La France, de la Restauration à la II République (1815-1851) Entre 1815 et 1851, la France a connu deux monarchies, deux révolutions, une république et un coup d’Etat. Cette instabilité est le produit de l’affrontement entre quatre courants politiques : les monarchistes contre-révolutionnaires qui veulent effacer les acquis de 1789, les libéraux qui souhaitent installer une monarchie constitutionnelle fondée sur une charte entre la nation et le roi, les républicains et, enfin, les bonapartistes qui cultivent l’héritage d’un homme qui a su allier gloire, autorité et sauvegarde des principes de 1789. Entre la France du passé et celle du mouvement, se dressent les barricades qui, en 1830 comme en 1848, à Paris, renversent des monarchies qui n’ont pas su réaliser le compromis entre ces deux France. Comment expliquer l’instabilité politique en France entre 1815 et 1851 ? En quoi les principes de 1789 ont-ils divisé les Français pendant cette période ? I. La Restauration A. Une monarchie constitutionnelle. La charte de 1814 Le 3 mai 1814, au lendemain de l’abdication de Napoléon, le frère de Louis XVI, qui avait émigré le 20 juin 1791, monte sur le trône de France sous le nom de Louis XVIII. Même s’il s’intitule « Louis par la grâce de Dieu », la Charte constitutionnelle qu’il octroie le 4 juin 1814 assure aux français la liberté de pensée, de religion et de presse, garantit toutes les propriétés, même celle des biens nationaux, et interdit « toutes recherches des opinions et votes émis jusqu’à la restauration », ce qui rassure tous ceux qui ont participé aux événements révolutionnaires. L’esprit des compromis Si le préambule de la Charte affirme que "l’autorité tout entière réside dans la personne du Roi ", elle affirme aussi nettement la nécessité d’un régime représentatif. Deux assemblées discutent des lois : la Chambre des pairs, dont les membres sont nommés par le roi, et la Chambre des députés, élue selon un suffrage censitaire qui réserve à seulement 90 000 Français le droit de voter. « Paix, repos, oubli » : tels sont les maîtres mots d’un roi qui veut restaurer la monarchie dans l’esprit de compromis. B. Les courants politiques. Les Ultras. La vie politique sous la Restauration est marquée par l’affrontement de deux traditions, dont l’antagonisme va diviser les Français pour des décennies. A droite, les ultras, royalistes intransigeants qui rejettent toute idée de compromis, veulent rétablir la domination de l’aristocratie et de l’Eglise sur la société. Organisés en véritable parti, disposant d’une presse bien diffusée, ils ont Louis de Bonald et Joseph de Maistre comme théoriciens, Chateaubriand comme plume et le drapeau blanc pour emblème. Les Libéraux. A gauche, ceux qu’on appelle les « libéraux » constituent un rassemblement plus hétéroclite où se retrouvent des bonapartistes et des républicains. Benjamin Constant est leur penseur, La Fayette leur homme politique, les pamphlets de Paul Louis Courier et les chansons de Béranger sont leurs armes et le drapeau tricolore est leur emblème. Le respect des libertés, un véritable régime parlementaire, une séparation entre le « trône et l’autel », tel est l’essentiel de leur programme. Le Centre. Au centre, ceux qu’on appelle les constitutionnels acceptent les principes de la Révolution, mais veulent, comme les Thermidoriens qui ont renversé Robespierre en 1794, la terminer enfin. Ils veulent conjuguer monarchie et liberté et appliquer loyalement la Charte. C. Les « Trois Glorieuses ». La réaction des Ultras. A la mort de Louis XVIII, en 1824, son frère lui succède sous le nom de Charles X. Acquis à la cause des ultras, il renoue avec l’un des rites les plus symboliques de la monarchie absolue en se faisant sacrer à Reims en 1825. La presse et l’Université sont soumises à une stricte surveillance. Une loi dite du « milliard des émigrés » permet d’indemniser les personnes ayant fui le pays pendant la Révolution. Par ailleurs, l’Eglise bénéficie du soutien du Roi pour entreprendre la reconquête spirituelle du pays. Dans les villages, des missions avec processions et plantations solennelles de croix sont organisées à l’intention du peuple. Cet ensemble de mesures, qui remettent en cause les principes de 1789, coupe la monarchie de la nation. En Janvier 1828, le comte de Villèle, chef du gouvernement, doit démissionner à la suite de sa défaite aux élections. Sans tenir compte de cet avertissement, Charles X, en Août 1829, appelle au gouvernement le prince de Polignac qui, ayant combattu contre les armées de la Révolution, incarne plus que nul autre l’Ancien régime. En mars 1830, en réponse à une lettre de défiance votée par 221 députés de l’opposition, le Roi dissout la Chambre. Le triomphe des Libéraux. Les élections de début juillet 1830 renforcent encore l’opposition. Mais Charles X promulgue le 25 juillet quatre ordonnances qui rétablissent l’autorisation préalable pour les journaux et modifient le Code électoral pour priver du droit de vote les commerçants et les industriels. Les 27, 28 et 29 juillet 1830, au cours de trois journées appelées les Trois Glorieuses, les barricades dressées dans Paris par les étudiants, les employés, les petits patrons, les ouvriers et les anciens combattants de l’Empire habiles à manier le fusil viennent à bout du régime. Le 29 Juillet, les insurgés s’emparent du Louvre et Charles X doit prendre la route de l’exil. (Doc 5 P. 231) II. La Monarchie de Juillet A. Louis-Philippe, un roi citoyen. Le Roi des Français. La plupart des insurgés veulent la république. Mais, redoutant les dangers de cette victoire populaire, les libéraux qui ont été à l’origine des Trois Glorieuses, Adolphe Thiers et la Fayette en particulier, proposent de confier le pouvoir au Duc d’Orléans. Cousin du Roi, il a combattu dans les armées révolutionnaires à Valmy et à Jemmapes, deux grandes victoires des soldats de l’an II. Les chambres ayant approuvé sa candidature et la foule l’ayant acclamé au balcon de l’Hôtel de ville le 31 juillet 1830, Louis-Philippe Ier est proclamé « roi des Français par la grâce de Dieu et la volonté nationale », appellation qui souligne sa volonté d’incarner la figure d’un roi-citoyen et d’un monarque constitutionnel. Une monarchie constitutionnelle. Peu de modifications sont apportées à la vie politique, mais elles sont symboliques. La Charte n’est plus « octroyée » mais devient un contrat entre la nation et le roi. Le drapeau tricolore est rétabli, la censure supprimée, la religion catholique n’est plus la religion d’Etat mais la religion de la majorité des Français et l’initiative des lois est partagée entre le Roi et la Chambre des députés. Par ailleurs, en Avril 1831, la réforme électorale porte le nombre d’électeurs de 90 000 à 200 000. B. Une monarchie « bâtarde ». Entre mouvement et résistance. La monarchie de Juillet, cette monarchie bâtarde, déçoit toutefois les républicains privés de leur victoire de 1830 et les légitimistes qui méprisent une couronne issue des barricades. Elle est contrainte de naviguer entre le parti du mouvement, qui plaide pour un élargissement progressif du droit de vote, une extension des réformes libérales et un soutien aux mouvements nationaux qui se développent en Europe, et le parti de la résistance, attaché à la conservation de l’ordre et hostile à toute réforme. Quelle politique ? C’est à l’initiative du « parti de la résistance » que sont noyés dans le sang la révolte des canuts lyonnais en novembre 1831 et les émeutes républicaines de Paris en Juin 1832 et en Avril 1834. Mais c’est grâce au parti du mouvement qu’une loi impose en 1833 à toutes les communes d’entretenir une école primaire et d’y accueillir gratuitement les enfants pauvres, et qu’en mars 1841 le travail des enfants de moins de 8 ans est interdit dans les manufactures. C. « Enrichissez-vous » Les ambitions des « classes moyennes ». « Enrichissez-vous par le Travail et par l’épargne et vous deviendrez électeurs » : cette formule de François Guizot aux Français illustre à elle seule la philosophie politique de la monarchie de Juillet. Homme clé du régime, trois fois ministre de l’Instruction publique entre 1832 et 1837, ministre des Affaires étrangères, chef du gouvernement de fait de 1840 à 1848, François Guizot incarne les ambitions de ceux qui estiment que l’élargissement des droits politiques ne peut venir que de l’enrichissement des individus par le travail, l’épargne et les progrès de l’éducation. Croissance économique … La croissance de l’économie française, accélérée à partir des années 1840, a pu faire croire que ce programme pouvait être réalisé. Sous l’impulsion des grands propriétaires, qui multiplient fermes-écoles et innovations techniques, la production progresse. Au début de la Restauration, chaque Français consommait en moyenne 1.5 hl de froment et 18 Kg de viande par an. En 1850, il en absorbe 2.6 hl et 27 Kg. Grâce à l’amélioration des routes royales revêtues avec les nouvelles méthodes inspirées du Britannique McAdam, le trajet Paris-Lyon qui réclamait cinq jours en 1816, par la diligence, ne demande plus que 55 heures en 1848. La production industrielle par tête augmente d’environ 2% par an de 1815 à 1850, contre 2.3% en Angleterre. La construction des chemins de fer, organisée par la loi de 1842, devient un placement qui suscite l’engouement des notables et des banquiers. … et fractures sociales. Dans le même temps, les contrastes se creusent entre les élites, qui souhaitent disposer, selon la formule de Guizot, « de liberté et de loisir », et les couches populaires, qui apparaissent comme de nouveaux « barbares » aux yeux de la bourgeoisie. Ouvriers et ouvrière du textile de Rouen, Lille ou Mulhouse aux conditions de logement précaires et aux salaires médiocres, prolétariat rural qui peut à tout moment basculer dans le vagabondage, petits propriétaires endettés à des taux très élevés, autant de catégories sociales qui ne peuvent guère espérer s’enrichir. III. La IIe République A. La révolution de février 1848. La proclamation de la République A la fin des années 1840, la situation politique se dégrade fortement. De mauvaises récoltes provoquent une flambée des prix alimentaires et une crise industrielle qui prive des milliers de travailleurs de toute ressource. Pour contourner la loi qui interdit les réunions publiques, les opposants organisent une campagne de banquets à travers le pays. Le 22 février 1848, la population parisienne manifeste contre l’interdiction de l’un de ces banquets. Le 23 février, la garde nationale commence à se rallier aux émeutiers. Dans la soirée, des hommes de troupes, chargés de garder la résidence de Guizot, sont débordés par les manifestants et ouvrent le feu pour se protéger. Les 52 morts de cette fusillade transforment l’émeute en insurrection générale. Le 24 février, Paris se couvre de barricades, Louis-Philippe abdique et la IIe République est proclamée. L’esprit de 1848 Célébrant le 2 mars 1848 la plantation d’un arbre de la liberté, place des Vosges, à Paris, Victor Hugo s’exclame : « Mes amis, mes frères, mes concitoyens, établissons dans le monde entier, par la grandeur de nos exemples, l’empire de nos idées ! Que chaque nation soit heureuse et fière de ressembler à la France. » Tel est bien l’esprit de 1848 : fonder une république à visage humain. En ce « printemps des peuples » qui gagne la majeure partie de l’Europe, le mot d’ordre est à la paix, au bonheur et au romantisme qui imprègne une jeunesse avide de promouvoir une société nouvelle. Les premières mesures prises par le gouvernement provisoire sont à la hauteur de ces aspirations. La peine de mort pour raison politique est supprimée, l’esclavage est aboli dans les colonies, le suffrage universel masculin est décrété pour tous les hommes de plus de 21 ans. Sous la pression des courants socialistes, le gouvernement proclame aussi le droit au travail et crée les ateliers nationaux chargés de procurer du travail aux ouvriers que la crise à contraints au chômage. B. L’échec de la République sociale. La répression de juin 1848 Les premières élections au suffrage universel ont lieu le 23 avril 1848. Sur les 900 députés, 300 sont des royalistes et 500 sont des républicains modérés. Le 15 mai, l’extrême gauche parisienne envahit l’Assemblée pour soutenir la Pologne insurgée contre la Russie. La toute nouvelle Assemblée riposte en fermant les clubs les plus avancés et en arrêtant les socialistes les plus actifs, Blanqui, Barbès et Raspail. Le 22 juin, elle dissout les ateliers nationaux, considérés comme un foyer d’agitation. Cette mesure provoque les 23, 24 et 25 juin 1848 une véritable guerre civile entre les forces de l’ordre commandées par le général républicain Cavaignac et les ouvriers. Les combats font plus de 5000 morts et la répression est impitoyable : 1500 insurgés sont fusillés sans jugement, 12 000 sont emprisonnés et 4000 déportés. La Constitution de 1848 Après ces massacres, le parti de l’Ordre triomphe aux élections ; l’Assemblée vote la Constitution le 4 novembre 1848. Le pouvoir est partagé entre une assemblée élue au suffrage universel masculin pour 3 ans et un président de la République, élu lui aussi au suffrage universel pour 4 ans. Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, est élu avec 74% des voix. Lamartine, qui représente les républicains modérés, et les deux candidats de gauche ont été balayés. C. Le coup d’Etat du prince-président. Une politique de réaction Même s’il affirme qu’ « il est temps que les bons se rassurent et que les méchants tremblent » Louis Napoléon Bonaparte, qui a connu longtemps la prison, est à l’opposé des conservateurs qui détiennent la majorité à l’Assemblée. Habilement, il laisse à cette majorité la responsabilité des lois qui annulent la liberté de réunion, restreignent la liberté de presse et le droit de vote et accroissent l’influence de l’Eglise dans le domaine scolaire, avec la loi Falloux du 15 mars 1850. Le coup d’Etat du 2 décembre Un mouvement favorable au prince-président se dessine alors au fil de ses tournées en province, dans lesquelles il se présente comme l’avocat du peuple. Ne pouvant obtenir, selon la Constitution, un second mandat, il organise un coup d’Etat le 2 décembre 1851, date anniversaire de la bataille d’Austerlitz et du couronnement de Napoléon 1er. Les quelques barricades parisiennes et les tentatives de résistance en province sont réduites par la troupe et des milliers de républicains, dont Victor Hugo, sont condamnés à la déportation ou à l’exil. Le 20 décembre 1851, avec une écrasante majorité (7.5 millions de oui contre 650 000 non) un plébiscite prolonge pour dix ans le mandat du président. De fait, sinon de droit, c’est la fin de lere République et le début du Second Empire, proclamé le 2 décembre 1852. On trouve parfois le prénom scandinave Knut (ou Knutr) francisé en Canut. Néanmoins l'origine du nom est autre. Plusieurs hypothèses : Il pourrait s'agir de la condensation de l'expression « Voici les cannes nues ! » (une canne sans breloque ni ruban étant considéré comme signe de pauvreté). Le mot Canut pourrait également venir de la canette (dévidoir à fil, en bois à bout ferré, qui navigue sur le métier en sonnant « bistanclaque-pan »). Pour certains, c'est en 1840, lorsque Guizot devient chef effectif du gouvernement qu'il prononça un peu plus tard : “Eclairez-vous, enrichissez-vous, améliorez la condition morale et matérielle de notre France”. Ces Banquets, réunions politiques à caractère privé, permettaient en fait de contourner la loi de 1835 interdisant les réunions publiques Chantiers de travaux organisés par le gouvernement en 1848 employant des chômeurs.