Raphaël Naville Léo Ribier Cours du lundi 25 octobre 2010 IMMUNITE INNEE R. Krzysiek 1. INTRODUCTION Il y a encore quelques années on portait peu d’attention à l’immunité innée qui était alors considérée comme étant une immunité primitive, non spécifique et commune à beaucoup d’autres espèces. Pourquoi porte-t-on aujourd’hui de plus en plus d’intérêt pour l’immunité innée ? Au début des années 1960, on pensait que les lymphocytes B étaient activés par la simple reconnaissance d’un corps étranger. Vers 1969, on a découvert que le LB a besoin d’une cellule T CD4 help pour être activé. En 1975, découverte d’une cellule en amont de la cellule T help, la cellule présentatrice d’antigène (CPA). Enfin, plus récemment, on a compris qu’il existait une maturation des cellules dendritiques par des signaux de danger, pouvant être soit des signaux provenant de l’agent infectieux, soit des signaux « self » provenant des cellules « stressées » de l’organisme (les signaux d’origine exogène stimulent tout de même mieux les CPA que les signaux d’origine endogène). Avant on pensait que le système immunitaire était activé par tout ce qui était du non-soi, mais en réalité il est plutôt activé par les signaux de danger, quelle que soient leur origine (soi ou non-soi). 2. SYSTEME IMMUNITAIRE INNEE L’immunité innée intervient au cours des 1ères heures de l’exposition à un pathogène. Sachant qu’il faut 7 jours à l’immunité adaptative pour se mettre en place, l’immunité innée joue un rôle primordial au début de la primo-infection. Sans celle-ci, nous ne pourrions survivre à des virus comme la grippe qui peuvent tuer en moins de 7 jours. 1 Comparaison entre systèmes immunitaires inné et adaptatif Immunité Innée • Les pathogènes sont reconnus par des récepteurs, les PRRs (Pattern Recognition Receptor). Immunité Adaptative • Les pathogènes sont reconnus par des récepteurs clonotypiques et spécifiques BCR ou TCR qui sont dépendants d’enzymes : RAG-1 et 2 pour leur production par réarrangement génique • Les motifs reconnus sont des • Les récepteurs reconnaissent de motifs caractéristiques des façon spécifique un épitope pathogènes les PAMPs (PathogenAssociated Molecular Pattern). Ces motifs exprimés par les pathogènes sont totalement absents de notre organisme et en général très peu différents d’un pathogène a l’autre. • On parle aussi de DAMPs (Damage-Associated Molecular Pattern), motifs associés aux cellules stressées ou abîmées. • Les PRRs ont un spectre • Les récepteurs sont hautement d’action très large, un PRR spécifiques vis-à-vis d’un épitope pouvant reconnaître une dizaine de donné, et leur affinite pour le ligand PAMPs. Cependant l’affinité du est très forte. récepteur pour son ligand est faible de fixation • Réponse immédiate, même pour • Réponse lente 5 à 7 jours les infections auxquelles le sujet n’a jamais été exposé. • Pas de réponse mémoire • Réponse mémoire présente pour une réponse plus rapide a une réexposition. De plus les PRR de l’immunité innée peuvent avoir une localisation extracellulaire ou intracellulaire, tandis que les récepteurs clonotypiques ne se trouvent qu’à l’extérieur des cellules. Selon certains, cette immunité innée est la plus importante (bien qu’elle fut délaissée pendant des années au dépend de l’immunité adaptative). On remarque d’ailleurs son origine très ancienne, et sa faible évolution au sein des espèces, ce qui atteste de son efficacité (indispensable à la survie). 2 3. PATTERN-RECOGNITION RECEPTORS Seulement 4 familles de PRR sont décrites aujourd’hui : - TLR (Toll-like Receptor) large spectre de microbes - NLR (Nod-like Receptor) bactéries - RLR (RIG-like Receptor) virus - CLR (C-type Lectin Receptor) champignons, bactéries, virus Ces récepteurs utilisent seulement 7 domaines structuraux différents (LRR, TIR, NBS, CARD, PYD, hélicase, CTL) A. Toll-like Receptors On peut observer des homologies de séquences le domaine intracellulaire des TLR de la drosophile avec celui des hommes, mais aussi des plantes (protéine N) mais aussi avec le récepteur à l’interleukine IL-1 (IL-1R) qui est une cytokine pro-inflammatoire. Le fait qu’on retrouve ces TLR dans des espèces aussi différentes que les mammifères, les insectes et les plantes montrent que le système des TLR est très ancien et qu’il a été conservé (efficacité +++). La partie intracellulaire du TLR est appelé domaine TIR (Toll-IL-1 Receptor). Les TLR sont fortement exprimés par les cellules dendritiques, mais ils ne sont pas réservés uniquement aux CPA, on les retrouve aussi chez les lymphocytes par exemple (rôle encore mal connu). Ils induisent la production de cytokines pro-inflammatoires : IL-1, IL-6, TNFα, IL-12, IL-17, IL-18, IL-23, … et des interférons de type 1 3 Ce sont les 1ers indicateurs de l’infection du corps par une bactérie, un virus, un champignon ou un protozoaire. Les TLR possèdent de très nombreux ligands identifiés (on en découvre de nouveaux chaque année). Exemples : TLR4 qui reconnait entre autres les LPS (lipopolysaccharides) très présents chez les bactéries Gram (-) TLR9 qui reconnait des séquences particulières de l’ADN (sites CpG), notamment présentes dans l’ADN bactérien. Ce récepteur est impliqué dans certaines maladies auto-immunes graves comme le lupus érythémateux. PAMPs et DAMPs Les PAMPs sont des dérivés des pathogènes : - ils sont caractéristiques des micro-organismes mais ils sont absents des cellules de l’hôte - ils sont communs à de nombreuses espèces de micro-organismes pathogènes, ce qui compense le nombre limité de PRR par rapport à l’énorme diversité des pathogènes - Les molécules constituant les PAMPs sont indispensables pour le fonctionnement des micro-organismes, ce qui limite l’apparition de souches résistantes par mutation Les DAMPs (Damaged-Associated Molecular Pattern) sont des produits dérivés des cellules du soi en d’autres mots ce sont des auto-antigènes. Ce sont des signaux de danger provenant de l’organisme et non du pathogène. La protéine HMGB1 (High Mobility Group B1 protein) fixant l’ADN est considérée comme un adjuvant naturel du système immunitaire inné. Elle est facilement détectable par la CPA et associée au signal de danger déclenchant ainsi la réponse immunitaire. En effet elle est sécrétée par les cellules mourant par nécrose (danger) et non par celles mourant par apoptose. Les récepteurs de la protéine HMGB1 sont RAGE, TLR2 et TLR4. Cette protéine de danger pourra être utilisée comme marqueur de l’inflammation dans des maladies comme la Sclérose en Plaque (SEP). 4 Les DAMPs peuvent être : - des défensines des produits derivés de l’ATP de l’acide urique des protéines de choc thermique (HSP) Dans l’apoptose, il n’ya aucune réponse inflammatoire visible car aucun signal de danger de type DAMP n’est détecté (« c’est ni viii ni connu »). Par contre dans la nécrose, phénomène généralement associé à un stress cellulaire, une infection virale, ou une cellule tumorale, les cellules vont produire des signaux de danger DAMPs (acide urique par ex) et dans ces cas on observe effectivement une réponse inflammatoire. Les sels d’aluminium (alun) sont utilisés comme adjuvant dans certains vaccins pour déclencher les réponses immunitaires. En effet, ces sels vont induire la production d’acide urique et ainsi stimuler les CPA. Expression des TLR Les TLR s’expriment dans 2 compartiments différents : TLR transmembranaires : 1-2-4-5-6-10 et 11 TLR intracellulaires : 3-7 et 9. Ces TLR sont contenus dans des vésicules endosomiales (phagolysosomes par ex) et interviennent dans la défense contre les pathogènes intracellulaires comme les virus. TLR2 est impliqué dans la tolérance immunitaire, c’est donc un cas particulier parmi les TLR. Une fois que le TLR a reconnu son antigène (PAMP) il faut qu’il y ait transduction du signal. Signalisation des TLR Plusieurs voies de signalisation pourront intervenir dont : Voie du facteur NF-κB qui est un facteur de transcription nucléaire et activée par tous les TLR. Cette voie entraine l’activation de l’expression de plus de 1000 gènes impliqués dans la réponse inflammatoire (+++). C’est le facteur de transcription pro-inflammatoire par excellence. Voie des MAP kinases associée à la prolifération et la différenciation cellulaire. 5 Des protéines kinases IRAK (Interleukin-1 Receptor-Associated Kinase) interviennent dans les cascades de signalisation impliquant les TLR. Certains patients ont des problèmes d’expression du gène IRAK. On s’est rendu compte que les patients IRAK-4 déficient, présentaient des problèmes infectieux graves causés par des bactéries Gram (+) comme les streptocoques (S. pneumoniae) et les staphylocoques (S. aureus). Cette déficience de la réponse antibactérienne s’observait chez 50% des patients. Par contre chez ces mêmes patients les mécanismes de réponses antivirales étaient conservés. Dans une expérience on stimule les CPA de patients déficients IRAK-4, par différents pathogènes viraux et on regarde la production des IFN-α, cytokine synthétisée +++ dans les infections virales. Tous ces patients produisent des quantités ~ normales de IFN-α, sauf pour 2 virus : celui des oreillons (Mumps) et CVB1. - Autre voie impliquée IRF (Interferon Regulatory Factor) Les TLR ont des possibilités de dimérisation, ce qui permet une différenciation des voies de signalisation et donc une diversité des réponses. TLR et pathologies chez l’homme ▪ Plusieurs polymorphismes du gène TLR4 ont été associés à la survenue de chocs septiques, d’infections postopératoires à bacilles Gram (-). ▪ En pédiatrie, des polymorphismes du gène TLR4 ont été identifiés comme facteurs de risque de survenue de méningococcémies, de bronchiolites sévères à virus respiratoire syncytial (VRS) chez les enfants de moins de 2 ans. ▪ Un polymorphisme du gène du récepteur TLR5, qui crée un codon stop, a été associé à la survenue de légionellose grave. Les ligands des TLR, de nouveaux outils thérapeutiques ! Il existe des molécules qui miment l’action des ligands des TLR, on les utilise comme adujvants stimulant la réponse immunitaire (RI) ▪ Exemple de l’imiquimod, médicament d’origine synthétique agoniste des TLR7/8 (=> activité anti-virale puissante) utilisé sous forme de pommade dans le traitement de certains cancers de la peau. 6 ▪ De même on a constaté, que lorsqu’on stimulait les TLR9 par leur ligand qui sont les séquences d’ADN CpG hypométhylées, le système développait une réponse importante de type Th1 ! ▪ Actuellement, on teste les ligands des TLR9 afin de guérir les hépatites C. B. C-type Lectin Receptors (CLR) La lectine est un récepteur ayant pour ligand un sucre, or les champignons possèdent des modifications glycosidiques atypiques. Exemple : DC-SIGN (Dendritic cell (DC)-Specific intercellular adhesion molecule 3 (ICAM-3)-Grabbing Non-integrin) Il s’agit également d’un PRR. C’est un récepteur à large spectre de reconnaissance d’antigènes pathogéniques comme les VIH ½ via la gp120, les virus Ebola, la Leishmania pifanoi, le Cytomégalovirus, les virus E1/E2 de l’hépatite C (HCV) et plein de mycobactéries en l’occurrence la Mycobacterium tuberculosis. C’est un récepteur membranaire qui se trouve dans les cellules dendritiques immatures ! Il existe des systèmes de détection des infections des infections virales : des familles de plusieurs dizaines de protéines appelées TRIM vont avoir un effet anti-viral en empêchant l’encapsidation des virus. Par exemple, TRIM5α et TRIM22 ont un impact sur l’assemblage du capside du VIH. C. Nod-like Receptor (nucleotide oligomerization domain) C’est aussi un récepteur PRR mais intracellulaire, reconnaissant en effet les bactéries à Gram (-). Sa voie de signalisation ressemble à celle des Toll-like Receptors, c.à.d. qu’elle active la voie NF-κB et son spectre de reconnaissance demeure aussi très large. NB : Nod2 est un des PRR impliqué dans la maladie de Crohn, qui est une pathologie inflammatoire de l’intestin. Il s’agit d’une maladie qui est en constante évolution avec le temps tout comme les allergies. On utilise un traitement anti-inflammatoire (anti-TNFα). 7 3. POUR CONCLURE Types cellulaires utilisés par la réponse innée : - DC - NK cells - Monocytes/Macrophages - γδ T cells - NKT cells - Granulocytes - Mastocytes Facteurs solubles impliqués : - Complément - Collectins & Ficollins - Interférons (les INFα et l’INFβ uniquement) - Anticorps naturels (Ly B1) - Antimicrobial peptides Les lymphocytes B1 sont immobiles, associés à des cavités du corps (surtout la cavité péritonéale). Ils produisent de façon constitutive (sans stimulation particulière) des immunoglobulines. Ces anticorps dits naturels ne sont pas spécifiques, ce sont des IgM (interaction de faible affinité mais spectre extrêmement large). FIN 8