acp

publicité
Professeur Henri BOON (UMH)
L’approche centrée sur la personne ( A.C.P)
et l’approche psycho-éducationnelle des familles de schizophrénes ou
psychotiques.
L’APPROCHE CENTREE SUR LA PERSONNE
La relation médecin-malade est une rencontre spécifique, interactive, momentanée et
localisée, à propos d’offre(s) symptomatique(s) avec demande(s) de soutien et/ou de guérison.
Il devrait, en effet, s’agir d’un dialogue interactif explicite ou non et qui demande réponse(s)
Cette réponse peut-être l’acceptation ou le refus de prise en charge.
Il existe aussi de nombreuses possibilités d’approche relationnelle (approche directive, non
directive) a la base de stratégies thérapeutiques, toutes aussi diverses (cognitivocomportementales, psychodynamiques, systémiques,…)
Ces différentes approches s’inspirent, le plus souvent, du modèle paternaliste basé sur le
principe de bienveillance ou sur le modèle autonomiste basé sur le principe de liberté.
Toutes les nuances existent entre le modèle paternaliste strict et le modèle autonomiste total.
Quoi qu’il en soit le socle de la rencontre, pour quelque stratégie que se soit, est l’alliance ;
qui déjà en soi est quelque peu thérapeutique.
Sans exclusive aucune, nous proposons dans les pages qui suivent d’expliciter les possibilités
et l’utilité de l’approche centrée sur la personne encore appelée relation d’aide ou counselling,
et de la psychoéducation des familles de schizophrènes ou psychotiques.
LES FONDEMENTS
L’A.C.P. a comme fondement psycho-biologique ce que l’on appelle la «tendance
actualisante » qui montre que tout organisme, quel qu’il soit, du plus élémentaire au plus
complexe, possède une tendance innée au développement.
Ce concept a été repris, il y a quelques années par de nombreux psychologues du
développement et notamment par le professeur CYRULNIK, bien connu pour ses travaux
d’éthologie psychiatrique, sous le nom de résilience.
Il a montré qu’un grand nombre de personnes (organismes) possédaient une capacité, après un
traumatisme, à reprendre le cours de la croissance, du développement, de l’émergence dans
une nouvelle direction. Il s’agirait, en fait, d’un point de vue éthologique de l’expression de
la tendance actualisante.
Tendance actualisante et résilience sont le lit de la relation d’écoute et de l’approche centrée
sur la personne. Carl ROGERS, le père de la relation d’aide, émettait, comme hypothèse
centrale à la base de cette approche clinique, que «chaque individu a en lui les capacités
considérables de se comprendre, de changer l’idée qu'il a de lui-même, ses attitudes et sa
manière de se conduire ; il peut puiser dans ses ressources, pourvu que lui soit assuré un
climat d’attitudes psychologiques facilitatrices que l’on peut déterminer »
Cette hypothèse centrale, qui est donc à la base de l’A.C.P., va se traduire par un climat
interpersonnel, des attitudes et des techniques spécifiques.
CONCEPTS DE BASE
La congruence, l’empathie et le regard positif inconditionnel sont les concepts de base de
l’A.C.P.
La CONGRUENCE OU AUTHENTICITE est, d’après ROGERS, la première des trois conditions
pour favoriser un changement thérapeutique… « Ceci veut dire que le ou la thérapeute ne
refuse pas de considérer les sentiments qui coulent en lui sur le moment et qu’il est disposé à
exprimer et à être ouvert à n’importe quel sentiment persistant qui existe dans la relation, cela
veut dire éviter la tentation de se cacher derrière un masque de professionnalisme »
(ROGERS et COL. : 1985)
Le REGARD POSITIF INCONDITIONNEL signifie acceptation relative et momentanée mais non
approbation. «Laisser le client avoir le sentiment qu’il est en train de vivre quel qu’il soit :
confusion, ressentiment, peur, colère, courage, amour ou orgueil » …
Lorsque le thérapeute accepte le client, d’une manière totale plutôt que conditionnelle, un
mouvement en avant est probable » (ROGERS 1986).
L’EMPATHIE est le fait que «le thérapeute entre dans le monde sentiment et signification
personnelle, que le client est en train d’expérimenter et communique cette compréhension
acceptante au client. » (ROGERS 1975)
L’empathie est compréhension du vécu. Il ne s’agit pas de se mettre à la place du patient,
mais de pénétrer le sens qu’a le vécu pour celui-ci.
Autrement dit, il s’agit d’être attentif au vécu, moins au fait.
LES ATTITUDES DE BASE EN A.C.P.
Il existe quelques attitudes de base indispensables : ce sont, principalement, la présence,
l’écoute, la compréhension empathique, l’attitude expérientielle et le respect. Etre bien là
et accompagner de manière globale le patient dans une relation de partenariat qu’on peut
appeler de co-présence. Percevoir de manière explicite ou non l’offre d’une part, et la
demande d’autre part. Montrer que les propos ont été entendus et compris sans a priori ni
jugement et sans conclusion hâtive. Eliminer à tout prix la rage de conclure.
LES TECHNIQUES DE BASE
L’écoute attentive, encore parfois appelé écoute non verbale, consiste à faire percevoir au
patient l’intérêt et l’attention que l’on porte à son vécu. Le contact oculaire, la posture, la
distance physique adéquate, les gestes et l’expression faciale sont ici déterminants. Tout ceci
doit mener à une «posture d’implication, attitude détendue, attentive. »
L’écoute compréhensive utilise la relance et le reflet. Invitation, encouragement, questions
ouvertes et silences attentifs permettent au patient de s’exprimer de plus en plus librement.
La reformulation, le reflet des sentiments et le résumé rassurent, éclaircissent et relancent à
chaque fois le dialogue
L’APPROCHE FAMILIALE
Il va de soi que cette approche n’est plus exclusivement centrée sur la personne mais bien
focalisée sur les groupes de famille. Toutes les études ont montré que ces approches
réduisent, de façon considérable, les taux de rechutes, les réhospitalisations et les coûts, en
améliorant l’observance thérapeutique.
Dans cette approche familiale l’alliance, effectivement alliance motivante et thérapeutique, est
alors le fait que plusieurs personnes se joignent afin de poursuivre le même but ou les mêmes
intérêts, afin d’adopter les mêmes attitudes, les mêmes comportements. Elle est du côté de la
constitution d’un lien et d’une lecture commune d’une situation. (J.J. MARY, D. STREINER)
L’alliance thérapeutique est une propriété de la relation médecin– malade.
Il s’agit, en fait, d’engager un dialogue de manière à entendre, non seulement les patients,
mais aussi leurs familles, ce qui permet souvent d’écarter une certaine méfiance réciproque.
Dans l’approche centrée sur le patient et les familles il s’agit d’écouter, de soutenir, d’aider et
le patient, et sa famille.
Entendre la souffrance exprimée, et du patient et de la famille, est indispensable.
De très nombreuses approches ont été mises au point, thérapie familiale systémique
d’orientation stratégique, structurale, contextuelle, constructiviste, thérapie familiale
d’orientation analytique, approche de la famille sur un mode éducatif. Programme de
Liebermann, thérapie mono-familiale comportementale (LEFF, FALLOON, HOGARTY, ),
ou encore, thérapie multi-familiale (Mac FARLANE) Tous ces modèles apportent de l’eau au
moulin, mais aucun de ceux-ci n’a de prérogative. Il existe, d’ailleurs, dans la pratique de très
nombreux alliages efficients et efficaces.
L’approche psycho-éducationnelle basée sur les principes de la relation d’aide privilégie la
souffrance émotionnelle des familles comme cible à réduire. Ecouter, comprendre et
informer les familles, sans plus.
Toutes les études ont montré que les interventions psycho-éducatives auprès des familles
diminuaient :
le taux de rechutes des patients
la durée des hospitalisations
La désintégration
facilitait la compliance aux médicaments
facilitait la sortie des patients.
Définition de la psycho-éducation
GOLDMAN – 1988, définit la psycho-éducation comme « l’éducation et la formation d’une
personne souffrant d’un trouble psychiatrique, dans des domaines qui servent des objectifs de
traitement et de réadaptation (l’acceptation de la maladie, la coopération active au traitement
et à la réadaptation, l’acquisition d’habilité compensant les déficiences liées aux troubles
psychiatriques) La psycho-éducation s’applique, tant au patient qu’à la famille.
Elle s’est fortement diversifiée et présente différentes formes (mono et/ou multi) comme nous
l’avons vu plus haut et a pris, également, des orientations différentes, une à visée éducative,
une autre à visée thérapeutique.
Outre ces dimensions et ces formes, l’approche psycho-éducative familiale comporte une
dimension pédagogique ou rôle d’information, une dimension psychologique avec révélation
du diagnostic, soulageant du fardeau émotionnel et travail de deuil liés aux pertes que
provoque la maladie, et une dimension comportementale avec utilisation d’outils, à la fois
pédagogiques et/ou thérapeutiques.
Au départ de chaque intervention se situe l’évaluation des besoins ensuite, l’information
claire et explicite sur base des connaissances scientifiques et, enfin, la mise en pratique de
toutes ces données. Les thèmes abordés dans la dimension pédagogique sont :
la nature de la maladie
les causes de la maladie
les symptômes de la maladie
les traitements médicamenteux
les approches psychothérapeutiques et psychosociales
la prévention des rechutes
l’importance de l’intervention familiale
les conseils pratiques pour mieux vivre avec la maladie
les services d’aide existants
Au niveau psychologique s’impose la révélation du diagnostic à proposer très
progressivement, en tenant compte de la reconnaissance du phénomène et de l’expérience
subjectives, de l’identification des symptômes, de la proposition d’un diagnostic et d’une
proposition d’un traitement avec renforcement de l’espérance.
Le soulagement du fardeau émotionnel est vraisemblablement le point le plus important pour
les familles. Le caractère récidivant de la maladie, les symptômes négatifs persistants, la
pauvreté du dialogue, le manque de motivation, l’absence d’intérêt et d’hygiène sont souvent
très redoutables pour les familles. A cela s’ajoute la méconnaissance ou le refus de la nature
même de la maladie avec, incompréhension de l’environnement, rapports difficiles,
problèmes financiers et vie sociale affaiblie ; tout ceci entraîne méfiance, hostilité, agressivité,
dépressivité, frustration, désespoir, voilés ou non.
Les groupes de familles prennent ici toute leur importance. Tant le patient que la famille
devront apprendre à faire face à une série de pertes tant économiques que sociales, mais aussi
personnelles. La vie ne sera jamais plus comme avant et un grand nombre d’espérances
seront détruites à jamais. Bien qu’accepter ne soit pas renoncer, ce travail de deuil est
absolument nécessaire.
Enfin, sur le plan comportemental, certaines habilités devront être enseignées. Habilités de
communication, habilités de résolution de problèmes sont parmi les principales habilités à
acquérir. A cela s’ajoutent, des habilités à établir des limites, des habilités à développer un
sentiment d’estime de soi et de confiance personnelle, les habilités à développer les attentes
réalistes, des habilités à recouvrir à l’aide nécessaire, des habilités à développer et à maintenir
un réseau de soutien social. Toutes les rencontres feront l’objet d’évaluation, des exercices
pratiques seront réalisés en séance mais aussi des lectures suggérées.
BIBLIOGRAPHIE
ALBERTI, R.E et EMMONS, M.L. (1978). « Affirmez-vous
: Petit guide d’entraînement aux
aptitudes sociales », (Trad. W. Pilon et al.) St-Hyacinthe, Québec, Edisem.
ANDERSON, C.M.; HOGARTY, G. et REISS, D.J. (1980).
“Family treatment of adult schizophrenic
patients : A psychoeducational approach”, Schizophrenia Bulletin, vol. 6, p. 490-505.
CHAMBON, O. et
al. (1998 a). « La prise en charge familiale comportementale des patients
schizophrènes », synapse, n) 147, p. 45-50 (1998 b) Adaptation française du module Prise en
Charge Familiale Comportementale des patients schizophrènes de R.P. Liberman », journal de
thérapie Comportementale et Cognitive, vol. 8, n° 2, p. 50-58.
CHAMBON, O et MARIE-CARDINE, M. (1992).
« La réadaptation sociale des psychotiques
chroniques, approche cognitivo-comportementale », paris, PUF, Nodules.
DELEU, G. et LALONDE, P. (à
paraître) « Thérapie Psychoéducative » dans P. Lalonde et J.
Aubut (dir.), Psychiatrie clinique : approche bio-psycho-sociale, 3e éd., Montréal, Gaëtan
Morin Editeur.
GOLDMAN, C.R. et QUINN, F.L. (1988).
« Toward a definition of psychoeducation », Hospital an
community psychiatriy, vol. 39, n° 6, p. 666-668.
HOGARTY, G.; ANDERSON, C. et REISS, D. (1991). “Family psychoeducation,
social skills
training, and maintenance chemotherapy in the after care tratment of schizophrenia.
II. two-years effects of a controlled study on relapse and ajustment” archives of General
psychiatry, vol. 48, p.340-347.
LALONDE, P. (1994).
« Le rôle du psychiatre dans la réadaptation de la schizophrénie »,
synapse, n° 104, p. 67-75.
LEFF, J. et VAIGHIN, C. (1985).
« Expresses Emotions in families”, Mlondon, The
Guilfordpresse.
LIBERMAN, R.P.; DERSI, W.J.; MUESER, K.T. (1989).
patients”, New York, Pergamon Press
“Social Skills Training for Psychiatric
Téléchargement