INTRODUCTION :
Autrefois réservé aux plateaux télévisés, et aux sphères d'exercice de l'autorité politique,
où seules les personnalités autorisées pouvaient s'exprimer, le principe démocratique du
débat s'étend depuis peu à la sphère publique, c'est à dire à l'ensemble des citoyens. Cette
nouvelle expérience fut inaugurée avec la loi de 1995, qui institue une "commission au débat
public" permettant une nouvelle forme de consultation des citoyens par les autorités politiques
locales sur des sujets touchant l'aménagement du territoire. Le débat vient donc s'ajouter aux
formes de consultations plus classique, que sont le suffrage universelle, le référendum, ou le
questionnement par sondage. Nice a connu son premier "Débat public", le cinquième organisé
en France, sur le projet d'aménagement du port, qui vient de s'achever le 22 janvier 2002. Une
controverse est aujourd'hui ouverte, sur l'intérêt même de l'existence de cette forme de
consultation. Absolument inutile pour les uns, considérant que chaque réunion brasse
uniquement les mêmes personnes, les même associations, défendant toujours les mêmes
points de vue, le plus souvent opposés formellement au projet proposé par la ville. Il est
considéré comme absolument indispensable pour les autres, garant du respect du droit à
l'information dans une société démocratique.
Cette enquête qui porte sur la sociabilité dans un lieu public, prend pour cadre, les cafés de
la ville de Nice. Mais dans l'optique d'analyse que nous poursuivons, ce sont les cafés qui
organisent des débats thématiques qui nous occupent. En effet, l'organisation de ceux que
nous appellerons les "Cafés-débat" est la première forme qu'a pris le débat pour intégrer la
sphère publique. C'est la philosophie par l'intermédiaire d'un universitaire, Marc Sautet, qui a
organisé ses premiers débats au café. "En 1992, Marc Sautet, professeur de philosophie à
Sciences-Po, interviewé à la radio, racontait pour l’anecdote qu’il se rencontrait avec des amis
chaque dimanche matin dans un café, place de la Bastille à Paris (le "Café des Phares"), pour
philosopher. Quelle ne fut pas sa surprise le dimanche suivant, de voir arriver de nombreuses
personnes, désireuses de participer à ces discussions informelles. Semaine après semaine, le
nombre augmentant, il fallut créer quelques règles de fonctionnement, afin que ces
rassemblements ne tournent pas à la cacophonie. Le café philosophique était né"
, rappelle
Oscar Brenifier, un autre professeur de philosophie. C'est donc de façon tout à fait
"spontanée" que le mouvement des cafés-philo est apparu. Le "café-philo" de Marc Sautet
réunira pratiquement à toute ses séances, des centaines de personnes. Son mot d'ordre qui sera
repris par tous les animateurs de "cafés-philo" est : "la philosophie est née dans la rue, il est
temps qu'elle quitte le ghetto des universités, pour retrouver sa place dans la Cité".
Cette citation nous permet de donner une première définition du débat, définition que nous
approfondirons au cours de l'enquête. Avant de devenir un débat c'est à dire un échange
conversationnel formalisé par des règles, le café était le cadre de discussions non formalisées
en petit groupe d'initiés, totalement libres autour d'un thème particulier, ou de sujets
diversifiés. Il faut donc distinguer la discussion du débat, ce dernier appelant la création de
règles pour permettre un échange dans un groupe beaucoup plus important. cette approche est
intéressante car elle permet de comprendre la différence que l'on peut faire entre ce
mouvement des "cafés-philo" et les "cafés-littéraires" qui sont beaucoup plus anciens. Léon
Paul Fargue
rappelait le rôle primordial dans la société française, des rencontres de cafés
entre des artistes, écrivains, hommes politiques ou militants. : "La vie de café a été une des
voyelles de la nation française. Elle était politique, mais elle l'était trop à la façon d'un
BRENIFIER O.,"le café-philo", in http://www.multimania.com/cafeplhiloweb/.
FARGUE L. P., "introduction à la vie de café" 1942, in Lemaire G.G., Théorie des cafés, anthologie, IMEC
Edition, Paris, 1997, p17.