mardi 31 décembre 2002 16h54 ROME (AFP) - La situation était "instable" mardi sur le volcan italien Stromboli qui continuait à rejeter de la lave et un nouvel éboulement n'était pas à exclure, selon les spécialistes de la protection civile qui se montraient cependant rassurants. "Un nouvel éboulement n'est pas à exclure dans la zone Sciara del fuoco", sur le flanc sud-ouest du volcan, éloigné des lieux d'habitation, a déclaré à la presse le directeur de la protection civile, Guido Bertolaso, après avoir survolé en hélicoptère l'île au lendemain d'une explosion au sommet du volcan. D'importantes masses de roches se sont détachées lundi du Stromboli sur ce flanc sud-ouest. Elles ont déclenché un petit raz de marée en se déversant dans la mer. Ce dernier a provoqué des dégâts matériels importants - embarcations détruites, maisons inondées - à Stromboli. Il a été ressenti dans tout l'archipel éolien, situé à 50 km au nord de la Sicile. En tout, 155 personnes ont été évacuées de l'île par l'armée et la protection civile. A Ginostra, le plus petit port du monde accroché au flanc sud-ouest de l'île volcanique, à l'opposé du village de Stromboli, les 15 derniers habitants (sur 30) ont en effet quitté les lieux par hélicoptère en milieu d'après-midi mardi. Le minuscule village accessible uniquement par la mer, et grâce à une barque à la fois, ne dispose pas de l'électricité, à l'exception d'une petite quantité fournie par des panneaux solaires. Fort prisé des touristes, en particulier pendant la période estivale, il n'est pas menacé directement par la lave qui continue à s'échapper d'un cratère ouvert à 600 m d'altitude alors que le Stromboli culmine à 924 m. Le versant de la Sciara del fuoco est le chemin suivi par la lave avant de s'écouler dans la mer lorsque le volcan entre en éruption, ont indiqué les spécialistes de l'Institut national de géophysique et de vulcanologie de Catane, à l'est de la Sicile. La masse de lave accumulée sur ce flanc est importante et sa vitesse de progression est rapide car la pente est pratiquement à l'aplomb de la mer, selon les vulcanologues. Une réunion de crise organisée autour de M. Bertolaso a rassemblé son prédécesseur Franco Barberi, vulcanologue italien réputé qui le premier avait annoncé en novembre une prochaine reprise d'activité du Stromboli, et Mariano Bruno, le maire de Lipari, la capitale de l'archipel Eolien, compétent pour Stromboli. M. Bruno a confirmé à la presse que l'accès de l'île était interdit aux non-résidents. "Nous ne voulons pas de curieux et de touristes tant que l'activité éruptive est en cours", a-t-il dit. Cette éruption du Stromboli, qui a débuté le 28 décembre, est la plus importante depuis 1985. Aujourd'hui, moins de 400 habitants vivent sur l'île en hiver tandis qu'elle accueille 3.000 personnes l'été. C'est un lieu de villégiature prisé de certaines personnalités. L'augmentation de l'activité du Stromboli a coïncidé fin octobre avec le réveil de l'Etna en Sicile, qui poursuit depuis lors ses activités sismiques et éruptives. Dimanche 27 octobre 2002, Sicile - région de l'Etna Le gouvernement italien a décrété l'état d'urgence après une série de séismes. Les experts relativisent la violence de l'épisode actuel. Quatre jours après son réveil, le 26 octobre, l'Etna montrait peu de signes d'assagissement. La veille, plusieurs tremblements de terre, dont un séisme d'une magnitude de 4,3 sur l'échelle ouverte de Richter, avaient ébranlé plusieurs localités, dont la ville de Santa Venerina, sur le flanc sud-est du volcan sicilien, endommageant des centaines de bâtiments, mais sans faire de victimes. Un millier de personnes ont déjà été évacuées afin d'être relogées. Sur les pentes du volcan, des bulldozers s'activaient pour ériger des barrages et détourner les coulées de lave des stations de sport d'hiver et des restaurants nichés dans la forêt de pins. A Lingualossa, qui signifie "langue de lave", une procession religieuse a été organisée pour tenter, "comme en 1923", de stopper la coulée. Des bombardiers d'eau ont dû intervenir pour éteindre les feux de forêt. L'aéroport de la ville de Catane restait fermé sine die, en raison des fumées et des cendres qui recouvrent les pistes et sont susceptibles d'endommager les aéronefs. A l'issue d'une réunion extraordinaire du conseil des ministres, le gouvernement italien a déclaré l'état d'urgence dans la région. Un millier de soldats devraient être envoyés sur place, et un navire équipé d'une clinique a été dépêché à proximité du volcan. Des précautions qui tranchent avec la relative sérénité des experts. Car si l'Etna continue de gronder, ceux-ci estiment que les fissures qui laissent échapper la lave font précisément office de soupape de sécurité et empêchent une explosion massive. Enzo Boschi, directeur de l'Institut national de géophysique et de volcanologie (INGV) italien, s'est déclaré "optimiste". "Les fronts de lave se déplacent de manière moins rapide, ils sont moins alimentés et même les secousses diminuent. Tout en restant à des niveaux élevés, elles se sont stabilisées." Il relativise l'importance des séismes : "Les tremblements de terre vraiment dangereux sont ceux qui dépassent une magnitude de 6 sur l'échelle de Richter et qui ont une énergie 1 000 à 1 500 fois supérieure à celle libérée [le 29 octobre]" Le réveil de l'Etna n'a pas vraiment surpris les spécialistes. Le plus grand volcan d'Europe, qui est aussi le plus actif, est en effet sondé en permanence grâce à un réseau de capteurs sismiques signalant ses moindres tressaillements, souvent précurseur de coulées de lave. Celles-ci ont tendance à enfler depuis une cinquantaine d'années, rappelle Claude Jaupart, de l'Institut de physique du globe à Paris. "Depuis les années 1950, le taux d'alimentation en magma a quasiment doublé. Ça accélère", assure-t-il. En raison de ce phénomène spécifique à l'Etna, il reste difficile de prévoir l'évolution de l'épisode actuel, reconnaît le chercheur. C'est que l'Etna est un volcan un peu à part. Situé dans la partie orientale de la Sicile, il est tout proche du détroit de Messine, qui sépare l'île de la botte italienne. Ce détroit est précisément la conséquence d'un éloignement de plaques tectoniques, à l'origine de plusieurs tremblements de terre effroyables, comme celui de 1908, qui fit 45 000 morts.