférieure à un montant déterminé (par exemple 60000€). Le paiement de l’avance L’avance est généralement payée pour moitié à la signature du contrat et pour moitié à la remise des bandes. La récupération de l’avance L’avance est dite récupérable mais non remboursable de sorte qu’en cas d’échec commercial, le producteur n’a pas à la rembourser. Le contrat doit cependant préciser sur quels revenus l’avance peut être récupérée. Dans une situation idéale, la récupération ne peut porter que sur les redevances générées par la vente du support pour lequel elle a été concédée. Ainsi, une avance de 45000€ pour un album n°2 ne pourrait être récupérée sur les ventes de l’album n°3. Il en va toutefois rarement ainsi et la plupart des avances sont dites « crosslatéralisables ». La « cross-latéralisation » des avances a entraîné de nombreux producteurs et artistes dans des situations financières catastrophiques alors même qu’ils connaissaient le succès. Un exemple suffit à le comprendre. Imaginons un contrat de licence pour un album ferme et trois albums optionnels. Le licencié garantit par contrat une avance de 65000€ pour le premier album, 60000€ pour le second et un minimum de 60000€ pour le troisième. Le contrat garantit en outre un minimum d’un vidéoclip d’une valeur de 40000€ par album . Le premier album rencontre un succès d’estime et le deuxième est un échec commercial. Si le licencié décide de lever l’option (parce qu’il estime, malgré les échecs, que l’artiste va finir par s’imposer ou parce que sa nouvelle fiancée l’adore) les sommes à récupérer sont les suivantes : 45 000 € (avance n°1) 40 000 € (vidéoclip n°1) 60 000 € (avance n°2) 70 000 € (vidéoclip n°2) 60 000 € (avance n°3) 40 000 € (vidéoclip n°3) 285 000 € Si le premier single issu du dernier album rencontre enfin le succès et se vend à 300 000 exemplaires, il est fort probable que le producteur n’en gagnera pas un franc et les comptes du licencié resteront négatifs compte tenu de l’importance des investissements réalisés. Droits voisins Les droits voisins revenant au producteur (copie privée, rémunération équitable) sont généralement partagés par moitié avec le licencié. Utilisations secondaires À côté de l’utilisation primaire des enregistrements, c’est-à-dire leur exploitation en tant que phonogramme, on distingue l’utilisation secondaire, c’est-à-dire non initialement prévue par les parties et qui couvre essentiellement la synchronisation audiovisuelle (l’enregistrement devient musique d’une publicité ou d’un film). Le contrat de licence n’autorise pas toujours le licencié à autoriser et conclure de telles utilisations et, à défaut de l’autoriser, le contrat l’interdit. Lorsque ce droit est concédé au licencié, il peut prendre une forme exclusive ou non (la synchronisation elle-même étant toujours non exclusive) et le contrat précise le partage des revenus qu’elle pourrait générer. On trouve différentes proportions, le plus souvent 60/40 pour le licencié. Il faut préciser s’il s’agit de sommes nettes ou brutes. Enregistrements audiovisuels Une vidéomusique est aujourd’hui indispensable pour assurer la promotion d’un enregistrement. La marché des radios est en effet devenu tellement pointu que, bien souvent, un nouvel enregistrement qui ne correspond pas aux standards (souvent identiques) des FM n’a aucune chance d’être connu du grand public s’il n’est diffusé en télévision. C’est pourquoi tout producteur essaie d’obtenir par contrat la garantie d’une vidéomusique produite ou coproduite par le licencié. Le montage d’une telle coproduction passe par la valorisation des apports respectifs entre la musique proprement dite ( la quote-part son ) et l’image ( la part image ). On peut estimer qu’une valorisation de la part son à 40% de la valeur totale du clip est acceptable pour le producteur. Cette part fait à son tour l’objet d’un partage entre le producteur et le licencié, le plus souvent sur une base 50/50 : chaque partenaire détient ainsi la moitié de la part son évaluée à 40% de la valeur totale du clip. Le partage de la part image est effectué en fonction des apports des parties ou des apports suscités par elles (par exemple des subventions). Droits de télédiffusion des vidéogrammes Dès que les parts sont ainsi définies, les revenus sont partagés au prorata des apports des producteurs, les revenus étant les sommes encaissées en raison de la télédiffusion. Exploitation commerciale sur support vidéographique Il peut arriver que la vidéomusique soit exploitée et vendue dans les circuits commerciaux à l’usage privé du public au même titre qu’un disque. Dans cette hypothèse, les redevances versées par le licencié sont calculées sur le prix de gros hors taxe de chaque exemplaire et le taux est souvent supérieur au taux disque. Les abattements pochette sont également applicables et évoluent entre 15 et 25%. Nouvelles technologies : 1.- CD-ROM CDI La redevance est, ici encore, différente des précédentes (20%) et est calculée prorata temporis, c’est-à-dire en fonction de la durée de la musique utilisée par rapport à la durée totale de la musique du support. On tient compte également, comme dans toute production audiovisuelle de la part son par rapport à la part image. 2.-Supports informatiques, téléphoniques on line et/ ou télématiques La redevance et l’assiette de calcul n’ayant pas encore fait l’objet de rémunération standard, elles sont négociées au cas par cas entre les parties. C’est du moins l’hypothèse la plus favorable pour le producteur qui doit, en général, s’abstenir de fixer une rémunération sur des modes d’exploitation encore inconnus. En ce qui concerne la musique on line , on sait qu’il est possible de télécharger de nombreux enregistrements et de les fixer ensuite sur un support matériel. Quels que soient les développements futurs de ce nouveau mode d’achat, il est vraisemblable que les artistes et producteurs pourront exiger dans l’avenir un taux de redevance plus élevé car les frais inhérents à la distribution traditionnelle (fabrication, stock, représentants, etc.) disparaîtront. Fin du contrat À l’expiration du contrat, les licenciés disposent en général d’une période de sell of d’une durée de 6 mois pour vendre sans exclusivité les exemplaires restant en stock, sous réserve, bien entendu, de payer les redevances dues. À l’issue de cette période, le droit d’exploitation revient au producteur et le licencié est tenu de détruire les exemplaires restant. Litiges/Droit applicable et tribunaux compétents Comme dit dans le chapitre consacré au contrat d’enregistrement exclusif, cette clause est d’une importance capitale. Il est toutefois exceptionnel qu’un licencié accepte une attribution de compétence à des tribunaux éloignés. Lettre d’intervention de l’artiste Puisque les droits cédés par le producteur au licencié ont pour origine les droits cédés par l’artiste au producteur, certains licenciés prennent la précaution de conclure directement avec l’artiste une convention appelée « lettre d’intervention » ou letter of inducement ou encore flowtrhrough clauses. Par ce document, l’artiste s’engage à conclure directement un contrat avec le licencié au cas où le contrat entre luimême et le producteur prendrait fin pour une raison quelconque. Les raisons les plus fréquentes sont la liquidation judiciaire ou la faillite du producteur.