Ultras

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Les Ultras
" Vive le roi quand même ". Ce propos marque l’insatisfaction des ultras de la
monarchie de Louis XVIII fondée sur la Charte de 1814
En effet, les ultras passent pour être des ultraroyalistes, royalistes extrêmes qui sont
" plus royalistes que le roi ". Ce parti réactionnaire, refuse le progrès et prône avant tout un
retour aux valeurs du passé, à une réaction contre l’état présent. L’ultracisme, terme surtout
utilisé par les historiens représente les valeurs et les principes qui constituent la doctrine des
ultras. La théorie ultraciste repose sur une conception monarchique différente de celle que
pratique Louis XVIII mais aussi de la monarchie absolutiste de l’Ancien Régime, avant 1789.
De quel type de monarchie se réclament alors les ultras ?
Ainsi, l’ultracisme n’est-il pas une doctrine réactionnaire qui prend corps sous la
Restauration dans un premier temps mais qui reste cependant, dans un deuxième temps,
inapplicable et traduit un certain "opportunisme" politique ?
I)
De la " réaction " idéologique à l’organisation d’ un vaste mouvement contrerévolutionnaire.
1) Une doctrine contestataire.
a) Le refus de l’héritage révolutionnaire
Le terme " ultras " ou encore " pointus ", utilisé d’abord par leurs adversaires,
désigne dans la majorité des cas les aristocrates, grands propriétaires terriens émigrés, spoliés
de leurs biens et de leurs privilèges par la Révolution, ou encore une petite noblesse de
province et une partie du clergé qui voit dans la restauration des Bourbons sur le trône l’
opportunité de restaurer l’ ordre ancien. La pensée ultra puise son inspiration à travers une
série d’ouvrages doctrinaires hostiles à la révolution, tels que les Réflexions sur la Révolution
Française en 1790 de l’Anglais Edmond Burke, les Considérations sur la France de Joseph
de Maistre en 1797, ou encore La théorie du pouvoir politique et religieux de Louis de Bonald
en 1796.
Ces penseurs contre-révolutionnaires prônent la restauration d’une " théocratie "
fondée sur les pouvoirs du " trône et de l’autel " c’est à dire la négation de la société civile
issue de la Révolution et du Code Napoléon. En effet, la pensée ultra s’appuie sur la
conviction que l’organisation de la société en classes, ordres, est naturelle et voulue pas Dieu,
tandis que l’égalitarisme et l’individualisme révolutionnaires sont une construction artificielle
et impie.
b) La contestation de la monarchie constitutionnelle.
Les ultra sont souvent qualifiés de " plus royalistes que le Roi ". En effet, Louis XVIII,
roi modéré et diplomate s’accommode d’un régime, établi par lui, qui est en fait un
compromis entre la monarchie et les acquis révolutionnaires. Ainsi, malgré l’instauration d’un
monarque disposant des pleins pouvoirs législatifs et exécutifs devant lequel sont
responsables les députés des deux chambres, la Charte protège la société issue de 1789 à
savoir la liberté individuelle, l’égalité civile, la nationalisation des biens du clergé.
Alors que la noblesse libérale est satisfaite par ces réformes, les ultras sont nullement
totalement opposé à la Charte et revendiquent un retour à de l’Ancien Régime avec cependant
une entorse importante à l’ absolutisme: les ultras exigent une royauté décentralisée
s’accompagnant d’un renforcement du pouvoir des provinces et des institutions locales.
2) Ampleur politique du mouvement.
Le parti ultra
Le parti Ultra tire son origine d'un puissant courant monarchique qui s’est manifesté
sous le Directoire et le Consulat avec la Guerre de Vendée puis la guérilla royaliste. Dès
1815, apparaît une véritable organisation politique, favorisée par l’extension de l’idéologie
ultra, à la chambre des pairs et des députés. La personnalité de Villèle s’impose peu à peu
tandis que Chateaubriand promoteur du " libéralisme aristocratique " affirme ses idées dans
son ouvrage La monarchie selon la Charte en 1814.
Ainsi, un parti de l’Ancien Régime soutenu par le comte d’Artois, frère du Roi, obtient
la majorité à la Chambre en 1815, unissant derrière des chefs contre-révolutionnaires tels que
Corbière ou Bonald, non seulement des ultraroyalistes mais également des notables séduits
par la perspective d’un retour à l’ordre social et des anciens bonapartistes, derrière lesquels se
mobilisent d’une part, les religieux de la Congrégation qui espèrent qu’une monarchie
réactionnaire permettra à l’Eglise de retrouver ses positions, et d’autre part, l’organisation
secrète des Chevaliers de la Foi qui entend restaurer une monarchie disposant d’une solide
assise religieuse
La démocratisation du mouvement via la diffusion des idées.
La diffusion des idées ultra-royaliste tire paradoxalement son origine des acquis
révolutionnaires. En effet c'est par la liberté de presse que se diffuse l'ultracisme auprès des
intellectuels. Les journalistes ultras se qualifient d’ " amis du Roi, des français, de l’ordre et
surtout de la Vérité ". La presse ultra est composée entres autres de La quotidienne, le
Drapeau Blanc, ou encore Le Conservateur de Chateaubriand, elle est éditée à grand tirage, et
diffusée dans les salons de provinces, ce qui permet une large diffusion des idées ultras.
Mais à côté de cette influence " élitiste " se dessine un ultracisme populaire, en
particulier dans les départements royalistes de l’Ouest et du Midi . Globalement naît un
ultracisme à la fois rural et urbain, bourgeois , artisan (anciens corporatistes) autant que
paysan , qui traduit autant la crainte des troubles révolutionnaires que l’ hostilité à l’égard de
la capitale mais avant tout la survivance d’ une religiosité solidement ancrée dans les
mentalités du petit peuple. Ce royalisme de province est assorti d’ une certaine brutalité ; ainsi
des bonapartistes et des bourgeois protestants sont assassinés: c’ est la " Terreur Blanche ".
II)
Une doctrine inapplicable, un opportunisme politique.
1) Turbulences politiques : le pouvoir au mépris de la doctrine ?
Les manœuvres parlementaires.
Les Ultras bien que réactionnaires et ultra royaliste sont face a deux grands paradoxes
et font preuves d'opportunisme politique au détriment du développement de leur doctrine.
Tout d'abord, les Ultras tout en contestant le système parlementaire mis en place par la
Charte, utilisent activement la voie parlementaire. En 1815, ils obtiennent une majorité
écrasante à la Chambre ( près du neuf dixième des sièges ) : C’est la " Chambre introuvable ".
Pourtant aucun n’exerce de fonction au sein du gouvernement. C’est à la Chambre que les
Ultras vont pouvoir s’exprimer et exercer leur relative influence politique. Ils arrivent à
obtenir le remplacement du ministère Fouché-Talleyrand, deux acteurs de la Révolution et de
l’Empire, imposent au premier gouvernement Richelieu (1815-1818), le vote de lois
répressives tel que la suspension des libertés individuelles, ou l'épuration dans l’armée,
mesures symboliques rompant avec la Révolution. Cependant, ils ne parviennent pas à
s’attaquer à l’essentiel comme, le Concordat, montrant ainsi les premières faiblesses du
mouvement ultra. Cette période de manœuvres parlementaires les voit surtout déroger à leur
doctrine : à leur insu, ils se font les plus ardents défenseurs du parlementarisme face aux
libéraux qui défendent la prédominance de l’initiative royale et de la Charte.
Des royalistes " contre le Roi ".
Second paradoxe : ils paraissent s’opposer au Roi lui-même.. En effet, Louis XVIII est
à leur goût trop modéré. La droite ultra se définit dès l’origine par sa loyauté à l’égard du
pouvoir et son insoumission vis-à-vis de ceux qui l’incarnent. Cette rébellion se manifeste
d’abord sur le plan constitutionnel : les ultras contestent au Roi le droit de choisir ses
ministres sans prendre en compte la majorité à la Chambre et revendiquent pour la Chambre
le droit de proposer des lois. La rupture intervient le 5 septembre 1816 : la chambre est
dissoute et le gouvernement maintenu. Commence alors une " traversée du désert " pour les
Ultras sous les deux ministères Richelieu (1815-1818 et 1820-1821) et Decazes (1819-1820)
qui mènent une politique modérée de tendance libérale.
C’est l’assassinat du duc de Berry en 1820 qui marque le retour progressif des Ultras
au pouvoir. En 1821 Villèle devient chef du gouvernement. L’année 1824 voit le retour d’une
forte majorité ultra à la Chambre : "la Chambre retrouvée", qui coïncide avec l’avènement
d’un nouveau Roi, Charles X, qui selon les ultras est plus nostalgique de l’ancien Régime.
2) La doctrine à l’épreuve du pouvoir (1821-1830).
Des divisions intrinsèques, exacerbées par le pouvoir, qui compromettent
l’intégrité de la doctrine.
Mais ce qui va mener à la perte des royalistes ce n'est pas tant le développement du
courant libéral mais plutôt de leur division. En effet une division, est déjà présente dès
l’origine, et résulte d’une opposition de tempérament entre les Ultras : entre les doctrinaires et
les opportunistes, entre les idéalistes et les réalistes, entre un La Bourdonnaye député ultra
jusqu’au-boutiste et un Villèle qui comprend l’impossibilité de tout changer d'un coup et
adapte les exigences aux possibilités du moment.
Une deuxième division se crée autour de Chateaubriand, lequel, en tant que ministre
des Affaires Etrangères de 1822 à 1824 mène sa propre politique et passe outre les consignes
de Villèle en obtenant " sa " guerre d’Espagne au congrès de Vienne. Pour son opposition à
Villèle Chateaubriand est renvoyé au printemps 1824. Ces querelles personnelles ont
d’importantes répercussions sur la pensée ultra : le passage de Chateaubriand à la contreopposition réactive le courant " libéral " qui existait dés le début chez les Ultras qui défendait
le droit de l’opposition, ainsi que le droit de la presse. Ce courant défend l’idée d’une
monarchie attachée aux libertés parlementaires, ce qui est un beau paradoxe pour un
mouvement qui rejetait si vigoureusement la Charte.
Enfin, il se crée également une fracture religieuse. Les Ultras sont divisés en deux
clans adverses : d’une part les partisans de l’ultramontanisme, fidèles au Pape et à l’Eglise
romaine, d’autre part les partisans de l’Eglise gallicane, nationale et indépendante.
Le gouvernement de Villèle tombe en 1828, d’avantage miné par les divisions du
mouvement et par la naissance d’une opposition de droite que par la montée en puissance des
libéraux.
Une doctrine trop rigide, responsable de la chute des Ultras ?
Par ailleurs les Ultras doivent leur échec également à leur rigidité et une politique trop
extrémiste pas adapté à la société de l'époque. Le gouvernement Villèle prend une série de
lois très conservatrices qui sont très impopulaires et amènent les libéraux au pouvoir. La
politique religieuse des Ultras (tentative de reconquête de l’Eglise, loi sur les sacrilèges)
rencontre également une forte désapprobation au sein de la population ainsi que les lois qui
restreignent la liberté de la presse. Cette rigidité va atteindre son paroxysme à l’été 1829
quand Charles X nomme le très ultra prince de Polignac à la tête de son gouvernement bien
que ce dernier ne dispose d’aucune majorité à la Chambre. Au printemps 1830 après une
nouvelle victoire des libéraux, Polignac, sous l’impulsion du roi qui les signe rédige des
ordonnances très répressives qui débouchent sur la révolution des Trois Glorieuses qui
consacre l’échec des Ultras et la chute des Bourbons.
En définitive, l’ultracisme a incarné la pensée politique et sociale de nostalgiques,
réactionnaires et paternalistes qui s’exprime lors de la Restauration. Du cadre étroit de la
doctrine à un regroupement hétéroclite des mécontents du régime, le mouvement ultra s’est
révélé être un échec. L’ultracisme n’a donc été qu’un "sursaut" réactionnaire dans le sens
qu’il a permis aux ultras de réagir et de contester la situation mais que cette tentative reste un
échec sur le plan politique et sur celui de la mise en pratique de l’ultracisme. La chute de la
Restauration entraîne la chute des ultras et face au courant libéral qui s’affirme solidement.
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