la construction européenne

publicité
LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE
CHAPITRE INTRODUCTIF: LE CHEMINEMENT HISTORIQUE DE L’IDEE
D’UNIFICATION EUROPEENNE
Le mot «Europe» a fait son apparition, dans un sens géographique, cinq siècles avant
notre ère. Hérodote, au Ve siècle avant J.-C., nous rappelle que les Grecs appelaient leur terre
Europe (Histoires, VII, 185) du nom d’une héroïne mythologique, une Phénicienne enlevée
par Zeus qui avait pris pour la séduire la forme d’un taureau. Aujourd’hui, l’Europe désigne
un continent qui s’étend de l’Atlantique à l’Oural et de la Méditerranée à la Scandinavie.
La Grèce antique est souvent présentée comme le berceau de l’Europe, de Thémistocle
l’Athénien à Alexandre le Macédonien sont autant de héros mythifiés pour leur combat contre
les « barbares » de l’Orient, les Perses Achéménides.
Il faudrait sans doute remonter à l’Empire romain, pour avoir le plus ancien model
d’unification européenne sous une autorité centrale. Selon le géographe Strabon, qui écrivit
peu avant l’ère chrétienne, les Romains «tiennent presque toute l’Europe, excepté la partie
qui se trouve au-delà de l’Ister [Danube] et les parties bordant la Baltique entre le Rhin et le
Tanaïs [Don]». Les Romains ne pourront jamais conquérir la Germanie (désastre de
Tautebourg Val), et c’est sous Trajan seulement qu’ils dépasseront notablement le Danube en
s’emparant de la Dacie (Roumanie). Pendant plus de cinq siècles, une grande partie de
l’Europe, de la Méditerranée à l’Angleterre et de l’Espagne à la Roumanie obéissait au
pouvoir central basé à Rome. Les Grandes invasions germaniques du Vème siècle vont briser
cette unité (prise de Rome par les Wisigoth en l’an 476).
Pendant tout le Moyen Âge, le rêve a persisté d’unifier l’Europe sous la direction soit
de l’empereur, soit du pape. On mentionnera l’éphémère Empire de Charlemagne au début du
IXème siècle.
1
Mais, l'Europe à peine sortie du Moyen Âge voit s'affronter deux conceptions : la
première fondée sur la doctrine de l'équilibre européen postule qu'aucun État ne devrait
détenir une puissance telle qu'il imposerait sa domination aux autres ; la seconde vise au
contraire au non d'une volonté « messianique » à regrouper tous les pays européens sous une
autorité unique, l’Empire universel. Ainsi, la nostalgie d'une unité perdue sous Rome va
animer les ambitions de Charles Quint, souverain du Saint Empire Romain Germanique
(1500-1558), qui sera la cause d’incessants conflits à l'Est contre l'Empire Ottoman et à
l'Ouest contre le Royaume de France.
Avec ses héritiers Philippe II d’Espagne et Ferdinand II d’Autriche (1578-1637) ce
sont les prétentions des Habsbourgs de réunifier l'Europe sous la bannière du catholicisme qui
se heurtera à la Réforme. Née d’une querelle religieuse opposant des Princes allemands
protestants à l’Empereur, la Guerre de Trente ans (1618-1648) vit s’affronter sur le territoire
allemand les impériaux et leurs alliés (Bavière, Espagne) aux partisans de la Réforme
soutenue par la France et la Suède, soucieuses toutes deux d’empêcher une hégémonie de
l’Empire. La Paix de Westphalie qui met fin au conflit fut l'occasion de la première
conférence diplomatique européenne qui a consacré la théorie de l'équilibre européen.
Napoléon 1er reprendra à son compte le flambeau d’une Europe impériale mais devra
s’incliner lui aussi face à une coalition des nations à Leipzig (1813)1 et à Waterloo (1815).
Les précurseurs
Bien avant la deuxième Guerre mondiale, l’abbé de Saint-Pierre, Emmanuel Kant,
Jean-Jacques Rousseau, Saint Simon ou Proudhon prônaient déjà l’avènement d’une Europe
pacifiée et fédérée. Leurs réflexions visionnaires furent jugées utopiques dans une Europe
engagée dans d’incessantes rivalités de puissances. On mentionnera notamment :
. A la Renaissance, le Tractus rédigé en 1464 par le roi de Bohême Podiebrad répondait au
souci de rassembler les peuples de la chrétienté face à l’Empire ottoman conquérant dans un
pacte prévoyant une juridiction et un Parlement des Etats ;
. Le Projet politique du duc de Sully, ministre d’Henri IV publié seulement en 1788 contenant
une correspondance avec la reine d’Angleterre Elisabeth 1er ;
. L’Essai du Quaker William Penn intitulé Present and Future Peace of Europe (1693);
. L’abbé de Saint Pierre, plénipotentiaire français aux conférences qui adopteront le Traité
d’Utrecht (1713-1715) mettant fin à la guerre de Succession d’Espagne a proposé un Projet
pour rendre la paix perpétuelle en Europe (1713) et un Projet pour rendre la paix perpétuelle
entre souverains chrétiens (1717) ;
. Jean-Jacques Rousseau dans son Jugement sur la Paix perpétuelle est favorable à une
fédération ou une confédération ;
1 Cette bataille est plus connue sous l’appellation de « bataille des nations ».
2
.C’est Emmanuel Kant qui avec Pour la Paix perpétuelle (1795) écrira un essai majeur dans
lequel il estime que seul des régimes républicains peuvent imposer la paix en Europe ;
. Dans de la Réorganisation de la société européenne destiné aux Parlements de France et
d’Angleterre (1814), Claude Henry de Saint-Simon propose une confédération francobritannique destinée à s’élargir à d’autres régimes parlementaires avec l’objectif d’un
Parlement européen moteur de l’unification de l’Europe ;
. Victor Hugo qui fut un des premiers à utiliser la formule d’« Etats-Unis d’Europe » lança à
l’occasion du Congrès de la Paix de Paris (1849) un appel pour la création d’un « grand sénat
souverain qui sera à l’Europe ce qu’est le Parlement à l’Angleterre » ;
. Giuseppe Mazini qui fonda en 1834 l’association Jeune Europe a établi en 1857 une carte de
la future Europe des nations » ;
. L’autrichien Coudenhove-Kalergi fondateur de la Revue Paneuropa (publiée à Vienne en
1923) fut un des artisans de l’«Union paneuropéenne » et du Manifeste paneuropéen (1924) ;
En 1926, le premier Congrès de l’Union paneuropéenne qui rassembla à Vienne les
délégués de 24 pays adopta le Manifeste paneuropéen énonçant les grandes lignes d’une
« organisation fédérative de l’Europe ». Aristide Briand qui fut Président d’honneur de
l’Union paneuropéenne a lancé devant l’Assemblée de la S.D.N. le 5 septembre 1929 l’idée
d’un lien fédéral entre les peuples du Vieux Continent. Le gouvernement français a présenté
en mai 1930 un Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne.
La montée des périls a eu raison du projet Briand qui est abandonné en 1932.
Le Nouvelle Ordre européen d’Adolf Hitler
Comme Napoléon, Hitler s’est lancé à la conquête de l’Europe. Comme lui, il l’a
contrôlée pendant une période brève aux yeux de l’historien, interminable pour ceux qui en
ont souffert. Mais la ressemblance s’arrête ici. Le régime hitlérien est à l’origine de crimes
contre l’humanité sans précédent, en particulier à l’égard des juifs et des tziganes. L’Europe
de Hitler, dont les ressources et les hommes étaient exploités par la machine de guerre nazie,
était conçue comme une pyramide dominée par le Grand Reich allemand de cent millions
d’habitants, perçu comme supérieur aux autres peuples. Une vision raciale de l’Europe
dominait:
. En haut de l’échelle les peuples nordiques (Allemands, Scandinaves, Néerlandais) ;
. Dans une position intermédiaire les latins et les peuples balkaniques non Slaves ;
. Dans une position inférieure les Slaves (untermeshen) qui constitueront une réserve de main
d’œuvre du Reich et dont le territoire servirait d’espace vital pour l’expansion des aryens
(Lebensraum) ;
. Au plus bas de l’échelle les juifs voués à l’expulsion ou à l’extermination.
3
L’Europe hitlérienne comportait cinq types d’espaces politiques :
. Le Grand Reich, centre de gravité de la nouvelle Europe agrandie par l’Anschluss et
l’annexions des territoires peuplés d’allemands en Tchécoslovaquie et en Pologne;
. Les territoires occupés voués à un statut à déterminer à la fin de la Guerre mais ou subsistait
un pouvoir local acquis à la présence allemande: Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, la
France amputée de l’Alsace - Lorraine (régime de Vichy);
. Les territoires occupés peuplés des Slaves (jugés inférieurs) passent sous Protectorat ou
gouvernements généraux allemands (Bohème et Pologne) ou sont voués à une colonisation
germanique jusqu’à l’Oural et au Caucase: territoires de l’Union soviétique occupée et divisés
en deux régions : Reichkommisariat des régions de l’Est et Reichkommissariat d’Ukraine;
. Statut particulier de la Yougoslavie, de l’Albanie et de la Grèce occupée et divisée en zones
d’influences allemande et italienne et privée d’une partie de leurs territoires au profit des alliés
hongrois, bulgares et roumains et de la nouvelle entité croate des Oustachis;
. Les Alliés du Reich ou Etats satellites : l’Italie mussolinienne, la Finlande, la Slovaquie, la
Hongrie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie liées au Reich par le Pacte d’Acier (1938).
L’Angleterre isolée résistera à la machine de guerre allemande tandis que la Suède,
l’Irlande, la Suisse, l’Espagne et le Portugal optent pour la neutralité.
Le Nouvel Ordre Européen d’Hitler devait s’étendre de l’Atlantique à l’Oural (en fait
de l’Atlantique à la Volga), une formule reprise plus tard par de Gaulle avec une vision et un
contexte différent.
Sur le plan économique, les Allemands envisageaient d’imposer une sorte de marché
commun européen sous forme de bloc économique et financier dont le mark aurait été la
monnaie de réserve et les places financières (Berlin et Vienne). Dès 1940, une concentration
de la finance et du commerce se fait à Berlin. Les grands groupes industriels allemands (IG
Farben pour la chimie) commencent à réorganiser l’industrie et le commerce européen en
cartels et associations commerciales centrés sur le Reich. Les puissants Reichwerke prirent le
contrôle de l’industrie lourde dans les pays occupés pour alimenter la machine de guerre
allemande.
C’est au nom de l’«Europe nouvelle» que Hitler lança la «croisade antibolchevique».
Les Allemands, dit-il, seront «capables de fournir à toute l’Europe sa classe dirigeante [...]
Les générations qui nous suivront accepteront certainement l’unification de l’Europe que
nous sommes en train d’accomplir». Mais l’Europe d’hégémonie germanique conçue par
Hitler fut finalement vaincue par les Alliés et par la résistance des peuples occupés. Il faut
4
noter que, parmi des préoccupations plus immédiates, les mouvements de résistance
occidentaux élaborèrent pour l’avenir divers projets d’union dont le plus remarquable fut un
«Projet de déclaration des résistances européennes» (1944) prévoyant «une union fédérale
entre les peuples européens».
L’Europe divisée de la Guerre froide
La deuxième Guerre mondiale fut pour l’Europe un désastre à la fois sur le plan
politique et économique mais aussi humain et moral. L’Europe n’était plus le centre mondial
de la puissance détenue désormais par les deux grands vainqueurs de la guerre, les Etats-Unis
et l’URSS qu’une rivalité pour l’hégémonie mondiale allait bientôt opposer pendant presque
un demi-siècle. L’Europe est divisée en deux blocs rivaux. En effet, dès 1945, les conférences
de Yalta (février 1945) et de Potsdam (juillet-août 1945) permettent aux alliés de régler le sort
de l'Allemagne (dénazification, démilitarisation et occupation) et de délimiter les nouvelles
zones d'influence en Europe centrale et orientale.
Les négociations de Yalta et de Potsdam ont réveillé d'importantes divergences
opposant les puissances occidentales et l'URSS en ce qui concerne l'avenir de l'Europe. Pour
Staline, l'URSS qui a payé le plus lourd tribut dans la guerre contre l'Allemagne nazi a un
droit de regard sur les régimes politiques qui se mettent en place dans les pays libérés par
l'Armée Rouge. Pour les Occidentaux ces régimes doivent êtres nécessairement issus
d'élections libres. En 1947, le Président Truman amorce un changement radical de la politique
américaine en proposant le Plan Marshall destiné à aider la reconstruction de l'Europe et à
renforcer ainsi la résistance à la « subversion communistes » (mouvements sociaux en
Angleterre et en France). Ce plan accroît la méfiance soviétique qui dés 1947 installe des
régimes dominés par les communistes en Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Pologne et
Tchécoslovaquie. Le « coups de Prague » (1948) marque le début de la Guerre froide.
L’une des crises les plus graves de la guerre froide aura pour théâtre le cœur de
l’Europe, c’est le blocus de Berlin (1949) qui accentua la division de l'Allemagne en deux
entités étatiques hostiles, la R.F.A. et la R.D.A. La division de l'Europe (le rideau de fer
dénoncé par Churchill) est consommée avec la constitution de deux alliances antagonistes,
l'Alliance Atlantique (Traité de Washington instituant l'OTAN, 1949) et le Pacte de Varsovie
(1955), la première dominée par les États-Unis et la seconde par l'URSS.
Quelle Europe ?
Sur le plan politique, on signalera les principales divergences à propos de l’Europe de
l’après-guerre à construire.
5
Les partisans de l’unification appartiennent à de nombreuses écoles: socialistes,
libéraux, démocrates-chrétiens. Les fédéralistes veulent de larges pouvoirs locaux et acceptent
la notion d’États-Unis d’Europe. Certains pensent que la création d’une confédération d’États
souverains est une étape nécessaire vers la création d’un gouvernement fédéral. Pour d’autres,
l’unification doit commencer par l’intégration économique; une union politique en résultera
nécessairement. D’autres encore veulent s’en tenir à une coopération intergouvernementale.
L’idée d’unité de l’Europe a deux types d’adversaires. Il y a d’une part les
nationalistes favorables au maintien de la souveraineté des États qui refusent toute forme
d’intégration, sinon de coopération (de Gaulle). Il y a d’autre part, les marxistes-léninistes qui
posent comme préalable la conquête du pouvoir par le prolétariat (Lénine)2. Les communistes,
hantés par l’idée d’une «Europe des trusts», d’une Europe antisoviétique ont combattu les
projets d’unification européenne en les accusant de préparer un «bloc occidental» hostile aux
États socialistes. Cette fracture sera manifeste en France lors du débat à propos d’une
communauté européenne de défense; communistes et gaullistes pourtant divisés sur la plupart
des autres points s’y opposaient conjointement. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle
(1958) allait rendre le problème beaucoup plus complexe.
La question des limites géographiques de l’Europe à construire fait débat. Sur les
limites de l’Europe intégrée, des débats opposent dans les années cinquante et soixante les
défenseurs de l’achèvement préalable de l’Europe des Six (Allemagne, Benelux, France,
Italie) aux avocats de l’entrée immédiate de la Grande-Bretagne et aux partisans d’une
«Europe de l’Atlantique à l’Oural». Enfin, l’Europe peut être une «troisième force», avec son
équipement nucléaire propre (thèse du général Beaufre) ou se fier, comme le pense Jean
Monnet, à l’armement américain et au partnership atlantique.
C’est précisément durant cette période troublée que se mettent en place les premières
institutions paneuropéennes. Mais, la fin de la Guerre froide va donner un nouveau
dynamisme à la construction européenne avec la perspective d’élargissement de l’Union aux
nations d’Europe centrale et orientale et un renforcement institutionnel annonciateur d’une
Europe fédérale souhaitée par les uns et rejetée par les autres. Le débat opposant fédéralistes
et souverainistes qui a été particulièrement virulent en France lors du référendum sur
l’adhésion au Traité de Maastricht n’est pas clos. La Convention chargée de rédiger la future
constitution européenne3 fut l’occasion d’un affrontement entre partisans et adversaires d’une
Europe fédérale. Quelle Europe ? L’éternel débat toujours recommencé.
La construction européenne qui résulte du Traité de Rome (1957) implique un
processus d’intégration progressive par l’économie (Marché commun). Aujourd’hui, avec
vingt-cinq Etats membres, l’Union européenne s’impose comme le principal pôle de
2 Lénine: «À propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe», août 1915, in Œuvres complètes, t. XXI,
Moscou-Paris, 1960.
3 Le Conseil européen de Laeken (14-15 décembre 2001) a adopté une « Déclaration sur l’avenir de l’Union »
appelant à la convocation d’une Convention en mars 2002 en vue d’une Union Européenne rénovée.
6
coopération économique et politique en Europe (Première partie). Mais sur le continent
d’autres institutions à caractère économique, politique et militaire ont vu le jour pour la
plupart après la Deuxième guerre mondiale: l’O.C.D.E., le Conseil de l’Europe, l’O.S.C.E. et
l’O.T.A.N.(Deuxième partie).
7
PREMIERE PARTIE: L’ACTEUR CENTRAL: L’UNION EUROPÉENNE
Les deux guerres mondiales qualifiées de « guerres civiles européennes » aux effets
désastreux sans précédent seront paradoxalement le déclencheur des premières initiatives en
vue de la construction d’une Europe intégrée et pacifiée. Le tournant décisif fut le Congrès de
l’Europe, tenu à La Haye du 7 au 10 mai 1948, qui rassembla huit cents personnalités de
gauche (socio-démocrates) et de droite (démocrates chrétiens) venant des milieux politiques,
associatifs et syndicaux et tous favorables à l’unification européenne. Ce Congrès donna
naissance au Mouvement européen, présidé par Winston Churchill, Léon Blum, Paul-Henri
Spaak et Alcide De Gasperi. Il fut aussi à l’origine de la création d’une institution de
coopération intergouvernementale, le Conseil de l’Europe.
L’idée de dépasser les nationalismes, d’intégrer l’Allemagne dans une Europe
démocratique et de rendre impossible à l’avenir une guerre en Europe va animer l’action de ce
mouvement relayé par des gouvernements. L’idée d’intégration européenne se répandait.
Mais, des divergences fondamentales apparurent opposant d’un côté la France et les pays du
Benelux favorables à la constitution d’un pouvoir supranational et de l’autre, le Royaume-Uni
farouche adversaire de la supranationalité mais disposé à accepter une union d’Etats
souverains. Une solution de compromis débouchera sur la création d’un organe de
coordination politique sans véritable pouvoir, le Conseil de l’Europe (voir 2ème Partie).
Cependant, les partisans de l’Europe fédérale maintiendront leur pression en vue de
promouvoir une intégration fonctionnelle de l’Europe sur les plans politique et économique.
L’action systématique d’hommes comme Robert Schuman et Jean Monnet fut à l’origine de la
mise en place des « Communautés européennes », véritable compromis entre les thèses
fédéraliste et unioniste. Le fédéralisme et le fonctionnalisme ont largement inspiré la
construction européenne.
CHAPITRE I : DES COMMUNAUTES EUROPEENNES A L’UNION EUROPEENNE
Dès la fin de la guerre mondiale, Jean Monnet, Commissaire général au plan et
principal animateur du Mouvement fédéraliste européen prôna une intégration de l’Europe par
un processus d’abandon progressif des souverainetés étatiques au profil d'institutions supraétatiques (Mémoires, 1976). Cet artisan de la construction européenne voyait dans le
fédéralisme la meilleure garantie pour les générations future du retour de la guerre en Europe.
L’Europe de Monnet est fondamentalement supranationale. La « méthode Monnet » reposerait
sur cinq principes :
8
1. l’évacuation du politique au profit d’une coopération supposée purement technique ;
2. Le primat donné à l’économie ;
3. la progressivité permettant de grignoter des pans entiers des souverainetés étatiques ;
4. l’irréversibilité ;
5. l’institutionnalisation du processus car comme le dit Monnet : « Rien n’est possible sans les
hommes, rien n’est durable sans les institutions »4.
Mais, l’Europe n’était pas encore mûre à la fin de la deuxième guerre mondiale pour
une union politique de type fédéral prônée par Jean Monnet, c’est une construction par étape
privilégiant l’intégration économique qui sera finalement engagée à partir des années
cinquante.
Section 1 – La Genèse de la Construction européenne
L’intégration européenne est fondée sur trois traités fondateurs : le Traité CECA
(1951), les deux traités signés Rome (1957) qui instituant la Communauté économique
européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique. Toutes les décisions et
procédures communautaires sont issues des traités dont les Etats membres sont signataires.
Les traités communautaires ont fait l’objet de plusieurs modifications notamment à l’occasion
des élargissements successifs. Des réformes majeures dans le fonctionnement institutionnel
ont accordé de nouvelles compétences aux institutions communautaires.
Préoccupé par le conflit de la Sarre qui opposait la France et l’Allemagne fédérale
nouvellement crée (1949) par la fusion des trois secteurs d’occupations occidentaux du Reich,
le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman lança une initiative majeure à
même de dépasser le conflit séculaire franco-allemand dans le plan qui allait désormais porter
son nom. Le 9 mai 1950, il déclarait que « L’Europe ne se fera pas d’un seul coup ni dans
une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des
solidarités de fait ». Il est convaincu que « le rassemblement des nations européennes exige
que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée ». Robert Schuman
estimait que « la mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera
immédiatement l’établissement des bases communes de développement économique, première
étape de la fédération européenne ».
Le Plan Schuman fut proposé au Chancelier Konrad Adenauer qui l’accepta
immédiatement, conscient lui aussi du rôle moteur que la réconciliation historique entre la
France et l’Allemagne aurait sur la construction de l’Europe. Le “pool Charbon-acier” et le
Marché commun étaient lancés.
4 Cité in : Michel Clapier, Institutions européennes, Flammarion, ChampsUniversité (Paris), 2003, p.116.
9
§ 1 - Le Plan Schuman de Pool charbon-acier
Le Plan Schuman dont Jean Monnet fut en fait l’inspirateur vise à « placer l’ensemble
de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une autorité commune unique,
dans une organisation ouverte à la participation des autres pays européens ». Ainsi, le
charbon et l’acier qui ont servi à se faire la guerre serviront à bâtir les fondations de la
nouvelle Europe. Robert Schuman était convaincu que l’Europe ne connaîtra pas la paix tant
que l’Allemagne et la France ne seront pas liées par un mécanisme institutionnel favorisant
leur interdépendance et leur intégration économique. L’objectif serait de procéder
progressivement à un transfert de compétences des souverainetés nationales vers les « EtatsUnis d’Europe ».
L’Italie et les trois pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) se joignent à
l’Allemagne et à la France dans la Communauté européenne du charbon et de l’acier
(C.E.C.A.) crée par le Traité de Paris du 18 avril 1951. Le Royaume-Uni refusa de s’engager
dans ce qu’il percevait comme un processus vers l’Europe supranationale. L’accord fut
encouragé par les Etats-Unis préoccupés à l’époque par la « menace communiste ». Le Traité
instituant la C.E.C.A. entra en vigueur le 23 juillet 1952.
Une Haute Autorité du charbon et de l’acier, une assemblée, un Conseil et une Cour
de justice furent institués dans le cadre de la C.E.C.A.5 Avec la mise en place de cet organe
commun, indépendant des Etats, un abandon de souveraineté nationale en faveur d’un pouvoir
supra-étatique est consenti dans un secteur limité. Mais, le Traité C.E.C.A était adopté pour
une durée de 50 ans, il a expiré le 23 juillet 2003.
Dans l’esprit de ses concepteurs cette première réalisation vers l’intégration
fonctionnelle ne devrait pas rester isolée, d’autres initiatives vers l’intégration politique
devaient suivre. L’occasion en sera donnée bientôt avec le débat sur la constitution d’une
armée européenne.
Face à l’aggravation de la Guerre froide, les Etats-Unis poussent à un rapprochement
des pays d’Europe incluant la nouvelle République Fédérale d’Allemagne (R.F.A.) proclamée
en avril 1949 et préconisent le réarmement allemand. Par le Plan Pleven d’octobre 1950, le
gouvernement français proposa d’aller dans ce sens. En effet, il s’agissait de créer entre les Six
une armée européenne composée de contingents nationaux (y compris donc allemands), sous
commandement commun. Un traité instituant une Communauté européenne de défense
(C.E.D.) fut signé à Paris le 27 mai 1952. Mais, alors que le charbon et l’acier ne posaient
guère de problèmes passionnels, il n’en fut pas de même pour les questions militaires. Mais,
après de longues tergiversations, l’Assemblée nationale française refusa de ratifier le Traité de
5 Jean Monnet fut le premier Président de la Haute Autorité.
10
Paris le 30 août 1954, ouvrant la première des grandes crises qu’ait connue la politique
européenne de l’après-guerre.
Ainsi, la volonté de Jean Monnet et de Robert Schuman d’engager parallèlement la
construction politique essuya un premier échec avec le rejet de la C.E.D. L’objectif est
désormais de préparer la Communauté politique en commençant par la construction d’une
Communauté économique. A cet effet, Jean Monnet, qui avait été le premier Président de la
Haute Autorité de la C.E.C.A., démissionna et constitua le Comité d’action pour les ÉtatsUnis d’Europe, groupant les représentants de tous les partis et syndicats européens favorables
à l’unification de l’Europe. Sous son impulsion, des réunions des ministres des Affaires
étrangères des Six à Messine, Bruxelles et Venise entre 1955 et 1957 où fut discutée la
question d’une fusion des économies nationales et des industries atomiques non militaires, se
soldèrent par la signature du Traité de Rome.
§ 2 - Le Traité de Rome: l’acte de naissance du Marché commun
Suite à la Conférence de Messine (1er juin 1955), les gouvernements des Six confient
au Comité Spaak le soin d’étudier la possibilité de créer un marché commun. Réunis à Rome,
les représentants des gouvernements des Six adoptèrent le 25 mars 1957 deux importants
traités. Le premier dit « Traité de Rome » institua la Communauté économique européenne
(C.E.E.). Le second créa la Communauté européenne de l’énergie atomique (C.E.E.A. ou
Euratom). Ces deux communautés commencèrent à fonctionner par étape à partir du 1er
janvier 1959 suite à leur entrée en vigueur. Bruxelles devient le siège de la C.E.E.6
Le Traité Euratom répondait au souci des Six de faire face à l’accroissement des
besoins énergétiques qu’impliquait la relance économique après la phase de reconstruction de
l’après-guerre. Euratom permettait également aux Européens de promouvoir l’industrie
nucléaire et développer les échanges dans les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, un
domaine ou ils accusaient un retard par rapport aux Américains. Seule la France qui s’était
dotée d’un Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.) dès 1945 avait accumulé une expertise
en la matière.
Le Traité CEE porte sur la création d’un Marché commun en vue d’assurer la
construction européenne par l’intégration économique. L’accord constituant la CEE est un
« traité cadre » à la différence des traités CECA et Euratom qui sont des « traités lois ». Le
Traité CEE fixe des objectifs et crée les mécanismes nécessaires pour les atteindre. Il s’agit de
mettre en place le « Marché commun entre les Six par le désarmement douanier et un tarif
douanier extérieur commun ». Le dispositif institua une véritable « préférence
communautaire ». On remarquera que le Traité CEE reposait moins sur une logique politique
de fusion que sur une logique économique d’intégration. Tous les grands secteurs
économiques étaient concernés (industrie, commerce, agriculture).
6 La C.E.C.A. conserve son siège au Luxembourg.
11
Le Traité de Rome prévoit la mise en place d’un Marché commun entre les Six par
l’Union douanière, l’Union économique et monétaire et la libre circulation des personnes, des
services et des capitaux. Ce qui implique la mise en œuvre de politiques communes fondées
sur une réglementation communautaire dans les domaines agricole, social, des transports, de
l’énergie ou de la concurrence. L’objectif est une intégration fonctionnelle par secteurs dans
une perspective fédérale.
On constatera que la supranationalité est moins évidente dans la CEE et Euratom que
dans la C.E.C.A. Il n’y a plus de Haute Autorité, mais une Commission, laquelle dépend d’un
Conseil des ministres représentant les États et décidant à l’unanimité. A ce propos, une
Convention relative aux institutions communes aux Communautés fut aussi adoptée à Rome.
Elle sera complétée par le Traité de Bruxelles du 8 avril 1965 qui est et entré en vigueur le
1er juillet 1967. Cet accord porte sur l’unification des exécutifs des trois communautés
(C.E.E., C.E.C.A., C.E.E.A.) et la création d’une Assemblée parlementaire (Strasbourg) et
d’une Cour de Justice des Communautés (Luxembourg). Le Traité dit de « fusion des
exécutifs » a institué un Conseil et une Commission unique pour les trois communautés
C’est précisément la « préférence communautaire » qui inquiéta le plus le RoyaumeUni qui réagit en prenant l’initiative d’établir une zone de libre échange. L’Association
européenne de libre-échange (A.E.L.E.) fut instituée le 4 janvier 1960 par le Traité de
Stockholm entre le Royaume-Uni, l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède
et la Suisse). L’A.E.L.E. permettait au Royaume-Uni de protéger ses intérêts commerciaux et
en particulier ses rapports économiques avec ses anciennes colonies dans le cadre du
Commonwealth. Le Royaume-Uni fut l’un des protagonistes d’une des crises qu’ont connu les
communautés dans les années soixante.
§ 3 - Les premières crises de la construction européenne
Dans un premier temps le général de Gaulle semblait partisan du processus de
construction européenne lorsqu’il s’associa en 1958 à Konrad Adenauer pour sauver le
Marché commun d’une offensive diplomatique des Britanniques désireux de le diluer dans
une vaste zone de libre-échange s’étendant à toute l’Europe occidentale. Le projet britannique
rejeté par les Six aboutira à la création de l’A.E.L.E. en 1960.
Avec le rapprochement entre la France et l’Allemagne consacré par le Traité de
l’Elysée du 22 janvier 1963, le Marché commun s’arrimait à la locomotive franco-allemande.
Mais, la C.E.E. connaît dès sa mise en place à partir de 1959 ses premières crises avec le veto
de la France à l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun, les désaccords à propos du
Plan Fouchet et la « politique de la chaise vide » prônée par de Gaulle.
12
A. Le veto de Gaulle à l’adhésion du Royaume-Uni
En juillet 1961, le Royaume-Uni, pressé par les Américains, posa sa candidature au
Marché commun. Londres désirait bénéficier des avantages économiques des Communautés,
tout en marquant son opposition à la supranationalité. Les Britanniques demandaient d’autre
part des adaptations et des dérogations compte tenu des liens spécifiques que le Royaume-Uni
entretenait avec ses anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth.
Mais, le 14 janvier 1963, le général de Gaulle manifesta ouvertement son opposition à
l’entrée du Royaume-Uni en invoquant des prétextes économiques. En fait, il craignait surtout
une main mise anglo-saxonne sur le Marché commun qui porterait atteinte à une « Europe
indépendante des Etats-Unis », le candidat anglais étant perçu comme le « cheval de Troie de
l’Amérique ». L’entrée dans le Marché commun nécessitant l’accord de tous les Etats
membres, le veto français barrait la route au Royaume-Uni.
La demande d’adhésion fut renouvelée par Harold Wilson en mai 1967 sans conditions
préalable en même qu’une demande similaire du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège.
Elle essuya en novembre 1967, un nouveau refus du général de Gaulle qui invoqua
l’insuffisance des changements dans la politique britannique à l’égard de l’Europe. Il faudra
attendre le départ du général de Gaulle et la levée des dernières réticences françaises pour que
le Royaume-Uni puisse rejoindre le Marché commun en 1973.
B. Le Plan Fouchet (1961)
Une fois libéré de la guerre d’Algérie, De Gaulle souhaitait donner un prolongement
politique à la C.E.E. et voir émerger une « Europe européenne », par opposition à une
« Europe atlantiste » inféodée aux Etats-Unis. Le Général qui est hostile à toute intégration
politique où disparaîtrait la souveraineté de la France, préconisait, une coopération étroite
entre États souverains, pouvant à termes aboutir à une confédération. Une Commission
présidée par un haut fonctionnaire français, Christian Fouchet fut chargée d’élaborer un projet
en ce sens. Tel est l’objet du Plan Fouchet, proposé en octobre 1961, et qui visait à créer une
Union des peuples européens ayant compétence dans les domaines de la politique extérieure,
de la défense et de la culture.
Le projet d’Union d’Etat dit Plan Fouchet fut rejeté par les cinq autres partenaires de
la France parce qu’il proposait de revenir à des formules classiques de coopération
intergouvernementales et remettait en cause le caractère supranational des institutions
communautaires. Cet échec incitera de Gaulle à constituer au sein de la C.E.E. un axe francoallemand pour résister aux pressions américano-britanniques, c’est le Traité de l’Elysée signé
le 22 janvier 1963 entre le général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer.
13
C. La crise de la « chaise vide » et le « compromis de Luxembourg »
Une troisième crise a pour origine la mise en place de la Politique Agricole Commune
(P.A.C.). La Commission proposait un plan de financement de la P.A.C. qui aurait pour
conséquence de donner des compétences budgétaires à la Commission et au Parlement aux
dépens du système en vigueur fondé sur la contribution des Etats. La France s’opposa à ce
qu’elle considérait comme un glissement vers un budget fédéral et décida en juillet 1965
comme mesure de protestation de ne plus dépêcher de représentants aux réunions des Six. Le
bras de fer entre le gouvernement français et la Commission (présidée par W. Hallstein) s’est
traduit par la politique de la « chaise vide ».
Paris contre attaqua en proposant d’une part la révision des traités en vue de supprimer
le vote majoritaire au profit de l’unanimité au sein du Conseil des ministres, et d’autre part de
limiter les pouvoirs de la Commission qui deviendrait une sorte de secrétariat générale. Les
cinq partenaires refusèrent catégoriquement une renégociation des traités communautaires
qu’impliquait la proposition française. La crise fur réglée par le « compromis de
Luxembourg » du 30 janvier 1966. En échange du retrait du plan de financement de la
Commission, la France renonçait à son exigence de réforme des traités communautaires. Paris
n’obtenait pas une réforme de la Commission, ni une limitation du vote majoritaire, mais
l’engagement de ses partenaires de rechercher un accord unanime sur les questions où un de
ses intérêts vitaux était en jeu. La France obtenait une sorte de clause de sauvegarde.
Section 2: L’approfondissement de la construction européenne
Avec la Conférence de La Haye (1-2 décembre 1969) s’engagea une remise à plat du
processus, phase nécessaire avant toute relance de la construction européenne, dont l’Acte
unique fut le point de départ. En 1970, les négociations en vue de l’adhésion du RoyaumeUni, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège s’ouvrirent. Les trois premiers pays
adhéreront officiellement au Marché commun le 1er janvier 19737. Le retrait de Gaulle de la
scène politique rendait caduc le veto français à l’entrée du Royaume-Uni dans les
communautés.
La phase d’approfondissement de la construction européenne va se dérouler en trois
étapes successives sur la base des propositions des conférences intergouvernementales qui ont
donné lieu à l’adoption de l’Acte unique européen, ainsi que des traités de Maastricht,
d’Amsterdam et de Nice.
7 Consulté par référendum, le peuple norvégien rejeta la ratification du traité d’adhésion.
14
§ 1 - L’Acte unique européen: la relance
A l’origine, l’Initiative Genscher - Colombo (18 novembre 1981) est un projet
d’ « Acte européen » visant à relancer la construction européenne. Elle fut suivie par la
Déclaration solennelle sur l’Union européenne de Stuttgart (19 juin 1983) sur
l’approfondissement et l’extension des politiques communautaires, puis, par la décision du
Conseil de Fontainebleau (26 juin 1984) sur le principe de la réforme institutionnelle.
L’Acte unique européen (AUE) signé à Luxembourg et à La Haye (17 et 28 février
1986) est entré en vigueur le 1er juillet 1987. L’AUE a posé comme impératif l’achèvement
du marché intérieur en 1992 conçu comme « un espace sans frontières intérieures dans
lequel la circulation des marchandises, des personnes et des capitaux est assurée ». L’AUE
se traduit par des aménagements majeurs dans le fonctionnement institutionnel : extension
des domaines de compétence des politiques communautaires (environnement, recherche et
développement); extension de l’usage du vote à la majorité qualifiée (au lieu de l’unanimité)
dans la prise de décision du Conseil; consécration par traité du Conseil européen; pouvoir
général d’exécution des actes communautaires par la Commission (compétence d’exécution);
création d’un Tribunal de première instance auprès de la Cour de justice des Communautés.
L’Assemblée parlementaire des communautés désormais appelée « Parlement
européen » se voit conforté dans son rôle de contrôle au sein des institutions communautaires
à travers la procédure de coopération et l’avis conforme. La procédure dite de coopération
associe le Parlement dans le processus de décision dans les domaines nouveaux relevant du
vote à la majorité qualifiée (pouvoir de procéder à une nouvelle lecture des actes
communautaires afin de proposer des amendements à la Commission et au Conseil). Dans les
autres domaines relevant du vote à l’unanimité le Parlement ne dispose que d’un pouvoir
consultatif, l’avis conforme (voir supra sur les institutions de l’U.E.).
L’AUE prévoit également la mise en place de l’espace sans frontières au 1 er janvier
1993 consacrant ainsi la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des
services. Le « grand marché intérieure » est complété par des programmes d’action en
matière régionale, sociale, énergétique, technologique, industriels. Enfin l’Acte unique énonce
la nécessité de « formuler et mettre en œuvre en commun une politique étrangère
européenne ». Le Traité de Maastricht en fera un pilier de l’intégration européenne.
§ 2 - Le Traité de Maastricht: la « refondation institutionnelle »
C’est dans un contexte international bouleversé par l’effondrement du Mur de Berlin
rendant possible la réunification allemande8 que le débat sur la nécessité de réviser les traités
8 La réunification de l’Allemagne par dissolution de la R.D.A. intervient le 3 octobre 1990.
15
communautaires et de réformer les institutions a été ouvert à l’initiative du Président
Mitterrand et du Chancelier Kohl. Le processus fut couronné par la Conférence
intergouvernementale (CIG) de Rome (15 décembre 1990). Cette CIG ouvrit la voie à la
signature du Traité de Maastricht le 1er février 1992, qui introduisit des amendements majeurs
au Traité de Rome. L’ « Union européenne » succède à la C.E.E.
La phase de ratification par les Etats ne se fit pas sans difficultés. Si la ratification ne
se heurta pas à des obstacles majeurs en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Grèce, en
Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal, elle fut obtenue de justesse au Parlement
britannique. Consultés par référendum les Irlandais approuvent le Traité tandis que les Danois
le rejettent. En France où un débat passionné opposa « pro-Maastricht » et « antiMaastricht », « souverainistes » et « fédéralistes », l’autorisation de ratifier le Traité fut
obtenue de justesse par référendum (51% de oui) le 20 septembre 1992. Le Traité de
Maastricht sur l’Union européenne (Traité U.E.) est entré en vigueur le 1er novembre 1993.
Avec le Traité de Maastricht, c’est l’option d’une intégration croissante par une
réforme profonde de la construction communautaire qui est retenue. Une avancée vers une
union politique à vocation fédérale est amorcée bien que le texte ne le mentionne pas
spécifiquement. Le Traité de Maastricht a modifié la dénomination de la C.E.E. en C.E.
(Communauté européenne) élargissant ainsi les perspectives d’intégration au-delà de
l’économie. Il a instauré de nouvelles formes de coopération entre les Etats membres, en
matière de « politique étrangère et de sécurité » (Titre V du Traité UE) et de « justice et
affaires intérieures » (Titre VI). En ajoutant cette forme de coopération intergouvernementale
au système « communautaire » existant (C.E.C.A., C.E.E.A. et C.E.), le Traité de Maastricht
a crée une nouvelle structure de nature politique et économique, « l’Union européenne »
(U.E.) composée de trois piliers. Contrairement aux Communautés, l’U.E. n’a pas de
personnalité juridique propre.
Parmi les innovations du Traité de Maastricht on retiendra essentiellement :
. Elargissement des domaines de compétence communautaire (à l’éducation, la formation
professionnelle et la jeunesse, la culture, la santé, la protection des consommateurs, les
transports, les télécommunications, l’énergie et l’industrie);
. Renforcement du Parlement (approbation de la désignation de la Commission, participation
au pouvoir d’initiative de la Commission, extension de la procédure de coopération et de
l’avis conforme, pouvoir de codécision, droit de créer des commissions d’enquête);
. Lancement de l’Union économique et monétaire par la création d’une Banque centrale
européenne et d’une monnaie unique;
. Institutionnalisation d’une Cour des comptes;
. Renforcement des compétences de la Cour de justice des Communautés et du Tribunal de
première instance.
16
§ 3 - Des Traités d’Amsterdam et de Nice: la rationalisation du processus européen
Les Traités d’Amsterdam et de Nice s’inscrivaient dans la rationalisation du
processus européen dans la perspective de l’élargissement de l’U.E.
A. Le Traité d’Amsterdam
La nécessité de rendre plus efficace le fonctionnement de l’U.E. et de rationaliser les
mécanismes de coopération est à l’origine du Traité portant révision du traité sur l’Union
européenne adopté au Conseil européen d’Amsterdam (16-17 juin 1997). Le Traité
d’Amsterdam qui fut signé le 2 octobre 1997 est entré en vigueur le 1er mai 1999. Le
nouveau Traité fut précédé par l’élargissement de l’U.E. de 12 à 15 avec l’adhésion de
membres de l’A.E.L.E. : l’Autriche, de la Finlande et la Suède (1er janvier 1995)9 .
Le Traité d’Amsterdam introduisit des innovations dans les dispositions communes
des traités U.E. et C.E. (nouvelle numérotation simplifiée des articles du Traité U.E.) et
prévoyait la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. A ce propos, une
nouvelle disposition stipule que « l’Union est fondée sur les principes de liberté, de la
démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de
l’Etat de droit, principes qui sont communs aux Etats membres » (art. 6 § 1). L’existence
d’une violation grave et persistante de ces principes par un Etat membre peut entraîner la
suspension de certains de ses droits (droit de vote). Cela nécessite une décision à l’unanimité
sur proposition d’un tiers des Etats membres ou de la Commission et après avis conforme du
Parlement européen.
Parmi les mesures essentielles on rappellera :
. Le réaménagement du processus de décision avec l’extension de la procédure de codécision
(au profit du Parlement) et du recours à la majorité qualifiée au sein du Conseil ;
. Le renforcement des politiques communautaires dans les domaines de l’emploi, du social, de
la coopération douanière (par le biais des directives);
. La communautarisation de la coopération intergouvernementale en matière de justice et
d’affaires intérieures (visas, asile, immigration et libre circulation des personnes dans l’espace
communautaire) ;
. La création d’un espace de coopération policière et judiciaire par notamment l’intégration
des accords Schengen10 au Traité d’Amsterdam (Protocole annexe) et la création d’Europol.
9 Le peuple norvégien consulté par référendum comme en 1972, refusa l’adhésion.
10 Accord de Schengen du 14 juin 11986 et Convention d’application de Schengen du 19 juin 1990.
17
B. Le Traité de Nice
Peu avant le sommet de Nice une grave crise institutionnelle a éclaté mettant en cause
des membres de la Commission. Affaiblie par des accusations de mauvaise gestion et par la
menace d’une motion de censure au Parlement européen, la Commission présidée par Jacques
Santer dut démissionner collectivement le 16 mars 1999. Le Conseil européen de Berlin réunit
en session extraordinaire désigna une nouvelle Commission présidée par Romano Prodi. La
décision fut approuvée par le Parlement européen.
Cette crise institutionnelle intervenait à une période cruciale de l’histoire de l’U.E.
Comment l’Union continuera-t-elle à fonctionner de manière efficace lorsqu’elle devra
accueillir plusieurs nouveaux membres suite notamment à l’effondrement du camp socialiste ?
C’est à cette question que devait répondre la Conférence intergouvernementale (C.I.G.)11
chargée à partir de février 2000 à une réforme des institutions qui préparerait l’élargissement
de l’Union européenne à de nouveaux Etats membres. Le Conseil européen de Nice (7 – 11
décembre 2000) s’est achevé sur un accord partiel. C’est au début de l’année 2001 que les
nombreuses questions en suspens ont fait l’objet de compromis permettant la signature du
Traité de Nice le 26 février 2001 et son entré en vigueur le 1er mars 2003.
Une Charte des droits fondamentaux a été également adoptée à Nice en vue de
promouvoir un ensemble de droits civiques, politiques, économiques et sociaux pour les
citoyens européens (voir supra la Constitution).
La question de l’élargissement n’est pas abordée dans le Traité lui-même mais dans
un protocole relatif à l’élargissement annexé qui modifia le mode de fonctionnement des
institutions de l’U.E. On retiendra surtout :
. L’idée selon laquelle la Commission ne devait pas comporter plus de 20 membres pour bien
fonctionner a été rejetée par les petits Etats membres qui craignaient de perdre leur
commissaire. Pendant au moins dix ans, chaque pays sera donc représenté à la Commission
par un seul Commissaire, cette question devant être réexaminée lorsque l’Union comprendra
27 pays ;
. La « repondération » des voix au sein du Conseil a fait l’objet d’âpres débats12 : le nouveau
dispositif qui entrera en vigueur au 1er janvier 2005 prévoit une modification du nombre de
voix attribué à chaque Etat, et le nombre de voix qui sera attribué aux pays candidats dès leur
11 La C.I.G. réunit les représentants des Etats membres (Ministres des Affaires étrangères) et la Commission.
européenne. C’est une C.I.G. qui avait adopté le Traité d’Amsterdam. .
12 La France avait refusé que l’Allemagne, dont le poids démographique est plus important, dispose d’un plus
grand nombre de voix ; d’autres pays calculaient la minorité de blocage qui leur était nécessaire en cas de vote.
18
entrée dans l’U.E. (voir supra la Commission) ;
. Le plafonnement à 732 du nombre de députés au Parlement européen après l’élargissement
et la redistribution des quotas par nationalités (voir supra le Parlement).
Le Traité de Nice a fait du vote à la majorité qualifiée (au lieu du vote à l’unanimité) la
règle générale pour les décisions relatives à la plupart des politiques communautaires.
L’extension de la majorité qualifiée qui a été décidée concerne aujourd’hui une trentaine de
domaines qui passent intégralement ou partiellement de l’unanimité à la majorité qualifiée,
notamment : la nomination du Président et des membres de la Commission, la libre circulation
des personnes, la coopération judiciaire civile, le statut des partis politiques au niveau
européen, les mesures nécessaires à l’introduction de l’Euro, la politique industrielle, la
coopération avec les pays tiers.
Le Traité de Nice abordait également la question des «coopérations renforcées» ou
coopération « hors traités » dont le principe avait été retenu par le Traité d’Amsterdam.
Désormais, un nombre restreint de pays pourra y recourir sans que les autres membres
puissent y opposer leur veto, mais cela devra être validé par la Commission et au moins
huit États devront être impliqués. Le Traité de Nice a donc assoupli les conditions qui
limitaient le recours à la « coopération renforcée » prévu par le Traité d’Amsterdam afin de
permettre à certains Etats membres à même de le faire de coopérer ensemble, les autres étant
libres de rejoindre le groupe ultérieurement. Parmi les domaines concernés, la « Politique
étrangère et de sécurité commune » (P.E.S.C.) ;
De nouvelles modifications auraient dû être apportées aux traités par la Constitution
européenne dont le rejet par les citoyens de certains Etats membres laisse en friche la question
de l’avenir de l’unification européenne.
Section 2: Le débat sur l’avenir de l’Europe
Le Conseil européen de Laeken (15 décembre 2001) a décidé de confier à une
« Convention sur l’avenir de l’Europe » le soin de proposer une meilleure répartition des
compétences entre l’U.E. et les Etats membres afin de prévenir un « élargissement furtif des
compétences de l’Union » aux dépens de la « compétence exclusive des Etats membres ».
La Convention ouverte à Bruxelles le 28 février 2002 sous la présidence de Valery
Giscard d’Estaing13 fut un forum de dialogue entre les représentants des gouvernements, des
13 La composition de la Convention s’établit comme suit : Le Président assisté de 2 vice-présidents (Giuliano
Amato et Jean-Luc Dehaen) ; 15 représentants des chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres, 30
représentants des parlements nationaux (2 par Etat membre), 16 membres du Parlement européen, 2 représentants
de la Commission européenne dont son Président (Romano Prodi), et 39 représentants des 13 pays candidats à
19
parlements nationaux, du Parlement européen, de la Commission et de la société civile. La
Convention a présenté son « projet de traité instituant une Constitution européenne » au
Conseil européen de Thessalonique (20 juin 2003) avant de se séparer le 10 juillet 2003. Le
Conseil européen a qualifié le projet « d’étape historique en vue de promouvoir la réalisation
des objectifs de l’intégration européenne ». Ces objectifs consistent à rapprocher l’Union des
citoyens, à renforcer le caractère démocratique de l’U.E., à faciliter la capacité de décision,
notamment après l’élargissement, à développer la capacité de l’Union à agir en tant que force
cohére te et unifiée dans le cadre du système international, à répondre avec efficacité aux défis
que posent la mondialisation et l’interdépendance.
L’accord sur le projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention européenne
fut entériné par le Conseil européen de Bruxelles le 18 juin 2004. Le Traité établissant une
Constitution pour l’Europe fut signé à Rome le 29 octobre 2004 par les chefs d’Etat et de
gouvernement des 25 Etats membres de l’U.E. Il devait être ratifié par chacun des membres
selon leurs procédures constitutionnelles respectives (référendum ou voie parlementaire). Ce
n’est qu’une fois cette étape franchie que le Traité entrera en vigueur, au plus tôt le 1 er
novembre 2006. Mais, cette perspective s’éloigne avec le rejet du texte dans certains Etats
membres.
§ 1 - La crise née du rejet de la Constitution européenne
Pourquoi un nouveau traité européen ? Il s’agissait de répondre à deux grands défis de
la construction européenne : comment renforcer la légitimité du système européen auprès des
citoyens ? Comment faire fonctionner une Union à vingt-cinq membres ? Le Traité établissait
une Constitution pour l’Europe avait vocation à remplacer l’ensemble des traités, dont
l’accumulation nuit à la clarté et à la lisibilité de la construction européenne.
Avec un cadre institutionnel rénové, la Constitution clarifie les rôles respectifs du
Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Toutefois, elle n’étend pas les
compétences de l’Union et les dispositions qui régissent les politiques actuelles demeurent
pour l’essentiel inchangées. Contrairement au Traité de Maastricht, la Constitution ne crée
aucune nouvelle politique pour l’Union. On notera toutefois quelques innovations en matière
de P.E.S.C. avec l’institution d’un MAE de l’Union et l’instauration d’une « clause de
solidarité » entre les Etats membres, en cas notamment d’attaque terroriste. L’effort le plus
notable concerne la simplification des instruments de l’Union. Aujourd’hui, il y’a trente-six
types d’actes communautaires. La Constitution définit six instruments : la loi européenne, la
loi-cadre, le règlement, la décision, la recommandation et l’avis. La loi définira les éléments
essentiels d’un domaine, et la définition des aspects plus techniques pourra être déléguée à la
Commission, sous le contrôle des deux co-législateurs.
l’entrée dans l’Union (1 représentant du gouvernement et 2 représentants par parlement de chacun des Etats
candidats). Un præsidium de 12 membres dirigeait les travaux.
20
Les principales critiques accusent le Traité constitutionnel de consacrer le seul modèle
économique libéral aux dépens de tout autre. Les souverainiste y ont vu le symbole d’une
Europe fédérale sacrifiant les nations. Pour d’autres encore ce Traité laisse de côté de vraies
questions : Comment trouver un équilibre entre les attentes très différentes des citoyens des
nouveaux Etats membres et ceux de l’Europe occidentale ? 14 Qu’en est-il du positionnement
international de l’Union ?
Les référendums organisés en mai et juin 2005 en France et aux Pays-Bas, se soldent
par un rejet de la Constitution européenne créant une grave crise politique et institutionnelle
au sein de l’Union15. Ce rejet par deux Etats fondateurs du Marché commun, ne compense pas
la ratification par l’Allemagne (voie parlementaire) ou l’Espagne (référendum) et conduit
même le Royaume-Uni et la Pologne à reporter sine die respectivement le vote parlementaire
et le référendum prévus sur le texte. Même si le processus de ratification par les autres Etats
membres se poursuit, l’U.E doit affronter une des plus graves crises de son histoire.
Le rejet de la Constitution n’a pas pour effet de remettre en cause l’U.E. mais plutôt
une certaine idée de l’Europe technocratique telle qu’elle s’est imposée jusqu’ici. Le rejet de
la Constitution au-delà de la crise de confiance qu’il révèle impose un retour aux sources,
peut-être une pause dans la construction européenne. Sur le plan juridique c’est un retour aux
traités existants.
Mais le rejet de la Constitution a fragilisé l’Union en réveillant d’anciennes querelles à
propos de qui gagne et qui perd dans l’U.E. En décembre 2005, un compromis de dernière
minute sur l’exercice budgétaire (2007-2013) a mis fin au bras de fer franco-britannique qui
menaçait l’U.E. d’une crise budgétaire aussi sérieuse que celle déclenchée en 1979 par
Margaret Thatcher pour obtenir un rabais sur la contribution britannique. Il faut abandonner la
PAC qui coûte trop chère demande Londres. Il faut supprimer le « rabais britannique »
rétorque Paris ! Le compromis coupe la poire en deux : le Royaume-Uni accepte une
réduction du « rabais britannique » et la France des économies sur la PAC.
La Constitution définissait l’U.E. comme une « union des citoyens et des Etats ». Une
innovation emblématique symbolisant cette « Union des citoyens » est l’institution d’un
« droit d’initiative populaire »16 et surtout d’une Charte des droits fondamentaux.
14 « Le projet de Constitution est en vérité un traité de plus, paré des attributs d’une Constitution qui ne va pas
changer grand-chose. Il aurait été heureux de laisser à leur place les questions institutionnelles et de se consacrer
plutôt à ce que veulent faire ensemble les Européens » notait Renaud Dehousse dans Une Constitution pour
l’Europe ? Presses de Sciences Politiques, 2002.
15
Les Français ont été 54,6% contre 45,3% à s’opposer au texte européen tandis que les Néerlandais ont rejeté
le texte par 61,6% contre 38,4% de votes favorables.
16 Ainsi, une pétition recueillant au moins un million de signatures dans plusieurs Etats membres peut inciter la
Commission à prendre une initiative législative.
21
§ 2 – Vers une Europe des citoyens : La Charte européenne des droits fondamentaux
Avec ou sans la Constitution, la notion de citoyenneté de l'Union a déjà un contenu.
Toute personne ayant la nationalité d'un État membre est considérée comme citoyen de
l'Union. Cette citoyenneté garantit notamment: la liberté de circulation et de séjour sur le
territoire de l'Union; le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et du Parlement
européen dans l'État de résidence; le droit de pétition au Parlement européen et de recours au
médiateur européen. La citoyenneté de l'Union ne remplace pas la citoyenneté nationale mais
s'y ajoute.
La citoyenneté prend toute sa signification avec la Charte des droits fondamentaux
intégrée dans la Partie II du Traité constitutionnel ce qui lui donne le caractère contraignant
d’un instrument juridique. Le texte de la Charte avait été élaboré par une précédente
Convention et solennellement proclamé par le Parlement, le Conseil et la Commission à Nice
en décembre 2000. Son intégration dans la Constitution dote l’Union d’un catalogue de droits
spécifiques.
Quel est dès lors son statut après le rejet de la Constitution ?
La Charte contribue à développer le concept de citoyenneté de l'Union ainsi qu'à créer
un espace de liberté, de sécurité et de justice (comme l'affirme le préambule de la Charte). La
Charte renforce la sécurité juridique en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux,
protection qui jusqu'à présent n'était garantie que par la jurisprudence de la Cour de justice et
par l'article 6 du Traité U.E. et en dehors de l'Union européenne par la Convention européenne
des droits de l’homme.
La Charte proclame dans ses 54 articles les droits suivants:
. La Dignité : dignité humaine, droit à la vie, droit à l'intégrité de la personne,
interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants,
interdiction de l'esclavage et du travail forcé ;
. La Liberté : droits à la liberté et à la sûreté, respect de la vie privée et familiale,
protection des données à caractère personnel, droit de se marier et droit de fonder une
famille, liberté de pensée, de conscience et de religion, liberté d'expression et
d'information, liberté de réunion et d'association, liberté des arts et des sciences, droit à
l'éducation, liberté professionnelle et droit de travailler, liberté d'entreprise, droit de
propriété, droit d'asile, protection en cas d'éloignement, d'expulsion et d'extradition;
22
. L’Égalité : égalité en droit, non-discrimination, diversité culturelle, religieuse et
linguistique, égalité entre hommes et femmes, droits de l'enfant, droits des personnes
âgées, intégration des personnes handicapées ;
. La Solidarité : droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de
l'entreprise, droit de négociation et d'actions collectives, droit d'accès aux services de
placement, protection en cas de licenciement injustifié, conditions de travail justes et
équitables, interdiction du travail des enfants et protection des jeunes au travail, vie
familiale et vie professionnelle, sécurité sociale et aide sociale, protection de la santé,
accès aux services d'intérêt économique général, protection de l'environnement,
protection des consommateurs ;
. La Citoyenneté : droits de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen,
droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, droit à une bonne administration,
droit d'accès aux documents, médiateur, droit de pétition, liberté de circulation et de
séjour, protection diplomatique et consulaire ;
. La Justice : droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, présomption
d'innocence et droits de la défense, principes de la légalité et de la proportionnalité des
délits et des peines, droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une
même infraction ;
En général, les droits mentionnés sont reconnus à toute personne. Toutefois, la
Charte fait aussi référence à des catégories de sujets ayant des besoins particuliers
(enfants, personnes âgées, personnes avec un handicap). En outre, la situation
spécifique du citoyen européen est considérée en faisant référence à certains droits déjà
mentionnés dans les traités (liberté de circulation et de séjour, droit de vote, droit de
pétition), tout en introduisant aussi le droit à une bonne administration.
On remarquera que prenant en compte l'évolution de la société, la Charte
mentionne des droits nouveaux qui ne figuraient pas dans la Convention du Conseil de
l'Europe de 1950 (protection des données, bioéthique…).
La Charte est applicable aux institutions européennes dans le respect du principe
de subsidiarité et aux États lorsqu’ils mettent en œuvre la législation communautaire.
D'ailleurs, l'obligation des États membres de respecter les droits fondamentaux dans le
cadre de la législation communautaire avait déjà été confirmée par la jurisprudence de
la Cour de Justice (voir par exemple l'Affaire C 292/97).
La Charte est appelé à devenir un paramètre de référence pour la Cour de
justice des Communautés européennes (C.J.C.E.) et les tribunaux nationaux. Ainsi,
dans un mémorandum de la Commission de mars 2001, le Président de la Commission
européenne, M. Romano Prodi et le Commissaire chargé de la Justice et des Affaires
intérieures, M. António Vitorino, ont déclaré que la Charte doit devenir la "pierre de
touche" des actions futures de la Commission. Désormais, toute nouvelle loi ou tout
nouvel instrument législatif ayant un rapport quel qu'il soit avec les droits
23
fondamentaux doit contenir la suivante déclaration formelle: "Le présent acte respecte
les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne."
CHAPITRE II : LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES
A l’instar d’une entité fédérale, l’U.E. exerce quatre types de compétences dîtes
exclusives, partagées, d’appui et spécifiques. L’Union a des compétences exclusives dans les
domaines qui concernent l’union douanière, les règles de concurrence, la politique monétaire
(pour la zone euro seulement), la conservation des ressources halieutiques et la politique
commerciale. Elle dispose de compétences partagées avec les Etats membres dans de
nombreux domaines comme le marché intérieur, la cohésion économique, sociale et
territoriale, l’agriculture, l’environnement, les transports, la protection des consommateurs,
l’énergie, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, la recherche, la coopération en matière
de développement. Elle exerce des compétences d’appui dans certains domaines : industrie,
culture, tourisme, éducation, santé ; l’Union n’intervient que pour coordonner ou compléter
l’action des Etats membres, sans harmoniser les législations nationales. Enfin, l’U.E. a des
compétences spécifiques en matière de « coordination des politiques économiques et de
l’emploi » et de « politique étrangère et de sécurité commune ».
Le rôle des institutions communautaires est crucial dans la définition et la répartition
des compétences. A ce propos, les principales institutions de l’Union sont le Conseil
européen, le Conseil des Ministres, la Commission et le Parlement. Mais le système
institutionnel comporte aussi des institutions de contrôle (Cour de Justice, la Cour des
comptes) et des organes consultatifs (Comité économique et social et Comité des régions).
Les Traités ont prévu un mécanisme de coopération et de partage des compétences entre ces
organes.
Section 1: Le Conseil européen et le Conseil de l’Union
Bien que ne constituant pas une institution au sens stricte du terme, le Conseil
européen joue un rôle important dans l’édifice institutionnel, au même titre que le Conseil des
Ministres ou Conseil de l’Union.
§ 1 - Le Conseil européen : un organe d’impulsion et d’orientation
Il est issu d’une pratique de réunions au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement.
Le Sommet de Paris (9-10 décembre 1974) a décidé d’instituer ces réunions tandis que l’Acte
unique européen va consacrer le Conseil européen non comme institution communautaire,
24
mais comme instance de coopération intergouvernementale.
Le Conseil se réunit deux fois par an (juin et décembre) au niveau des chefs d’États et
de gouvernements assistés des ministres des Affaires étrangères et du Président de la
Commission sur le territoire de l’État qui exerce la présidence de l’U.E. Cette présidence est
assurée à tour de rôle par chaque Etat membre pour une durée de six mois. Il peut également
se réunir en session extraordinaire.
Le Conseil européen est donc un organe politique chargé de donner à l’Union les
impulsions nécessaires à son développement et de définir les orientations politiques générales
(Art.4 du Traité de Maastricht). Il assure la cohésion politique d’ensemble des communautés.
Il a le pouvoir d’aborder toute question d’intérêt commun pour l’U.E. Ainsi, il a un pouvoir
d’initiative pour ce qui concerne non seulement le cadre communautaire mais aussi le
deuxième et troisième pilier.
Le Conseil européen a joué parfois un rôle d’impulsion et d’arbitrage des dossiers sur
lesquels les ministres ne parvenaient pas à un accord : problème de la contribution britannique
au budget communautaire (Fontainebleau 1984), réforme de la PAC (Bruxelles, 1988),
situation du Danemark après le referendum hostile au Traité de Maastricht (Maastricht, 1991),
Pacte de stabilité et traité modifiant le Traité de Maastricht (Amsterdam, 1997), démission de
la Commission Santer (mars 1999), nomination de la Commission Barroso (2004). A
remarquer que depuis le Traité d’Amsterdam, le Conseil européen peut constater l’existence
d’une violation grave par un Etat membre des droits de l’homme et de la démocratie.
Une des innovations de la Constitution est d’ériger en institution à part entière le
Conseil européen au même titre que le Conseil des ministres, la Commission, le Parlement et
la Cour de justice (Art. I-18). Un Président du Conseil européen est aussi prévu.
§ 2 - Le Conseil des ministres: une institution clef de décision
Le Conseil des ministres ou Conseil de l’Union est l’instance représentative des Etats
membres de l’U.E. Il réunit les ministres compétents des États membres (ministre des Affaires
étrangères, de l’Agriculture, de l’Economie et des Finances, des Affaires sociales, de la
Justice ou de l’Intérieur). Il est un organe clef de décision dans le « triangle institutionnel »
(Parlement, Commission et Conseil). Bien qu’il partage avec le Parlement, le pouvoir
législatif, il dispose de compétences exécutives propres. Ses décisions se prennent selon des
modalités de vote différentes.
A - Un organe à la fois exécutif et législatif
25
Le Conseil des ministres est un exécutif chargé de l’harmonisation des politiques
économiques. Il est habilité à conclure au nom de l’U.E. des accords internationaux avec des
Etats tiers ou d’autres ensembles régionaux. Mais le Conseil est aussi un législateur puisqu’il
a le pouvoir d’adopter des normes communautaires sous forme de règlements et de directives
et d’en faire assurer l’exécution par la Commission. Il partage aussi avec le Parlement le
pouvoir budgétaire. En fait, la répartition des compétences entre le Conseil des ministres et la
Commission est mouvante ; celui-ci assure non seulement la compétence législative mais peut
également entrer dans les détails de l’exécution généralement confiée à la Commission.
Le Conseil a un pouvoir de décision. Il peut déléguer les compétences d’exécution à la
Commission. Dans la pratique, il a une fonction générale de coordination en matière de
politique économique de l’U.E. On remarquera que la Constitution a définit de manière plus
claire les compétences du Conseil des ministres et a établit la règle de base selon laquelle le
Conseil des ministres « statue à la majorité qualifiée » (Art. I-23).
Le Conseil est assisté dans son fonctionnement par un Secrétariat général qui est
l’instrument administratif du Conseil. Le Secrétaire général assiste aux réunions du Conseil
des ministres. La Commission est également invitée à participer aux réunions du Conseil au
titre du commissaire compétent pour les questions examinées par celui-ci.
On rappellera enfin le rôle majeur des Comités dans l’organisation des travaux du
Conseil. On citera en particulier le Comité des représentants permanents (COREPER) qui
assure la représentation permanente17 des Etats membres dans le mécanisme communautaire
et la coordination des nombreux comités et groupes de travail qui préparent les travaux du
Conseil des ministres (Art. 207 § 1)18.
B - un système de vote à géométrie variable
Pour ce qui est de la prise de décision, la pratique du vote à l’unanimité a été
dominante dans les années soixante et soixante-dix (compromis du Luxembourg du 29 janvier
1966). La réintroduction du vote à la majorité qualifiée (déjà prévu par le Traité de Rome pour
certaines questions) fut consacrée dans l’Acte unique mais pour des domaines précis. Ces
domaines seront progressivement élargit suite aux Traités de Maastricht, d’Amsterdam et de
Nice. Les décisions du Conseil des ministres se prennent à l’unanimité, à la majorité simple
ou à la majorité qualifiée.
Le vote à l’unanimité signifie en pratique la possibilité pour chaque Etat membre
17 Composé des ambassadeurs et des représentants permanents adjoints.
18 Des groupes de travail, des groupes d’experts et des Comités restreints assistent également le Conseil des
ministres.
26
d’user d’un droit de veto. Elle s’applique aux décisions majeures pour l’Union et les questions
de nature « constitutionnelle » : adhésion d’un nouveau membre (Art. 49), droits accordés aux
citoyens européens (Art. 19 et 22), visa, asile, immigration et autres politiques liées à la libre
circulation des personnes (Art. 67), procédure d’élection du Parlement européen (Art. 190 §
4), ressources propres de la Communauté (Art. 269), harmonisation des politiques fiscales
(Art. 93), fonds structurels (Art. 161), fonctionnement de l’Union économique et monétaire
(Art. 105, 111 et 123). De puis le Traité de Nice, le nombre de domaine régit par une décision
à l’unanimité a été sensiblement réduit. L’unanimité est maintenue dans le domaine de la
fiscalité, et partiellement dans ceux de la politique sociale et de la P.E.S.C.
La règle est que les décisions se prennent à la majorité simple « sauf dispositions
contraires du Traité » (Art. 205 § 1). Dans les faits, la plupart des dispositions prévoient des
décisions à l’unanimité ou à la majorité qualifiée. La majorité simple concerne des domaines
résiduels: questions de procédure pour la Politique étrangère et de sécurité commune.
Le vote à la majorité qualifiée tend à s’imposer dans la prise de décision dans un
nombre croissant de domaines : suspension des droits d’un Etat membre violant les principes
de l’Union (Art. 7 § 4 et Art. 309), la P.A.C. (Art. 37), visas pour les séjours supérieurs à trois
mois (Art. 67 § 3), politique commerciale commune (Art. 132 § 1, 133 § 4), budget (Art. 272),
adoption des accords internationaux sauf accords d’association (Art. 300 et 301). A ce propos,
le Traité de Nice permet de prendre à la majorité qualifiée des décisions sur une trentaine de
dispositions jusqu’alors régies par l’unanimité. Il s’agit notamment de la nomination du
Président et des membres de la Commission (Art. 214), du Secrétaire général du Conseil des
ministres (Art. 207 § 2) et des membres de la Cour des comptes (Art. 247 § 3).
Une pondération des voix pour les votes qualifiés est prévue avec une prépondérance
en faveur des quatre grands Etats membres de l’Union (Allemagne, France, Royaume-Uni et
Italie). A Nice, dans la perspective de l’élargissement de l’U.E., il fut décidé de modifier la
pondération des voix de chaque Etat et d’attribuer un nombre de voix aux pays candidats dès
leur entrée dans l’Union. Fruit d’un compromis difficile, un système complexe issue de Nice
organise trois conditions pour que la majorité qualifiée soit réunit au sein du Conseil :
. La majorité simple des Etats soit 13 Etats sur 25 ;
. La majorité qualifiée des voix, fixée à 72 % du total selon une grille de pondération
(voir ci-dessous), soit 232 voix sur 321 dans une Europe à 25 ;
. Un filet démographique (à la demande de l’Allemagne), qui permet à tout Etat de
vérifier que la majorité qualifiée réunie représente au moins 62% de la population de l’Union.
27
La nouvelle pondération des voix s’établit comme suit :
Etats membres
Etats candidats
Allemagne
29
Bulgarie
10
France
29
Roumanie
14
Italie
29
Royaume-Uni
29
Espagne
27
Pologne
27
Pays-Bas
13
Belgique
12
Grèce
12
Portugal
12
Hongrie
12
République tchèque 12
Suède
10
Autriche
10
Danemark
13
Finlande
7
Irlande
7
Lettonie
4
Lituanie
7
Slovaquie
7
Chypre
4
Estonie
4
Luxembourg
4
28
Slovénie
4
Malte
3
La Constitution procède à une redéfinition simplifiée de la majorité qualifiée qui doit
désormais réunir la moitié des Etats membres (55%) représentant les trois cinquièmes de la
population totale (60 %) de l’U.E.19. Le seuil de la majorité qualifiée est abaissé pour faciliter
la prise de décision. Mais, face à l’opposition de l’Espagne et de la Pologne attaché au
système défini à Nice qui leur accorde un statut de « quasi grands », il fut décidé de repousser
à 2009, l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles simplifiées de calcul de la majorité
qualifiée. En attendant ce sont donc les règles adoptées à Nice qui sont en vigueur.
Section 2 : La Commission européenne
La Commission européenne est l’incarnation de l’exécutif communautaire et la
« gardienne des traités » de l’Union. Elle est souvent perçue comme le symbole de la
« technocratie européenne ». Elle a été crée pour représenter, en toute indépendance, l’intérêt
européen commun à tous les pays membres de l’U.E. La Commission dont le siège est à
Bruxelles a vu ses compétences d’attribution s’élargir au fur et à mesure du renforcement
institutionnel de la construction européenne.
§ 1 - L’incarnation de l’exécutif communautaire
Selon le Traité de Rome, les membres de la Commission étaient désignés « d’un
commun accord par les gouvernements des Etats membres » pour un mandat de quatre ans. Le
Traité d ‘Amsterdam a requis l’approbation du Parlement européen pour l’investiture
collégiale de la Commission (Art. 214). Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, le
mandat de la Commission est étendu à cinq années20. Avec l’entrée en vigueur du Traité de
Nice, la procédure de nomination de la Commission a été modifiée (Art. 214 du Traité C.E.).
Les membres de la Commission sont désignés non plus à l’unanimité mais à la majorité
qualifiée.
La pratique constante est que chaque gouvernement désigne lui même son ou ses
nationaux devant siéger à la Commission, les autres Etats ne s’opposant pas à son choix. Le
nombre de commissaires a augmenté au rythme des élargissements successifs. La désignation
du Président et des autres membres de la Commission se déroule selon les phases suivantes :
19 Une minorité de blocage réunissant au moins quatre Etats membres est prévue.
20 Cela permettait de le calquer sur la durée de la législature du Parlement européen.
29
. Désignation du Président de la Commission d’un commun accord par le Conseil européen;
. Désignation des commissaires par le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur la base d’une
liste de personnalités proposées par le Président de la Commission ;
. Le Président et les membres de la Commission sont nommés par le Conseil statuant à la
majorité qualifiée, après l’approbation du collège par le Parlement.
L’approbation du Collège par les députés européens apparaît comme un embryon de
responsabilité démocratique de la Commission devant le Parlement européen. On remarquera
que cette responsabilité démocratique se reflète dans le fait que le Président de la Commission
présente au Parlement son programme de travail, que les commissaires sont auditionnés
individuellement et que le Parlement peut refuser d’approuver l’investiture du collège (ex :
Commission Barroso en octobre 2004) des Commissaires.
On remarquera que le Traité de Nice a renforcé les pouvoirs du Président de la
Commission qui dorénavant pourra décider de la répartition des portefeuilles, pourra les
remanier en cours de mandat et demander à un commissaire de démissionner, après
approbation du collège (Art. 217 C.E.).
Avant l’élargissement, la Commission se composait de vingt commissaires désignés
sur la base de la représentation de tous les Etats membres pour un mandat de cinq ans.
Toutefois les cinq grands pays de l’U.E. (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et
Espagne) disposaient chacun de deux commissaires. Mais, dans la perspective de
l’élargissement, le Traité de Nice limite la composition de la Commission 2004-2009 à un
commissaire pour chaque Etat membre, les cinq Etats les plus peuplés perdront leur deuxième
commissaire tandis que la nouvelle Commission a accueilli dix commissaires supplémentaires
représentant les dix nouveaux Etats membres. Lorsque l’Union comptera vingt-sept Etats
membres, le nombre de commissaires sera plafonné.
La Constitution européenne prévoit un resserrement de la Commission : à partir de
2014, le Collège ne sera plus composée d’un commissaire par Etat, mais réduite à un nombre
de membres correspondant au deux tiers du nombre des Etats membres. Le nombre des
commissaires est fixé à 15 dont 13 feront l’objet d’une « rotation égale » entre Etats
membres. La désignation du Président de la Commission prendra en compte le résultat des
élections au Parlement européen.
La Constitution institue des vice-présidents de la Commission21, un Ministre des
Affaires étrangères de l’Union qui est chargé au sein de la Commission de la coordination des
actions extérieures de l’Union (Art. I-28).
21 Suite à une proposition en ce sens de MM. Jacques Chirac, Tony Blair et Gerhard Shroeder (Sommet de
Berlin en février 2004).
30
§ 2 - Une compétence élargie
Par opposition au Conseil qui est un organe politique, la Commission est un organe
technique ou « technocratique ».
Chaque Commissaire détient un « portefeuille » dans un secteur particulier des
politiques communautaires. Il est responsable de la mise en œuvre des décisions de la
Commission dans son secteur (délégation explicite)22. Le Traité d’Amsterdam stipule que
« les membres de la Commission exercent leur fonction en pleine indépendance, dans l’intérêt
des Communautés » et « n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement » (Art.157).
La Commission est responsable collégialement devant le Parlement qui peut l’obliger à
démissionner en adoptant une motion de censure recueillant les deux tiers des voix (Art. 201).
Si ce cas ne s’est jusqu’ici: pas présenté, on rappellera toutefois, la démission collective de la
Commission Santer le 16 mars 1999, suite à des allégations avérées de fraude, de mauvaise
gestion et de népotisme. Cette crise institutionnelle sans précédent a été réglée par la
désignation d’une nouvelle Commission par le Conseil européen de Berlin (25 mars 1999).
Les principales attributions de la Commission sont :
. De veiller à l’application des traités et des décisions des institutions communautaires;
. De formuler des recommandations et des avis;
. De participer à l’élaboration des actes du Conseil des ministres et du Parlement européen;
. D’exercer les compétences que le Conseil lui confère;
. De gérer les instruments communautaires tels que les fonds structurels;
. De négocier des accords avec les Etats tiers.
La Commission dispose d’un pouvoir de décision autonome (réglementation de la
concurrence) limité par l’existence du pouvoir décisionnel principal du Conseil des ministres.
Ainsi, elle dispose d’un pouvoir d’initiative en matière de propositions d’actes
communautaires à la demande ou non du Conseil et du Parlement. Mais la Commission
22 C.J.C.E., 13 juin 1958, Affaire Meron, 9/56, 11.
31
dispose aussi d’un pouvoir de décision délégué lorsque le Conseil lui demande d’édicter des
mesures d’application des actes qu’il a adopté23.
Dans son domaine de compétence exclusif, la réglementation de la concurrence, la
Commission exerce un pouvoir de contrôle, d’enquête et de sanction (amendes) non
seulement à l’égard des Etats membres (en cas d’incompatibilité des aides publiques avec le
fonctionnement du Marché commun), mais également des entreprises (infractions aux règles
communautaires, détournement de financements des fonds structurels). Ainsi, elle a la faculté
de saisir la Cour de Justice des Communautés d’un recours en cas de manquement par un Etat
membre de ses obligations. Les décisions de la Commission sont acquises à la majorité simple
de ses membres sur les dossiers sectoriels.
Section 3 : Le Parlement européen
Le Traité de Rome avait prévu un Parlement composé des représentants des
parlements nationaux. Depuis une décision du Conseil (30 septembre 1976) le Parlement
européen est élu au suffrage universel direct tous les cinq ans. La première élection au
suffrage universel est intervenue en juin 1979. Le Parlement a été renouvelé en 1984, 1989,
1994, 1999 et 2004. Expression de l’Europe des citoyens, le Parlement tend à s’ériger en
pouvoir de délibération et de contrôle du fonctionnement institutionnel de l’Union.
§ 1 - L’institution de représentation des peuples
Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Dans la
perspective de l’élargissement de l’Union, le Traité de Nice a limité le nombre maximum de
députés européens à 732. Ils peuvent s’organiser en groupes parlementaires plurinationaux par
affinité politique. Il y’a sept groupes parlementaires dont les deux plus importants sont le Parti
des socialistes européens (PSE) et le Parti populaire européen (PPE : démocrates-chrétiens).
Le Parlement siège à Strasbourg24 mais certaines sessions se déroulent à Bruxelles
(réunions des commissions). Il est organisé en dix-sept commissions parlementaires
permanentes (agriculture, budget, politique régionale, droits des femmes, etc.) mais il peut
aussi créer des commissions temporaires d’enquêtes25.
23 Sous réserve de respecter les règles et les principes posés par le Conseil (C.J.C.E. 19 novembre 1998,
Portugal contre Commission, aff. C-159/96).
24 Décision du Conseil européen d’Edimbourg en 1992.
25 On mentionnera en particulier la Commission d’enquête sur les allégations d’infractions ou de mauvaise
administration concernant certains commissaires, qui fut à l’origine de la démission collective de la Commission
présidée par Jacques Santerre.
32
Le Parlement adopte son programme de travail et élit son Président pour un mandat de
deux ans et demi (l’Espagnol Josep Borrell Fontelles succéda en 2004 à l’Irlandais Pat Cox).
Le Président est assisté de vice-présidents (un par Etat membre). Il a essentiellement une
fonction de représentation.
Dans le Parlement 2004-2009 la répartition des sièges s’effectuera selon la
pondération démographique suivante :
Etats membres
(sièges)
Nouveaux Etats membres
(sièges)
Allemagne
99
Pologne
54
France
78
Roumanie
36
Italie
78
Hongrie
24
Royaume-Uni
78
République tchèque
24
Espagne
54
Bulgarie
18
Pays-Bas
27
Slovaquie
14
Belgique
24
Lituanie
13
Grèce
24
Lettonie
9
Portugal
24
Slovénie
7
Suède
19
Chypre
6
Autriche
18
Estonie
6
Danemark
14
Malte
5
Finlande
14
Irlande
13
Luxembourg
6
§ 2 - Un pouvoir croissant de délibération et d’approbation
Limité à l’origine à un rôle consultatif, le Parlement s’est progressivement vu
reconnaître un pouvoir croissant dans le processus décisionnel. Dans de nombreux domaine, il
a un rôle de co-législateur au côté du Conseil. Avec les réformes introduites par les Traités de
Maastricht, d’Amsterdam et de Nice un pouvoir de « co-décision » est reconnu au Parlement
sur plusieurs questions (marché intérieur, éducation, santé, protection des consommateurs,
transport, environnement, recherche, etc.). Dans la procédure dite de « co-décision », la
33
Commission adopte une proposition qui pour être mise en œuvre nécessite l’accord du
Parlement et du Conseil de l’Union statuant à la majorité qualifiée. L’avis conforme du
Parlement est aujourd’hui exigé pour certaines décisions telles l’adhésion d’un nouvel Etat ou
la conclusion d’accords internationaux de coopération avec les Etats tiers.
La Constitution prévoit une extension très substantielle du champ de la codécision, qui
donne le dernier mot au Parlement en matière législative.
Le Parlement européen adopte des résolutions destinées aux instances exécutives
(Conseil et Commission). Il dispose du pouvoir d’approbation et de censure du collège de la
Commission. Ainsi, en octobre 2004, le Parlement a refusé d’approuver le nouveau Collège
constitué par M. Barroso, contraignant ce dernier à revoir sa copie et à modifier la constitution
de son équipe pour obtenir l’aval des parlementaires européens.
Le Parlement joue un rôle majeur dans la procédure budgétaire:
. Il arrête le budget de l’Union et contrôle son exécution ;
. Le budget doit être visé par le Président du Parlement avant d’être engagé ;
. le budget de l’Union sert à financer la P.A.C., les fonds structurels pour les régions les moins
avancées, les actions sociales et pour l’emploi, certaines politiques internes, l’aide au
développement et l’assistance technique aux pays tiers.
Le Traité de Nice renforce les pouvoirs du Parlement qui dorénavant comme le
Conseil et la Commission peut intenter des recours en annulation contre des actes
communautaires et recueillir un avis préalable de la Cour de justice sur la compatibilité d’un
accord international avec le Traité (Art. 300 § 6 C.E.).
Section 4: Les institutions de contrôle et les organes consultatifs
La Cour de Justice des Communautés européennes et la Cour des Comptes bien
qu’elles exercent des fonctions très différentes sont des institutions de contrôle de l’Union
dont l’importance s’est accrue avec le développement de la construction européenne. Deux
organes assurant une fonction consultative au sein de l’U.E., le Comité économique et social
et le Comité des régions, seront également examinés.
§ 1 - La Cour de Justice des Communautés européennes
34
Prévue par le Traité C.E.C.A. et crée en 1952, la Cour de Justice des Communautés
européennes (C.J.C.E.) assure le respect du droit communautaire et la bonne interprétation des
traités (Art. 220 C.E.). Son siège est au Luxembourg.
A. Composition
La C.J.C.E. est composée d’autant de juges que d’Etats membres des communautés
européennes afin que tous les systèmes juridiques nationaux de l’U.E. y soient représentés.
Les juges sont assistés par huit « avocats généraux » qui ont pour mission de présenter des
avis motivés sur les affaires soumises à la Cour. Ils sont nommés d’un commun accord par les
Etats pour six ans renouvelables. Les juges et les avocats généraux sont choisis parmi les
personnes possédant des compétences reconnues (Art. 223) et qui ont occupé les plus hautes
fonctions juridiques dans leurs pays. Ils bénéficient des immunités et privilèges attachés à leur
fonction. Leur indépendance est garantie (ils ne peuvent recevoir d’instructions).
Les juges désignent en leur sein le Président (pour un mandat de trois ans
renouvelable) pour diriger les travaux et le greffier de la Cour (assisté de deux greffiers
adjoints) qui assure les fonctions de secrétariat général (conservation des actes de procédure et
établissement des procès verbaux des audiences. La Cour est constituée en chambres (six)
mais pour les affaires importantes, elle siège en formation plénière à la demande d’un Etat
membre ou des institutions de la Communauté.
En application de l’Acte unique européen (1986) fut institué en 1989, le Tribunal de
première instance (T.P.I.) pour assister la Cour et alléger sa charge de travail. Le Tribunal est
composé de quinze membres nommés, dispose de son greffier et peut être saisit des recours
introduits par des personnes physiques ou morales (recours en annulation, en carence ou en
responsabilité). Ses arrêts peuvent être contestés devant la Cour.
Afin d’alléger le travail de la Cour, le Traité de Nice a fixé la répartition des
compétences entre la Cour et le T.P.I. et prévoit la possibilité de créer des chambres
juridictionnelles spécialisées pour des délits spécifiques (litiges impliquant des fonctionnaires
européens). La Cour qui, dans l’Union élargie à vingt-sept restera composée d’autant de juges
que d’Etats membres pourra siéger en grande chambre de onze juges au lieu de réunir à
chaque fois tous les juges dans une formation plénière.
La Constitution européenne a instituée un comité de sept personnalités chargé
d’évaluer en toute indépendance les compétences des juges et des avocats généraux de la Cour
de justice et du Tribunal de grande instance pressentis par les Etats membres (Art. III-262).
35
B. Fonctionnement
La Cour de Luxembourg fonctionne selon la règle de la procédure contradictoire et
publique. La procédure devant la Cour comporte deux étapes : une phase écrite et une phase
orale. Les arrêts de la Cour sont rendus à la majorité en audience publique. Dans sa mission de
contrôle des actes des institutions communautaires, elle exerce trois types de fonctions:
consultative, contentieuse et préjudicielle.
En ce qui concerne la fonction consultative, la Cour peut être consultée par le Conseil,
la Commission ou un Etat membre sur la compatibilité des accords internationaux liant les
pays de l’Union (ex : l’Accord de Marrakech créant l’O.M.C.) avec le Traité de l’U.E. (Art.
300 § 6 C.E.). L’avis de la Cour a un caractère obligatoire.
Pour ce qui est de la fonction contentieuse, la Cour peut être saisit par les Etats
membres, la Commission et dans certaines circonstances par les citoyens. Elle est alors
habilitée à connaître divers types de contentieux nés de l’application des traités
communautaires:
. Recours en annulation des actes communautaires jugés incompatibles avec les traités
communautaires par la Commission, le Conseil, un Etat membres ou dans certaines conditions
le Parlement (Art. 230, 231, 233 C.E.);
. Recours en carence en cas d’inaction illégale d’une institution des communautés, formulé
par des institutions de l’U.E. et dans certaines conditions par des personnes physiques ou
morales;
. Recours en manquement par la Commission ou par un Etat membre contre un autre Etat
membre en cas d’inexécution de ses obligations communautaires (Art. 226 à 228 C.E.) ;
. Recours en responsabilité extracontractuelle pour réparer un dommage causé par des
institutions communautaires ou leurs agents (Art. 235 et 288 C.E.).
La fonction préjudicielle implique que la Cour soit saisit lorsqu’une question (dite
préjudicielle) relative à l’interprétation des traités ou à la validité des actes des institutions se
pose au juge national dans le cadre d’un procès. Le juge sursoit à statuer jusqu’à ce que la
C.J.C.E. se soit prononcé. Cette procédure qui est ouverte au citoyen vise à assurer une
application uniforme du droit communautaire.
Le Traité d’Amsterdam a ajouté parmi les compétences de la Cour celle de s’assurer
que l’action des institutions communautaires respecte les libertés et droits fondamentaux
36
énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme26.
La Constitution européenne renforce les mécanismes de sanctions à l’encontre des
Etats membres contrevenants en supprimant les phases préalables existant actuellement à la
saisine de la Cour pour l’application des sanctions, c’est à dire la mise en demeure et l’avis
motivé de la Commission (Art. III-267, ex-Art. 228 C.E.).
§ 2 - La Cour des comptes
Prévue par le Traité du 22 juillet 1975 destiné à développer les compétences en
matière budgétaire du Parlement européen, la Cour des comptes a été crée en 1977. Installée
au Luxembourg, elle fut érigée en institution communautaire par le Traité de Maastricht
(1992).
A. Composition
La Cour des comptes est composée d’autant de membres que d’Etats nommés pour six
ans par le Conseil statuant à l’unanimité, après avis du Parlement européen. Ils sont choisis
parmi les personnes compétentes ayant une expérience dans le domaine du contrôle externe.
Ils élisent en leur sein le Président de la Cour des comptes pour trois ans. Indépendants, ils ne
peuvent faire l’objet d’aucune pression ou recevoir d’instructions des gouvernements ou des
autres institutions communautaires.
Le Traité de Nice prévoit dorénavant de façon explicite que la Cour des comptes est
composé d’un national de chaque Etat membre. Leur nomination pour un mandat de six ans
renouvelable sera décidée par le Conseil à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. La
Cour pourra par ailleurs créer des chambres pour adopter certaines catégories de rapports et
avis.
B. Compétences
La Cour a pour mission essentielle de contrôler les comptes communautaires (Art. 246
et 248 C.E.). A cet effet, elle vérifie les opérations financières des institutions
communautaires et des organes rattachés (dépenses, recettes, emprunts). Le résultat de ce
26 La C.J.C.E. a accepté de s’inspirer des normes de la Cour européenne des droits de l’homme: « Le respect des
droits fondamentaux (de la personne) fait partie intégrante des principes généraux de droit dont la Cour de
Justice assure le respect » (Aff. Internationale Handelsgesellschaft, n°11/70, 17/12/70).
37
contrôle est consigné dans un rapport annuel ou des rapports spéciaux. Elle peut ainsi mettre
en exergue les irrégulières comptables (fraude, gaspillage), mais ne possède pas de pouvoir
de sanction. La Cour des comptes est aussi associée à la procédure budgétaire du Parlement.
Afin de faciliter la réalisation de ses missions, le Traité de Nice invite la Cour et les
institutions équivalentes au plan national à améliorer leur coopération à travers notamment la
mise en place d’un comité de contact.
§ 3 – Des organes consultatifs : le Comité économique et social et le Comité des régions
Les interrogations soulevées par l’approfondissement de la construction
communautaire sont à l’origine de la mise en place d’organes à caractère consultatif : le
Comité économique et social et le Comité des régions.
A – Le Comité économique et social
Le Comité économique et social (C.E.S.E.) a été crée par le Traité de Rome (1957)
afin de formuler des avis sur des projets d’actes communautaires destinés aux institutions de
l’Union (avis rendu dans un délai d’un mois). Le C.E.S.E. est la représentation des acteurs
socio - professionnels (producteurs, agriculteurs, transporteurs, travailleurs, commerçants
artisans, professions libérales). Il est composé de 222 membres nommés pour quatre ans par le
Conseil, après consultation de la Commission et des organisations européennes
représentatives, et sur la base des listes établies par chaque Etat membre. Le Traité de Nice
précise que le Comité doit être composé après élargissement au maximum de 350
« représentants des différentes composantes à caractère économique et social de la société
civile organisée » (art. 257 CE).
Une répartition des sièges par Etat (entre six et vingt-quatre représentants par Etat
membre) et par catégorie socio - professionnelle est opérée. En 2004, la composition du
C.E.S.E. s’établie comme suit : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni (24 sièges chacun),
Espagne (21), Autriche, Belgique, Grèce, Pays-Bas, Portugal et Suède (12 sièges), Danemark,
Irlande et Finlande (9 sièges), Luxembourg (6).
Les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont renforcé les compétences du C.E.S.E.
Désormais, le Comité doit être consulté sur les questions suivantes : libre circulation des
travailleurs, liberté d’établissement et libre prestation des services, fiscalité indirecte,
harmonisation des législations pour le marché intérieur, emploi, politique sociale, éducation et
formation professionnelle, santé publique, protection des consommateurs, réseaux transeuropéens, recherche et développement technologique, politique industrielle, cohésion
économique et sociale, et environnement.
38
B - Le Comité des régions
Le Comité des régions fut crée en 1994 par le Traité de Maastricht en vue d’associer
davantage à la construction communautaire les collectivités territoriales des Etats membres.
Le Comité est composé des représentants des collectivités régionales ou locales (Art. 263 à
265 C.E.). En 2004, il comptait 222 membres désignés pour quatre ans par le Conseil sur la
base des listes établies par chaque Etat membre. Le Traité de Nice a limité le nombre
maximum des membres à 350 dans la perspective de l’élargissement et a imposé que ceux-ci
soient liés aux collectivités qu’ils représentent par un mandat politique électif. La répartition
par nationalité est identique à celle du C.E.S.E.
Les membres du Comité des régions sont des responsables politiques municipaux ou
régionaux élus comme présidents de région, parlementaires régionaux, conseillers
municipaux, maires de grandes villes. Ils sont nommés par les gouvernements des Etats, mais
doivent agir en toute indépendance politique. Ils siègent au Conseil des régions pour un
mandat de quatre ans renouvelable. Ils désignent leur Président pour une durée de deux ans.
Le Comité des régions est organisé en commissions spécialisées (six). Lorsqu’il est
sollicité par la Commission ou le Conseil son avis est nécessaire sur les questions suivantes :
emploi, politique sociale, éducation et formation professionnelle, culture, santé publique,
réseaux trans-européens, cohésion économique et sociale, et environnent.
La politique régionale de l’U.E. absorbe environ un tiers du budget communautaire,
elle est le 2ème poste budgétaire après la PAC (46% en 2003) avant de devenir le 1er à partir de
2007. Les dix pays de l’élargissement seront les principaux bénéficiaires de la politique de
solidarité régionale dès 2007 (40% du budget régional européen) en raison de leur retard
économique27. Pour rattraper ce retard les dix recevront jusqu’à 4% de leur PIB d’aides.
CHAPITRE III : L’UNION EUROPEENNE EN CHANTIER
C’est au milieu des années quatre vingt qu’est engagé un grand débat sur
l’approfondissement de la construction européenne. Cet approfondissement devait-il se
traduire par une institutionnalisation croissante visant à termes la création d’une confédération
ou s’agissait-t-il de promouvoir une coordination croissante des politiques nationales dans le
respect des souverainetés nationales? Si cette question n’est pas définitivement tranchée,
27 Le revenu par habitant des dix est inférieur à 40% de la moyenne communautaire et leur poids économique
représente moins de 5% du PIB européen, soit l’équivalent de celui des Pays-Bas.
39
l’approfondissement de la construction ne s’est pas réalisé sans difficultés.
Ainsi, en France suite à la conclusion du Conseil Constitutionnel sur
l’inconstitutionnalité de certaines dispositions du Traité de Maastricht28, il a fallut réviser la
Constitution (25 juin 1992) et le Traité fut finalement approuvé par référendum à une faible
majorité (20 septembre 1992). Il en sera de même pour le Traité d’Amsterdam qui nécessitera
une nouvelle révision de la Constitution29 suite à la décision du Conseil constitutionnel
déclarant contraire à la Constitution certaines dispositions du Traité (31 décembre 1997).
Le vaste chantier européen est confronté à plusieurs défis: la construction d’une union
économique et monétaire et la définition d’une politique étrangère et de sécurité commune
voulue par les pères fondateurs, enfin l’élargissement.
Section 1: L’Union économique et monétaire
L’Union économique et monétaire constitue une réalisation majeure de la construction
européenne inscrite comme objectif prioritaire dans les textes fondateurs des communautés.
La réalisation de l’Union douanière le 1er juillet 1968 a permis à la CEE d’engager un
processus d’harmonisation des politiques économiques et de stabilité monétaire. Il se traduit
par la mise en place du Système monétaire européen (SME) en 1979 en vue d’assurer la
stabilité des taux de change et la création d’une unité de compte, l’Écu, panier de monnaies
des Etats membres. L'union économique et monétaire (U.E.M.) désigne un processus visant à
harmoniser les politiques économiques et monétaires des Etats membres de l'Union, dans le
but d'instaurer une monnaie unique, l'Euro. Elle a fait l'objet d'une des deux conférences
intergouvernementales lancées en décembre 1990.
§ 1 - Les étapes de l’U.E.M.
Le Traité de Maastricht prévoit que l’U.E.M se déroule en trois phases:
- 1ère phase (1er juillet 1990 - 31 décembre 1993): effectivité de la libre circulation des
capitaux entre les Etats membres, le renforcement de la coordination des politiques
économiques et l’intensification de la coopération entre banques centrales;
- 2ème phase (1er janvier 1994 - 31 décembre 1998): convergence des politiques économiques
28 Décision du 9 avril 1992 suite à saisine par le Président de la République.
29 Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999.
40
et monétaires des Etats membres (en vue d’assurer la stabilité des prix et une situation saine
des finances publiques) dans le cadre de des critères de convergence 30, mise en place de
l’Institut monétaire européen;
- 3ème phase (à partir du 1er janvier 1999): création d’une banque centrale européenne,
fixation des taux de change et introduction d’une monnaie unique, l’Euro pour les Etats ayant
satisfait aux critères de convergence31.
L’utilisation de l’Euro comme monnaie unique est effective depuis le 1er janvier 1999
pour la monnaie scripturale (chèques, cartes de crédits, virements bancaires) et exclusive pour
toutes les transactions financières dès le 1er janvier 2002.
La mise en oeuvre de l’U.E.M. implique pour les Etats membres le respect d’une
discipline budgétaire dont les règles sont définies dans le Pacte de stabilité et de croissance du
17 juin 1997 (lutte contre les déficits publics). Le fonctionnement de l’U.E.M. est
périodiquement examiné par le Conseil européen et le Conseil des ministres qui sont habilités
à nommer les responsables la Banque centrale européenne.
§ 2 – Le rôle pivot de la Banque centrale européenne
L’objectif de l’U.E.M. inscrit dans le Traité de l’U.E. prévoit la mise en place d’une
Banque centrale européenne (BCE). La BCE succède en 1998 à l’Institut monétaire européen
crée en 1994 avec pour missions de surveiller le fonctionnement du SME, d’assurer le
passage à la troisième phase de l’U.E.M. (monnaie unique) et de coordonner les politiques
monétaires des Etats membres. La BCE dont le siège est à Francfort, est une composante
majeure du Système européen des banques centrales (S.E.B.C.).
Les attributions de la BCE en font l’institution financière essentielle de l’U.E.M. Ils
consistent à fixer les taux directeurs, à veiller à la stabilité des prix, à gérer les réserves de
change, à autoriser l’émission d’Euros32, à exercer un pouvoir de contrôle sur les banques
centrales nationales, à, prononcer des sanctions (amendes) contre les entreprises. L’une des
tâches principales de la BCE est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, afin de
maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie unique.
Son indépendance est posée un facteur important dans l’exercice de sa fonction
consultative auprès du Conseil et des Etats membres. Ni la BCE, ni les banques centrales
30 Conditions que les Etats membres doivent remplir pour accéder à la monnaie unique (Art.121 § 1 du Traité
CE).
31 Le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède ont refusé de participer à la monnaie unique, la Grèce n’a remplit
les critères de convergence qu’en 2000.
32 Le taux de change officiel de l’Euros est de 6,55F.
41
nationales de « l’eurosystème », ni les membres de leurs instances de décision ne peuvent
solliciter ou accepter d’instructions d’un autre organisme.
La structure de la BCE repose sur trois organes:
. Le Directoire composé de six membres dont un Président nommé pour huit ans (MM.
Duisemberg puis Trichet) par le Conseil européen sur recommandation du Conseil et avis du
Parlement ;
. Le Conseil des gouverneurs qui réunit le directoire et les gouverneurs des banques centrales
nationales participants à l’U.E.M. (12 sur 15 en 2004) ;
. Le Conseil général rassemble la même composante plus les représentants des Etats nonparticipants à l’U.E.M.
On mentionnera la Banque européenne d’investissement (B.E.I.) chargée de financer
des projets de développement régional dans les Etats membres de l’U.E. aussi bien que
d’octroyer des crédits dans le cadre des accords de Partenariat avec les Etats tiers. Son siège
est au Luxembourg.
Section 2 : La politique étrangère et de défense commune
Les préoccupations de sécurité avaient dominé les rencontres diplomatiques dès la fin
de la deuxième Guerre mondiale. Elles vont se traduire par la mise en place des premières
alliances politico-militaires au plan européen et atlantique. Par la suite l’échec de la CED et
partant du projet de construction politique va retarder la définition d’une conception
européenne de sécurité. La fin de la Guerre froide va offrir les conditions favorables à
l’émergence d’une politique étrangère et de sécurité commune, voir d’une défense commune.
§ 1 – La P.E.S.C.
La P.E.S.C. constitue le deuxième pilier de l’U.E. qui fait suite à la Coopération
politique européenne (CPE). Les objectifs, le contenu et les mécanismes de la P.E.S.C. sont
définis dans le Traité de Maastricht (Titre V). Les objectifs de la P.E.S.C. sont diversifiés:
sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, renforcement de la sécurité de
l’Union, maintien de la paix et de la sécurité internationale, promotion de la coopération. Les
principales menaces à la sécurité européenne ne résideraient pas dans une agression majeure
contre un Etat membre de l’Union, mais auraient un caractère diversifié et moins prévisible.
Ces nouvelles menaces ont été identifiées comme étant le terrorisme, la prolifération des
42
armes de destruction massive, les conflits régionaux (Moyen-Orient), la déliquescence des
Etats et la criminalité organisée33.
Les objectifs de ce deuxième pilier de l'Union définis à l'article 11 (ex-article J.1) sont
poursuivis par le biais d'instruments juridiques propres (action commune, position commune),
adoptés à l'unanimité au sein du Conseil. Suite à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam,
l'Union peut avoir recours à un nouvel instrument: la stratégie commune. Cet instrument est
mentionné dans un nouvel article 12 du Traité.
Ainsi, si la politique étrangère reste nationale, les Etats membres sont encouragés à
coopérer et à se concerter au sein du Conseil en vue de définir une position commune dans un
ensemble de domaine et veiller à la conformité de leurs politiques nationales avec les
positions communes. Cette politique commune doit se refléter dans les conférences et les
organisations internationales. Parmi les domaines faisant l’objet d’une position commune on
citera notamment: la lutte contre le terrorisme, l’isolement des régimes anti-démocratiques qui
violent les droits de l’homme (Afghanistan, Birmanie, Yougoslavie), la politique à l’égard des
réfugiés, des déplacés et des demandeurs d’asile.
Dans les situations où sur la base des orientations générales du Conseil européen
existent des « intérêts importants en commun », le Conseil des ministres peut décider
d’entreprendre une action commune en en définissant la portée, les moyens et la durée. Parmi
les actions communes, on mentionnera l’engagement de l’U.E dans le règlement des conflits
en ex-Yougoslavie (accords de Dayton) ou dans l’éradication des mines antipersonnel.
Le Traité de Nice (11 décembre 2000) sur proposition de la Commission a introduit la
possibilité d’instaurer des coopérations renforcées dans le domaine de la P.E.S.C. pour la mise
en œuvre d’une action commune ou d’une position commune. Ces coopérations ne peuvent
pas porter sur des questions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la
défense. L’autorisation d’instaurer une coopération renforcée est accordée par le Conseil après
avis de la Commission, notamment sur la cohérence de cette coopération avec les politiques
de l’Union. Le Conseil décide à la majorité qualifiée, mais chaque Etat membre peut
demander que le Conseil européen en soit saisi en vue d’une décision à l’unanimité.
La Constitution européenne a instituée la fonction de Ministre des Affaires étrangères
de l’U.E. élu par le Conseil à la majorité qualifiée. Il est à la fois mandataire du Conseil pour
la P.E.S.C. et membre de la Commission. Il représentera l’Union sur la scène internationale.
Ainsi, les institutions de l’U.E. interviennent à un titre ou à un autre dans la P.E.S.C.:
33 Une Europe sûre dans un monde meilleur : Stratégie européenne de sécurité, Document proposé par Javier
Solana et adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles, le 12 décembre 2003.
43
. Le Conseil européen définir les principes et les orientations générales de la P.E.S.C.;
. Le Conseil des ministres met en œuvre la P.E.S.C. a arrêtant des positions communes et des
actions communes, il statue en principe à l’unanimité;
. La Commission est associée à la P.E.S.C. avec pouvoir de saisir le Conseil de toute question
relevant de la P.E.S.C.;
. Le Parlement européen est tenu informé de la P.E.S.C. mais peut aussi formuler des
recommandations au Conseil et engager un débat dans ce domaine.
. La C.J.C.E. pourra désormais examiner le recours individuel devant contre des décisions
prises dans le cadre de la P.E.S.C. (Art. III-282). Il s’agit essentiellement des recours
concernant la légalité des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales
relevant d’un Etat tiers (ex : interdiction de délivrance de visas ou gels d’avoirs financiers).
Des organes spécifiques sont crées dans le cadre de la P.E.S.C. pour assister le
Conseil:
. Le Comité politique et de sécurité (COPS)34 ou siègent les directeurs politiques des
ministres des Affaires étrangères est chargé du suivi et de formuler des avis. Le Traité de Nice
stipule qu’il pourra assurer le contrôle politique et la direction stratégique d’une opération de
gestion des crises décidée par le Conseil;
. Le Haut Représentant pour la P.E.S.C. ou « Monsieur P.E.S.C. » est le responsable
opérationnel des décisions du Conseil au nom duquel il agit, Javier Solana est nommé par le
Conseil de l’Union européenne pour un mandat de cinq ans (1999 - 2004);
. Les représentants spéciaux pour le suivi des situations régionales conflictuelles (MoyenOrient, la Région des Grands Lacs, l’Europe du Sud-est, le Kosovo).Nommés par le Conseil,
ils relèvent directement du Haut Représentant pour la P.E.S.C.35
On notera enfin, le rôle de la Présidence du Conseil qui assure la représentation de
l’Union à l’extérieur et exprime sa position dans les enceintes internationales (aujourd’hui:
Espagne). La Présidence est assistée dans le système de la Troïka par les dirigeants de l’Etat
qui a assuré précédemment la Présidence et l’Etat qui assurera la suivante.
34 Nouvelle appellation dans le Traité de Nice du Comité politique.
35 L'Union compte actuellement quatre représentants spéciaux : Messieurs Miguel Ángel Moratinos (ProcheOrient), Aldo Ajello (Grands Lacs africains), Bodo Hombach (coordinateur du pacte de stabilité en l'Europe du
sud-est), François Léotard (Ancienne République yougoslave de Macédoine). Le traité de Nice introduit leur
nomination à la majorité qualifiée.
44
La P.E.S.C. de l'Union européenne inclut la définition d'une politique de sécurité et de
défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune.
§ 2 – La P.S.D.C.
Le Traité de l’U.E. dote aussi l’Union d’une politique de sécurité commune qui inclut
l’ensemble des questions relatives à sa sécurité, y compris la définition progressive d’une
politique de défense de l’Union. La Politique de Sécurité et de Défense Commune (P.S.D.C.)
est une partie de la P.E.S.C. La P.S.D.C. pourrait conduire à une défense commune si le
Conseil européen en décidait ainsi et sous réserve d’une décision adoptée et ratifiée par les
quinze États membres. Le développement de la P.S.D.C. ne pourrait-il pas affecter le caractère
spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ? Est-il
compatible avec la politique menée dans le cadre de l'Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord (OTAN) ?
La chute du Mur de Berlin (1989) et le nouveau débat au sein de l’U.E. pour la doter
d’une dimension militaire – la Politique de sécurité et de défense commune - sont à l’origine
d’une réorganisation de l’U.E.O. et son absorption à termes par l’U.E.
A. L’intégration de l’U.E.O. dans l’U.E.
A l’origine, une initiative franco-britannique (Accord de Dunkerque, 1947) à laquelle
se sont joints les États du Benelux par le Traité de Bruxelles du 19 mars 1948, l’Union
occidentale fut crée en tant qu’organisation politico-militaire d’assistance mutuelle. Il
s’agissait à l’époque de se prémunir contre une résurgence du militarisme allemand. L’échec
de la CED va être à l’origine d’une réforme de l’Union occidentale et la mise en place de
l’U.E.O. En effet, le Traité de Bruxelles fut modifié par les accords de Paris du 23 octobre
1954 (quatre protocoles)36 pour permettre l’adhésion de l’Allemagne et de l’Italie
(aujourd’hui dix États membres)37. L’Organisation désormais appelée U.E.O. est basé sur un
Pacte de sécurité mutuelle. Neuf pays ex-communistes d’Europe sont devenus des Partenaires
associés de l’U.E.O. depuis 1994.
L’U.E.O. s’est vu confier la missions de constituer un mécanisme d’assistance
mutuelle en cas d’agression (Article 5 du Traité de Bruxelles : « au cas ou l’une des Hautes
Parties contractantes serait l’objet d’une agression armée en Europe, les autres partenaires,
36 Les accords de Paris sont entrés en vigueur le 6 mai 1955.
37 Elargissement de l’U.E.O. à l’Espagne et au Portugal (1990), puis à la Grèce (1995).
45
conformément aux dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, aide et
assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires ou autres ». Pendant plusieurs
décennies, la rivalité Est-Ouest et l’engagement américain en Europe allaient bénéficier à
l’O.T.A.N. dont le rôle de principale organisation de sécurité et défense collective en Europe
s’affermissait au dépend de l’U.E.O. Cette dernière allait au cours de cette période limiter ses
activités à la concertation et au dialogue entre les Etats membres sur les questions de sécurité
commune, renonçant de fait à toute dimension opérationnelle au profit de l’Alliance
atlantique.
L’U.E. a demandé à l'U.E.O. d'élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les
actions liées à la défense commune (article 17 - ex-article J.7- du Traité sur l'Union
européenne). L’article J 7 du Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 stipule que l’U.E.O. :
« fait partie intégrante de l’Union en donnant à l’Union l’accès à une capacité
opérationnelle ». Elle « assiste l’Union dans la définition des aspects de la P.E.S.C. ayant
trait à la défense. En conséquence, l’Union encourage l’établissement de relations
institutionnelles plus étroites avec l’U.E.O. en vue de l’intégration éventuelle de l’U.E.O.
dans l’Union ».
L’U.E.O. a été dissoute officiellement par les ministres des Affaires étrangères et de la
Défense de l’U.E. réunis à Marseille, le 13 novembre 2000. Toutefois, ses principaux organes,
l’Assemblée parlementaire38 et le Groupe armement de l’Europe occidentale (GAEO)39, ne
sont pas remis en cause. C’est la P.S.D.C. et son futur bras armé qui reprennent les moyens de
l’UEO, institutions toutes deux dirigées par Javier Solana.
B. L’émergence de la P.S.D.C
Suite à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, une innovation importante a été
l'inclusion dans le Traité sur l'Union des missions humanitaires ou d'évacuation, des missions
de maintien de la paix ainsi que des missions de forces de combat pour la gestion des crises,
missions définies dans la Déclaration de Petersberg de l’U.E.O. du 19 juin 1992.
Chacun des Conseils européens successifs (Helsinki, Feira et Nice) a progressivement
donné corps à la volonté de doter l'Union d'une capacité militaire d'action autonome dans la
gestion des crises internationales, là où l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée, et tout en
respectant les principes de la Charte des Nations Unies et en particulier le rôle du Conseil de
sécurité. Il y a lieu de souligner que la réalisation de cet objectif n'implique pas la création
d'une armée européenne, car l'engagement et le déploiement de troupes nationales se font sur
la base d'une décision souveraine prise par les États membres.
38 108 parlementaires représentants les parlements nationaux.
39 Instance de coopération européenne en matière d’armements.
46
Le Conseil européen de Nice a décidé de créer au sein du Conseil des nouvelles
structures politiques et militaires permanentes pour assurer le contrôle politique et la direction
stratégique des crises, à savoir un Comité politique et de sécurité et un Comité militaire. En
outre, le Secrétariat du Conseil compte à présent en son sein un état major militaire, composé
d'experts militaires détachés par les États membres, sous la direction militaire du Comité
militaire qu'il est chargé d'assister. Dans le même esprit, la Convention sur l’avenir de
l’Europe a avalisé la proposition de son Président (Valéry Giscard d’Estaing) de doter l’U.E.
d’une « clause de solidarité » permettant l’assistance mutuelle en cas de conflit et au-delà la
mise en place de mécanismes et d’arrangements de défense commune.
Il existe d’ors et déjà les premiers noyaux de capacité militaire européenne avec
l’EUROCORP (crée par le mémorandum franco-allemand du 30 novembre 1992) et les
EUROFORCES, constituées par l’Espagne, l’Italie et la France pour se déployer en
Méditerranée. A ce propos, le Conseil européen d’Helsinki (décembre 1999) a décidé de
développer la capacité de l’Union à gérer les crises internationales avec l’objectif de déployer
d’ici 2003 dans un délai de soixante jours et pendant au moins une année une force de réaction
rapide de 50000 à 60000 hommes. Cette force assurera sous la direction du Conseil des
ministres des missions dîtes « de Petersberg » : imposition et maintien de la paix et missions
humanitaires)40. Cette force ne se substituera pas à celles de l’O.T.A.N. mais pourrait agir
dans le cadre de l’U.E.O. devenu bras armé de l’U.E.
Le Royaume-Uni traditionnellement hostile à une défense commune européenne qui
affaiblirait le lien transatlantique, s’est finalement rallié à cet objectif lors du Sommet francobritannique de Saint – Malo (décembre 1998). Un accord franco-germano-britannique sur
plusieurs aspects de la défense européenne a été scellé à Berlin (20 septembre 2003). Il prévoit
notamment la création d’une capacité de planification européenne en matière de défense
(autrement dit un « quartier général européen ») distincte de celle de l’O.T.A.N. que les EtatsUnis appréhendent avec méfiance. Il fut également décidé de créer des « coopérations
renforcées » (avant-gardes de quelques pays) dans le domaine de la défense et d’adopter une
« clause de défense commune ». Les trois « grands » avaient proposé au Sommet de Bruxelles
(décembre 2003) les éléments d’une P.S.D.C. à 25 avec la perspective d’un renforcement des
capacités de projection des forces (mise en place d’une force d’intervention d’urgence de
1500 hommes) et de coopération en matière d’armement (création d’une agence d’armement).
Il s’agit de renforcer une « identité européenne de défense » distincte de l’Alliance atlantique.
La Constitution européenne fait de la P.S.D.C. une composante à part entière de la
P.E.S.C. Le champ de la P.S.D.C. est étendu par rapport à ce qui existe actuellement dans les
traités. Les missions dites de Petersberg sont élargies avec l’insertion de nouvelles missions :
actions conjointes en matière de désarmement, missions de conseil et d’assistance en matière
militaire, missions de prévention des conflits, opérations de stabilisation à la fin des conflits.
Toutes ces missions « peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme » (Art. III-310, exArt. 17 U.E.).
40 Certaines opérations de maintien de la paix et de gestion des crises ont été placées sous l’égide de l’U.E. :
Opération Artémis en République démocratique du Congo (juin 2003) et projet de déploiement en Moldavie
(conflit de Trans-dniestrie).
47
Pour tenir compte de la spécificité de certains Etats membres en matière de défense
(neutralité), la Constitution introduit une dose de flexibilité (Art. III-211 et 213). Ainsi, un
nombre restreint d’Etats membres disposant des capacités militaires et de la volonté politique
peut se voir confier la mise en œuvre d’une « action commune ». Le lancement de l’opération
nécessite alors l’unanimité des Etats membres, avec éventuellement le recours à l’abstention
constructive. Le deuxième critère de flexibilité est la possibilité d’une « coopération
structurée » entre des Etats membres souhaitant remplir « des engagements plus
contraignants » et qui répondent à des critères de capacité militaire41. Une troisième forme de
flexibilité en matière de défense est la possibilité pour les Etats membres de souscrire entre
eux une clause de « défense mutuelle ».
Dans le cadre de la P.S.D.C. la Constitution crée une « Agence de l’armement, de la
recherche et des capacités militaires » ouverte à la participation de tous les Etats membres qui
le souhaitent. Cet organe qui fait penser au Groupe armements de l’U.E.O. est chargé
d’élaborer des projets communs en matière de défense (Art. III-212).
Section 3: La coopération en matière policière et judiciaire
A l’origine les traités européens n’avaient pas prévu de dispositions spécifiques à la
coopération en matière de police et de justice. Dès lors les accords dans ce domaine entre
Etats ont été élaborés en dehors des traités communautaires. Le Traité de Maastricht a
institutionnalisé la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, mais
en les dotant d’un cadre juridique distinct de l’ordre communautaire, le troisième pilier. La
coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est mécanisme de
coopération intergouvernementale en voie de communautarisation.
§ 1 – L’émergence du troisième pilier de l’Union
Le Traité sur l'Union européenne (TUE) de 1993 organise la collaboration de tous les
États membres en matière de justice et d'affaires intérieures sur une base nouvelle en ajoutant
un troisième pilier à l'édifice communautaire (également nommé "Titre VI" du Traité U.E.).
Le Titre VI du Traité de Maastricht consacré à la coopération policière et judiciaire en matière
pénale prévoit la méthode de la coopération intergouvernementale où les institutions
communautaires n’interviennent que dans certains cas.
A. L’objectif
41 L’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg ont manifesté leur intérêt pour cette coopération.
48
Dans le cadre du 3ème pilier, les Etats membre de l’U.E. se fixent pour objectif de
créer un espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans cette perspective, ces Etats instituent
une coopération pour prévenir et réprimer la criminalité: terrorisme, traite d’êtres humains et
crimes contre les enfants, trafic de drogue, trafic d’armes, corruption et fraude (Art.29 U.E.).
Cette coopération ne remet pas en cause les responsabilités des Etats membres en matière de
maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure. Cette coopération se base sur neuf
questions jugées d'intérêt commun: l'asile, le franchissement des frontières extérieures,
l'immigration, la lutte contre la drogue et la toxicomanie, la lutte contre la fraude de
dimension internationale, la coopération judiciaire en matière civile, la coopération judiciaire
en matière pénale, la coopération douanière et la coopération policière.
Trois actions régissent le troisième pilier:
. La coopération entre les autorités policières et douanières : système prévoyant la collecte, le
traitement et l’échange d’informations concernant en particulier la grande criminalité
transnationale par le biais de l’Office européen des polices (EUROPOL), institué par la
Convention du 26 juillet 199542 et dont le siège se trouve à La Haye ;
. La coopération entre les autorités judiciaires: en matière de procédure, d’exécution des
décisions de justice et d’extradition43, réseau judiciaire européen pour la coopération contre
les formes graves de criminalité;
. L’harmonisation des règles de droit pénal des Etats membres: instaurer des règles minimales
relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les
domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue (Art. 31 U.E.)
B. Les limites
La coopération policière et judiciaire en matière pénale fait principalement appel à des
procédures intergouvernementales. Elle intègre les groupes de travail préexistants dans une
structure complexe à cinq niveaux: groupes de travail spécifique, comités directeurs, comité
de coordination prévu par l'article K.4 du Traité U.E., COREPER, Conseil des ministres de la
justice et des affaires intérieures.
Trois instruments juridiques sont prévus par le titre VI du Traité de l’U.E.: la position
commune, l'action commune et la convention. La position commune définit l'approche de
l'Union sur une question déterminée. La première position commune adoptée par l'Union
européenne a porté sur la définition du terme réfugié au sens de la Convention Genève de
1951 afin de garantir les mêmes critères dans tous les États membres.
42 La Convention EUROPOL est entrée en vigueur le 1 er octobre 1998.
43 Sur la bas des deux Conventions européennes sur l’extradition du 10 mars 1995 et du 27 septembre 1996.
49
L'action commune est utilisée lorsque « les objectifs de l'Union peuvent être mieux
réalisés par une action commune que par les États membres agissant isolément ». Ainsi, des
programmes sont adoptés pour favoriser la coopération des services de police, de la justice et
des douanes ainsi que des actions annuelles pour l'accueil des réfugiés par exemple.
La portée juridique de ces deux instruments inédits (position commune et action
commune) n'est toutefois pas claire et certains États les considèrent comme des instruments
non contraignants. L'utilisation d'instruments sans effet juridique et qui ne sont pas prévus
dans les traités (résolutions, recommandations et déclarations) se fait également au détriment
des trois instruments principaux du titre VI du Traité de l’U.E.
Le troisième instrument, la Convention, instrument classique du droit international,
requiert des délais très longs pour son adoption et sa mise en œuvre (ex : Convention
instituant EUROPOL).
Enfin au niveau institutionnel, le 3ème pilier tel qu'il est conçu par le Traité de
Maastricht, ne donne aux institutions communautaires qu'un rôle limité, sans possibilité réelle
d'exercer un contrôle sur les décisions des États. Parmi les problèmes évoqués, on notera:
.le contrôle juridique limité de la Cour de justice, uniquement compétente pour l'interprétation
des conventions et le règlement des litiges entre les États membres si une clause du texte le
prévoit expressément;
.le manque d'information du Parlement européen qui d'après le traité, doit être consulté par le
Conseil mais n'est, la plupart du temps, qu'informé a posteriori sans possibilité de formuler
une opinion sur les discussions en cours;
. Un droit d'initiative limité de la Commission à six domaines sur les neuf compris dans le titre
VI du TUE et partagé avec les États Membres. Les Etats membres sont les seuls à pouvoir
intervenir en matière de coopération judiciaire en matière pénale, policière et douanière);
. Le vote à l'unanimité au Conseil a souvent paralysé la prise de décision.
Les difficultés rencontrées par les acteurs de la coopération en matière de justice et
d'affaires intérieures expliquent les critiques formulées par la Commission et le Parlement lors
des débats à la Conférence intergouvernementale qui a élaboré le traité d'Amsterdam.
§ 2 – La communautarisation partielle
50
Le Traité d'Amsterdam modifie la coopération dans les domaines de la justice et des
affaires intérieures. Le but affiché est d'établir dans les cinq prochaines années (1er janvier
2004) la libre circulation des personnes, citoyens de l'Union européenne comme ressortissants
de pays tiers, sur le territoire de l'Union tout en assurant la sécurité de tous en luttant contre
toute forme de criminalité organisée (traite des êtres humains, exploitation sexuelle des
enfants, trafic de drogue, d'armes, de voiture, corruption, fraude) ainsi que le terrorisme. Il
s’agit de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice aux ambitions plus vastes et où le
rôle des institutions est plus équilibré.
Avec le Traité d’Amsterdam, une grande partie des questions qui relevaient du
troisième pilier a été communautarisée. Cette communautarisation concerne les questions
relatives à la politique en matière de visas, d’asile, d’immigration et de libre circulation des
personnes (Titre IV du Traité d’Amsterdam).
Le nouveau titre du Traité C.E. intitulé « Visas, asile, immigration et autres politiques
liées à la libre circulation des personnes » reprend les mesures concernant le contrôle des
frontières extérieures, l'asile, l'immigration et la coopération judiciaire en matière civile. Ces
domaines relèvent donc du premier pilier et des instruments juridiques communautaires:
directive,
règlement,
décision,
recommandation
et
avis.
Toutefois,
cette
« communautarisation » demeure partielle les cinq premières années après l'entrée en vigueur
du traité d'Amsterdam puisque comme par le passé, la Commission partage son droit
d'initiative avec les États membres, les décisions du Conseil sont prises à l'unanimité et le
Parlement européen ne participe pas directement à la prise de décision (il est simplement
consulté).
Au sein d'un troisième pilier remanié, demeurent les coopérations policière et
judiciaire en matière pénale comportant : la prévention et la lutte contre le racisme et la
xénophobie, le terrorisme, la traite d’être humain et les crimes contre les enfants, le trafic de
drogue, le trafic d’armes, la corruption et la fraude.
L'espace de liberté, de sécurité et de justice permet aussi d'intégrer les accords de
Schengen dans le cadre de l'Union, les mesures déjà prises sur cette base étant ajoutées à
l'acquis de l'U.E. soit dans le Titre IV du Traité C.E., soit dans le Titre VI du Traité de l’U.E.
selon une décision prise par le Conseil des Ministres. Toutes les initiatives dans le domaine de
la justice et des affaires intérieures relèvent désormais de l'U.E. ce qui devrait faciliter la mise
au point de politiques cohérentes au niveau européen. Pour éviter la répétition d'une
collaboration intergouvernementale exclusive sur le modèle de Schengen, le Traité
d'Amsterdam prévoit dans le Titre VI du Traité de l’U.E. la possibilité de créer des
coopérations renforcées dans le cadre de l'U.E. pour les États membres soucieux d'aller plus
loin dans leur collaboration44.
44 Le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark ont indiqué par différents protocoles au traité d'Amsterdam leur
intention de ne pas participer à des degrés divers à toutes les mesures prises dans le cadre de l'espace de liberté,
de sécurité et de justice.
51
Sur le plan décisionnel, quelques changements ont été introduits. On peut noter la
substitution de l'action commune par la décision-cadre et la décision, instruments juridiques
proches dans l'esprit de la directive. De plus, toute convention peut désormais entrer en
vigueur après ratification par la moitié des États membres, ce qui accélère le processus.
C’est dans le cadre du Conseil des Ministres que se planifie la coopération policière et
judiciaire entre les services et les administrations compétentes et que se prennent les décisions
dans ce domaine. Le Conseil arrête des positions communes définissant l’approche de l’U.E.
sur une question donnée; adopte les décisions-cadres afin d’harmoniser les dispositions
législatives et réglementaires des Etats; prend des décisions obligatoires mais sans effet direct,
à toute autre fin; élabore des conventions destinées à être adoptées par les Etats 45. La
Commission est associée aux travaux et dispose à l’instar de tous les Etats d’un pouvoir
d’initiative sur toute question d’intérêt pour l’Union. Quant au Parlement, il est tenu informé
par la Commission et doit être consulté par le Conseil avant l’adoption des décisions-cadres,
des décisions communes et des conventions. Les parlementaires européens peuvent adresser
des questions ou formuler des recommandations à l’intention du Conseil.
La Cour de justice des Communautés s’est vue reconnaître sa compétence dans le
cadre du contrôle de la légalité des décisions-cadres et des décisions communes (recours par
un Etat membre ou la Commission). Elle statue sur tout différend entre Etats membres sur
l’interprétation ou l’application des actes et des conventions adoptées par le Conseil dans le
cadre de la coopération. Enfin, elle est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la
validité et l’interprétation des décisions-cadres et des décisions, sur l’interprétation des
conventions et sur la validité et l’interprétation de leurs mesures d’application (lorsqu’elle est
saisit par une juridiction interne).
Consacré à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, le sommet de
Tampere (décembre 1999) a considéré que la mise en place de cet espace revêtait la même
importance que la création du marché intérieur en son temps. Aussi les chefs d'État et de
gouvernement ont-ils demandé à la Commission d'établir un tableau de bord (« scoreboard »)
portant liste de toutes les mesures à prendre d'ici cinq ans ainsi que pour en faciliter le suivi. Il
s'agit de développer une Union européenne ouverte et sûre, attachée aux obligations de la
Convention de Genève en matière de droit d'asile et aux droits de l'homme ainsi que de
faciliter l'accès des citoyens européens à la justice sur tout le territoire de l'Union.
La C.I.G. qui a été à l’origine du Traité de Nice n’a pas avalisé la proposition de la
Commission de créer un procureur européen pour la protection des intérêts financiers de la
Communauté46. Le Traité de Nice a institué « EUROJUST », unité de magistrats détachés qui
45 Le Conseil est assisté du Comité de coordination composé de hauts fonctionnaires et chargé de formuler des
avis ainsi que de préparer les réunions des Ministres en matière de coopération policière et judiciaire.
46 Parmi les mesures proposées par la Commission figure l’établissement d’un mandat d’arrêt européen au 1 er
janvier 2004. Six Etats membres (Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Portugal, Royaume-Uni), ont décidé
52
aura pour mission, dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale, de contribuer à
une bonne coordination des autorités nationales chargées des poursuites pénales (Art.31 du
Traité U.E.).
Le Traité de Nice a aussi introduit une modification majeure au fonctionnement du
troisième pilier en supprimant la possibilité du « veto », à l’instar de ce qui est prévu pour les
coopérations renforcées dans le premier pilier.
Dans la Constitution européenne, la Cour de justice a vu ses compétences étendues
dans le domaine du troisième pilier, toutefois cette compétence ne s’exerce pas en matière
d’ordre public (Art. III-283, ex-Art. 35 U.E.).
Section 4 : Elargissement de l’Union et Partenariat avec les pays tiers
Aujourd’hui, l’U.E. est confronté à deux grands défis stratégiques : l’adhésion de
nouveaux Etats dont les candidatures se sont multiplié ces dernières années sous l’effet en
particulier de la fin de la Guerre froide ; développer dans le contexte de mondialisation de
nouvelles formes d’association et de coopération avec les Etats de son voisinage qui n’ont pas
vocation à adhérer à l’Union.
§ 1 – Le processus d’élargissement de l’Union
A l'origine, le concept d'élargissement désigne les cinq vagues successives de
nouvelles adhésions qu'a connu la Communauté européenne et par lesquelles dix-neuf pays se
sont ajouté aux six Etats fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et
Pays-Bas). Les élargissements successifs ont concernés les pays suivants :
1973 : Danemark, Irlande et Royaume-Uni47;
1981 : Grèce;
1986 : Espagne et Portugal;
1995 : Autriche, Finlande et Suède ;
2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Tchéquie, Slovaquie et
lors de la réunion des Ministres de l’intérieur et de la justice à Saint-Jean de Compostelle le 14 février 2002, de
mettre en pratique dès le premier trimestre 2003, le mandat d’arrêt européen.
47 Le Royaume-Uni réussit enfin à rejoindre le marché après deux candidatures infructueuses (1961 et 1967) du
fait du veto de Gaulle.
53
Slovénie.
On constate que si le premier élargissement fut entrepris en direction des pays du Nord
du continent, le deuxième et le troisième ont concerné les Etats du sud de l’Europe, alors que
le quatrième vit l’entrée dans l’U.E. de pays neutres et non-alignés, et le cinquième a visé
majoritairement des pays d’Europe centrale et orientale ex-communistes.
On notera que la Norvège et la Suisse ont également déposé leurs candidatures en vue
d’adhérer à l'Union européenne. L’adhésion de la Norvège prévue dans le premier
élargissement fut rejetée par referendum en septembre 1972, puis une nouvelle fois en 1994.
La candidature de la Suisse a été suspendue à la suite du référendum de 1992 par lequel ce
pays a décidé de ne pas participer à l'Espace économique européen.
Le Marché commun institué par le Traité de Rome et initialement limité aux six pays
fondateurs, comporte aujourd’hui vingt-cinq Etats. Actuellement deux Etats négocient leur
adhésion (Bulgarie et Roumanie) tandis que deux autres sont candidats (Croatie et Turquie).
A. Les candidats
L’effondrement du Mur de Berlin (9 novembre 1989) a ouvert la perspective d’un
élargissement de l’U.E. vers les pays Etats d’Europe centrale et orientale (PECO). La
réunification allemande (3 octobre 1990) s’est traduite par l’intégration à l’U.E. du territoire
de l’ex-R.D.A. via l’Allemagne fédérale.
Les pays ayant déposé une demande d’adhésion à l’U.E. sont par ordre chronologique :
la Turquie (le 14 avril 1987); Chypre (3 juillet 1990); Malte (16 juillet 1990); Hongrie (31
mars 1994); Pologne (5 avril 1994); Roumanie (22 juin 1995); Slovaquie (27 juin 1995);
Lettonie (13 octobre 1995); Estonie (24 novembre 1995); Lituanie (8 décembre 1995);
Bulgarie (14 décembre 1995); République tchèque (17 janvier 1996); Slovénie (10 juin 1996),
Croatie ( ?). Tous ces pays étaient ou sont déjà liés à l’U.E. par des accords d’association
organisant les échanges commerciaux.
Les Conseils européens de Luxembourg (décembre 1997) et d’Helsinki (décembre
1999) ont décidé d'ouvrir les négociations en vue de l’adhésion de dix pays : Chypre,
l'Estonie, la Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et la
Slovénie. Des négociations ont été engagées à cet effet en février 2000. Le Conseil européen
extraordinaire de Berlin (mars 1999) a confirmé que l’U.E. s’élargirait à dix nouveaux Etats à
er
compter du 1 mai 2004, l’adhésion de deux autres candidats (Bulgarie, et Roumanie) a été
différée à 2007. En avril 2005, un traité d’adhésion a été signé avec ces deux pays.
54
Quant à la quatrième candidature, celle de la Turquie elle semble plus problématique.
Plusieurs non-dits caractérisent la candidature turque dont la dimension civilisationnelle (pays
à majorité musulmane) n’est pas la moindre. La candidature de la Turquie a été déposée le 14
avril 1987, soit bien avant celle de la plupart des PECO devenus membres. La Turquie avait
signé le 12 septembre 1963 un accord d’association avec la C.E.E. Une Union douanière entre
l’Union et ce pays est effective depuis le 31 décembre 1995.
La candidature de la Turquie a rencontré un temps l’opposition de certains pays
membres (ex : Grèce) en raison de la question des droits de l’homme et des minorités
(problème kurde) et de celle de la réunification de Chypre48 dont une partie du territoire est
occupé par l’armée d’Ankara49. Ces obstacles sont aujourd’hui partiellement levés. Le
Conseil européen de Luxembourg (1997) avait conclu que les conditions politiques et
économiques permettant d'envisager des négociations d'adhésion avec la Turquie n'étaient pas
encore réunies mais que la stratégie européenne en vue de préparer la Turquie à l'adhésion
devait se poursuivre.
Le Conseil européen d’Helsinki (10-11 décembre 1999) a reconnu le statut de pays
candidat de la Turquie (sous réserve qu’elle satisfasse aux critères de Copenhague) et a adopté
une stratégie de pré-adhésion. La Turquie a accompli depuis des réformes importantes pour
satisfaire aux critères de Copenhague (ex : abolition de la peine de mort). La Commission
s’est prononcée en octobre 2004 en faveur de l’ouverture de négociations d’adhésion avec la
Turquie, cet avis a été avalisé par le Conseil européen de Bruxelles (décembre 2004) mais
sans fixer de date d’adhésion. En octobre 2005, l’U.E. a finalement ouvert les négociations
d’adhésion avec la Turquie mais aussi avec la Croatie.50 Les négociations devraient
vraisemblablement se poursuivre une dizaine d’années encore pour remplir toutes les
exigences de l’U.E. En novembre 2005, un rapport de la Commission donnait un satisfecit à
Ankara sur le plan des réformes économique (existence d’une économie de marché viable)
mais soulignait que des progrès restaient encore à faire au plan politique en matière de droits
de l’homme et de transposition de la législation communautaire.
Le cas des pays des Balkans (Albanie, Bosnie, Macédoine, Serbie et Monténégro) qui
ont vocation à adhérer à l’U.E. est examiné dans le cadre d’un processus séparé dit de
« stabilisation ». La Commission a recommandé l’attribution du statut de pays candidat à la
Macédoine. Des négociations en vue de la conclusion d’un accord de stabilisation et
d’association avec la Serbie et Monténégro ont été ouverte en octobre 2005.
L’élargissement de l’Union nécessite une procédure d’adhésion longue et complexe.
48 Acceptation par les Grecs et les Turcs de régler pacifiquement leurs différends sur Chypre et les îles de la mer
Egée (saisine de la Cour internationale de justice)
49 La partie grecque de Chypre rejoint l’U.E. le 1er mai 2004.
50 C’était une exigence de dernière minute de l’Autriche qui était semble-t-il hostile à l’ouverture de
négociations avec la Turquie.
55
B. La procédure d’adhésion
La politique d’élargissement de l’Union est régit par l’Article 49 du Traité U.E. qui
stipule que tout Etat européen qui respecte les principes démocratiques fondamentaux de
l’U.E. peut demander à devenir membre de l’Union.
En juin 1993, le Conseil européen de Copenhague a défini trois critères pour
l’adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne :
. Critère politique : institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les
droits de l'homme, le respect des minorités ;
. Critère économique : économie de marché effective ;
. Critère de reprise de l'acquis communautaire : souscrire aux diverses finalités politiques,
économiques et monétaires de l'Union européenne.
L'Union se réserve toutefois le droit de décider le moment où elle sera prête à accepter
de nouveaux membres.
L'adhésion d'un nouvel Etat membre au sein de l'Union européenne est prévue par
l'article 49 du Traité U.E. L’article 49 définit deux phases d’adhésion :
- 1ère phase: le Conseil examine la demande d’adhésion mais sa décision doit être prise à
l’unanimité après consultation de la Commission et avis conforme du Parlement européen ;
- 2ème phase: négociation entre les Etats membres et l’Etat candidat d’un accord d’adhésion
qui, pour entrer en vigueur, doit être ratifié par toutes les parties.
Les négociations en vue de l'adhésion de nouveaux Etats membres à l'Union
européenne prennent la forme de conférences intergouvernementales bilatérales entre l'Union
européenne et chacun des Etats candidats51. Les conférences intergouvernementales
bilatérales sur l'adhésion des pays de la « première vague » ont été solennellement ouvertes le
30 mars 1998. Les conférences intergouvernementales bilatérales sur l'adhésion des Etats de la
« deuxième vague » ont été ouvertes le 15 février 2000.
51 Elles réunissent les ministres tous les six mois et les ambassadeurs tous les mois.
56
Pendant la phase précédente l’adhésion proprement dite, les pays candidats font l'objet
d'une procédure de suivi régulier des réformes politiques et économiques, et d'évaluation de la
reprise de l'acquis communautaire dont les résultats déterminent le rythme d'avancement des
négociations. La reprise de l’acquis communautaire et la mise en œuvre de la totalité de la
législation communautaire représentent les principaux défis que doivent affronter les pays
candidats. Ces derniers doivent également réformer leurs systèmes administratifs et judiciaires
afin de se conformer aux normes communautaires, notamment en matière d'environnement, et
développer de véritables réseaux en matière de transport, d'énergie et de télécommunications.
Pour faciliter ces ajustements considérables, des aides de pré-adhésion sont fournies aux pays
candidats.
Il sera possible pour les candidats de demander des périodes transitoires entre leur
adhésion et le moment où ils seront capables d'appliquer pleinement les traités et la législation
communautaires. Toutefois, ces éventuelles périodes de transition devront être aussi courtes
que possible et limitées à certains secteurs spécifiques.
Les conditions d'admission, les éventuelles périodes transitoires nécessaires et les
adaptations requises des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne font l'objet d'un
accord entre le pays candidat et les Etats membres. Pour entrer en vigueur, l'accord nécessite
la ratification de tous les Etats contractants selon leurs règles constitutionnelles respectives.
Afin d'éviter que le processus d'élargissement ne freine l'approfondissement de
l'intégration européenne, l'adhésion devrait être accompagnée par une réforme des institutions
et de certaines politiques de l'Union. Le document Agenda 2000 de 1997 a permis de
réorienter les politiques agricole et structurelle, ainsi que les aides de pré-adhésion et les
perspectives financières de l'Union, de façon à ce qu'elles prennent en considération le défi de
l'élargissement. En ce qui concerne les questions institutionnelles liées à l'élargissement, un
protocole sur les institutions, annexé au Traité sur l'U.E. suite à l'entrée en vigueur du Traité
d'Amsterdam, a prévu la convocation avant tout élargissement d'une conférence
intergouvernementale (C.I.G.).
La C.I.G. qui s’est ouverte le 15 février 2000 a adopté comme principe la nécessité de
procéder à des réformes institutionnelles comme préalable à tout élargissement. Il s’agit de
prévenir la paralysie du processus de décision à l’intérieur d’une Union à vingt-sept ou trente
membres. Parmi les questions examinées:
- la révision du système de pondération des voix ;
- l’extension du domaine des votes à la majorité qualifiée ;
- la nouvelle répartition des sièges à la Commission dans une Union à vingt-sept (15 + 12).
57
La C.I.G. a conclu ses travaux le 11 décembre 2000 à Nice par un accord sur les
questions institutionnelles qui n’avaient pas été réglées à Amsterdam. Le Conseil européen de
Nice a adopté une « position commune » à propos de la répartition des sièges au Parlement
européen, de la composition de la nouvelle Commission, de la pondération des voix au
Conseil, de la composition du Comité économique et social ainsi que du Comité des régions
pour une Union à vingt-sept membres52. Le Traité de Nice fixe les principes et méthodes
d’évolution des institutions communautaires pendant le processus d’élargissement53.
Une procédure de sanctions est prévue pour tout Etat qui faillirait à ses obligations
communautaires. En effet, Le Traité d’Amsterdam a prévu (Art.7) que le Conseil peut
suspendre certains droits d’un Etat membre, y compris le droit de vote, s’il constate une
violation grave et persistante par cet Etat des principes sur lesquels est fondée l’Union (liberté,
démocratie, respect des droits de l’homme, Etat de droit).
L’adhésion de dix nouveaux Etats membres le 1er mai 2004 a élargi les frontières de
l’U.E. dotant celle-ci de nouveaux voisins qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union, les pays
de la rive sud de la Méditerranée et les anciennes républiques soviétiques (Russie, Ukraine et
Biélorussie).
§ 2 – Le Partenariat Euro-méditerranéen
L’U.E. a organisé ses relations avec les Etats tiers, c’est à dire les pays qui n’ont pas
vocation à adhérer à l’Union.
La « Nouvelle politique de voisinage » s’adresse
potentiellement à une vingtaine d’Etats situés à l’est (Biélorussie, Ukraine, Moldavie,
Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) et au sud de l’U.E. (Algérie, Egypte, Israël et Autorité
palestinienne, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie et Tunisie) même si tous n’ont pas été retenus
dans un premier temps. La Russie n’est pas concernée puisqu’elle est déjà liée à l’Union par
d’autres accords, qui ont institué un « partenariat stratégique ».
A. La « Nouvelle politique de voisinage »
Après une phase d’évaluation, des plans d’action, un « partenariat privilégié » sera
proposé à ces pays sous forme d’accords européens de voisinage, qui iront au-delà d’une
ouverture partielle du marché intérieur et tendront à une plus grande intégration économique.
52 Pour les détails se reporter au chapitre précédent sur les institutions.
53 Le Traité de Nice est complété par un Protocole sur l’élargissement et des déclarations annexées sur la
« position commune » que les Etats membres prendront lors des négociations d’adhésion avec les pays candidats.
58
Ces pays se voient offrir, à défaut d’une adhésion des liens privilégiés qui leur
procurent au moins une partie des avantages obtenus par les nouveaux venus. Ainsi, ils
pourront prendre part à des actions communes dans plusieurs domaines, en particulier
politique, économique et judiciaire :
. Politique : lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction
massive ;
. Economique : transport, énergie, environnement, possibilité de participer au marché
intérieur de l’Union par le rapprochement des législations ;
. Justice : collaboration à la gestion des frontières, la lutte contre la criminalité
organisée, le trafic d’êtres humains ou le blanchiment d’argent.
Des programmes communs seraient également prévus pour l’éducation et la recherche.
Ces programmes seront adaptés en fonction des besoins et de la capacité des pays concernés.
Un nouvel instrument financier sera mis en place à partir de 2007. Il permettra
d’augmenter de 800 milliards d’euros par an les sommes consacrées à la politique de
voisinage qui devraient s’élever à environ à environ 1 milliards d’euros entre 2004 et 2006.
En échange d’un « partenariat privilégié », les Etats concernés devront prendre des
engagements en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, de l’économie de marché. Il
s’agit de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Biélorussie et des partenaires du Processus de
Barcelone.
La politique de voisinage pourrait à termes remplacer un autre partenariat que l’U.E. a
développé depuis 1995 avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
B. Le Processus de Barcelone
La Méditerranée qui constitue le voisinage immédiat de l’Europe a fait l’objet d’une
stratégie de coopération prioritaire : le Processus de Barcelone.
La Méditerranée sera à la fois la mare nostrum de Rome marquant la symbiose des
civilisations antiques (grecque, phénicienne, égyptienne, mésopotamienne, carthaginoise...)
mais aussi la frontière sanglante des croisades et de la colonisation. Après les indépendances
des États arabes, les pays européens et en particulier la France, l’Italie et l’Espagne ont noué
des rapports économiques étroits avec leurs voisins Maghreb. De bilatérale, cette coopération
59
s’est progressivement multilatéralisée sous l’égide de la C.E.E. puis de l’U.E.
Un nouveau type de coopération globale visant à construire une zone de libre-échange
(à l’horizon 2010) dans le pourtour méditerranéen est lancé par l’U.E. La Conférence de
Barcelone (26-27 novembre 1995) réunissant les dirigeants de 27 États d’Europe, d’Afrique
du Nord et du Moyen-Orient a adopté une déclaration et un programme d’action pour le
Partenariat Euro-méditerranéen (PEM). Cinq autres conférences de suivi du Partenariat se
sont tenues à Malte (avril 1997), Stuttgart (avril 1999), Marseille (novembre 2000), Valencia
(avril 2002) et Naples (décembre 2003), La Haye (décembre 2004). Le premier Sommet du
Partenariat Euro-Med s’est tenue à Barcelone les 28-29 novembre 2005. Du fait de
l’élargissement de l’U.E. le Processus de Barcelone concerne aujourd’hui 35 Etats : les 25 +
10 partenaires méditerranéens : Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie,
Tunisie, Turquie et territoires palestiniens.
Présenté par certains comme une initiative historique d’importance équivalente à ce
que fut le processus d’Helsinki pour la réconciliation Est/Ouest, le Partenariat Euroméditerranéen repose comme la C.S.C.E. sur trois corbeilles :
. Coopération politique et de sécurité : droits de l’homme, lutte contre le terrorisme54 et
l’immigration clandestine ;
. coopération économique et financière : des accords d’association organisant les échanges
commerciaux entre l’U.E. d’une part et d’autre part 8 pays de la rive sud de la
Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Jordanie, Israël, Liban et Syrie) 55 avec
l’objectif d’une zone de libre échange Euro-méditerranéenne pour 2010 ;
. Coopération sur le plan social, humain et culturel : dialogue des civilisations.
La structure institutionnelle repose sur la Conférence des ministres des Affaires
étrangères, la réunion des hauts fonctionnaires à Bruxelles et l’Assemblée parlementaire Euroméditerranéenne. Celle-ci s'est réunie pour la première fois en mars 2004. Elle se compose de
240 députés, dont 75 issus des Parlements des 25 Etats membres de l'Union européenne, 45 du
Parlement européen et 120 des Parlements des 10 Etats méditerranéens partenaires.
L’effort de modernisation et de réforme des pays partenaires est soutenu par une
assistance financière de l’U.E. dans le cadre du Programme MEDA et de prêts de la Banque
européenne d’investissement, la BEI.56 Entre 1995 et 2006, cette assistance financière s’est
élevée à 21 milliards d’Euros, soit 9 milliards au titre de MEDA et 12 milliards au titre de la
BEI.
54 Un code de conduite de lutte contre le terrorisme a été adopté le 29 novembre 2005.
55 A ce jour la Syrie n’a pas encore d’accord d’association avec l’U.E. (en négociation)
56 Décision du Conseil européen de Cannes en juin 1995.
60
Quel bilan ? Depuis son lancement il y’a dix ans le Partenariat Euro-méditerranéen est
un relatif échec. Il comporte de sérieux disfonctionnements :
. Ecart croissant de niveau de développement entre les deux rives : au cours de la décennie 90,
le PNB par habitant de l’U.E. des 15 est passé de 20 000 à plus de 30 000 dollars et celui des
10 nouveaux Etats membres de 6000 à 15 000 dollars ; dans le sud de la Méditerranée, le
revenu par habitant a stagné à 5000 dollars57 ;
. Processus de modernisation et de réformes économiques et politiques trop lent au sud ;
. Vision libre-échangiste du Partenariat et saupoudrage de l’assistance européenne ;
. Persistance du conflit israélo-palestinien et absence de solutions aux conflits sous régionaux
(Chypre, Sahara occidental) ;
. Compétition U.E.- E.U. dans la région, les Etats-Unis étant une « puissance méditerranéenne
de facto » par sa prédominance diplomatique et militaire notamment au Proche-Orient.
57 Chiffres fournis par l’U.E. in 7 jours d’Europe, n°616, 5 décembre 2005.
61
DEUXIEME PARTIE: LES AUTRES ACTEURS INSTITUTIONNELS EN
EUROPE
On a vu comment l’Union européenne s’est érigée progressivement au cours du
dernier demi-siècle en principal cadre de la coopération intergouvernementale en
Europe ; l’objectif allant bien au-delà de la simple coopération pour puisque l’U.E. est
devenue le « moteur » de l’intégration européenne. Mais, le continent européen a vu se
développer les activités et les programmes de plusieurs organisations de coopération
intergouvernementale embrassant tous les domaines des relations internationales :
économie et finance, défense et sécurité, etc. Il n’est évidemment pas question ici de
faire l’inventaire des nombreux acteurs intergouvernementaux qui existent et agissent
sur le continent. Toutefois, il s’impose de connaître ceux qui par leur action ont
contribué de manière décisive à un affermissement des rapports entre les nations
européennes dans des domaines aussi variées que les droits de l’homme, la défense
collective, le règlement pacifique des différends, le commerce.
Dans cette perspective, on distinguera les organisations dont l’action est de
nature politique et économique au sens large des termes. On examinera ensuite celles
dont les compétences sont plus spécifiques en ce qu’elles visent la défense collective et
plus généralement la sécurité du continent.
CHAPITRE I : LES ORGANISATIONS DE COOPERATION POLITIQUE ET
ECONOMIQUE
Immédiatement après la fin de la deuxième Guerre mondiale, le besoin d’un
nouveau cadre de coopération politique et diplomatique entre Etats européens en vue de
garantir la paix, reconstruire l’Europe et prévenir la guerre s’est fait sentir. Les
propositions et idées qui sont alors lancées sur l’initiative de gouvernements, de
personnalités ou de milieux associatifs débouchent sur la mise en place d’une structure
de coopération politique, le Conseil de l’Europe. L’objectif était de construire l’Europe
autour des principes de la démocratie et des droits de l’homme. Cet objectif ne pouvait
être réalisé sans la reconstruction des économies dévastées par la guerre. Le Plan
62
Marshall proposé par les Américains aux Européens sera à l’origine de la création de
l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E. devenue O.C.D.E.).
Section 1 : Le Conseil de l’Europe
Les composantes du mouvement fédéraliste se sont réunies à La Haye du 7 au
10 mai 1948 en Congrès de l’Europe. Il fut notamment proposé d’élire une assemblée
constituante européenne sur la base d’un député pour un million d’habitants. Une
négociation en ce sens entre les gouvernements français, britannique et du Benelux ne
permit pas d’adopter ce projet. En fait, deux thèses s’affrontaient : celle des fédéralistes
partisans de l’intégration de l’Europe par la mise en place d’institutions supranationales
dont une assemblée élue au suffrage universel (France et Belgique)58, et celle qui prône
une coopération intergouvernementale respectueuse de la souveraineté des Etats
(Royaume-Uni). Le compromis qui fut finalement adopté à Londres en mars 1949
prévoit un Comité des Ministres et une assemblée consultative dont les membres
seraient désignés par les gouvernements au sein d’une nouvelle organisation
européenne, le Conseil de l’Europe. Ce compromis, en refusant tout pouvoir réel à ces
organismes se rapprochait plus des vues anglaises que de celles de la France.
Le Traité constitutif du Conseil de l’Europe fut adopté le 5 mai 1949 59 par dix
États (Benelux, Danemark, Irlande, Italie, France, Suède, Norvège et Royaume-Uni).
En dépit de pouvoirs limités, le Conseil de l’Europe est devenu avec l’adhésion des
pays d’Europe centrale et orientale, la seule organisation à l’échelle continentale.
Aujourd’hui, il rassemble 46 États du fait notamment de l’adhésion 21 pays d’Europe
centrale et orientale à partir de 1989 (la Russie y a été admise en 1996 et la Géorgie en
1999)60. Depuis sa fondation, le Conseil de l’Europe se veut le « gardien de la sécurité
démocratique » fondée sur les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, les
droits de l’homme et les libertés fondamentales étant qualifiés de « patrimoine commun
des peuples européens » (art.5 du traité constitutif).
§ 1 - Le gardien de la sécurité démocratique
Le Conseil de l’Europe est à l’origine de l’adoption de 196 accords dans des
domaines de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme, questions pour
lesquelles, il a accompli une oeuvre normative considérable. On citera en particulier:
58 Proposition du ministre français des Affaires étrangères, Georges Bidault du 19 juillet 1948.
59 Il entra en vigueur le 3 août 1949.
60 La Biélorussie a fait acte de candidature. Cinq Etats ont le statut d’observateurs : le Canada, les Etats-Unis, le
Japon, le Mexique et le Vatican.
63
- La Charte sociale européenne (1961 révisée en 1996) protégeant les droits des
travailleurs; comportant quatre protocoles additionnels;
- la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des
crimes de guerre (1974);
- la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (1987) et deux protocoles additionnels;
- la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1994);
- la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant (1996).
- la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine, Convention
européenne de bioéthique (1994)61.
Pour réaliser son mandat du Conseil de l’Europe fut mis en place un mécanisme
institutionnel souple comportant trois types d’organes : le Comité des ministres, le
Secrétariat et l’Assemblé parlementaire.
Le Comité des ministres
C’est un organe exécutif au niveau des ministres des affaires étrangères (art.15)
qui se réunit au moins deux fois par an. Le Comité est une instance diplomatique
intergouvernementale, seule compétente pour agir au nom du Conseil de l’Europe. Il
adopte le programme d’activité de l’organisation, conclut les conventions élaborées
dans le cadre du Conseil de l’Europe, élabore des résolutions, adresse des
recommandations aux gouvernements, et surveille l’exécution des arrêts de la Cour
européenne des droits de l’homme. Les décisions s’y prennent soit à la majorité des
deux tiers pour les questions de fonds (adhésion de nouveaux membres), soit à la
majorité simple pour les questions de procédure. Les décisions portant sur des questions
importantes énumérées à l’article 20 a) nécessitent l’unanimité des voix exprimées, les
abstentions ne sont pas comptabilisées (recommandations aux gouvernements).
Le Secrétariat
Le Secrétariat est chargé d’assister le Comité des ministres et l’Assemblée
parlementaire et à cet effet il est organisé en directions couvrant les domaines de
compétences du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, affaires politiques, affaires
juridiques, affaires sociales et économiques...). Il est dirigé par un Secrétaire général (le
Britannique Terry Davis depuis 2004) nommé pour un mandat de cinq ans renouvelable
par l’Assemblé parlementaire sur proposition du Comité des ministres. Il est assisté de
61 Entrée en vigueur le 1er décembre 1999.
64
deux secrétaires généraux adjoints et de près de 1800 fonctionnaires internationaux. Le
Secrétaire général assume à la fois une fonction politique (représente le Conseil de
l’Europe à l’extérieur) et une fonction administrative classique (assure la direction de
l’appareil administratif). Son indépendance est garantie par les statuts du Conseil de
l’Europe.
L’Assemblée parlementaire
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a un rôle essentiellement
consultatif contrairement au projet franco-belge de 1948 qui visait à en faire une
instance représentative élue directement par les peuples. Elle est composée de
parlementaires désignés par les Etats membres62 du Conseil de l’Europe et issus des
parlements nationaux. L’Assemblée parlementaire comprend aujourd’hui 630 membres
répartis équitablement en représentants et suppléants. La distribution des sièges est
fonction poids démographique des États membres. Comme au Parlement européen, les
parlementaires se regroupent non selon la nationalité, mais en sensibilités politiques
(groupe socialiste, groupe du parti populaire européen, groupe libéral, groupe de la
gauche européenne unitaire).
L’Assemblée parlementaire adopte des résolutions par vote destinées au Comité
des ministres. Elle dispose d’un pouvoir de délibération sur toute question relevant du
domaine de compétences du Conseil de l’Europe, y compris les questions d’actualité
internationale. Parmi ses pouvoirs figure aussi l’élection du Secrétaire général du
Conseil de l’Europe et des juges de la Cour européenne des droits de l’homme.
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a institué un Commissaire aux
droits de l’homme en mai 199963. Le Commissaire est élu par l’Assemblé parlementaire
pour un mandat non renouvelable de six ans à partir d’une liste de trois candidats
établie par le Comité des ministres64. Cette personnalité a pour mandat de promouvoir
l’éducation et la sensibilisation aux droits de l’homme conformément aux instruments
du Conseil de l’Europe. A cet effet, il peut adresser des rapports aux Etats membres, au
Comité des ministres et à l’Assemblé parlementaire sur toutes questions pertinentes. Le
Commissaire aux droits de l’homme est une instance non judiciaire dont les fonctions
sont distinctes de celles remplies par le mécanisme institué par la Convention
européenne des droits de l’homme.
§ 1 – La Convention européenne des droits de l’homme
62Article 25 du Statut.
63 Résolution (99) 50 du 7 mai 1999.
64 Le 21 septembre 1999, l’Assemblé a élu l’Espagnol Alvaro Gil-Robles pour occuper ce poste.
65
La Convention européenne des droits de l’homme constitue la principale
réalisation normative du Conseil de l’Europe. Elle fut signée à Rome le 4 novembre
195065. La Convention consacrait d’une part une série de droits et libertés civils et
politiques et mettait en place d’autre part un mécanisme juridictionnel supranational
visant à garantir le respect par les Etats contractants.
A. Les droits garantis
La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) proclame dans son
préambule que les Etats membres du Conseil de l’Europe ont en charge un « patrimoine
commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence
du droit ». Elle affirme que le maintien de la justice et de la paix repose, d’une part,
sur un « régime politique véritablement démocratique » et, d’autre part, sur un
« commun respect des droits de l’homme ». La Convention a pour objectif à travers sa
jurisprudence d’introduire dans les ordres juridiques nationaux un minimum commun
de protection qu’elle définit, et que les Etats peuvent dépasser.
Les droits garantis suivants démontrent que la CEDH s’inspire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948 en mettant l’accent sur la protection des
droits civils et politiques :
- le droit à la vie (art.2);
- l’interdiction de la torture ainsi que des peines et traitements inhumains et dégradants
(art.3):
- le droit à la liberté et à la sûreté (art.5);
- le droit à un procès équitable
indépendant et impartial (art.6);
dans un délai raisonnable devant un tribunal
- le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance
(art.8) ;
- la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9);
- la liberté d’expression (art. 10);
- l’interdiction des discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus
dans la Convention (art. 14).
Remarque: la Cour de Justice des Communautés européennes de Luxembourg a
accepté de s’inspirer des normes de la CEDH: “Le respect des droits fondamentaux (de
65 Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1953. La France a adhéré tardivement à la Convention
(1974) et au mécanisme de requête individuelle qu’elle organise (1981).
66
la personne) fait partie intégrante des principes généraux de droit dont la Cour de
Justice assure le respect”, Affaire Internationale Handelsgesellschaft, n°11/70,
17/12/70).
Le système de la Convention fut renforcé et amendé à plusieurs reprises par 13
protocoles additionnels. Les protocoles 1, 4, 6 et 7 visent à élargir la liste des droits
garantis par la Convention (notamment droit au respect de la propriété, droit à
l’instruction, liberté de circulation et d’établissement sur le territoire national, abolition
de la peine de mort, garanties procédurales en cas d’expulsion d’étrangers). Les
protocoles 2, 3, 5, 8, 9 et 10 visent rationaliser le traitement des requêtes. Le Protocole
11 a restructuré le mécanisme de contrôle en remplaçant l’ancien système de la
Commission et de la Cour par une Cour unique des droits de l’homme66. Les Protocoles
12 & 13 concernaient l’organisation des institutions mises en place par la Convention et
la procédure devant être suivie devant eux. Enfin, un Protocole 14 qui n’est pas encore
en vigueur vise à améliorer les méthodes de travail et les procédures de la Cour face à
l’augmentation considérable des requêtes67.
B. Le mécanisme de contrôle de la protection
L’intérêt de la Convention européenne des droits de l’homme réside dans
l’institutionnalisation d’un mécanisme de recours juridictionnel supranational auprès de
la Cour européenne des droits de l'homme et, accessoirement devant le Comité des
ministres du Conseil de l’Europe.
1. L’organisation de la Cour
La Cour est composée de 45 juges, soit un par Etat membre du Conseil de
l’Europe. Ils sont élus par l’Assemblé parlementaire pour un mandat de 6 ans
renouvelable. Ils sont choisis parmi les juristes jouissant d’une grande notoriété et d’une
grande compétence. Ils sont soumis à l’exigence d’indépendance et d’impartialité. Ils
bénéficient des privilèges et immunités dans l’exercice de leur fonction. Les juges sont
assistés d’un greffe qui assure la rédaction des actes de procédure et la publication des
travaux de la Cour.
La Cour en session plénière des juges a une fonction administrative: adoption du
règlement intérieur, élection du Président, des vice-présidents, du greffier et des présidents
de chambres, constitution de ces chambres. D’après son règlement, la Cour se divise en
66 Il entré en vigueur le 1er novembre 1998.
67 Le nombre de requêtes enregistrées est passé de 5 979 en 1998 à 13 858 en 2001, soit une hausse de
130 % environ.
67
quatre sections, dont la composition, fixée pour trois ans, doit être équilibrée tant du point
de vue géographique que du point de vue de la représentation des sexes et tenir compte
des différents systèmes juridiques existant dans les Parties contractantes. Des comités de
trois juges sont constitués pour une période de 12 mois au sein de chaque section.
Dans l’examen des affaires qui lui sont soumis, la Cour peut se réunir en comité
de trois juges, en Chambres et en Grande Chambre:
- le Comité de trois juges exerce une fonction de filtrage des requêtes;
- les chambres de 7 juges dont le juge élu au titre de l’Etat parti au litige se prononcent
sur la recevabilité et le fonds des requêtes individuelles et étatiques;
- la Grande chambre de 17 juges (dont le Président de la Cour, les vices présidents, les
présidents de chambre et le juge élu au titre de l’Etat parti au litige) se prononce sur les
affaires soulevant des questions graves relatives à l’interprétation de la Convention ou
de ses protocoles ou pouvant créer une contradiction avec un arrêt antérieur. La Grande
Chambre sert d’organe d’appel des décisions des chambres et remplit une fonction
consultative à la demande du Comité des ministres (avis consultatif).
Les décisions de la Cour revêtent le caractère contraignant de la chose jugée.
Ces décisions sont prises à la majorité des membres.
2. La procédure devant la Cour
Tout Etat contractant (requête étatique) ou tout particulier s’estimant victime
d’une violation de la Convention (requête individuelle) peut adresser directement à la
Cour de Strasbourg une requête alléguant une violation par un Etat partie de l’un des
droits garantis par la Convention. Dans la pratique, le recours étatique (art. 33) est peu
utilisé, une vingtaine de requêtes depuis l’entrée en vigueur de la Convention
concernant une demi-douzaine d’affaires68. La procédure devant la Cour est
contradictoire et publique, elle comprend une phase écrite (dépôt de mémoire) et une
phase orale (audiences publiques).
Chaque requête individuelle est attribuée à une section, dont le président désigne
un rapporteur. Après un examen préliminaire de l’affaire, le rapporteur décide si celle-ci
doit être examinée par un comité de trois membres ou par une chambre.
Le requerrant doit démontrer qu’il est personnellement victime d’une violation
de ses droits et doit avoir épuisé tous les recours internes. L’arrêt de la Cour va
constater ou non la violation, indiquer à l’État concerné les modifications nécessaires de
68 La plupart de ces affaires ont fait l’objet d’un règlement politique ou d’un règlement à l’amiable, une
seule a été portée devant la Cour (Irlande contre Royaume-Uni).
68
sa législation ou de sa jurisprudence pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise
ou condamner celui-ci à verser des réparations à la victime (art. 50).
Les arrêts de la Cour ont un caractère juridique contraignant pour les Etats
concernés qui doivent s’y conformer (art. 46 § 1). Ce qui implique pour ces derniers de
prendre toutes les mesure propre à mettre fin à la violation constatée par la Cour. Les
arrêts de la Cour sont transmis au Comité des ministres qui est chargé d’en surveiller
l’exécution (art.46 § 2). Il s’assure que la victime a bien perçu les réparations
financières exigées par les juges et constate l’exécution de l’arrêt par une résolution.
Pour éviter la répétition de condamnations similaires les Etats sont souvent amenés à
modifier leur législation interne pour la rendre plus conforme à la Convention
européenne des droits de l’homme.
La Cour peut également, à la demande du Comité des Ministres, donner des avis
consultatifs sur des questions juridiques relatives à l’interprétation de la Convention.
Section 2 : L’Organisation de coopération et de développement économique
(O.C.D.E.)
L’Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E.) est
une des principales organisations intergouvernementales à vocation économique. Elle a
succédé à l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.). Elle a
progressivement perdu son caractère exclusivement européen avec l’adhésion des EtatsUnis, du Canada, du Japon, du Mexique et de la Corée du sud.
§ 1 - De l’O.E.C.E. à l’O.C.D.E.
L’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.) a été crée par
les accords de Paris du 16 avril 1948. Elle est l’émanation du Plan Marshall
d’assistance économique et politique américaine à la reconstruction de l’Europe au
lendemain de la Deuxième guerre mondiale. Elle a fonctionnée jusqu’en 1959 pour être
remplacée à partir de 1960 par l’O.C.D.E.
Le 16 avril 1948, les pays européens bénéficiaires du Plan Marshall signaient la
Convention de coopération économique européenne créant l’Organisation européenne
de coopération économique (O.E.C.E.). De 16 Etats à l’origine (1948) l’O.E.C.E.
passera à 18 Etats en 1959 avec l’adhésion de l’Espagne et de la R.F.A. Les Etats-Unis
et le Canada bénéficiaient d’un statut d’observateurs. Les pays du bloc socialiste ayant
refusé le Plan Marshall ne feront de ce fait pas parti de l’O.E.C.E. mais ils constitueront
le 25 janvier 1949 leur propre organisation de coopération, le Conseil d’assistance
69
économique mutuelle (COMECON)69.
L’O.E.C.E avait une structure tricéphale
- le Conseil composé de tous les membres et statuant à l’unanimité;
- le Comité exécutif composé de sept membres désignés chaque année par le Conseil;
- le Secrétariat général dirigé par un Secrétaire général et deux adjoints.
L’O.E.C.E. a crée des organismes ad-hoc (l’Union européenne des paiements
devenue Accord monétaire européen) ou permanents (Agence européenne de l’énergie
nucléaire ou A.E.N.) instituée par la Convention O.E.C.E. du 17 décembre 1957.
La mise en place à partir de 1978 des institutions des communautés européennes
allait compromettre le développement de l’O.E.C.E. Une nouvelle organisation va
prendre le relais, c’est l’O.C.D.E. En effet, à la suite d’une initiative des Etats-Unis, de
la France, de la R.F.A. et du Royaume-Uni il fut décidé de réformer l’O.E.C.E. Une
nouvelle organisation est crée par la Convention de Paris du 13 décembre 196070.
§ 2 – Le Club des pays riches
Avec l’adhésion des Etats-Unis et du Canada, l’O.C.D.E. n’est plus comme
l’O.E.C.E. une organisation paneuropéenne. En 1960, elle comprenait vingt Etats (les
dix-huit Etats membres de l’O.E.C.E., les Etats-Unis et le Canada). Elle compte
aujourd’hui trente Etats membres suite à l’adhésion de dix nouveaux Etats dont cinq
d’Europe (Finlande, Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie), un d’Amérique latine
(Mexique), deux d’Asie (Japon et Corée) et deux d’Océanie (Australie et NouvelleZélande). Pour être membre, un Etat doit satisfaire à deux exigences : économie de
marché et démocratie pluraliste. De fait, l’O.C.D.E. est moins une organisation
européenne, qu’une organisation des pays industrialisés à économie de marché71.
69 Le COMECON sera dissout le 28 juin 1991.
70 Le Traité révisant la Convention de l’O.E.C.E. et créant l’O.C.D.E. est entré en vigueur le 30
septembre 1961.
71 Plus de 70 pays non membres sont associés aux travaux de l’O.C.D.E. parmi lesquels le Brésil, la
Chine et la Russie.
70
A. Ses missions
Organisation des pays développés à économie de marché et à systèmes
politiques démocratiques, l’O.C.D.E. apporte une contribution à la régulation de la
mondialisation. Elle remplit les missions suivantes:
- promouvoir l’investissement international;
- développer les échanges commerciaux;
- assurer l’aide aux pays en développement;
- coordonner les politiques économiques des Etats membres.
L’O.C.D.E. intervient dans des domaines aussi variés que l’énergie,
l’investissement, la recherche-développement, la pêche, l’agriculture, les transports,
l’emploi, l’éducation ou l’environnement. Ce faisant, elle formule des recommandations
aux Etats membres sur les moyens de mieux coordonner les politiques économiques.
Elle élabore des règles communes en vue de développer le commerce mondial et de
libéraliser les échanges internationaux, notamment des règles relatives à la fiscalité, à la
concurrence, à la circulation des capitaux, aux investissements internationaux72.
Dans le cadre du Comité de l’Aide au développement (C.A.D.), les membres de
l’O.C.D.E., la Commission européenne, le F.M.I. et la Banque mondiale assurent la
coordination de l’assistance aux pays en développement.
L’O.C.D.E. a institué le Centre de développement et en 1990 le Centre pour la
coopération avec les économies en transition permettant ainsi aux anciens membres du
COMECON d’adhérer à l’Organisation (Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie).
Suite au choc pétrolier de 1973-1974, l’O.C.D.E. a crée l’Agence internationale
de l’énergie (A.I.E.) conçue à l’origine comme un instrument pour réduire la puissance
du cartel des pays pétroliers. L’A.I.E. est avec l’A.E.N., la deuxième agence de
l’O.C.D.E. en matière énergétique.
72 Ces règles sont énoncées dans des accords O.C.D.E.
71
B. Ses organes
Les organes de l’O.C.D.E. s’inspirent de la structure tripartite de l’O.E.C.E.: le
Conseil des ministres, le Comité exécutif et le Secrétariat général.
Le Conseil des ministres est le principal organe à caractère politique de
l’O.C.D.E. C’est à son niveau que se prennent à l’unanimité les décisions ainsi que les
recommandations et que sont adoptées les accords internationaux négociés dans le
cadre de l’O.C.D.E. Il se réunit une fois par an au niveau ministériel (ministres des
Affaires étrangères, ministres de l’Economie et des finances, ministres du Commerce
extérieur) et deux fois par mois au niveau des représentants permanents.
Le Comité exécutif est l’émanation du Conseil qui en désigne les quatorze
membres représentants des Etats. Sept Etats y disposent d’un siège permanent
(Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), les autres sont
renouvelés chaque année. Comme son appellation l’indique, cet organe est chargé
d’exécuter les décisions du Conseil des ministres et de l’assister pour la préparation de
ses travaux. Il assure également la coordination des comités et groupes de travail
institués par l’Organisation.
Le Secrétariat général dont le siège est à Paris est chargé de la gestion
administrative de l’Organisation et d’assister le Conseil73. Il est dirigé par un Secrétaire
général désigné pour un mandat de cinq ans renouvelable, lui-même assisté de deux
secrétaires généraux adjoints. Le Secrétaire général (M. Gurria depuis novembre 2005)
assure notamment la présidence des réunions bimensuelles du Conseil au niveau des
représentants permanents.
L’O.C.D.E. a crée plusieurs organes subsidiaires chargés des questions
techniques (plus de 200) sous la forme de Comités ou de groupes de travail. Ils sont
chargés dans les différents domaines de compétences de l’O.C.D.E. d’éclairer et
d’assister les prises de décision de l’Organisation (études, propositions). Ils sont
composés de représentants des Etats membres et d’experts indépendants. Les organes
autonomes crées dans le cadre de l’O.E.C.E. comme l’A.E.N. sont rattaché à l’O.C.D.E.
au même titre que le Comité d’aide au développement et l’A.I.E.
73 Le Secrétariat emploi environ 2300 agents.
72
CHAPITRE II : LES ORGANISATIONS DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE
La fin de la Deuxième Guerre mondiale et le début de la Guerre froide vont être
l’occasion de la mise en place de nouvelles organisations de sécurité et de défense
collective en Europe. Ces organisations, l’Union de l’Europe occidentale (U.E.O.) et
l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (O.T.A.N.) apparaissent comme des
alliances des Etats occidentaux face à ce qui était perçu comme la « menace
soviétique ». La fin de la Guerre froide symbolisée par la chute du Mur de Berlin en
novembre 1989 a une influence majeure sur l’architecture de sécurité en Europe. Les
causes de l’effondrement du camp socialiste sont essentiellement d’ordre idéologique,
économique et stratégique :
Les causes idéologiques sont liées à l’affaiblissement du régime soviétique, un
processus qui a débuté bien avant 1991. En effet, la dictature stalinienne a révélé les
limites d’un système politico-idéologique qui ne pouvait survivre que grâce au maintien
et au renforcement d’un appareil militaro-policier de plus en plus coûteux ;
Les causes économiques sont fondamentales. En dépit d’un effort de
développement industriel et technologique remarquable, l’U.R.S.S. ne parvenait pas à
assurer à sa population un niveau de vie comparable à celui des pays à économie de
marché. L’économie soviétique est handicapée par des problèmes structurels (faible
productivité, pénurie chronique, bureaucratie). L’Union soviétique n’avait aucune prise
sur le système financier international et le commerce mondial contrôlé par les
puissances occidentales, alors qu’elle a un besoin croissant de crédit. De plus, la
tentative visant à mettre en place un marché des pays socialistes (COMECON) est un
échec, l’U.R.S.S. étant condamnée à soutenir les économies fragiles des alliés
(fourniture d’énergie à bon marché, pratique de la compensation) toujours tentés par la
coopération avec les puissances capitalistes.
Les causes stratégiques sont déterminantes car la course aux armements entre les
deux superpuissances représentait un poids financier de plus en plus insupportable pour
l’U.R.S.S., surtout à partir des années quatre-vingt. Elu sous le slogan, « l’Amérique est
de retour », le Président Ronald Reagan a engagé une politique de réarmement massif
(Initiative de Défense Stratégique ou « guerre des étoiles ») qui contribua à essouffler
davantage le rival soviétique. L’échec humiliant de l’Armée Rouge en Afghanistan
(1979-1988) avait déjà marqué un coup d’arrêt à l’expansion du model soviétique dans
le monde. Ayant consenti à la réunification de l’Allemagne, ayant abandonné son glacis
européen (dissolution du Pacte de Varsovie), réduite pratiquement aux frontières
historiques de l’Empire russe du XVIIIème siècle, elle n’exerce plus avec les États-Unis
la « co-gestion » des affaires du monde.
73
Historiquement les États-Unis ont joué un rôle crucial dans la création des
principales organisations de sécurité et de défense en Europe comme l’O.S.C.E. Ils
imprègnent de leurs marques l’O.T.A.N.
Section 1 : L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (O.S.C.E.)
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) est la
plus grande organisation paneuropéenne par le nombre d’Etats membres. En effet, ils
étaient 55 Etats en 2004 dont 27 anciennes nations du « camp socialiste ». Mais, elle
n’est pas une organisation exclusivement européenne puisque les Etats-Unis et le
Canada y participent à part entière. Cette situation s’explique par le contexte historique
qui a présidé au lancement de la C.S.C.E. au milieu des années soixante-dix en vue de
pacifier les relations Est-Ouest de Vancouver à Vladivostok.
§ 1 - De la C.S.C.E. à l’O.S.C.E.
La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.) lancée dès
1973 fut le symbole de la coexistence pacifique en Europe. Le Processus d’Helsinki qui
durera plus de deux décennies voit la C.S.C.E. s’imposer comme un cadre
incontournable du dialogue Est-Ouest. La chute du Mur de Berlin fut l’occasion d’un
renforcement du processus C.S.C.E. par voie d’institutionnalisation. On parle désormais
de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.).
A. Le Processus d’Helsinki
L’idée d’une conférence paneuropéenne sur la sécurité a été avancée pour la
première fois en 1954 par l’Union Soviétique. Mais, le projet fut accueilli avec
méfiance par les Etats membres de l’O.T.A.N. qui craignaient une manœuvre soviétique
pour les diviser en découplant la sécurité européenne de la sécurité atlantique. La
proposition fut relancée par le Pacte de Varsovie au milieu des années soixante.
L’amorce de la coexistence pacifique - concrétisée par les premiers accords américanosoviétiques de désarmement (Traité de Moscou sur les essais nucléaires en 1963,
accords SALT 1 et SALT II en 1969 et 1972) - ayant réduit la tension Est-Ouest, les
Occidentaux répondent positivement à la proposition.
Les premières réunions de la C.S.C.E. eurent lieu dès 1973 à Genève avec la
participation de 35 Etats. La conclusion de ces réunions Est-Ouest sera l’adoption de
l’Acte final d’Helsinki (le 1er août 1975). Le Document d’Helsinki marque l’acte de
74
naissance de la C.S.C.E. Cette dernière est une conférence diplomatique associant les
États membres des deux alliances rivales dans un long exercice (vingt ans) visant à
codifier des relations pacifiques en Europe. L’objectif est d’établir un système
européen de sécurité collective fondé sur une triple dimension : politique et de sécurité
(mesures de confiance), économique, et humaine (droits de l’homme).
A Helsinki, les 35 Etats participants ont convenu de tenir des réunions
périodiques multilatérales en vue de se concerter sur l’application des dispositions de
l’Acte final. Parmi ces dispositions on mentionnera les dix principes ou « décalogue »
devant régir les rapports entre les participants à la C.S.C.E.:
1. égalité souveraine et respect des droits inhérents à la souveraineté;
2. non-recours à la menace ou à l’emploi de la force;
3. inviolabilité des frontières;
4. intégrité territoriale des Etats;
5. Règlement pacifique des différends;
6. non-intervention dans les affaires intérieures;
7. respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
8. égalité des droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes;
9. coopération entre Etats;
10. exécution de bonne foi des obligations internationales.
L’Acte final d’Helsinki, code de conduite pour les relations Est-Ouest en Europe
reprend dans le « décalogue » les principes classiques des relations internationales déjà
codifiés dans la Charte des Nations-Unies et dans certains traités internationaux.
La C.S.C.E. a grandement contribué à l’apaisement des rapports Est-Ouest en
Europe et à l’ouverture des régimes communistes à travers un vaste « marchandage
diplomatique » portant sur la promotion des droits de l’homme (la troisième corbeille
d’Helsinki) et la coopération économique et financière (deuxième corbeille). La
C.S.C.E. est un processus fondé sur des réunions périodiques entre les représentants des
Etats participants (ministres, ambassadeurs, experts). Au cours de ces réunions de la
C.S.C.E. plusieurs décisions furent adoptées visant le renforcement de la confiance et la
prévention d’un conflit Est - Ouest. C’est dans ce cadre que furent élaborées les
« mesures de confiance » (M.D.C.) et les « mesures de confiance et de sécurité »
(M.D.C.S.). Les premières consistent à notifier les manœuvres militaires au-delà d’un
certain seuil et à inviter des observateurs étrangers à ces manœuvres. Quant aux
M.D.C.S. elles tendent essentiellement à limiter et réduire les forces armées et les
75
armements déployés par chaque Etat.
La chute du Mur de Berlin et l’éclatement de l’U.R.S.S. va se traduire par une
redéfinition des missions de la C.S.C.E. Le processus d’Helsinki va évoluer en deux
temps. Le 21 novembre 1990 les pays participants adoptent la Charte de Paris pour une
nouvelle Europe qui tout en réaffirmant le « décalogue » d’Helsinki, insiste sur la
promotion de la démocratie et des droits de l’homme comme valeurs communes du
continent. Le 6 décembre 1994, le Sommet des Etats participants au processus
d’Helsinki réunit à Budapest décide d’institutionnaliser la C.S.C.E. en créant l’O.S.C.E.
B. L’institutionnalisation du Processus d’Helsinki
La fin de la Guerre froide a favorisé le processus d’institutionnalisation de la
C.S.C.E. et sa transformation en Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (O.S.C.E.). L’O.S.C.E. est un forum de consultation et de négociation. Son
siège se trouve à Vienne, mais elle possède des bureaux à Copenhague, Genève, La
Haye, Prague et Varsovie. L’O.S.C.E. est composé de plusieurs organes où s’élaborent
les décisions de l’Organisation. Les organes de négociation et de décision doivent être
distingués des structures purement opérationnelles.
Dans les organes de négociation et de décision on distinguera la conférence des
chefs d’États et de gouvernements, le Conseil des ministres des Affaires étrangères, le
Comité des hauts fonctionnaires, le Conseil permanent, l’Assemblé et le Secrétariat.
Les sommets des chefs d’États et de gouvernements participants à l’O.S.C.E.
sont organisées périodiquement (tous les deux ans) en vue de définir les orientations
politiques générales et d’évaluer les réalisations du processus. Le premier Sommet réuni
à Helsinki (juillet - août 1975) est historique parce qu’il marque le lancement du
processus de la C.S.C.E et l’adoption de l’Acte final qui codifie les rapports Est-Ouest.
Le Sommet de Paris (novembre 1990) adopta la Charte pour une nouvelle Europe qui
consacre la fin de la guerre froide, celui de Budapest (décembre 1994) créa l’O.S.C.E.
tandis que celui d’Istanbul adopta la Charte de sécurité européenne (novembre 1999).
Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères est l’organe principal de
décision de l’O.S.C.E. Il se réunit généralement tous les semestres. Il est le lieu indiqué
pour les consultations au niveau politique entre les Etats membres. Les décisions du
Conseil des Ministres sont transmises pour exécution aux autres organes et en
particulier au Comité des hauts fonctionnaires. La présidence du Conseil des ministres
est assurée par le pays d’accueil (présidence tournante). Le Conseil peut créer des
organes ad-hoc afin d’examiner certaines questions importantes nécessitant un examen
urgent.
76
Le Comité des hauts fonctionnaires (C.H.F.) est constitué par les représentants
des Ministres des Affaires étrangères (directeurs des affaires politiques au ministère).
Le C.H.F. tient des sessions régulières tous les trois mois et des sessions extraordinaires
en cas de d’urgence. Sa principale fonction est de préparer les réunions du Conseil des
ministres et d’exécuter leurs décisions. Ce pouvoir exécutif lui est conféré par son rôle
de coordination des organes de l’O.S.C.E. Le C.H.F. a des compétences étendues en
matière de gestion des crises qui affectent ou pourraient affecter le continent européen
(Balkans). Le Comité exerce aussi des compétences sur le plan économique et en
particulier pour l’aide à la transition économique aux anciens pays communistes. C’est
à ce titre qu’il se réunit en Forum économique chaque année à Prague.
Le Conseil permanent est composé des représentants permanents des Etats
membres de l’O.S.C.E. Il est en charge de la gestion quotidienne et de l’exécution des
décisions sous le contrôle du C.H.F. Il est ainsi le véritable organe de suivi des actions
de l’Organisation. A cet effet, il se réunit chaque semaine à Vienne, mais des réunions
informelles entre délégations se tiennent également au niveau du Conseil permanent.
L’Assemblée est composée de 317 parlementaires représentant les Parlements
des 55 Etats membres de l’Organisation. Le nombre de siège à l’Assemblé attribué à un
pays est proportionnel à sa population. Le secrétariat de l’Assemblé se trouve à
Copenhague. L’Assemblé tient une session annuelle chaque fois dans une capitale
différente. Son président a toujours la nationalité du pays d’accueil (l’Américain Alece
Hastings en 2004). Elle peut engager des délibérations sur toutes les questions abordées
par les chefs d’Etat et de gouvernement ou par le Conseil des ministres ou tout autre
organe de l’O.S.C.E. Elle informe les parlements nationaux des activités de
l’Organisation. Elle joue un rôle non négligeable notamment dans le contrôle des
élections auprès des pays ayant sollicité à cet effet l’assistance de l’O.S.C.E.
Le Secrétariat dont le siège est à Vienne est dirigé par le secrétaire général
nommé par le Conseil des ministres pour un mandat de trois ans (l’Ambassadeur Marc
Perrin de Brichambaut a été élu en juin 2004). Il assiste le Président en exercice de
l’O.S.C.E. (Chairman in Office). Il assume l’organisation des réunions et des
conférences de l’O.S.C.E. Il représente l’O.S.C.E. à l’extérieur et dirige l’administration
de l’Organisation dont le siège est à Vienne. Il dirige ainsi plusieurs services qui lui
sont directement rattaché notamment le Centre de prévention des conflits, le
département de l’administration et du budget, le département des conférences, le service
documentation et informations et l’Office de liaison pour l’Asie Centrale.
Des institutions spécialisées à caractère opérationnel ont été crées : le Bureau
des institutions démocratiques et des droits de l’homme, le Haut Commissaire pour les
minorités nationales auxquels s’ajoute un instrument de règlement pacifique des
différends, la Cour de Conciliation et d’arbitrage.
77
Le Bureau des Institutions démocratiques et des droits de l’homme (B.I.D.H.)
est une composante essentielle du mécanisme de la dimension humaine de l’O.S.C.E.74
au même titre que le Haut Commissariat pour les minorités nationales. Le B.I.D.H.
trouve son origine dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (1990) qui établit
un Bureau pour les élections libres à Varsovie. Crée en 1992, le B.I.D.H. fournit un
soutien à la consolidation des institutions démocratiques, à la promotion des droits de
l’homme ainsi qu’au renforcement des sociétés civiles et contribue à la prévention des
conflits en contrôlant l’application des engagements étatiques dans ce domaine. Il
fournit une assistance technique aux pays en voie de démocratisation consistant
notamment en l’observation des élections, l’assistance pour la rédaction des lois, la
formation des personnels de l’appareil judiciaire et pénitentiaire, l’éducation aux droits
de l’homme. Son Directeur est élu pour un mandat de 3 ans (l’Autrichien Christian
Strohal a été élu en mars 2003). Des pays d’Europe del’Est ont bénéficié de l’assistance
technique dans le cadre de la dimension humaine de la sécurité de l’O.S.C.E. (Arménie,
Bosnie, Croatie, Georgie, Kosovo, Moldavie, Ouzbékistan, Russie et Ukraine).
Le Haut Commissaire pour les minorités nationales (H.C.M.N.) a été crée en
1992 avec siège à La Haye pour surveiller le respect par les Etats membres de
l’O.S.C.E. des droits des minorités. Il s’agit de prévenir et de répondre de toute urgence
aux tensions ethniques qui pourraient dégénérer en conflits majeurs. Le H.C.M.N. est
donc un instrument essentiel de la diplomatie préventive qui vise à identifier les
tensions ethniques qui peuvent menacer la stabilité, la paix et les relations entre les
Etats membres de l’O.S.C.E. Le Haut Commissaire élu pour un mandat de 3 ans (le
Suédois Ralph Ekeus élu en juillet 2001 et réélu en 2004) peut organiser des missions
sur le terrain pour mieux s’informer de la situation. Ainsi, il est intervenu sur les
questions des minorités nationales en Albanie, en Croatie, en Estonie, en Hongrie, au
Kazakhstan, au Kirghizstan, en Lettonie, en Roumanie, en Slovaquie, en Macédoine, en
Ukraine ainsi que pour la protection des Romes.
La Cour de conciliation et d’arbitrage a été instituée par la Convention relative à
la conciliation et à l’arbitrage adoptée à Stockholm le 15 décembre 199275. Cette
Convention a crée un mécanisme de règlement pacifique des différends entre les Etats
membres de l’O.S.C.E. : la Cour de conciliation et d’arbitrage. La Cour qui siège à
Genève est un organe ad-hoc qui est présidée depuis 1995 par Robert Badinter. Elle se
réunit en cas de litige soit en tant que Commission de conciliation soit en tant que
Tribunal arbitral. Les membres de la Cour de conciliation et d’arbitrage sont choisis
par les parties sur une liste d’éminents juristes figurant sur le registre de la Cour.
Ainsi, tout différend surgissant en Europe entre les Etats membres est obligatoirement
soumis à une commission de conciliation (mécanisme de La Valette élaboré en janvier
1994). En cas d’échec de la proposition de la Commission, l’affaire est transmise au
Tribunal arbitral pour trancher le litige. Les décisions du Tribunal ont un caractère
74 Le mécanisme de la dimension humaine de la sécurité a été mis en place à Vienne en 1989 puis
amélioré par la suite. Il est l’émanation de la troisième corbeille de l’Acte final d’Helsinki (1975) sur les
droits de l’homme.
75 Elle est entrée en vigueur le 5 décembre 1994.
78
exécutoire pour les parties.
Aujourd’hui l’O.S.C.E. s’est imposé comme une organisation paneuropéenne de
sécurité incontournable dont l’aire géographique de compétence s’étend de Vancouver à
Vladivostok. Ses réalisations en faveur de la prévention des conflits et du renforcement
de la stabilité en Europe ont suscité un intérêt croissant auprès d’Etats non européens.
C’est ainsi que l’O.S.C.E. a été amené à développer des relations spéciales avec des
Etats méditerranéens et asiatiques.
§ 2 - Une organisation de prévention des conflits et de gestion des crises
Des Balkans aux Etats baltes, de la Moldavie au Caucase, l’O.S.C.E. a confirmé
son aptitude à servir d’instrument de premier recours pour l’alerte rapide, la prévention
des conflits, la gestion des crises et la reconstruction après un conflit. L’O.S.C.E. a
réalisé des actions opérationnelles pour le maintien de la paix notamment sur les
territoires de l’ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie et Kosovo) et de l’exUnion soviétique (Caucase). C’est entre 1990 et 1996 que seront mis en place
progressivement les instruments de prévention des conflits et de gestion des crises de
l’O.S.C.E. On distinguera ainsi deux types de mécanismes relatifs d’une part à la
réduction des armements et au désarmement, et d’autre part à la sécurité et au règlement
pacifique des différends.
A. Le Traité sur les forces conventionnelles en Europe
Ce Traité négocié depuis les années soixante-dix à Vienne dans le cadre des
M.B.F.R. (Mutual Balance Forces Reductions) entre l’O.T.A.N. et le Pacte de Varsovie
fut finalement signé le 19 novembre 1990 à Paris76. Il fixe des plafonds nationaux et
régionaux pour le déploiement de l’Atlantique à l’Oural de cinq catégories d’armements
(les chars de bataille, les autres véhicules blindés, les pièces d’artillerie, les avions de
combat et les hélicoptères d’attaque). Le Traité FCE prévoit également la notification
par les Etats contractants des manœuvres et des mouvements majeurs de troupes à
l’intérieur de leurs territoires. Des procédures de vérification complexes prévoient des
inspections sur place (on site) pour s’assurer de la destruction des systèmes d’armes en
surplus et l’envoi d’observateurs pendant aux manœuvres militaires.
Un accord fut signé le 19 novembre 1999 au sommet de l’O.S.C.E. d’Istanbul en
vue d’adapter le Traité FCE au nouveau contexte de la sécurité en Europe (dissolution
du Pacte de Varsovie et disparition de l’U.R.S.S.). Il prévoit une diminution globale de
10% des équipements militaires en Europe et un renforcement des procédures de
76 Il est entré en vigueur le 17 juillet 1992.
79
contrôle. Le dialogue sur les questions militaires se poursuit dans le cadre des Forums
sur la coopération en matière de sécurité.
B. La Charte pour la sécurité et la prévention des conflits en Europe
Le Sommet d’Istanbul (1999) a permit de franchir une nouvelle étape avec
l’adoption de la Charte pour la sécurité et la prévention des conflits en Europe. Cette
Charte contient les principes sur lesquels doit reposer la paix en Europe en reprenant
notamment le « décalogue » d’Helsinki (1975) et la Charte de Paris pour une nouvelle
Europe. Ainsi, il est stipulé en particulier que la démocratie et les droits de l’homme
sont des fondements de la paix. Le Document précise le rôle de l’O.S.C.E. dans la
prévention des conflits, la gestion des crises et la restauration de la paix après les crises,
ainsi que les moyens nouveaux dont se dote l’O.S.C.E. pour assumer ces tâches.
A ce propos, la Charte stipule que « l’aptitude à déployer rapidement des
experts civils et policiers est essentielle à la prévention efficace des conflits, à la
gestion des crises et à la reconstruction post-conflit ». A cet effet, la Charte prévoit la
création d’une structure « chargée de concevoir des équipes spécialisées d’assistance et
de coopération rapide » (« Rapid Expert Assistance and Cooperation Teams React »)
qui sera à la disposition de l’O.S.C.E.
L’O.S.C.E. a déployé une vingtaine de missions d’experts dans des pays en
conflit pour vérifier le respect par les parties de leurs engagements conformément aux
accords élaborés dans le cadre de l’Organisation : à Skopje, en Géorgie ; en Moldavie,
au Tadjikistan, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, et au Kosovo. Lorsqu’elles
interviennent dans les zones de conflit, les missions de l’O.S.C.E. collaborent sur le
terrain avec les organisations humanitaires intergouvernementales (comme le H.C.R.)
ou non gouvernementales (comme le C.I.C.R.).
Les Occidentaux ont fait figurer dans la Charte, non sans difficultés - du fait
principalement de l’opposition de la Fédération de Russie - le principe d’un droit de
regard de la communauté internationale sur les affaires intérieures d’un Etat en cas de
conflit interne77.
Depuis les attentats du 11 septembre, l’O.S.C.E. a fait de la prévention et de la
lutte contre les nouvelles menace une priorité : établissement d’un groupe de contacte
77 « Les Etats participants sont responsables de leurs citoyens et responsables les uns à l’égard des
autres de l’application de leurs engagements passés dans le cadre de l’O.S.C.E. Nous considérons que
ces engagements sont notre réussite commune et considérons par conséquent qu’ils sont sujets aux
préoccupations immédiates et légitimes de tous les Etats participants » (Charte pour la sécurité et la
prévention des conflits en Europe).
80
contre le terrorisme, nomination d’un Représentant spécial pour combattre le trafic
d’êtres humains et promotion de la tolérance (lutte contre le racisme et l’antisémitisme).
Section 2 : L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (O.T.A.N.)
L’O.T.A.N. est conçue à l’origine comme une « alliance défensive » pour faire
face à la menace soviétique pendant la Guerre froide. Mais, la Chute du Mur de Berlin
et l’effondrement du camp socialiste a mis l’O.T.A.N. devant une alternative majeure:
se rénover ou disparaître. Elle a choisit le premier terme de l’alternative en procédant à
une vaste restructuration et à une redéfinition du concept stratégique qui sous-tend son
existence et son action. A-t-elle pour autant renforcé sa légitimité dans un monde où la
nature des menaces et de la guerre a profondément changé ?
§ 1 - Le Pacte atlantique
Cette formule de Lord Ismay, chef d’état-major de Winston Churchill pendant la
deuxième guerre mondiale et premier Secrétaire général de l’O.T.A.N. résume bien les
intentions qui avaient présidé à la naissance de l’Alliance atlantique : « garder les
Américains dedans, les Russes dehors et les Allemands en bas ».
A. Les origines
Les années 1947 et 1948 sont des dates clefs du début de la Guerre froide en
Europe : constitution du Kominform (septembre 1947), blocus de Berlin (juin 1948),
coups de Prague (février 1948), rupture entre Staline et Tito, rejet du Plan Marshall par
l’U.R.S.S., division de la Corée. L’instauration de régimes communistes en Europe
centrale et orientale allait justifier la formule célèbre de Paul Henry Spaak selon
laquelle « l’Alliance atlantique est un enfant de Staline ». Chez les dirigeants
occidentaux la menace soviétique prenait désormais le pas sur la crainte d’un retour du
militarisme allemand. Dès 1947, le Président Harry Truman énonçait sa doctrine de
l’endiguement du communisme (« containment ») et proposait une aide politique,
militaire (notamment à la Grèce et à la Turquie) et économique (Plan Marshall) aux
pays menacés.
L’idée de constituer une alliance entre les Etats-Unis, première puissance
mondiale et les Etats européens membres de l’Union occidentale fut avancée dès 1948
par le Premier Ministre britannique Bevin. Ce dernier préconisa une extension du Traité
de Bruxelles vers l’Atlantique et la Méditerranée. Il s’inscrivait ainsi dans la ligne du
souhait exprimé en mars 1948 par le Ministre français des Affaires étrangères, Georges
Bidault dans une lettre confidentielle au Secrétaire d’Etat américain le général George
Marshall appelant les Etats-Unis à resserrer leurs liens militaires avec l’Europe
81
occidentale78. Enfin, le 11 juin 1948, le Sénat américain adoptait à une écrasante
majorité la résolution Vandenberg autorisant « l’association des Etats-Unis à des
mesures régionales ou collectives, fondées sur une aide individuelle ou mutuelle,
effective et continue ». Le Sénat semblait ainsi concrétisait l’idée exprimée dès 1946
par Harry Truman d’un « pacte atlantique ».
Le Pacte atlantique ou Traité de l’Atlantique Nord fut signé le 4 avril 194979 à
Washington par les Ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis (Dean Acheson),
du Canada et de dix pays européens (les trois Etats du Benelux, la France, le RoyaumeUni, l’Italie, la Norvège, l’Islande, le Danemark et le Portugal). La Suède et l’Irlande
déclinèrent l’invitation au nom de leur politique traditionnelle de neutralité.
A l’origine, le pacte atlantique était une alliance d’assistance mutuelle classique.
Mais, l’aggravation de la tension Est-Ouest suite notamment à la Guerre de Corée sera à
l’origine de son renforcement. Il fut décidé de créer une « Organisation du traité de
l’Atlantique Nord » (O.T.A.N.) dirigée par un secrétaire général et supervisée par un
conseil permanent ou siègerait tous les Etats membres de l’Alliance. Il fut aussi décidé
de mettre en place un « commandement intégré » des forces armées alliées.
L’article 5 du pacte atlantique stipule l’obligation d’assistance mutuelle en cas
d’agression contre un Etat partie :
« Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs
d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du nord sera considérée comme une
attaque dirigée contre toutes les parties, et, en conséquence, elles conviennent que, si
une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime
défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des NationsUnies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt,
individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera
nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité
dans la région de l’Atlantique Nord ».
L’article 6 définit l’aire géographique d’application du Traité en y incluant non
seulement l’Atlantique Nord, mais aussi la Méditerranée (Italie, Grèce, Turquie) et
même les départements français d’Algérie80.
78 Lettre du 5 mars 1948. Voir le Monde du 28 et 29 mars 1999, p. 11.
79 Le traité est entré en vigueur le 24 août 1949.
80 Les dispositions du Traité ne s’appliquent plus à ces départements depuis l’indépendance de l’Algérie
le 5 juillet 1962.
82
Les Occidentaux ont présenté le Pacte atlantique comme une alliance défensive
tandis que l’U.R.S.S. l’a qualifié « d’instrument belliciste de l’impérialiste américain ».
En réaction à l’adhésion de la R.F.A. à l’O.T.A.N., l’U.R.S.S. prend l’initiative de
constituer une alliance militaire des pays socialistes, l’Organisation du Pacte de
Varsovie. Le Traité instituant le Pacte de Varsovie, dénommé « Traité d’amitié, de
coopération et d’assistance mutuelle » fut signé dans la capitale polonaise le 14 mai
1955. Ainsi, se constitue face à l’O.T.A.N., une alliance militaire rivale rassemblant
l’U.R.S.S. et sept pays d’Europe centrale et orientale (Albanie81, Bulgarie, Hongrie,
Pologne, R.D.A., Roumanie et Tchécoslovaquie). Cette alliance collective d’assistance
mutuelle est renforcée par la signature de traités bilatéraux entre l’U.R.S.S. et ses alliés
qui organisent notamment la présence des forces soviétiques en Europe centrale. Le
Pacte de Varsovie est dissous suite à la chute du Mur de Berlin et à l’éclatement de
l’U.R.S.S.
B. Les structures politiques et militaires
Les structures de l’O.T.A.N. comportent à la fois des organes politiques et des
organismes à vocation militaire. Ils jouent un rôle majeur dans la définition et la mise
en oeuvre de la défense collective. Des restructurations ont été réalisées à plusieurs
reprises pour répondre aux contextes auquel l’Organisation devait faire face. On
mentionnera à ce propos deux périodes, les années cinquante avec l’exacerbation de la
rivalité Est-Ouest et les années quatre vingt dix avec la fin de la Guerre froide.
Les principaux organes politiques de l’O.T.A.N. sont le Conseil de l'Atlantique
et le Secrétariat général, deux organes assistés par des organismes de défense collective.
1. Le Conseil de l'Atlantique Nord. Le Conseil de l'Atlantique Nord est l’organe
politique suprême de l’Alliance (article 9 du Pacte atlantique). Il se réunit au moins
deux fois par an au niveau des ministres des Affaires étrangères (ou des ministres de la
défense) et une fois par semaine au niveau des représentants permanents qui ont rang
d’ambassadeurs82. Les décisions se prennent à l’unanimité et le Conseil est habilité à
examiner et à prendre des décisions sur toutes les questions relevant de la compétence
de l’Alliance. Lorsqu’il se réunit au niveau des Ministres de la défense, le Conseil est
appelé Comité des plans de défense. Les questions liées à la stratégie nucléaire de
l’Alliance sont examinées en particulier par le Groupe des plans nucléaires. Il est
l’enceinte où se déroulent les consultations sur toutes les questions relatives au rôle des
forces nucléaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense de l’O.T.A.N.
Remarques : La France ne siège ni au Comité des plans de défense, ni au Groupe
81 L’Albanie se retirera du Pacte de Varsovie en 1968 à la suite au schisme idéologique sino-soviétique.
82 Des réunions extraordinaires des ministres ou des chefs d’Etats et de gouvernements peuvent se tenir
pour examiner des questions politiques majeures à la demande de la majorité des Etats membres.
83
des plans nucléaires depuis son retrait de l’organisation militaire intégrée`en 1966
décidé par le Général de Gaulle. La France reste membre de l’Alliance atlantique83.
Suite à cette décision les organismes militaires et les troupes de l’O.T.A.N. ont quitté le
territoire français pour s’installer en Belgique en avril 1967.
2. Le Secrétaire général. Le Secrétaire général de l’O.T.A.N. assure à la fois des
fonctions administratives et politiques. Ainsi, outre la direction du Secrétariat
international de l’Organisation, le Secrétaire général préside les réunions du Conseil
ainsi que de certains comités (Comité des plans de défense et Groupe des plans
nucléaires) et représente l’O.T.A.N. à l’extérieur. Il assure également une fonction de
consultation entre les Etats membres et des missions de bons - office en cas de
différends entre alliés84. Il est enfin le véritable porte-parole de l’Organisation pour les
relations entre gouvernements et avec les médias. Le Secrétaire général (Jaap de Hoop
Schefer) est assisté dans ses fonctions par des secrétaires généraux adjoints et le
Secrétaire général délégué qui peut le remplacer en cas d’absence. Le Secrétaire général
de l’O.T.A.N. est nommé pour un mandat renouvelable de cinq ans85.
L’Alliance atlantique s’est également dotée de structures militaires et d’un
commandement intégré des forces alliées en Europe. La fin de la Guerre froide a
imposé une restructuration du commandement militaire de l’O.T.A.N.
1. Le Comité militaire. Le Comité militaire est l’organe suprême de l’Alliance
pour les questions de l’emploi des forces armées et de la stratégie militaire de
l’O.T.A.N. Mais, il est placé sous l’autorité politique du Conseil de l’Atlantique Nord.
Il se réunit au moins chaque semestre au niveau des chefs d’état-major des Etats
membres (sauf pour l’Islande représentée par un civil) et en session permanente au
niveau des représentants militaires nationaux désignés par les chefs d’état-major. Le
Comité militaire est chargé de recommander aux autorités politiques de l’Alliance les
mesures jugées nécessaires à la défense commune et d’établir des directives à
l’attention des Grands commandements de l’O.T.A.N. La présidence du Comité
militaire est assurée à tour de rôle pendant un an par chaque Etat membre de l’Alliance.
Le Président du Comité militaire préside les réunions des chefs d’état-major et du
Comité militaire en session permanente.
2. L’état-major militaire international. L’état-major militaire international
(E.M.I.) a pour fonction de seconder le Comité militaire de l’O.T.A.N. et les divers
organes militaires qui lui sont rattachés. En tant qu’organe exécutif du Comité militaire,
83 Des discussions engagées en 1997 en vue de la réintégration de la France dans les structures militaires
de l’O.T.A.N. n’ont pas abouti.
84 Ce fut le cas à plusieurs reprises dans le conflit opposant deux de ses membres, la Grèce et la Turquie
à propos de Chypre et de la souveraineté sur des îles de la Mer Egée.
85 Treize secrétaires généraux se sont succédés depuis la création de l’Alliance. En octobre 2002, le
néerlandais Jaap de Hoop Schefer a succédé à George Robertson (ex ministre britannique de la défense).
84
l’E.M.I. est chargé de veiller à la bonne exécution des directives et décisions du Comité.
L’E.M.I. est composé des personnels militaires détachés par les Etats membres. Il est
dirigé par un Directeur du rang de général de corps d’armée nommé par décision du
Comité militaire sur proposition des Etats membres.
3. Le commandement militaire intégré. La structure militaire intégrée de
l’O.T.A.N. sert de cadre à l’organisation de la défense collective. Cette structure
comprend un réseau de grands commandements qui couvre l’ensemble de la zone
couverte par le Traité. En juin 2005, une importante réforme des structures de
commandement militaire a été adoptée. Il a été décidé de réduire le nombre des
commandements stratégiques de 1 à 2 et celui des commandements opérationnels
régionaux de 5 à 2. Ainsi, le Commandement Allié des Opérations (Allied Command
Operations) qui reprend les attributions du SACEUR (commandement suprême des
forces alliées en Europe) et du SACLANT (commandement suprême des forces alliées
de l’atlantique) couvre une zone qui s’étend du Pôle Nord à la Méditerranée et des eaux
territoriales de l’Amérique du Nord à la frontière orientale de la Turquie. Le SHAPE
(grand quartier général des puissances alliées en Europe) basé à Mons en sera le siège
opérationnel. Ce commandement stratégique est placé sous l’autorité politique du
Conseil de l’Atlantique Nord. Deux commandements des forces combinées (Joint Force
Commands) basés à Brunssum (Pays-Bas) et à Naples lui sont subordonnés. Enfin, une
structure fonctionnelle a été crée pour poursuivre la restructuration des forces de
l’Alliance, c’est le Commandement Suprême Allié pour la Transformation (Supreme
Allied Commander Transformation). Il sera basé à Norfolk en Virginie et placé sous
autorité américaine.
§ 2 – La crise d’identité de l’Alliance
Le Pacte de Varsovie n’a pas survécut à la fin de la Guerre froide. La dissolution
de l’Organisation de défense collective des pays socialistes se traduit par le retrait de
l’Armée soviétique aux frontières de la Fédération de Russie mettant ainsi fin à près
d’un demi-siècle de présence soviétique en Europe centrale. Réunis à Rome en
novembre 1991 pour examiner la nouvelle situation stratégique qui règne désormais en
Europe, les dirigeants de l’Alliance atlantique décident de maintenir l’O.T.A.N. afin de
« rester en mesure de faire face à tous les risques pour (leur) sécurité qui peuvent
provenir de situations d’instabilité et de tensions ».
A. Les missions classiques
L’Alliance atlantique est conçue à l’origine comme une alliance de défense
collective conformément à l’article 51 de la Charte. Elle fut considérée par ses
promoteurs comme un instrument de sauvegarde de la liberté et de la sécurité des Etats
attachés à la « démocratie, aux libertés individuelles et au règne du droit » (Préambule
du Pacte atlantique) tout autant qu’un système de légitime défense collective. Il
85
s’agissait alors de dissuader toute invasion soviétique de l’Europe occidentale grâce à
une implication politique et militaire américaine dans la sécurité du continent.
Pour mener à bien cette mission de défense collective les Etats membres
conviennent:
. De régler par des moyens pacifiques tout différends internationaux (art.1) et de
contribuer au développement de relations internationales pacifiques et amicales (art. 2);
. De maintenir un potentiel militaire suffisant pour prévenir la guerre et assurer une
défense efficace (art.3);
. D’organiser des consultations sur toutes les questions d’intérêts communs affectant ou
pouvant affecter leur sécurité et leurs intérêts vitaux (art.4);
. De promouvoir l’association transatlantique qui établit un lien permanent entre la
sécurité de l’Amérique du Nord et la sécurité de l’Europe à travers notamment une
présence militaire américaine en Europe;
. De contribuer à préserver un équilibre stratégique en Europe;
. De définir une doctrine stratégique commune.
Pendant la période de la coexistence pacifique, les pays membres de l’Alliance
atlantique ont mené un dialogue avec les Etats membres du Pacte de Varsovie sur les
questions relatives à la sécurité en Europe. Cette concertation Est-Ouest fut menée
notamment dans le cadre des négociations de Vienne sur la réduction mutuelle et
équilibrée des forces conventionnelles en Europe (« Mutual and Balanced Forces
Reductions » ou M.B.F.R.) à partir de 1973 et visant à promouvoir la limitation des
arsenaux militaires détenus par les deux alliances rivales. On mentionnera également les
négociations qui ont abouti à l’élimination des forces nucléaires de portée intermédiaire
stationnées en Europe - les Euromissiles - (Traité américano-soviétique de 1987).
B. Le nouveau concept stratégique de l’O.T.A.N.
L’Alliance occidentale se trouve confrontée à une situation inédite: chute du
mur de Berlin, réunification de l’Allemagne, désintégration de l’Union soviétique et
effondrement des régimes communistes d’Europe centrale et orientale. Les raisons qui
sont à l’origine de la création de l’O.T.A.N ont disparues, mais parallèlement se
multiplient des crises et conflits nationalistes et ethniques au cœur même de l’Europe
(ex-Yougoslavie).
A la suite des décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement de
86
l’O.T.A.N., à leurs réunions au sommet de Londres (juillet 1990), de Rome (novembre
1991) et de Bruxelles (janvier 1994), l’Alliance a procédé à une importante refonte de
sa stratégie globale. L’attention s’est concentrée sur la nécessité de renforcer le rôle
politique de l’Alliance et la contribution qu’elle peut apporter, en coopération avec
d’autres institutions (O.N.U., O.S.C.E., U.E.), à l’établissement de la stabilité et de la
sécurité régionale et internationale.
Le Concept stratégique de l’O.T.A.N. adopté en 1991 par le sommet de Rome
prévoit une dépendance moindre à l’égard des armes nucléaires et apporte des
changements essentiels aux structures de commandement de l’Organisation ainsi
qu’aux aux forces intégrées de l’O.T.A.N., notamment la réduction substantielle de leur
taille et le recours accru aux formations multinationales. Ce Concept propose une
approche large de la sécurité fondée sur une capacité de gestion des crises et de
maintien de la paix et un partenariat avec les Etats d’Europe centrale et orientale.
Les conflits en ex-Yougoslavie ont offert à l’O.T.A.N. l’occasion de mettre en
oeuvre sa nouvelle stratégie de gestion des crises et de maintien de la paix. Agissant sur
mandat du Conseil de sécurité conformément au Chapitre VII de la Charte des NationsUnies, l’O.T.A.N. est intervenue sur les territoires de l’ex-Yougoslavie : surveillance de
l’embargo sur les armes contre la Serbie et le Monténégro par les navires de l’Alliance
dépêchés dans l’Adriatique, surveillance de la zone d’exclusion aérienne en Bosnie,
frappes aériennes pour protéger les zones de sécurité en Bosnie-Herzégovine et les
casques bleus de la FORPRONU, envoi d’une force multinationale de 36000 hommes –
I.F.O.R. puis S.F.O.R. - destinée à faire respecter les accords de Dayton sur la paix en
ex-Yougoslavie. La S.F.O.R. est la première opération d’imposition de la paix de
l’O.T.A.N. L’Union européenne a pris la relève de l’Alliance pour la direction de la
S.F.O.R. (EUFOR sur la base des arrangements de Berlin Plus).
Mais, c’est au cours des évènements dramatiques du Kosovo en 1999 que
l’O.T.A.N. s’engage dans une véritable opération de guerre contre la Serbie qui a rejeté
l’ultimatum de l’Alliance la sommant d’accepter un plan de paix pour la province
yougoslave. Des centaines d’avions sous commandement de l’O.T.A.N ont bombardé
pendant plus de deux mois la Serbie et le Monténégro (de mars à juin 1999). Cette
opération d’imposition de la paix par la force - dont la légalité a été contestée par la
Russie et la Chine au nom de la non-ingérence - fut présentée par l’Alliance comme
nécessaire face à une catastrophe humanitaire. La défaite serbe fut consacrée par le
déploiement au Kosovo sous mandat du Conseil de sécurité de la K.F.O.R.86 et la mise
sous administration de l’O.N.U. de la province du Kosovo (résolution 1244 du Conseil
de sécurité).
Un nouveau concept stratégique de l’Alliance fut approuvé par le sommet de
Washington en avril 1999. La Déclaration de Washington met l’accent sur les
86 50 000 hommes appartenant aux forces de l’O.T.A.N. auxquels s’ajoute un contingent russe.
87
« nouveaux risques complexes pour la paix et la stabilité euro - atlantiques (...) liés à
des politiques d’oppression, à des conflits ethniques, au marasme économique, et à la
prolifération des armes de destruction massive »87. Face à ce nouveau contexte
conflictuel, les dirigeants de l’Alliance se déclarent disposé « à contribuer à la
prévention efficace des conflits et à s’engager activement dans la gestion des crises, y
compris des opérations de réponse aux crises ». Ainsi, en 2003, les opérations de
sécurisation en Afghanistan ont été placées sous l’égide de l’Alliance atlantique à la
demande des Etats-Unis. Dans ce pays, l’Alliance exerce la coordination et le
commandement de la F.I.A.S. (Force internationale d’assistance pour la sécurité en
Afghanistan)88 sous mandat de l’ONU (résolution 1510 du Conseil de sécurité du 3
octobre 2003). Cette force de plusieurs milliers d’hommes déployée après la chute du
régime des Talibans a pour mandat de sécuriser le pays, désarmer les milices et ainsi
créer les conditions pour la reconstruction économique et politique de l’Afghanistan.
Au Sommet de Reykjavik (mai 2002), il fut même décidé que l’O.T.A.N.
pourrait désormais opérer « tous azimuts ». L’Alliance s’est octroyé la mission
d’exporter « tous azimuts » la sécurité et la stabilité. Cette diversification des missions
de l’O.T.A.N. tendent à la transformer en un instrument de maintien de la paix et de
gestion des crises au service du Conseil de sécurité89 ce qui l’éloigne davantage de sa
vocation traditionnelle d’organisation d’assistance mutuelle énoncée dans le Pacte
atlantique.
Suite aux attentats du 11 septembre 2001, l’Alliance atlantique a exprimé sa
solidarité aux Etats-Unis au titre de l’article 5 du Pacte atlantique90 et a décidé
d’engager une refonte de son concept stratégique à la lumière de la nouvelle menace
représentée par le terrorisme transnational. L’O.T.A.N. a érigé la lutte contre le
terrorisme comme une des priorités (Opération « Active Endeavour » en Méditerranée
depuis octobre 2001). Tout en appuyant la « Coalition internationale contre le
terrorisme » mobilisée par les Etats-Unis, les membres de l’Alliance ont exprimé à
plusieurs reprises leur réserves à propos de la manière dont la guerre américaine contre
le terrorisme fut menée en Afghanistan à partir d’octobre 2001.
On remarquera d’autre part que les enseignements de l’intervention en exYougoslavie révèlent le besoin d’un renforcement des capacités de réaction rapide en
vue de la gestion des crises. En effet, les ministres de la défense de l’Alliance réunis à
Toronto en septembre 1999 ont discuté de la mise en place de forces multinationales de
déploiement rapide dotées d’armes de haute technologie dans le cadre de « l’Initiative
87 Concept stratégique de l’Alliance, Déclaration du sommet de Washington, 23-24 avril 1999,
Introduction, § 3.
88 L’I.S.A.F. a été crée par la Conférence de Bonn sur l’Afghanistan (décembre 2001). Elle comprend
environ 8000 militaires appartenant à 47 pays.
89 Ce fut le cas avec le conflit du Kosovo en 1999.
90 Le Secrétaire général de l’O.T.A.N. Lord ROBERTSON a estimé dans une déclaration faite le 12
septembre que l’article 5 du Traité de Washington était applicable aux attaques du 11 septembre
s’agissant d’une action armée planifiée et menée depuis l’étranger. En fin de compte l’article 5 ne fut
pas activée, les Etats-Unis décidant de mener seuls la guerre en Afghanistan.
88
sur les capacités de défense » (ICD) dont les bases ont été jetées au sommet de
l’O.T.A.N. de Washington en avril 1999. Le Sommet de Prague (novembre 2002) a
adopté sur proposition américaine le principe d’une Force de réaction rapide de
l’O.T.A.N. (NATO Response Force) qui pourrait atteindre plus de 20 000 hommes en
2006. Cette force multinationale déployable en 5 jours sur n’importe quel point du
globe illustre les nouvelles priorités de l’Alliance : intervenir dans toute zone de crises.
De fait, l’O.T.A.N. s’est transformé d’une alliance défensive en une organisation « de
sécurité » interventionniste dont le périmètre d’action n’est plus limité à la région de
l’Atlantique Nord91.
Le Sommet de Washington (avril 1999) a approuvé dans le cadre du nouveau
Concept stratégique de l’Alliance un renforcement du Partenariat pour la Paix visant à
associer les partenaires dans les futures opérations de gestion des crises et de maintien
de la paix sous direction de l’O.T.A.N. Un premier signe symbolique en ce sens fut
d’accepter un contingent de militaires russes au sein de la K.F.O.R. sous direction de
l’O.T.A.N.
C. Le Partenariat pour la Paix et l’élargissement à l’Est
Le sommet de Rome (1991) a adopté une importante déclaration sur la paix et la
coopération destinée aux anciens ennemis du Pacte de Varsovie. Suite à cette
Déclaration, l’O.T.A.N. a institué fin 1991 un Conseil de coopération Nord - atlantique
(C.C.N.A.), chargé de mettre en oeuvre le partenariat proposé aux Etats d’Europe
centrale et ceux issus de l’éclatement de l’U.R.S.S. Le C.C.N.A. est devenu en 1997
« Conseil du Partenariat Euro – atlantique » (« Euro-Atlantic Partnership Council » ou
E.A.P.C.). Ce Conseil rassemble les 26 Etats membres de l’Alliance et les 46
« partenaires de la coopération ». En de hors des anciens pays communistes et autres
républiques soviétiques d’Europe, du Caucase et d’Asie centrale, il rassemble
l’Autriche, la Finlande, l’Irlande, la Suède et la Suisse. Il est un forum de dialogue et de
consultations sur des diverses questions politiques et militaires: maintien de la paix,
limitation des armements et désarmement, conception démocratique des relations entre
civils et militaires, planification de la défense, reconversion des industries d’armements,
respect de l’environnement, etc.
A l’occasion du sommet de Bruxelles (janvier 1994), les dirigeants de l’Alliance
proposèrent d’établir un « Partenariat pour la Paix » (« Partnership for Peace » ou
PfP) avec les anciens membres du Pacte de Varsovie. Un Conseil conjoint permanent
qui se réunit au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la défense ou au
niveau des représentants permanents a été institué pour mettre en oeuvre le Partenariat
pour la Paix. Une trentaine de pays ont aujourd’hui adhéré au Partenariat pour la Paix
de l’Alliance ouvert également aux Etats neutres et non-alignés d’Europe (Autriche,
Finlande, Suède, Malte). La Russie a signé en juin 1994 le Document cadre du
91 Voir Gilbert Achcar, « L’O.T.A.N. à la conquête de l’Est », Le Monde diplomatique, Janvier 2003.
89
Partenariat pour la Paix et en mai 1997 l’Acte fondateur O.T.A.N. – Russie sur les
relations mutuelles, la coopération et la sécurité. Dans ce document les deux parties
s’engagent à promouvoir la stabilité et la sécurité en Europe et d’instituer à cette fin un
Conseil conjoint permanent, le Conseil O.T.A.N.- Russie crée en 2002 (Sommet de
Rome) comme cadre de dialogue sur les questions de sécurité et de désarmement92.
L’O.T.A.N. a également lancé au Sommet de Bruxelles (1994), le « dialogue
méditerranéen » avec sept Etats de la rive sud : Algérie, Egypte, Israël, Jordanie,
Mauritanie, Maroc et Tunisie. Il s’agit ici de contribuer à une meilleure perception du
rôle de l’Alliance en Afrique du Nord et au Proche-Orient et à faire bénéficier ces pays
de l’expérience de l’O.T.A.N. en matière de sécurité et de stabilité régionale, de
prévention des conflits et de gestion des crises. Ce Partenariat fut renforcé en juin 2004
par l’adoption de l’Initiative de Coopération d’Istanbul destinée à promouvoir les
échanges militaires et sécuritaires au plan bilatéral entre les 26 et les 7 partenaires.
Le Sommet de Washington (avril 1999) qui a fêté le cinquantième anniversaire
de l’Alliance atlantique fut l’occasion d’accueillir trois Etats autrefois parties au Pacte
de Varsovie, la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie. Les premiers élargissements avaient
concerné la Grèce et la Turquie (1952) puis l’Allemagne fédérale (1955). L’Espagne a
rejoint l’Organisation en 1982 à la suite d’un référendum favorable. Le Sommet de
l’Alliance à Prague (novembre 2002) a entériné l’entrée à l’O.T.A.N. de sept nouveaux
Etats : Bulgarie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Estonie, Lettonie et Lituanie. Ces pays
ont rejoint l’O.T.A.N. le 29 mars 2004. Avec ce cinquième et plus important
élargissement l’O.T.A.N. comporte 26 Etats membres. Trois Etats (Albanie, Croatie et
Macédoine) ont présenté leur candidature à l’Organisation et sont dès lors soumis en
vertu de l’article 10 du traité de Washington à un plan d’action pour l’adhésion destiné
à les aider à réformer leurs forces armées. Cet élargissement de l’Alliance atlantique à
l’Est et dans les frontières de l’ex-URSS est perçu avec inquiétude par la Russie :
« L’élargissement de l’O.T.A.N. affecte les intérêts politiques, militaires et dans
une certaine mesure économiques de la Russie » a déclaré le porte-parole du ministère
des affaires étrangères, Alexandre Iakovenko à l’occasion de l’adhésion des sept Etats
le 29 mars 2004.
92 Une Charte sur le Partenariat Ukraine – O.T.A.N. a été signée en 1997.
90
Téléchargement