LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE CHAPITRE INTRODUCTIF: LE CHEMINEMENT HISTORIQUE DE L’IDEE D’UNIFICATION EUROPEENNE Le mot «Europe» a fait son apparition, dans un sens géographique, cinq siècles avant notre ère. Hérodote, au Ve siècle avant J.-C., nous rappelle que les Grecs appelaient leur terre Europe (Histoires, VII, 185) du nom d’une héroïne mythologique, une Phénicienne enlevée par Zeus qui avait pris pour la séduire la forme d’un taureau. Aujourd’hui, l’Europe désigne un continent qui s’étend de l’Atlantique à l’Oural et de la Méditerranée à la Scandinavie. La Grèce antique est souvent présentée comme le berceau de l’Europe, de Thémistocle l’Athénien à Alexandre le Macédonien sont autant de héros mythifiés pour leur combat contre les « barbares » de l’Orient, les Perses Achéménides. Il faudrait sans doute remonter à l’Empire romain, pour avoir le plus ancien model d’unification européenne sous une autorité centrale. Selon le géographe Strabon, qui écrivit peu avant l’ère chrétienne, les Romains «tiennent presque toute l’Europe, excepté la partie qui se trouve au-delà de l’Ister [Danube] et les parties bordant la Baltique entre le Rhin et le Tanaïs [Don]». Les Romains ne pourront jamais conquérir la Germanie (désastre de Tautebourg Val), et c’est sous Trajan seulement qu’ils dépasseront notablement le Danube en s’emparant de la Dacie (Roumanie). Pendant plus de cinq siècles, une grande partie de l’Europe, de la Méditerranée à l’Angleterre et de l’Espagne à la Roumanie obéissait au pouvoir central basé à Rome. Les Grandes invasions germaniques du Vème siècle vont briser cette unité (prise de Rome par les Wisigoth en l’an 476). Pendant tout le Moyen Âge, le rêve a persisté d’unifier l’Europe sous la direction soit de l’empereur, soit du pape. On mentionnera l’éphémère Empire de Charlemagne au début du IXème siècle. 1 Mais, l'Europe à peine sortie du Moyen Âge voit s'affronter deux conceptions : la première fondée sur la doctrine de l'équilibre européen postule qu'aucun État ne devrait détenir une puissance telle qu'il imposerait sa domination aux autres ; la seconde vise au contraire au non d'une volonté « messianique » à regrouper tous les pays européens sous une autorité unique, l’Empire universel. Ainsi, la nostalgie d'une unité perdue sous Rome va animer les ambitions de Charles Quint, souverain du Saint Empire Romain Germanique (1500-1558), qui sera la cause d’incessants conflits à l'Est contre l'Empire Ottoman et à l'Ouest contre le Royaume de France. Avec ses héritiers Philippe II d’Espagne et Ferdinand II d’Autriche (1578-1637) ce sont les prétentions des Habsbourgs de réunifier l'Europe sous la bannière du catholicisme qui se heurtera à la Réforme. Née d’une querelle religieuse opposant des Princes allemands protestants à l’Empereur, la Guerre de Trente ans (1618-1648) vit s’affronter sur le territoire allemand les impériaux et leurs alliés (Bavière, Espagne) aux partisans de la Réforme soutenue par la France et la Suède, soucieuses toutes deux d’empêcher une hégémonie de l’Empire. La Paix de Westphalie qui met fin au conflit fut l'occasion de la première conférence diplomatique européenne qui a consacré la théorie de l'équilibre européen. Napoléon 1er reprendra à son compte le flambeau d’une Europe impériale mais devra s’incliner lui aussi face à une coalition des nations à Leipzig (1813)1 et à Waterloo (1815). Les précurseurs Bien avant la deuxième Guerre mondiale, l’abbé de Saint-Pierre, Emmanuel Kant, Jean-Jacques Rousseau, Saint Simon ou Proudhon prônaient déjà l’avènement d’une Europe pacifiée et fédérée. Leurs réflexions visionnaires furent jugées utopiques dans une Europe engagée dans d’incessantes rivalités de puissances. On mentionnera notamment : . A la Renaissance, le Tractus rédigé en 1464 par le roi de Bohême Podiebrad répondait au souci de rassembler les peuples de la chrétienté face à l’Empire ottoman conquérant dans un pacte prévoyant une juridiction et un Parlement des Etats ; . Le Projet politique du duc de Sully, ministre d’Henri IV publié seulement en 1788 contenant une correspondance avec la reine d’Angleterre Elisabeth 1er ; . L’Essai du Quaker William Penn intitulé Present and Future Peace of Europe (1693); . L’abbé de Saint Pierre, plénipotentiaire français aux conférences qui adopteront le Traité d’Utrecht (1713-1715) mettant fin à la guerre de Succession d’Espagne a proposé un Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe (1713) et un Projet pour rendre la paix perpétuelle entre souverains chrétiens (1717) ; . Jean-Jacques Rousseau dans son Jugement sur la Paix perpétuelle est favorable à une fédération ou une confédération ; 1 Cette bataille est plus connue sous l’appellation de « bataille des nations ». 2 .C’est Emmanuel Kant qui avec Pour la Paix perpétuelle (1795) écrira un essai majeur dans lequel il estime que seul des régimes républicains peuvent imposer la paix en Europe ; . Dans de la Réorganisation de la société européenne destiné aux Parlements de France et d’Angleterre (1814), Claude Henry de Saint-Simon propose une confédération francobritannique destinée à s’élargir à d’autres régimes parlementaires avec l’objectif d’un Parlement européen moteur de l’unification de l’Europe ; . Victor Hugo qui fut un des premiers à utiliser la formule d’« Etats-Unis d’Europe » lança à l’occasion du Congrès de la Paix de Paris (1849) un appel pour la création d’un « grand sénat souverain qui sera à l’Europe ce qu’est le Parlement à l’Angleterre » ; . Giuseppe Mazini qui fonda en 1834 l’association Jeune Europe a établi en 1857 une carte de la future Europe des nations » ; . L’autrichien Coudenhove-Kalergi fondateur de la Revue Paneuropa (publiée à Vienne en 1923) fut un des artisans de l’«Union paneuropéenne » et du Manifeste paneuropéen (1924) ; En 1926, le premier Congrès de l’Union paneuropéenne qui rassembla à Vienne les délégués de 24 pays adopta le Manifeste paneuropéen énonçant les grandes lignes d’une « organisation fédérative de l’Europe ». Aristide Briand qui fut Président d’honneur de l’Union paneuropéenne a lancé devant l’Assemblée de la S.D.N. le 5 septembre 1929 l’idée d’un lien fédéral entre les peuples du Vieux Continent. Le gouvernement français a présenté en mai 1930 un Mémorandum sur l’organisation d’un régime d’union fédérale européenne. La montée des périls a eu raison du projet Briand qui est abandonné en 1932. Le Nouvelle Ordre européen d’Adolf Hitler Comme Napoléon, Hitler s’est lancé à la conquête de l’Europe. Comme lui, il l’a contrôlée pendant une période brève aux yeux de l’historien, interminable pour ceux qui en ont souffert. Mais la ressemblance s’arrête ici. Le régime hitlérien est à l’origine de crimes contre l’humanité sans précédent, en particulier à l’égard des juifs et des tziganes. L’Europe de Hitler, dont les ressources et les hommes étaient exploités par la machine de guerre nazie, était conçue comme une pyramide dominée par le Grand Reich allemand de cent millions d’habitants, perçu comme supérieur aux autres peuples. Une vision raciale de l’Europe dominait: . En haut de l’échelle les peuples nordiques (Allemands, Scandinaves, Néerlandais) ; . Dans une position intermédiaire les latins et les peuples balkaniques non Slaves ; . Dans une position inférieure les Slaves (untermeshen) qui constitueront une réserve de main d’œuvre du Reich et dont le territoire servirait d’espace vital pour l’expansion des aryens (Lebensraum) ; . Au plus bas de l’échelle les juifs voués à l’expulsion ou à l’extermination. 3 L’Europe hitlérienne comportait cinq types d’espaces politiques : . Le Grand Reich, centre de gravité de la nouvelle Europe agrandie par l’Anschluss et l’annexions des territoires peuplés d’allemands en Tchécoslovaquie et en Pologne; . Les territoires occupés voués à un statut à déterminer à la fin de la Guerre mais ou subsistait un pouvoir local acquis à la présence allemande: Belgique, Pays-Bas, Danemark, Norvège, la France amputée de l’Alsace - Lorraine (régime de Vichy); . Les territoires occupés peuplés des Slaves (jugés inférieurs) passent sous Protectorat ou gouvernements généraux allemands (Bohème et Pologne) ou sont voués à une colonisation germanique jusqu’à l’Oural et au Caucase: territoires de l’Union soviétique occupée et divisés en deux régions : Reichkommisariat des régions de l’Est et Reichkommissariat d’Ukraine; . Statut particulier de la Yougoslavie, de l’Albanie et de la Grèce occupée et divisée en zones d’influences allemande et italienne et privée d’une partie de leurs territoires au profit des alliés hongrois, bulgares et roumains et de la nouvelle entité croate des Oustachis; . Les Alliés du Reich ou Etats satellites : l’Italie mussolinienne, la Finlande, la Slovaquie, la Hongrie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie liées au Reich par le Pacte d’Acier (1938). L’Angleterre isolée résistera à la machine de guerre allemande tandis que la Suède, l’Irlande, la Suisse, l’Espagne et le Portugal optent pour la neutralité. Le Nouvel Ordre Européen d’Hitler devait s’étendre de l’Atlantique à l’Oural (en fait de l’Atlantique à la Volga), une formule reprise plus tard par de Gaulle avec une vision et un contexte différent. Sur le plan économique, les Allemands envisageaient d’imposer une sorte de marché commun européen sous forme de bloc économique et financier dont le mark aurait été la monnaie de réserve et les places financières (Berlin et Vienne). Dès 1940, une concentration de la finance et du commerce se fait à Berlin. Les grands groupes industriels allemands (IG Farben pour la chimie) commencent à réorganiser l’industrie et le commerce européen en cartels et associations commerciales centrés sur le Reich. Les puissants Reichwerke prirent le contrôle de l’industrie lourde dans les pays occupés pour alimenter la machine de guerre allemande. C’est au nom de l’«Europe nouvelle» que Hitler lança la «croisade antibolchevique». Les Allemands, dit-il, seront «capables de fournir à toute l’Europe sa classe dirigeante [...] Les générations qui nous suivront accepteront certainement l’unification de l’Europe que nous sommes en train d’accomplir». Mais l’Europe d’hégémonie germanique conçue par Hitler fut finalement vaincue par les Alliés et par la résistance des peuples occupés. Il faut 4 noter que, parmi des préoccupations plus immédiates, les mouvements de résistance occidentaux élaborèrent pour l’avenir divers projets d’union dont le plus remarquable fut un «Projet de déclaration des résistances européennes» (1944) prévoyant «une union fédérale entre les peuples européens». L’Europe divisée de la Guerre froide La deuxième Guerre mondiale fut pour l’Europe un désastre à la fois sur le plan politique et économique mais aussi humain et moral. L’Europe n’était plus le centre mondial de la puissance détenue désormais par les deux grands vainqueurs de la guerre, les Etats-Unis et l’URSS qu’une rivalité pour l’hégémonie mondiale allait bientôt opposer pendant presque un demi-siècle. L’Europe est divisée en deux blocs rivaux. En effet, dès 1945, les conférences de Yalta (février 1945) et de Potsdam (juillet-août 1945) permettent aux alliés de régler le sort de l'Allemagne (dénazification, démilitarisation et occupation) et de délimiter les nouvelles zones d'influence en Europe centrale et orientale. Les négociations de Yalta et de Potsdam ont réveillé d'importantes divergences opposant les puissances occidentales et l'URSS en ce qui concerne l'avenir de l'Europe. Pour Staline, l'URSS qui a payé le plus lourd tribut dans la guerre contre l'Allemagne nazi a un droit de regard sur les régimes politiques qui se mettent en place dans les pays libérés par l'Armée Rouge. Pour les Occidentaux ces régimes doivent êtres nécessairement issus d'élections libres. En 1947, le Président Truman amorce un changement radical de la politique américaine en proposant le Plan Marshall destiné à aider la reconstruction de l'Europe et à renforcer ainsi la résistance à la « subversion communistes » (mouvements sociaux en Angleterre et en France). Ce plan accroît la méfiance soviétique qui dés 1947 installe des régimes dominés par les communistes en Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Pologne et Tchécoslovaquie. Le « coups de Prague » (1948) marque le début de la Guerre froide. L’une des crises les plus graves de la guerre froide aura pour théâtre le cœur de l’Europe, c’est le blocus de Berlin (1949) qui accentua la division de l'Allemagne en deux entités étatiques hostiles, la R.F.A. et la R.D.A. La division de l'Europe (le rideau de fer dénoncé par Churchill) est consommée avec la constitution de deux alliances antagonistes, l'Alliance Atlantique (Traité de Washington instituant l'OTAN, 1949) et le Pacte de Varsovie (1955), la première dominée par les États-Unis et la seconde par l'URSS. Quelle Europe ? Sur le plan politique, on signalera les principales divergences à propos de l’Europe de l’après-guerre à construire. 5 Les partisans de l’unification appartiennent à de nombreuses écoles: socialistes, libéraux, démocrates-chrétiens. Les fédéralistes veulent de larges pouvoirs locaux et acceptent la notion d’États-Unis d’Europe. Certains pensent que la création d’une confédération d’États souverains est une étape nécessaire vers la création d’un gouvernement fédéral. Pour d’autres, l’unification doit commencer par l’intégration économique; une union politique en résultera nécessairement. D’autres encore veulent s’en tenir à une coopération intergouvernementale. L’idée d’unité de l’Europe a deux types d’adversaires. Il y a d’une part les nationalistes favorables au maintien de la souveraineté des États qui refusent toute forme d’intégration, sinon de coopération (de Gaulle). Il y a d’autre part, les marxistes-léninistes qui posent comme préalable la conquête du pouvoir par le prolétariat (Lénine)2. Les communistes, hantés par l’idée d’une «Europe des trusts», d’une Europe antisoviétique ont combattu les projets d’unification européenne en les accusant de préparer un «bloc occidental» hostile aux États socialistes. Cette fracture sera manifeste en France lors du débat à propos d’une communauté européenne de défense; communistes et gaullistes pourtant divisés sur la plupart des autres points s’y opposaient conjointement. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle (1958) allait rendre le problème beaucoup plus complexe. La question des limites géographiques de l’Europe à construire fait débat. Sur les limites de l’Europe intégrée, des débats opposent dans les années cinquante et soixante les défenseurs de l’achèvement préalable de l’Europe des Six (Allemagne, Benelux, France, Italie) aux avocats de l’entrée immédiate de la Grande-Bretagne et aux partisans d’une «Europe de l’Atlantique à l’Oural». Enfin, l’Europe peut être une «troisième force», avec son équipement nucléaire propre (thèse du général Beaufre) ou se fier, comme le pense Jean Monnet, à l’armement américain et au partnership atlantique. C’est précisément durant cette période troublée que se mettent en place les premières institutions paneuropéennes. Mais, la fin de la Guerre froide va donner un nouveau dynamisme à la construction européenne avec la perspective d’élargissement de l’Union aux nations d’Europe centrale et orientale et un renforcement institutionnel annonciateur d’une Europe fédérale souhaitée par les uns et rejetée par les autres. Le débat opposant fédéralistes et souverainistes qui a été particulièrement virulent en France lors du référendum sur l’adhésion au Traité de Maastricht n’est pas clos. La Convention chargée de rédiger la future constitution européenne3 fut l’occasion d’un affrontement entre partisans et adversaires d’une Europe fédérale. Quelle Europe ? L’éternel débat toujours recommencé. La construction européenne qui résulte du Traité de Rome (1957) implique un processus d’intégration progressive par l’économie (Marché commun). Aujourd’hui, avec vingt-cinq Etats membres, l’Union européenne s’impose comme le principal pôle de 2 Lénine: «À propos du mot d’ordre des États-Unis d’Europe», août 1915, in Œuvres complètes, t. XXI, Moscou-Paris, 1960. 3 Le Conseil européen de Laeken (14-15 décembre 2001) a adopté une « Déclaration sur l’avenir de l’Union » appelant à la convocation d’une Convention en mars 2002 en vue d’une Union Européenne rénovée. 6 coopération économique et politique en Europe (Première partie). Mais sur le continent d’autres institutions à caractère économique, politique et militaire ont vu le jour pour la plupart après la Deuxième guerre mondiale: l’O.C.D.E., le Conseil de l’Europe, l’O.S.C.E. et l’O.T.A.N.(Deuxième partie). 7 PREMIERE PARTIE: L’ACTEUR CENTRAL: L’UNION EUROPÉENNE Les deux guerres mondiales qualifiées de « guerres civiles européennes » aux effets désastreux sans précédent seront paradoxalement le déclencheur des premières initiatives en vue de la construction d’une Europe intégrée et pacifiée. Le tournant décisif fut le Congrès de l’Europe, tenu à La Haye du 7 au 10 mai 1948, qui rassembla huit cents personnalités de gauche (socio-démocrates) et de droite (démocrates chrétiens) venant des milieux politiques, associatifs et syndicaux et tous favorables à l’unification européenne. Ce Congrès donna naissance au Mouvement européen, présidé par Winston Churchill, Léon Blum, Paul-Henri Spaak et Alcide De Gasperi. Il fut aussi à l’origine de la création d’une institution de coopération intergouvernementale, le Conseil de l’Europe. L’idée de dépasser les nationalismes, d’intégrer l’Allemagne dans une Europe démocratique et de rendre impossible à l’avenir une guerre en Europe va animer l’action de ce mouvement relayé par des gouvernements. L’idée d’intégration européenne se répandait. Mais, des divergences fondamentales apparurent opposant d’un côté la France et les pays du Benelux favorables à la constitution d’un pouvoir supranational et de l’autre, le Royaume-Uni farouche adversaire de la supranationalité mais disposé à accepter une union d’Etats souverains. Une solution de compromis débouchera sur la création d’un organe de coordination politique sans véritable pouvoir, le Conseil de l’Europe (voir 2ème Partie). Cependant, les partisans de l’Europe fédérale maintiendront leur pression en vue de promouvoir une intégration fonctionnelle de l’Europe sur les plans politique et économique. L’action systématique d’hommes comme Robert Schuman et Jean Monnet fut à l’origine de la mise en place des « Communautés européennes », véritable compromis entre les thèses fédéraliste et unioniste. Le fédéralisme et le fonctionnalisme ont largement inspiré la construction européenne. CHAPITRE I : DES COMMUNAUTES EUROPEENNES A L’UNION EUROPEENNE Dès la fin de la guerre mondiale, Jean Monnet, Commissaire général au plan et principal animateur du Mouvement fédéraliste européen prôna une intégration de l’Europe par un processus d’abandon progressif des souverainetés étatiques au profil d'institutions supraétatiques (Mémoires, 1976). Cet artisan de la construction européenne voyait dans le fédéralisme la meilleure garantie pour les générations future du retour de la guerre en Europe. L’Europe de Monnet est fondamentalement supranationale. La « méthode Monnet » reposerait sur cinq principes : 8 1. l’évacuation du politique au profit d’une coopération supposée purement technique ; 2. Le primat donné à l’économie ; 3. la progressivité permettant de grignoter des pans entiers des souverainetés étatiques ; 4. l’irréversibilité ; 5. l’institutionnalisation du processus car comme le dit Monnet : « Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les institutions »4. Mais, l’Europe n’était pas encore mûre à la fin de la deuxième guerre mondiale pour une union politique de type fédéral prônée par Jean Monnet, c’est une construction par étape privilégiant l’intégration économique qui sera finalement engagée à partir des années cinquante. Section 1 – La Genèse de la Construction européenne L’intégration européenne est fondée sur trois traités fondateurs : le Traité CECA (1951), les deux traités signés Rome (1957) qui instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique. Toutes les décisions et procédures communautaires sont issues des traités dont les Etats membres sont signataires. Les traités communautaires ont fait l’objet de plusieurs modifications notamment à l’occasion des élargissements successifs. Des réformes majeures dans le fonctionnement institutionnel ont accordé de nouvelles compétences aux institutions communautaires. Préoccupé par le conflit de la Sarre qui opposait la France et l’Allemagne fédérale nouvellement crée (1949) par la fusion des trois secteurs d’occupations occidentaux du Reich, le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman lança une initiative majeure à même de dépasser le conflit séculaire franco-allemand dans le plan qui allait désormais porter son nom. Le 9 mai 1950, il déclarait que « L’Europe ne se fera pas d’un seul coup ni dans une construction d’ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des solidarités de fait ». Il est convaincu que « le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée ». Robert Schuman estimait que « la mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera immédiatement l’établissement des bases communes de développement économique, première étape de la fédération européenne ». Le Plan Schuman fut proposé au Chancelier Konrad Adenauer qui l’accepta immédiatement, conscient lui aussi du rôle moteur que la réconciliation historique entre la France et l’Allemagne aurait sur la construction de l’Europe. Le “pool Charbon-acier” et le Marché commun étaient lancés. 4 Cité in : Michel Clapier, Institutions européennes, Flammarion, ChampsUniversité (Paris), 2003, p.116. 9 § 1 - Le Plan Schuman de Pool charbon-acier Le Plan Schuman dont Jean Monnet fut en fait l’inspirateur vise à « placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une autorité commune unique, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays européens ». Ainsi, le charbon et l’acier qui ont servi à se faire la guerre serviront à bâtir les fondations de la nouvelle Europe. Robert Schuman était convaincu que l’Europe ne connaîtra pas la paix tant que l’Allemagne et la France ne seront pas liées par un mécanisme institutionnel favorisant leur interdépendance et leur intégration économique. L’objectif serait de procéder progressivement à un transfert de compétences des souverainetés nationales vers les « EtatsUnis d’Europe ». L’Italie et les trois pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) se joignent à l’Allemagne et à la France dans la Communauté européenne du charbon et de l’acier (C.E.C.A.) crée par le Traité de Paris du 18 avril 1951. Le Royaume-Uni refusa de s’engager dans ce qu’il percevait comme un processus vers l’Europe supranationale. L’accord fut encouragé par les Etats-Unis préoccupés à l’époque par la « menace communiste ». Le Traité instituant la C.E.C.A. entra en vigueur le 23 juillet 1952. Une Haute Autorité du charbon et de l’acier, une assemblée, un Conseil et une Cour de justice furent institués dans le cadre de la C.E.C.A.5 Avec la mise en place de cet organe commun, indépendant des Etats, un abandon de souveraineté nationale en faveur d’un pouvoir supra-étatique est consenti dans un secteur limité. Mais, le Traité C.E.C.A était adopté pour une durée de 50 ans, il a expiré le 23 juillet 2003. Dans l’esprit de ses concepteurs cette première réalisation vers l’intégration fonctionnelle ne devrait pas rester isolée, d’autres initiatives vers l’intégration politique devaient suivre. L’occasion en sera donnée bientôt avec le débat sur la constitution d’une armée européenne. Face à l’aggravation de la Guerre froide, les Etats-Unis poussent à un rapprochement des pays d’Europe incluant la nouvelle République Fédérale d’Allemagne (R.F.A.) proclamée en avril 1949 et préconisent le réarmement allemand. Par le Plan Pleven d’octobre 1950, le gouvernement français proposa d’aller dans ce sens. En effet, il s’agissait de créer entre les Six une armée européenne composée de contingents nationaux (y compris donc allemands), sous commandement commun. Un traité instituant une Communauté européenne de défense (C.E.D.) fut signé à Paris le 27 mai 1952. Mais, alors que le charbon et l’acier ne posaient guère de problèmes passionnels, il n’en fut pas de même pour les questions militaires. Mais, après de longues tergiversations, l’Assemblée nationale française refusa de ratifier le Traité de 5 Jean Monnet fut le premier Président de la Haute Autorité. 10 Paris le 30 août 1954, ouvrant la première des grandes crises qu’ait connue la politique européenne de l’après-guerre. Ainsi, la volonté de Jean Monnet et de Robert Schuman d’engager parallèlement la construction politique essuya un premier échec avec le rejet de la C.E.D. L’objectif est désormais de préparer la Communauté politique en commençant par la construction d’une Communauté économique. A cet effet, Jean Monnet, qui avait été le premier Président de la Haute Autorité de la C.E.C.A., démissionna et constitua le Comité d’action pour les ÉtatsUnis d’Europe, groupant les représentants de tous les partis et syndicats européens favorables à l’unification de l’Europe. Sous son impulsion, des réunions des ministres des Affaires étrangères des Six à Messine, Bruxelles et Venise entre 1955 et 1957 où fut discutée la question d’une fusion des économies nationales et des industries atomiques non militaires, se soldèrent par la signature du Traité de Rome. § 2 - Le Traité de Rome: l’acte de naissance du Marché commun Suite à la Conférence de Messine (1er juin 1955), les gouvernements des Six confient au Comité Spaak le soin d’étudier la possibilité de créer un marché commun. Réunis à Rome, les représentants des gouvernements des Six adoptèrent le 25 mars 1957 deux importants traités. Le premier dit « Traité de Rome » institua la Communauté économique européenne (C.E.E.). Le second créa la Communauté européenne de l’énergie atomique (C.E.E.A. ou Euratom). Ces deux communautés commencèrent à fonctionner par étape à partir du 1er janvier 1959 suite à leur entrée en vigueur. Bruxelles devient le siège de la C.E.E.6 Le Traité Euratom répondait au souci des Six de faire face à l’accroissement des besoins énergétiques qu’impliquait la relance économique après la phase de reconstruction de l’après-guerre. Euratom permettait également aux Européens de promouvoir l’industrie nucléaire et développer les échanges dans les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, un domaine ou ils accusaient un retard par rapport aux Américains. Seule la France qui s’était dotée d’un Commissariat à l’énergie atomique (C.E.A.) dès 1945 avait accumulé une expertise en la matière. Le Traité CEE porte sur la création d’un Marché commun en vue d’assurer la construction européenne par l’intégration économique. L’accord constituant la CEE est un « traité cadre » à la différence des traités CECA et Euratom qui sont des « traités lois ». Le Traité CEE fixe des objectifs et crée les mécanismes nécessaires pour les atteindre. Il s’agit de mettre en place le « Marché commun entre les Six par le désarmement douanier et un tarif douanier extérieur commun ». Le dispositif institua une véritable « préférence communautaire ». On remarquera que le Traité CEE reposait moins sur une logique politique de fusion que sur une logique économique d’intégration. Tous les grands secteurs économiques étaient concernés (industrie, commerce, agriculture). 6 La C.E.C.A. conserve son siège au Luxembourg. 11 Le Traité de Rome prévoit la mise en place d’un Marché commun entre les Six par l’Union douanière, l’Union économique et monétaire et la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Ce qui implique la mise en œuvre de politiques communes fondées sur une réglementation communautaire dans les domaines agricole, social, des transports, de l’énergie ou de la concurrence. L’objectif est une intégration fonctionnelle par secteurs dans une perspective fédérale. On constatera que la supranationalité est moins évidente dans la CEE et Euratom que dans la C.E.C.A. Il n’y a plus de Haute Autorité, mais une Commission, laquelle dépend d’un Conseil des ministres représentant les États et décidant à l’unanimité. A ce propos, une Convention relative aux institutions communes aux Communautés fut aussi adoptée à Rome. Elle sera complétée par le Traité de Bruxelles du 8 avril 1965 qui est et entré en vigueur le 1er juillet 1967. Cet accord porte sur l’unification des exécutifs des trois communautés (C.E.E., C.E.C.A., C.E.E.A.) et la création d’une Assemblée parlementaire (Strasbourg) et d’une Cour de Justice des Communautés (Luxembourg). Le Traité dit de « fusion des exécutifs » a institué un Conseil et une Commission unique pour les trois communautés C’est précisément la « préférence communautaire » qui inquiéta le plus le RoyaumeUni qui réagit en prenant l’initiative d’établir une zone de libre échange. L’Association européenne de libre-échange (A.E.L.E.) fut instituée le 4 janvier 1960 par le Traité de Stockholm entre le Royaume-Uni, l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse). L’A.E.L.E. permettait au Royaume-Uni de protéger ses intérêts commerciaux et en particulier ses rapports économiques avec ses anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth. Le Royaume-Uni fut l’un des protagonistes d’une des crises qu’ont connu les communautés dans les années soixante. § 3 - Les premières crises de la construction européenne Dans un premier temps le général de Gaulle semblait partisan du processus de construction européenne lorsqu’il s’associa en 1958 à Konrad Adenauer pour sauver le Marché commun d’une offensive diplomatique des Britanniques désireux de le diluer dans une vaste zone de libre-échange s’étendant à toute l’Europe occidentale. Le projet britannique rejeté par les Six aboutira à la création de l’A.E.L.E. en 1960. Avec le rapprochement entre la France et l’Allemagne consacré par le Traité de l’Elysée du 22 janvier 1963, le Marché commun s’arrimait à la locomotive franco-allemande. Mais, la C.E.E. connaît dès sa mise en place à partir de 1959 ses premières crises avec le veto de la France à l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun, les désaccords à propos du Plan Fouchet et la « politique de la chaise vide » prônée par de Gaulle. 12 A. Le veto de Gaulle à l’adhésion du Royaume-Uni En juillet 1961, le Royaume-Uni, pressé par les Américains, posa sa candidature au Marché commun. Londres désirait bénéficier des avantages économiques des Communautés, tout en marquant son opposition à la supranationalité. Les Britanniques demandaient d’autre part des adaptations et des dérogations compte tenu des liens spécifiques que le Royaume-Uni entretenait avec ses anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth. Mais, le 14 janvier 1963, le général de Gaulle manifesta ouvertement son opposition à l’entrée du Royaume-Uni en invoquant des prétextes économiques. En fait, il craignait surtout une main mise anglo-saxonne sur le Marché commun qui porterait atteinte à une « Europe indépendante des Etats-Unis », le candidat anglais étant perçu comme le « cheval de Troie de l’Amérique ». L’entrée dans le Marché commun nécessitant l’accord de tous les Etats membres, le veto français barrait la route au Royaume-Uni. La demande d’adhésion fut renouvelée par Harold Wilson en mai 1967 sans conditions préalable en même qu’une demande similaire du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège. Elle essuya en novembre 1967, un nouveau refus du général de Gaulle qui invoqua l’insuffisance des changements dans la politique britannique à l’égard de l’Europe. Il faudra attendre le départ du général de Gaulle et la levée des dernières réticences françaises pour que le Royaume-Uni puisse rejoindre le Marché commun en 1973. B. Le Plan Fouchet (1961) Une fois libéré de la guerre d’Algérie, De Gaulle souhaitait donner un prolongement politique à la C.E.E. et voir émerger une « Europe européenne », par opposition à une « Europe atlantiste » inféodée aux Etats-Unis. Le Général qui est hostile à toute intégration politique où disparaîtrait la souveraineté de la France, préconisait, une coopération étroite entre États souverains, pouvant à termes aboutir à une confédération. Une Commission présidée par un haut fonctionnaire français, Christian Fouchet fut chargée d’élaborer un projet en ce sens. Tel est l’objet du Plan Fouchet, proposé en octobre 1961, et qui visait à créer une Union des peuples européens ayant compétence dans les domaines de la politique extérieure, de la défense et de la culture. Le projet d’Union d’Etat dit Plan Fouchet fut rejeté par les cinq autres partenaires de la France parce qu’il proposait de revenir à des formules classiques de coopération intergouvernementales et remettait en cause le caractère supranational des institutions communautaires. Cet échec incitera de Gaulle à constituer au sein de la C.E.E. un axe francoallemand pour résister aux pressions américano-britanniques, c’est le Traité de l’Elysée signé le 22 janvier 1963 entre le général de Gaulle et le Chancelier Konrad Adenauer. 13 C. La crise de la « chaise vide » et le « compromis de Luxembourg » Une troisième crise a pour origine la mise en place de la Politique Agricole Commune (P.A.C.). La Commission proposait un plan de financement de la P.A.C. qui aurait pour conséquence de donner des compétences budgétaires à la Commission et au Parlement aux dépens du système en vigueur fondé sur la contribution des Etats. La France s’opposa à ce qu’elle considérait comme un glissement vers un budget fédéral et décida en juillet 1965 comme mesure de protestation de ne plus dépêcher de représentants aux réunions des Six. Le bras de fer entre le gouvernement français et la Commission (présidée par W. Hallstein) s’est traduit par la politique de la « chaise vide ». Paris contre attaqua en proposant d’une part la révision des traités en vue de supprimer le vote majoritaire au profit de l’unanimité au sein du Conseil des ministres, et d’autre part de limiter les pouvoirs de la Commission qui deviendrait une sorte de secrétariat générale. Les cinq partenaires refusèrent catégoriquement une renégociation des traités communautaires qu’impliquait la proposition française. La crise fur réglée par le « compromis de Luxembourg » du 30 janvier 1966. En échange du retrait du plan de financement de la Commission, la France renonçait à son exigence de réforme des traités communautaires. Paris n’obtenait pas une réforme de la Commission, ni une limitation du vote majoritaire, mais l’engagement de ses partenaires de rechercher un accord unanime sur les questions où un de ses intérêts vitaux était en jeu. La France obtenait une sorte de clause de sauvegarde. Section 2: L’approfondissement de la construction européenne Avec la Conférence de La Haye (1-2 décembre 1969) s’engagea une remise à plat du processus, phase nécessaire avant toute relance de la construction européenne, dont l’Acte unique fut le point de départ. En 1970, les négociations en vue de l’adhésion du RoyaumeUni, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège s’ouvrirent. Les trois premiers pays adhéreront officiellement au Marché commun le 1er janvier 19737. Le retrait de Gaulle de la scène politique rendait caduc le veto français à l’entrée du Royaume-Uni dans les communautés. La phase d’approfondissement de la construction européenne va se dérouler en trois étapes successives sur la base des propositions des conférences intergouvernementales qui ont donné lieu à l’adoption de l’Acte unique européen, ainsi que des traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. 7 Consulté par référendum, le peuple norvégien rejeta la ratification du traité d’adhésion. 14 § 1 - L’Acte unique européen: la relance A l’origine, l’Initiative Genscher - Colombo (18 novembre 1981) est un projet d’ « Acte européen » visant à relancer la construction européenne. Elle fut suivie par la Déclaration solennelle sur l’Union européenne de Stuttgart (19 juin 1983) sur l’approfondissement et l’extension des politiques communautaires, puis, par la décision du Conseil de Fontainebleau (26 juin 1984) sur le principe de la réforme institutionnelle. L’Acte unique européen (AUE) signé à Luxembourg et à La Haye (17 et 28 février 1986) est entré en vigueur le 1er juillet 1987. L’AUE a posé comme impératif l’achèvement du marché intérieur en 1992 conçu comme « un espace sans frontières intérieures dans lequel la circulation des marchandises, des personnes et des capitaux est assurée ». L’AUE se traduit par des aménagements majeurs dans le fonctionnement institutionnel : extension des domaines de compétence des politiques communautaires (environnement, recherche et développement); extension de l’usage du vote à la majorité qualifiée (au lieu de l’unanimité) dans la prise de décision du Conseil; consécration par traité du Conseil européen; pouvoir général d’exécution des actes communautaires par la Commission (compétence d’exécution); création d’un Tribunal de première instance auprès de la Cour de justice des Communautés. L’Assemblée parlementaire des communautés désormais appelée « Parlement européen » se voit conforté dans son rôle de contrôle au sein des institutions communautaires à travers la procédure de coopération et l’avis conforme. La procédure dite de coopération associe le Parlement dans le processus de décision dans les domaines nouveaux relevant du vote à la majorité qualifiée (pouvoir de procéder à une nouvelle lecture des actes communautaires afin de proposer des amendements à la Commission et au Conseil). Dans les autres domaines relevant du vote à l’unanimité le Parlement ne dispose que d’un pouvoir consultatif, l’avis conforme (voir supra sur les institutions de l’U.E.). L’AUE prévoit également la mise en place de l’espace sans frontières au 1 er janvier 1993 consacrant ainsi la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services. Le « grand marché intérieure » est complété par des programmes d’action en matière régionale, sociale, énergétique, technologique, industriels. Enfin l’Acte unique énonce la nécessité de « formuler et mettre en œuvre en commun une politique étrangère européenne ». Le Traité de Maastricht en fera un pilier de l’intégration européenne. § 2 - Le Traité de Maastricht: la « refondation institutionnelle » C’est dans un contexte international bouleversé par l’effondrement du Mur de Berlin rendant possible la réunification allemande8 que le débat sur la nécessité de réviser les traités 8 La réunification de l’Allemagne par dissolution de la R.D.A. intervient le 3 octobre 1990. 15 communautaires et de réformer les institutions a été ouvert à l’initiative du Président Mitterrand et du Chancelier Kohl. Le processus fut couronné par la Conférence intergouvernementale (CIG) de Rome (15 décembre 1990). Cette CIG ouvrit la voie à la signature du Traité de Maastricht le 1er février 1992, qui introduisit des amendements majeurs au Traité de Rome. L’ « Union européenne » succède à la C.E.E. La phase de ratification par les Etats ne se fit pas sans difficultés. Si la ratification ne se heurta pas à des obstacles majeurs en Allemagne, en Belgique, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Portugal, elle fut obtenue de justesse au Parlement britannique. Consultés par référendum les Irlandais approuvent le Traité tandis que les Danois le rejettent. En France où un débat passionné opposa « pro-Maastricht » et « antiMaastricht », « souverainistes » et « fédéralistes », l’autorisation de ratifier le Traité fut obtenue de justesse par référendum (51% de oui) le 20 septembre 1992. Le Traité de Maastricht sur l’Union européenne (Traité U.E.) est entré en vigueur le 1er novembre 1993. Avec le Traité de Maastricht, c’est l’option d’une intégration croissante par une réforme profonde de la construction communautaire qui est retenue. Une avancée vers une union politique à vocation fédérale est amorcée bien que le texte ne le mentionne pas spécifiquement. Le Traité de Maastricht a modifié la dénomination de la C.E.E. en C.E. (Communauté européenne) élargissant ainsi les perspectives d’intégration au-delà de l’économie. Il a instauré de nouvelles formes de coopération entre les Etats membres, en matière de « politique étrangère et de sécurité » (Titre V du Traité UE) et de « justice et affaires intérieures » (Titre VI). En ajoutant cette forme de coopération intergouvernementale au système « communautaire » existant (C.E.C.A., C.E.E.A. et C.E.), le Traité de Maastricht a crée une nouvelle structure de nature politique et économique, « l’Union européenne » (U.E.) composée de trois piliers. Contrairement aux Communautés, l’U.E. n’a pas de personnalité juridique propre. Parmi les innovations du Traité de Maastricht on retiendra essentiellement : . Elargissement des domaines de compétence communautaire (à l’éducation, la formation professionnelle et la jeunesse, la culture, la santé, la protection des consommateurs, les transports, les télécommunications, l’énergie et l’industrie); . Renforcement du Parlement (approbation de la désignation de la Commission, participation au pouvoir d’initiative de la Commission, extension de la procédure de coopération et de l’avis conforme, pouvoir de codécision, droit de créer des commissions d’enquête); . Lancement de l’Union économique et monétaire par la création d’une Banque centrale européenne et d’une monnaie unique; . Institutionnalisation d’une Cour des comptes; . Renforcement des compétences de la Cour de justice des Communautés et du Tribunal de première instance. 16 § 3 - Des Traités d’Amsterdam et de Nice: la rationalisation du processus européen Les Traités d’Amsterdam et de Nice s’inscrivaient dans la rationalisation du processus européen dans la perspective de l’élargissement de l’U.E. A. Le Traité d’Amsterdam La nécessité de rendre plus efficace le fonctionnement de l’U.E. et de rationaliser les mécanismes de coopération est à l’origine du Traité portant révision du traité sur l’Union européenne adopté au Conseil européen d’Amsterdam (16-17 juin 1997). Le Traité d’Amsterdam qui fut signé le 2 octobre 1997 est entré en vigueur le 1er mai 1999. Le nouveau Traité fut précédé par l’élargissement de l’U.E. de 12 à 15 avec l’adhésion de membres de l’A.E.L.E. : l’Autriche, de la Finlande et la Suède (1er janvier 1995)9 . Le Traité d’Amsterdam introduisit des innovations dans les dispositions communes des traités U.E. et C.E. (nouvelle numérotation simplifiée des articles du Traité U.E.) et prévoyait la mise en place d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. A ce propos, une nouvelle disposition stipule que « l’Union est fondée sur les principes de liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’Etat de droit, principes qui sont communs aux Etats membres » (art. 6 § 1). L’existence d’une violation grave et persistante de ces principes par un Etat membre peut entraîner la suspension de certains de ses droits (droit de vote). Cela nécessite une décision à l’unanimité sur proposition d’un tiers des Etats membres ou de la Commission et après avis conforme du Parlement européen. Parmi les mesures essentielles on rappellera : . Le réaménagement du processus de décision avec l’extension de la procédure de codécision (au profit du Parlement) et du recours à la majorité qualifiée au sein du Conseil ; . Le renforcement des politiques communautaires dans les domaines de l’emploi, du social, de la coopération douanière (par le biais des directives); . La communautarisation de la coopération intergouvernementale en matière de justice et d’affaires intérieures (visas, asile, immigration et libre circulation des personnes dans l’espace communautaire) ; . La création d’un espace de coopération policière et judiciaire par notamment l’intégration des accords Schengen10 au Traité d’Amsterdam (Protocole annexe) et la création d’Europol. 9 Le peuple norvégien consulté par référendum comme en 1972, refusa l’adhésion. 10 Accord de Schengen du 14 juin 11986 et Convention d’application de Schengen du 19 juin 1990. 17 B. Le Traité de Nice Peu avant le sommet de Nice une grave crise institutionnelle a éclaté mettant en cause des membres de la Commission. Affaiblie par des accusations de mauvaise gestion et par la menace d’une motion de censure au Parlement européen, la Commission présidée par Jacques Santer dut démissionner collectivement le 16 mars 1999. Le Conseil européen de Berlin réunit en session extraordinaire désigna une nouvelle Commission présidée par Romano Prodi. La décision fut approuvée par le Parlement européen. Cette crise institutionnelle intervenait à une période cruciale de l’histoire de l’U.E. Comment l’Union continuera-t-elle à fonctionner de manière efficace lorsqu’elle devra accueillir plusieurs nouveaux membres suite notamment à l’effondrement du camp socialiste ? C’est à cette question que devait répondre la Conférence intergouvernementale (C.I.G.)11 chargée à partir de février 2000 à une réforme des institutions qui préparerait l’élargissement de l’Union européenne à de nouveaux Etats membres. Le Conseil européen de Nice (7 – 11 décembre 2000) s’est achevé sur un accord partiel. C’est au début de l’année 2001 que les nombreuses questions en suspens ont fait l’objet de compromis permettant la signature du Traité de Nice le 26 février 2001 et son entré en vigueur le 1er mars 2003. Une Charte des droits fondamentaux a été également adoptée à Nice en vue de promouvoir un ensemble de droits civiques, politiques, économiques et sociaux pour les citoyens européens (voir supra la Constitution). La question de l’élargissement n’est pas abordée dans le Traité lui-même mais dans un protocole relatif à l’élargissement annexé qui modifia le mode de fonctionnement des institutions de l’U.E. On retiendra surtout : . L’idée selon laquelle la Commission ne devait pas comporter plus de 20 membres pour bien fonctionner a été rejetée par les petits Etats membres qui craignaient de perdre leur commissaire. Pendant au moins dix ans, chaque pays sera donc représenté à la Commission par un seul Commissaire, cette question devant être réexaminée lorsque l’Union comprendra 27 pays ; . La « repondération » des voix au sein du Conseil a fait l’objet d’âpres débats12 : le nouveau dispositif qui entrera en vigueur au 1er janvier 2005 prévoit une modification du nombre de voix attribué à chaque Etat, et le nombre de voix qui sera attribué aux pays candidats dès leur 11 La C.I.G. réunit les représentants des Etats membres (Ministres des Affaires étrangères) et la Commission. européenne. C’est une C.I.G. qui avait adopté le Traité d’Amsterdam. . 12 La France avait refusé que l’Allemagne, dont le poids démographique est plus important, dispose d’un plus grand nombre de voix ; d’autres pays calculaient la minorité de blocage qui leur était nécessaire en cas de vote. 18 entrée dans l’U.E. (voir supra la Commission) ; . Le plafonnement à 732 du nombre de députés au Parlement européen après l’élargissement et la redistribution des quotas par nationalités (voir supra le Parlement). Le Traité de Nice a fait du vote à la majorité qualifiée (au lieu du vote à l’unanimité) la règle générale pour les décisions relatives à la plupart des politiques communautaires. L’extension de la majorité qualifiée qui a été décidée concerne aujourd’hui une trentaine de domaines qui passent intégralement ou partiellement de l’unanimité à la majorité qualifiée, notamment : la nomination du Président et des membres de la Commission, la libre circulation des personnes, la coopération judiciaire civile, le statut des partis politiques au niveau européen, les mesures nécessaires à l’introduction de l’Euro, la politique industrielle, la coopération avec les pays tiers. Le Traité de Nice abordait également la question des «coopérations renforcées» ou coopération « hors traités » dont le principe avait été retenu par le Traité d’Amsterdam. Désormais, un nombre restreint de pays pourra y recourir sans que les autres membres puissent y opposer leur veto, mais cela devra être validé par la Commission et au moins huit États devront être impliqués. Le Traité de Nice a donc assoupli les conditions qui limitaient le recours à la « coopération renforcée » prévu par le Traité d’Amsterdam afin de permettre à certains Etats membres à même de le faire de coopérer ensemble, les autres étant libres de rejoindre le groupe ultérieurement. Parmi les domaines concernés, la « Politique étrangère et de sécurité commune » (P.E.S.C.) ; De nouvelles modifications auraient dû être apportées aux traités par la Constitution européenne dont le rejet par les citoyens de certains Etats membres laisse en friche la question de l’avenir de l’unification européenne. Section 2: Le débat sur l’avenir de l’Europe Le Conseil européen de Laeken (15 décembre 2001) a décidé de confier à une « Convention sur l’avenir de l’Europe » le soin de proposer une meilleure répartition des compétences entre l’U.E. et les Etats membres afin de prévenir un « élargissement furtif des compétences de l’Union » aux dépens de la « compétence exclusive des Etats membres ». La Convention ouverte à Bruxelles le 28 février 2002 sous la présidence de Valery Giscard d’Estaing13 fut un forum de dialogue entre les représentants des gouvernements, des 13 La composition de la Convention s’établit comme suit : Le Président assisté de 2 vice-présidents (Giuliano Amato et Jean-Luc Dehaen) ; 15 représentants des chefs d’Etats et de gouvernement des Etats membres, 30 représentants des parlements nationaux (2 par Etat membre), 16 membres du Parlement européen, 2 représentants de la Commission européenne dont son Président (Romano Prodi), et 39 représentants des 13 pays candidats à 19 parlements nationaux, du Parlement européen, de la Commission et de la société civile. La Convention a présenté son « projet de traité instituant une Constitution européenne » au Conseil européen de Thessalonique (20 juin 2003) avant de se séparer le 10 juillet 2003. Le Conseil européen a qualifié le projet « d’étape historique en vue de promouvoir la réalisation des objectifs de l’intégration européenne ». Ces objectifs consistent à rapprocher l’Union des citoyens, à renforcer le caractère démocratique de l’U.E., à faciliter la capacité de décision, notamment après l’élargissement, à développer la capacité de l’Union à agir en tant que force cohére te et unifiée dans le cadre du système international, à répondre avec efficacité aux défis que posent la mondialisation et l’interdépendance. L’accord sur le projet de traité constitutionnel élaboré par la Convention européenne fut entériné par le Conseil européen de Bruxelles le 18 juin 2004. Le Traité établissant une Constitution pour l’Europe fut signé à Rome le 29 octobre 2004 par les chefs d’Etat et de gouvernement des 25 Etats membres de l’U.E. Il devait être ratifié par chacun des membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives (référendum ou voie parlementaire). Ce n’est qu’une fois cette étape franchie que le Traité entrera en vigueur, au plus tôt le 1 er novembre 2006. Mais, cette perspective s’éloigne avec le rejet du texte dans certains Etats membres. § 1 - La crise née du rejet de la Constitution européenne Pourquoi un nouveau traité européen ? Il s’agissait de répondre à deux grands défis de la construction européenne : comment renforcer la légitimité du système européen auprès des citoyens ? Comment faire fonctionner une Union à vingt-cinq membres ? Le Traité établissait une Constitution pour l’Europe avait vocation à remplacer l’ensemble des traités, dont l’accumulation nuit à la clarté et à la lisibilité de la construction européenne. Avec un cadre institutionnel rénové, la Constitution clarifie les rôles respectifs du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Toutefois, elle n’étend pas les compétences de l’Union et les dispositions qui régissent les politiques actuelles demeurent pour l’essentiel inchangées. Contrairement au Traité de Maastricht, la Constitution ne crée aucune nouvelle politique pour l’Union. On notera toutefois quelques innovations en matière de P.E.S.C. avec l’institution d’un MAE de l’Union et l’instauration d’une « clause de solidarité » entre les Etats membres, en cas notamment d’attaque terroriste. L’effort le plus notable concerne la simplification des instruments de l’Union. Aujourd’hui, il y’a trente-six types d’actes communautaires. La Constitution définit six instruments : la loi européenne, la loi-cadre, le règlement, la décision, la recommandation et l’avis. La loi définira les éléments essentiels d’un domaine, et la définition des aspects plus techniques pourra être déléguée à la Commission, sous le contrôle des deux co-législateurs. l’entrée dans l’Union (1 représentant du gouvernement et 2 représentants par parlement de chacun des Etats candidats). Un præsidium de 12 membres dirigeait les travaux. 20 Les principales critiques accusent le Traité constitutionnel de consacrer le seul modèle économique libéral aux dépens de tout autre. Les souverainiste y ont vu le symbole d’une Europe fédérale sacrifiant les nations. Pour d’autres encore ce Traité laisse de côté de vraies questions : Comment trouver un équilibre entre les attentes très différentes des citoyens des nouveaux Etats membres et ceux de l’Europe occidentale ? 14 Qu’en est-il du positionnement international de l’Union ? Les référendums organisés en mai et juin 2005 en France et aux Pays-Bas, se soldent par un rejet de la Constitution européenne créant une grave crise politique et institutionnelle au sein de l’Union15. Ce rejet par deux Etats fondateurs du Marché commun, ne compense pas la ratification par l’Allemagne (voie parlementaire) ou l’Espagne (référendum) et conduit même le Royaume-Uni et la Pologne à reporter sine die respectivement le vote parlementaire et le référendum prévus sur le texte. Même si le processus de ratification par les autres Etats membres se poursuit, l’U.E doit affronter une des plus graves crises de son histoire. Le rejet de la Constitution n’a pas pour effet de remettre en cause l’U.E. mais plutôt une certaine idée de l’Europe technocratique telle qu’elle s’est imposée jusqu’ici. Le rejet de la Constitution au-delà de la crise de confiance qu’il révèle impose un retour aux sources, peut-être une pause dans la construction européenne. Sur le plan juridique c’est un retour aux traités existants. Mais le rejet de la Constitution a fragilisé l’Union en réveillant d’anciennes querelles à propos de qui gagne et qui perd dans l’U.E. En décembre 2005, un compromis de dernière minute sur l’exercice budgétaire (2007-2013) a mis fin au bras de fer franco-britannique qui menaçait l’U.E. d’une crise budgétaire aussi sérieuse que celle déclenchée en 1979 par Margaret Thatcher pour obtenir un rabais sur la contribution britannique. Il faut abandonner la PAC qui coûte trop chère demande Londres. Il faut supprimer le « rabais britannique » rétorque Paris ! Le compromis coupe la poire en deux : le Royaume-Uni accepte une réduction du « rabais britannique » et la France des économies sur la PAC. La Constitution définissait l’U.E. comme une « union des citoyens et des Etats ». Une innovation emblématique symbolisant cette « Union des citoyens » est l’institution d’un « droit d’initiative populaire »16 et surtout d’une Charte des droits fondamentaux. 14 « Le projet de Constitution est en vérité un traité de plus, paré des attributs d’une Constitution qui ne va pas changer grand-chose. Il aurait été heureux de laisser à leur place les questions institutionnelles et de se consacrer plutôt à ce que veulent faire ensemble les Européens » notait Renaud Dehousse dans Une Constitution pour l’Europe ? Presses de Sciences Politiques, 2002. 15 Les Français ont été 54,6% contre 45,3% à s’opposer au texte européen tandis que les Néerlandais ont rejeté le texte par 61,6% contre 38,4% de votes favorables. 16 Ainsi, une pétition recueillant au moins un million de signatures dans plusieurs Etats membres peut inciter la Commission à prendre une initiative législative. 21 § 2 – Vers une Europe des citoyens : La Charte européenne des droits fondamentaux Avec ou sans la Constitution, la notion de citoyenneté de l'Union a déjà un contenu. Toute personne ayant la nationalité d'un État membre est considérée comme citoyen de l'Union. Cette citoyenneté garantit notamment: la liberté de circulation et de séjour sur le territoire de l'Union; le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales et du Parlement européen dans l'État de résidence; le droit de pétition au Parlement européen et de recours au médiateur européen. La citoyenneté de l'Union ne remplace pas la citoyenneté nationale mais s'y ajoute. La citoyenneté prend toute sa signification avec la Charte des droits fondamentaux intégrée dans la Partie II du Traité constitutionnel ce qui lui donne le caractère contraignant d’un instrument juridique. Le texte de la Charte avait été élaboré par une précédente Convention et solennellement proclamé par le Parlement, le Conseil et la Commission à Nice en décembre 2000. Son intégration dans la Constitution dote l’Union d’un catalogue de droits spécifiques. Quel est dès lors son statut après le rejet de la Constitution ? La Charte contribue à développer le concept de citoyenneté de l'Union ainsi qu'à créer un espace de liberté, de sécurité et de justice (comme l'affirme le préambule de la Charte). La Charte renforce la sécurité juridique en ce qui concerne la protection des droits fondamentaux, protection qui jusqu'à présent n'était garantie que par la jurisprudence de la Cour de justice et par l'article 6 du Traité U.E. et en dehors de l'Union européenne par la Convention européenne des droits de l’homme. La Charte proclame dans ses 54 articles les droits suivants: . La Dignité : dignité humaine, droit à la vie, droit à l'intégrité de la personne, interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, interdiction de l'esclavage et du travail forcé ; . La Liberté : droits à la liberté et à la sûreté, respect de la vie privée et familiale, protection des données à caractère personnel, droit de se marier et droit de fonder une famille, liberté de pensée, de conscience et de religion, liberté d'expression et d'information, liberté de réunion et d'association, liberté des arts et des sciences, droit à l'éducation, liberté professionnelle et droit de travailler, liberté d'entreprise, droit de propriété, droit d'asile, protection en cas d'éloignement, d'expulsion et d'extradition; 22 . L’Égalité : égalité en droit, non-discrimination, diversité culturelle, religieuse et linguistique, égalité entre hommes et femmes, droits de l'enfant, droits des personnes âgées, intégration des personnes handicapées ; . La Solidarité : droit à l'information et à la consultation des travailleurs au sein de l'entreprise, droit de négociation et d'actions collectives, droit d'accès aux services de placement, protection en cas de licenciement injustifié, conditions de travail justes et équitables, interdiction du travail des enfants et protection des jeunes au travail, vie familiale et vie professionnelle, sécurité sociale et aide sociale, protection de la santé, accès aux services d'intérêt économique général, protection de l'environnement, protection des consommateurs ; . La Citoyenneté : droits de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen, droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales, droit à une bonne administration, droit d'accès aux documents, médiateur, droit de pétition, liberté de circulation et de séjour, protection diplomatique et consulaire ; . La Justice : droit à un recours effectif et à un tribunal impartial, présomption d'innocence et droits de la défense, principes de la légalité et de la proportionnalité des délits et des peines, droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction ; En général, les droits mentionnés sont reconnus à toute personne. Toutefois, la Charte fait aussi référence à des catégories de sujets ayant des besoins particuliers (enfants, personnes âgées, personnes avec un handicap). En outre, la situation spécifique du citoyen européen est considérée en faisant référence à certains droits déjà mentionnés dans les traités (liberté de circulation et de séjour, droit de vote, droit de pétition), tout en introduisant aussi le droit à une bonne administration. On remarquera que prenant en compte l'évolution de la société, la Charte mentionne des droits nouveaux qui ne figuraient pas dans la Convention du Conseil de l'Europe de 1950 (protection des données, bioéthique…). La Charte est applicable aux institutions européennes dans le respect du principe de subsidiarité et aux États lorsqu’ils mettent en œuvre la législation communautaire. D'ailleurs, l'obligation des États membres de respecter les droits fondamentaux dans le cadre de la législation communautaire avait déjà été confirmée par la jurisprudence de la Cour de Justice (voir par exemple l'Affaire C 292/97). La Charte est appelé à devenir un paramètre de référence pour la Cour de justice des Communautés européennes (C.J.C.E.) et les tribunaux nationaux. Ainsi, dans un mémorandum de la Commission de mars 2001, le Président de la Commission européenne, M. Romano Prodi et le Commissaire chargé de la Justice et des Affaires intérieures, M. António Vitorino, ont déclaré que la Charte doit devenir la "pierre de touche" des actions futures de la Commission. Désormais, toute nouvelle loi ou tout nouvel instrument législatif ayant un rapport quel qu'il soit avec les droits 23 fondamentaux doit contenir la suivante déclaration formelle: "Le présent acte respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne." CHAPITRE II : LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES A l’instar d’une entité fédérale, l’U.E. exerce quatre types de compétences dîtes exclusives, partagées, d’appui et spécifiques. L’Union a des compétences exclusives dans les domaines qui concernent l’union douanière, les règles de concurrence, la politique monétaire (pour la zone euro seulement), la conservation des ressources halieutiques et la politique commerciale. Elle dispose de compétences partagées avec les Etats membres dans de nombreux domaines comme le marché intérieur, la cohésion économique, sociale et territoriale, l’agriculture, l’environnement, les transports, la protection des consommateurs, l’énergie, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, la recherche, la coopération en matière de développement. Elle exerce des compétences d’appui dans certains domaines : industrie, culture, tourisme, éducation, santé ; l’Union n’intervient que pour coordonner ou compléter l’action des Etats membres, sans harmoniser les législations nationales. Enfin, l’U.E. a des compétences spécifiques en matière de « coordination des politiques économiques et de l’emploi » et de « politique étrangère et de sécurité commune ». Le rôle des institutions communautaires est crucial dans la définition et la répartition des compétences. A ce propos, les principales institutions de l’Union sont le Conseil européen, le Conseil des Ministres, la Commission et le Parlement. Mais le système institutionnel comporte aussi des institutions de contrôle (Cour de Justice, la Cour des comptes) et des organes consultatifs (Comité économique et social et Comité des régions). Les Traités ont prévu un mécanisme de coopération et de partage des compétences entre ces organes. Section 1: Le Conseil européen et le Conseil de l’Union Bien que ne constituant pas une institution au sens stricte du terme, le Conseil européen joue un rôle important dans l’édifice institutionnel, au même titre que le Conseil des Ministres ou Conseil de l’Union. § 1 - Le Conseil européen : un organe d’impulsion et d’orientation Il est issu d’une pratique de réunions au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. Le Sommet de Paris (9-10 décembre 1974) a décidé d’instituer ces réunions tandis que l’Acte unique européen va consacrer le Conseil européen non comme institution communautaire, 24 mais comme instance de coopération intergouvernementale. Le Conseil se réunit deux fois par an (juin et décembre) au niveau des chefs d’États et de gouvernements assistés des ministres des Affaires étrangères et du Président de la Commission sur le territoire de l’État qui exerce la présidence de l’U.E. Cette présidence est assurée à tour de rôle par chaque Etat membre pour une durée de six mois. Il peut également se réunir en session extraordinaire. Le Conseil européen est donc un organe politique chargé de donner à l’Union les impulsions nécessaires à son développement et de définir les orientations politiques générales (Art.4 du Traité de Maastricht). Il assure la cohésion politique d’ensemble des communautés. Il a le pouvoir d’aborder toute question d’intérêt commun pour l’U.E. Ainsi, il a un pouvoir d’initiative pour ce qui concerne non seulement le cadre communautaire mais aussi le deuxième et troisième pilier. Le Conseil européen a joué parfois un rôle d’impulsion et d’arbitrage des dossiers sur lesquels les ministres ne parvenaient pas à un accord : problème de la contribution britannique au budget communautaire (Fontainebleau 1984), réforme de la PAC (Bruxelles, 1988), situation du Danemark après le referendum hostile au Traité de Maastricht (Maastricht, 1991), Pacte de stabilité et traité modifiant le Traité de Maastricht (Amsterdam, 1997), démission de la Commission Santer (mars 1999), nomination de la Commission Barroso (2004). A remarquer que depuis le Traité d’Amsterdam, le Conseil européen peut constater l’existence d’une violation grave par un Etat membre des droits de l’homme et de la démocratie. Une des innovations de la Constitution est d’ériger en institution à part entière le Conseil européen au même titre que le Conseil des ministres, la Commission, le Parlement et la Cour de justice (Art. I-18). Un Président du Conseil européen est aussi prévu. § 2 - Le Conseil des ministres: une institution clef de décision Le Conseil des ministres ou Conseil de l’Union est l’instance représentative des Etats membres de l’U.E. Il réunit les ministres compétents des États membres (ministre des Affaires étrangères, de l’Agriculture, de l’Economie et des Finances, des Affaires sociales, de la Justice ou de l’Intérieur). Il est un organe clef de décision dans le « triangle institutionnel » (Parlement, Commission et Conseil). Bien qu’il partage avec le Parlement, le pouvoir législatif, il dispose de compétences exécutives propres. Ses décisions se prennent selon des modalités de vote différentes. A - Un organe à la fois exécutif et législatif 25 Le Conseil des ministres est un exécutif chargé de l’harmonisation des politiques économiques. Il est habilité à conclure au nom de l’U.E. des accords internationaux avec des Etats tiers ou d’autres ensembles régionaux. Mais le Conseil est aussi un législateur puisqu’il a le pouvoir d’adopter des normes communautaires sous forme de règlements et de directives et d’en faire assurer l’exécution par la Commission. Il partage aussi avec le Parlement le pouvoir budgétaire. En fait, la répartition des compétences entre le Conseil des ministres et la Commission est mouvante ; celui-ci assure non seulement la compétence législative mais peut également entrer dans les détails de l’exécution généralement confiée à la Commission. Le Conseil a un pouvoir de décision. Il peut déléguer les compétences d’exécution à la Commission. Dans la pratique, il a une fonction générale de coordination en matière de politique économique de l’U.E. On remarquera que la Constitution a définit de manière plus claire les compétences du Conseil des ministres et a établit la règle de base selon laquelle le Conseil des ministres « statue à la majorité qualifiée » (Art. I-23). Le Conseil est assisté dans son fonctionnement par un Secrétariat général qui est l’instrument administratif du Conseil. Le Secrétaire général assiste aux réunions du Conseil des ministres. La Commission est également invitée à participer aux réunions du Conseil au titre du commissaire compétent pour les questions examinées par celui-ci. On rappellera enfin le rôle majeur des Comités dans l’organisation des travaux du Conseil. On citera en particulier le Comité des représentants permanents (COREPER) qui assure la représentation permanente17 des Etats membres dans le mécanisme communautaire et la coordination des nombreux comités et groupes de travail qui préparent les travaux du Conseil des ministres (Art. 207 § 1)18. B - un système de vote à géométrie variable Pour ce qui est de la prise de décision, la pratique du vote à l’unanimité a été dominante dans les années soixante et soixante-dix (compromis du Luxembourg du 29 janvier 1966). La réintroduction du vote à la majorité qualifiée (déjà prévu par le Traité de Rome pour certaines questions) fut consacrée dans l’Acte unique mais pour des domaines précis. Ces domaines seront progressivement élargit suite aux Traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice. Les décisions du Conseil des ministres se prennent à l’unanimité, à la majorité simple ou à la majorité qualifiée. Le vote à l’unanimité signifie en pratique la possibilité pour chaque Etat membre 17 Composé des ambassadeurs et des représentants permanents adjoints. 18 Des groupes de travail, des groupes d’experts et des Comités restreints assistent également le Conseil des ministres. 26 d’user d’un droit de veto. Elle s’applique aux décisions majeures pour l’Union et les questions de nature « constitutionnelle » : adhésion d’un nouveau membre (Art. 49), droits accordés aux citoyens européens (Art. 19 et 22), visa, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes (Art. 67), procédure d’élection du Parlement européen (Art. 190 § 4), ressources propres de la Communauté (Art. 269), harmonisation des politiques fiscales (Art. 93), fonds structurels (Art. 161), fonctionnement de l’Union économique et monétaire (Art. 105, 111 et 123). De puis le Traité de Nice, le nombre de domaine régit par une décision à l’unanimité a été sensiblement réduit. L’unanimité est maintenue dans le domaine de la fiscalité, et partiellement dans ceux de la politique sociale et de la P.E.S.C. La règle est que les décisions se prennent à la majorité simple « sauf dispositions contraires du Traité » (Art. 205 § 1). Dans les faits, la plupart des dispositions prévoient des décisions à l’unanimité ou à la majorité qualifiée. La majorité simple concerne des domaines résiduels: questions de procédure pour la Politique étrangère et de sécurité commune. Le vote à la majorité qualifiée tend à s’imposer dans la prise de décision dans un nombre croissant de domaines : suspension des droits d’un Etat membre violant les principes de l’Union (Art. 7 § 4 et Art. 309), la P.A.C. (Art. 37), visas pour les séjours supérieurs à trois mois (Art. 67 § 3), politique commerciale commune (Art. 132 § 1, 133 § 4), budget (Art. 272), adoption des accords internationaux sauf accords d’association (Art. 300 et 301). A ce propos, le Traité de Nice permet de prendre à la majorité qualifiée des décisions sur une trentaine de dispositions jusqu’alors régies par l’unanimité. Il s’agit notamment de la nomination du Président et des membres de la Commission (Art. 214), du Secrétaire général du Conseil des ministres (Art. 207 § 2) et des membres de la Cour des comptes (Art. 247 § 3). Une pondération des voix pour les votes qualifiés est prévue avec une prépondérance en faveur des quatre grands Etats membres de l’Union (Allemagne, France, Royaume-Uni et Italie). A Nice, dans la perspective de l’élargissement de l’U.E., il fut décidé de modifier la pondération des voix de chaque Etat et d’attribuer un nombre de voix aux pays candidats dès leur entrée dans l’Union. Fruit d’un compromis difficile, un système complexe issue de Nice organise trois conditions pour que la majorité qualifiée soit réunit au sein du Conseil : . La majorité simple des Etats soit 13 Etats sur 25 ; . La majorité qualifiée des voix, fixée à 72 % du total selon une grille de pondération (voir ci-dessous), soit 232 voix sur 321 dans une Europe à 25 ; . Un filet démographique (à la demande de l’Allemagne), qui permet à tout Etat de vérifier que la majorité qualifiée réunie représente au moins 62% de la population de l’Union. 27 La nouvelle pondération des voix s’établit comme suit : Etats membres Etats candidats Allemagne 29 Bulgarie 10 France 29 Roumanie 14 Italie 29 Royaume-Uni 29 Espagne 27 Pologne 27 Pays-Bas 13 Belgique 12 Grèce 12 Portugal 12 Hongrie 12 République tchèque 12 Suède 10 Autriche 10 Danemark 13 Finlande 7 Irlande 7 Lettonie 4 Lituanie 7 Slovaquie 7 Chypre 4 Estonie 4 Luxembourg 4 28 Slovénie 4 Malte 3 La Constitution procède à une redéfinition simplifiée de la majorité qualifiée qui doit désormais réunir la moitié des Etats membres (55%) représentant les trois cinquièmes de la population totale (60 %) de l’U.E.19. Le seuil de la majorité qualifiée est abaissé pour faciliter la prise de décision. Mais, face à l’opposition de l’Espagne et de la Pologne attaché au système défini à Nice qui leur accorde un statut de « quasi grands », il fut décidé de repousser à 2009, l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles simplifiées de calcul de la majorité qualifiée. En attendant ce sont donc les règles adoptées à Nice qui sont en vigueur. Section 2 : La Commission européenne La Commission européenne est l’incarnation de l’exécutif communautaire et la « gardienne des traités » de l’Union. Elle est souvent perçue comme le symbole de la « technocratie européenne ». Elle a été crée pour représenter, en toute indépendance, l’intérêt européen commun à tous les pays membres de l’U.E. La Commission dont le siège est à Bruxelles a vu ses compétences d’attribution s’élargir au fur et à mesure du renforcement institutionnel de la construction européenne. § 1 - L’incarnation de l’exécutif communautaire Selon le Traité de Rome, les membres de la Commission étaient désignés « d’un commun accord par les gouvernements des Etats membres » pour un mandat de quatre ans. Le Traité d ‘Amsterdam a requis l’approbation du Parlement européen pour l’investiture collégiale de la Commission (Art. 214). Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Maastricht, le mandat de la Commission est étendu à cinq années20. Avec l’entrée en vigueur du Traité de Nice, la procédure de nomination de la Commission a été modifiée (Art. 214 du Traité C.E.). Les membres de la Commission sont désignés non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée. La pratique constante est que chaque gouvernement désigne lui même son ou ses nationaux devant siéger à la Commission, les autres Etats ne s’opposant pas à son choix. Le nombre de commissaires a augmenté au rythme des élargissements successifs. La désignation du Président et des autres membres de la Commission se déroule selon les phases suivantes : 19 Une minorité de blocage réunissant au moins quatre Etats membres est prévue. 20 Cela permettait de le calquer sur la durée de la législature du Parlement européen. 29 . Désignation du Président de la Commission d’un commun accord par le Conseil européen; . Désignation des commissaires par le Conseil statuant à la majorité qualifiée sur la base d’une liste de personnalités proposées par le Président de la Commission ; . Le Président et les membres de la Commission sont nommés par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, après l’approbation du collège par le Parlement. L’approbation du Collège par les députés européens apparaît comme un embryon de responsabilité démocratique de la Commission devant le Parlement européen. On remarquera que cette responsabilité démocratique se reflète dans le fait que le Président de la Commission présente au Parlement son programme de travail, que les commissaires sont auditionnés individuellement et que le Parlement peut refuser d’approuver l’investiture du collège (ex : Commission Barroso en octobre 2004) des Commissaires. On remarquera que le Traité de Nice a renforcé les pouvoirs du Président de la Commission qui dorénavant pourra décider de la répartition des portefeuilles, pourra les remanier en cours de mandat et demander à un commissaire de démissionner, après approbation du collège (Art. 217 C.E.). Avant l’élargissement, la Commission se composait de vingt commissaires désignés sur la base de la représentation de tous les Etats membres pour un mandat de cinq ans. Toutefois les cinq grands pays de l’U.E. (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Espagne) disposaient chacun de deux commissaires. Mais, dans la perspective de l’élargissement, le Traité de Nice limite la composition de la Commission 2004-2009 à un commissaire pour chaque Etat membre, les cinq Etats les plus peuplés perdront leur deuxième commissaire tandis que la nouvelle Commission a accueilli dix commissaires supplémentaires représentant les dix nouveaux Etats membres. Lorsque l’Union comptera vingt-sept Etats membres, le nombre de commissaires sera plafonné. La Constitution européenne prévoit un resserrement de la Commission : à partir de 2014, le Collège ne sera plus composée d’un commissaire par Etat, mais réduite à un nombre de membres correspondant au deux tiers du nombre des Etats membres. Le nombre des commissaires est fixé à 15 dont 13 feront l’objet d’une « rotation égale » entre Etats membres. La désignation du Président de la Commission prendra en compte le résultat des élections au Parlement européen. La Constitution institue des vice-présidents de la Commission21, un Ministre des Affaires étrangères de l’Union qui est chargé au sein de la Commission de la coordination des actions extérieures de l’Union (Art. I-28). 21 Suite à une proposition en ce sens de MM. Jacques Chirac, Tony Blair et Gerhard Shroeder (Sommet de Berlin en février 2004). 30 § 2 - Une compétence élargie Par opposition au Conseil qui est un organe politique, la Commission est un organe technique ou « technocratique ». Chaque Commissaire détient un « portefeuille » dans un secteur particulier des politiques communautaires. Il est responsable de la mise en œuvre des décisions de la Commission dans son secteur (délégation explicite)22. Le Traité d’Amsterdam stipule que « les membres de la Commission exercent leur fonction en pleine indépendance, dans l’intérêt des Communautés » et « n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement » (Art.157). La Commission est responsable collégialement devant le Parlement qui peut l’obliger à démissionner en adoptant une motion de censure recueillant les deux tiers des voix (Art. 201). Si ce cas ne s’est jusqu’ici: pas présenté, on rappellera toutefois, la démission collective de la Commission Santer le 16 mars 1999, suite à des allégations avérées de fraude, de mauvaise gestion et de népotisme. Cette crise institutionnelle sans précédent a été réglée par la désignation d’une nouvelle Commission par le Conseil européen de Berlin (25 mars 1999). Les principales attributions de la Commission sont : . De veiller à l’application des traités et des décisions des institutions communautaires; . De formuler des recommandations et des avis; . De participer à l’élaboration des actes du Conseil des ministres et du Parlement européen; . D’exercer les compétences que le Conseil lui confère; . De gérer les instruments communautaires tels que les fonds structurels; . De négocier des accords avec les Etats tiers. La Commission dispose d’un pouvoir de décision autonome (réglementation de la concurrence) limité par l’existence du pouvoir décisionnel principal du Conseil des ministres. Ainsi, elle dispose d’un pouvoir d’initiative en matière de propositions d’actes communautaires à la demande ou non du Conseil et du Parlement. Mais la Commission 22 C.J.C.E., 13 juin 1958, Affaire Meron, 9/56, 11. 31 dispose aussi d’un pouvoir de décision délégué lorsque le Conseil lui demande d’édicter des mesures d’application des actes qu’il a adopté23. Dans son domaine de compétence exclusif, la réglementation de la concurrence, la Commission exerce un pouvoir de contrôle, d’enquête et de sanction (amendes) non seulement à l’égard des Etats membres (en cas d’incompatibilité des aides publiques avec le fonctionnement du Marché commun), mais également des entreprises (infractions aux règles communautaires, détournement de financements des fonds structurels). Ainsi, elle a la faculté de saisir la Cour de Justice des Communautés d’un recours en cas de manquement par un Etat membre de ses obligations. Les décisions de la Commission sont acquises à la majorité simple de ses membres sur les dossiers sectoriels. Section 3 : Le Parlement européen Le Traité de Rome avait prévu un Parlement composé des représentants des parlements nationaux. Depuis une décision du Conseil (30 septembre 1976) le Parlement européen est élu au suffrage universel direct tous les cinq ans. La première élection au suffrage universel est intervenue en juin 1979. Le Parlement a été renouvelé en 1984, 1989, 1994, 1999 et 2004. Expression de l’Europe des citoyens, le Parlement tend à s’ériger en pouvoir de délibération et de contrôle du fonctionnement institutionnel de l’Union. § 1 - L’institution de représentation des peuples Les députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans. Dans la perspective de l’élargissement de l’Union, le Traité de Nice a limité le nombre maximum de députés européens à 732. Ils peuvent s’organiser en groupes parlementaires plurinationaux par affinité politique. Il y’a sept groupes parlementaires dont les deux plus importants sont le Parti des socialistes européens (PSE) et le Parti populaire européen (PPE : démocrates-chrétiens). Le Parlement siège à Strasbourg24 mais certaines sessions se déroulent à Bruxelles (réunions des commissions). Il est organisé en dix-sept commissions parlementaires permanentes (agriculture, budget, politique régionale, droits des femmes, etc.) mais il peut aussi créer des commissions temporaires d’enquêtes25. 23 Sous réserve de respecter les règles et les principes posés par le Conseil (C.J.C.E. 19 novembre 1998, Portugal contre Commission, aff. C-159/96). 24 Décision du Conseil européen d’Edimbourg en 1992. 25 On mentionnera en particulier la Commission d’enquête sur les allégations d’infractions ou de mauvaise administration concernant certains commissaires, qui fut à l’origine de la démission collective de la Commission présidée par Jacques Santerre. 32 Le Parlement adopte son programme de travail et élit son Président pour un mandat de deux ans et demi (l’Espagnol Josep Borrell Fontelles succéda en 2004 à l’Irlandais Pat Cox). Le Président est assisté de vice-présidents (un par Etat membre). Il a essentiellement une fonction de représentation. Dans le Parlement 2004-2009 la répartition des sièges s’effectuera selon la pondération démographique suivante : Etats membres (sièges) Nouveaux Etats membres (sièges) Allemagne 99 Pologne 54 France 78 Roumanie 36 Italie 78 Hongrie 24 Royaume-Uni 78 République tchèque 24 Espagne 54 Bulgarie 18 Pays-Bas 27 Slovaquie 14 Belgique 24 Lituanie 13 Grèce 24 Lettonie 9 Portugal 24 Slovénie 7 Suède 19 Chypre 6 Autriche 18 Estonie 6 Danemark 14 Malte 5 Finlande 14 Irlande 13 Luxembourg 6 § 2 - Un pouvoir croissant de délibération et d’approbation Limité à l’origine à un rôle consultatif, le Parlement s’est progressivement vu reconnaître un pouvoir croissant dans le processus décisionnel. Dans de nombreux domaine, il a un rôle de co-législateur au côté du Conseil. Avec les réformes introduites par les Traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice un pouvoir de « co-décision » est reconnu au Parlement sur plusieurs questions (marché intérieur, éducation, santé, protection des consommateurs, transport, environnement, recherche, etc.). Dans la procédure dite de « co-décision », la 33 Commission adopte une proposition qui pour être mise en œuvre nécessite l’accord du Parlement et du Conseil de l’Union statuant à la majorité qualifiée. L’avis conforme du Parlement est aujourd’hui exigé pour certaines décisions telles l’adhésion d’un nouvel Etat ou la conclusion d’accords internationaux de coopération avec les Etats tiers. La Constitution prévoit une extension très substantielle du champ de la codécision, qui donne le dernier mot au Parlement en matière législative. Le Parlement européen adopte des résolutions destinées aux instances exécutives (Conseil et Commission). Il dispose du pouvoir d’approbation et de censure du collège de la Commission. Ainsi, en octobre 2004, le Parlement a refusé d’approuver le nouveau Collège constitué par M. Barroso, contraignant ce dernier à revoir sa copie et à modifier la constitution de son équipe pour obtenir l’aval des parlementaires européens. Le Parlement joue un rôle majeur dans la procédure budgétaire: . Il arrête le budget de l’Union et contrôle son exécution ; . Le budget doit être visé par le Président du Parlement avant d’être engagé ; . le budget de l’Union sert à financer la P.A.C., les fonds structurels pour les régions les moins avancées, les actions sociales et pour l’emploi, certaines politiques internes, l’aide au développement et l’assistance technique aux pays tiers. Le Traité de Nice renforce les pouvoirs du Parlement qui dorénavant comme le Conseil et la Commission peut intenter des recours en annulation contre des actes communautaires et recueillir un avis préalable de la Cour de justice sur la compatibilité d’un accord international avec le Traité (Art. 300 § 6 C.E.). Section 4: Les institutions de contrôle et les organes consultatifs La Cour de Justice des Communautés européennes et la Cour des Comptes bien qu’elles exercent des fonctions très différentes sont des institutions de contrôle de l’Union dont l’importance s’est accrue avec le développement de la construction européenne. Deux organes assurant une fonction consultative au sein de l’U.E., le Comité économique et social et le Comité des régions, seront également examinés. § 1 - La Cour de Justice des Communautés européennes 34 Prévue par le Traité C.E.C.A. et crée en 1952, la Cour de Justice des Communautés européennes (C.J.C.E.) assure le respect du droit communautaire et la bonne interprétation des traités (Art. 220 C.E.). Son siège est au Luxembourg. A. Composition La C.J.C.E. est composée d’autant de juges que d’Etats membres des communautés européennes afin que tous les systèmes juridiques nationaux de l’U.E. y soient représentés. Les juges sont assistés par huit « avocats généraux » qui ont pour mission de présenter des avis motivés sur les affaires soumises à la Cour. Ils sont nommés d’un commun accord par les Etats pour six ans renouvelables. Les juges et les avocats généraux sont choisis parmi les personnes possédant des compétences reconnues (Art. 223) et qui ont occupé les plus hautes fonctions juridiques dans leurs pays. Ils bénéficient des immunités et privilèges attachés à leur fonction. Leur indépendance est garantie (ils ne peuvent recevoir d’instructions). Les juges désignent en leur sein le Président (pour un mandat de trois ans renouvelable) pour diriger les travaux et le greffier de la Cour (assisté de deux greffiers adjoints) qui assure les fonctions de secrétariat général (conservation des actes de procédure et établissement des procès verbaux des audiences. La Cour est constituée en chambres (six) mais pour les affaires importantes, elle siège en formation plénière à la demande d’un Etat membre ou des institutions de la Communauté. En application de l’Acte unique européen (1986) fut institué en 1989, le Tribunal de première instance (T.P.I.) pour assister la Cour et alléger sa charge de travail. Le Tribunal est composé de quinze membres nommés, dispose de son greffier et peut être saisit des recours introduits par des personnes physiques ou morales (recours en annulation, en carence ou en responsabilité). Ses arrêts peuvent être contestés devant la Cour. Afin d’alléger le travail de la Cour, le Traité de Nice a fixé la répartition des compétences entre la Cour et le T.P.I. et prévoit la possibilité de créer des chambres juridictionnelles spécialisées pour des délits spécifiques (litiges impliquant des fonctionnaires européens). La Cour qui, dans l’Union élargie à vingt-sept restera composée d’autant de juges que d’Etats membres pourra siéger en grande chambre de onze juges au lieu de réunir à chaque fois tous les juges dans une formation plénière. La Constitution européenne a instituée un comité de sept personnalités chargé d’évaluer en toute indépendance les compétences des juges et des avocats généraux de la Cour de justice et du Tribunal de grande instance pressentis par les Etats membres (Art. III-262). 35 B. Fonctionnement La Cour de Luxembourg fonctionne selon la règle de la procédure contradictoire et publique. La procédure devant la Cour comporte deux étapes : une phase écrite et une phase orale. Les arrêts de la Cour sont rendus à la majorité en audience publique. Dans sa mission de contrôle des actes des institutions communautaires, elle exerce trois types de fonctions: consultative, contentieuse et préjudicielle. En ce qui concerne la fonction consultative, la Cour peut être consultée par le Conseil, la Commission ou un Etat membre sur la compatibilité des accords internationaux liant les pays de l’Union (ex : l’Accord de Marrakech créant l’O.M.C.) avec le Traité de l’U.E. (Art. 300 § 6 C.E.). L’avis de la Cour a un caractère obligatoire. Pour ce qui est de la fonction contentieuse, la Cour peut être saisit par les Etats membres, la Commission et dans certaines circonstances par les citoyens. Elle est alors habilitée à connaître divers types de contentieux nés de l’application des traités communautaires: . Recours en annulation des actes communautaires jugés incompatibles avec les traités communautaires par la Commission, le Conseil, un Etat membres ou dans certaines conditions le Parlement (Art. 230, 231, 233 C.E.); . Recours en carence en cas d’inaction illégale d’une institution des communautés, formulé par des institutions de l’U.E. et dans certaines conditions par des personnes physiques ou morales; . Recours en manquement par la Commission ou par un Etat membre contre un autre Etat membre en cas d’inexécution de ses obligations communautaires (Art. 226 à 228 C.E.) ; . Recours en responsabilité extracontractuelle pour réparer un dommage causé par des institutions communautaires ou leurs agents (Art. 235 et 288 C.E.). La fonction préjudicielle implique que la Cour soit saisit lorsqu’une question (dite préjudicielle) relative à l’interprétation des traités ou à la validité des actes des institutions se pose au juge national dans le cadre d’un procès. Le juge sursoit à statuer jusqu’à ce que la C.J.C.E. se soit prononcé. Cette procédure qui est ouverte au citoyen vise à assurer une application uniforme du droit communautaire. Le Traité d’Amsterdam a ajouté parmi les compétences de la Cour celle de s’assurer que l’action des institutions communautaires respecte les libertés et droits fondamentaux 36 énoncés dans la Convention européenne des droits de l’homme26. La Constitution européenne renforce les mécanismes de sanctions à l’encontre des Etats membres contrevenants en supprimant les phases préalables existant actuellement à la saisine de la Cour pour l’application des sanctions, c’est à dire la mise en demeure et l’avis motivé de la Commission (Art. III-267, ex-Art. 228 C.E.). § 2 - La Cour des comptes Prévue par le Traité du 22 juillet 1975 destiné à développer les compétences en matière budgétaire du Parlement européen, la Cour des comptes a été crée en 1977. Installée au Luxembourg, elle fut érigée en institution communautaire par le Traité de Maastricht (1992). A. Composition La Cour des comptes est composée d’autant de membres que d’Etats nommés pour six ans par le Conseil statuant à l’unanimité, après avis du Parlement européen. Ils sont choisis parmi les personnes compétentes ayant une expérience dans le domaine du contrôle externe. Ils élisent en leur sein le Président de la Cour des comptes pour trois ans. Indépendants, ils ne peuvent faire l’objet d’aucune pression ou recevoir d’instructions des gouvernements ou des autres institutions communautaires. Le Traité de Nice prévoit dorénavant de façon explicite que la Cour des comptes est composé d’un national de chaque Etat membre. Leur nomination pour un mandat de six ans renouvelable sera décidée par le Conseil à la majorité qualifiée et non plus à l’unanimité. La Cour pourra par ailleurs créer des chambres pour adopter certaines catégories de rapports et avis. B. Compétences La Cour a pour mission essentielle de contrôler les comptes communautaires (Art. 246 et 248 C.E.). A cet effet, elle vérifie les opérations financières des institutions communautaires et des organes rattachés (dépenses, recettes, emprunts). Le résultat de ce 26 La C.J.C.E. a accepté de s’inspirer des normes de la Cour européenne des droits de l’homme: « Le respect des droits fondamentaux (de la personne) fait partie intégrante des principes généraux de droit dont la Cour de Justice assure le respect » (Aff. Internationale Handelsgesellschaft, n°11/70, 17/12/70). 37 contrôle est consigné dans un rapport annuel ou des rapports spéciaux. Elle peut ainsi mettre en exergue les irrégulières comptables (fraude, gaspillage), mais ne possède pas de pouvoir de sanction. La Cour des comptes est aussi associée à la procédure budgétaire du Parlement. Afin de faciliter la réalisation de ses missions, le Traité de Nice invite la Cour et les institutions équivalentes au plan national à améliorer leur coopération à travers notamment la mise en place d’un comité de contact. § 3 – Des organes consultatifs : le Comité économique et social et le Comité des régions Les interrogations soulevées par l’approfondissement de la construction communautaire sont à l’origine de la mise en place d’organes à caractère consultatif : le Comité économique et social et le Comité des régions. A – Le Comité économique et social Le Comité économique et social (C.E.S.E.) a été crée par le Traité de Rome (1957) afin de formuler des avis sur des projets d’actes communautaires destinés aux institutions de l’Union (avis rendu dans un délai d’un mois). Le C.E.S.E. est la représentation des acteurs socio - professionnels (producteurs, agriculteurs, transporteurs, travailleurs, commerçants artisans, professions libérales). Il est composé de 222 membres nommés pour quatre ans par le Conseil, après consultation de la Commission et des organisations européennes représentatives, et sur la base des listes établies par chaque Etat membre. Le Traité de Nice précise que le Comité doit être composé après élargissement au maximum de 350 « représentants des différentes composantes à caractère économique et social de la société civile organisée » (art. 257 CE). Une répartition des sièges par Etat (entre six et vingt-quatre représentants par Etat membre) et par catégorie socio - professionnelle est opérée. En 2004, la composition du C.E.S.E. s’établie comme suit : Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni (24 sièges chacun), Espagne (21), Autriche, Belgique, Grèce, Pays-Bas, Portugal et Suède (12 sièges), Danemark, Irlande et Finlande (9 sièges), Luxembourg (6). Les traités de Maastricht et d’Amsterdam ont renforcé les compétences du C.E.S.E. Désormais, le Comité doit être consulté sur les questions suivantes : libre circulation des travailleurs, liberté d’établissement et libre prestation des services, fiscalité indirecte, harmonisation des législations pour le marché intérieur, emploi, politique sociale, éducation et formation professionnelle, santé publique, protection des consommateurs, réseaux transeuropéens, recherche et développement technologique, politique industrielle, cohésion économique et sociale, et environnement. 38 B - Le Comité des régions Le Comité des régions fut crée en 1994 par le Traité de Maastricht en vue d’associer davantage à la construction communautaire les collectivités territoriales des Etats membres. Le Comité est composé des représentants des collectivités régionales ou locales (Art. 263 à 265 C.E.). En 2004, il comptait 222 membres désignés pour quatre ans par le Conseil sur la base des listes établies par chaque Etat membre. Le Traité de Nice a limité le nombre maximum des membres à 350 dans la perspective de l’élargissement et a imposé que ceux-ci soient liés aux collectivités qu’ils représentent par un mandat politique électif. La répartition par nationalité est identique à celle du C.E.S.E. Les membres du Comité des régions sont des responsables politiques municipaux ou régionaux élus comme présidents de région, parlementaires régionaux, conseillers municipaux, maires de grandes villes. Ils sont nommés par les gouvernements des Etats, mais doivent agir en toute indépendance politique. Ils siègent au Conseil des régions pour un mandat de quatre ans renouvelable. Ils désignent leur Président pour une durée de deux ans. Le Comité des régions est organisé en commissions spécialisées (six). Lorsqu’il est sollicité par la Commission ou le Conseil son avis est nécessaire sur les questions suivantes : emploi, politique sociale, éducation et formation professionnelle, culture, santé publique, réseaux trans-européens, cohésion économique et sociale, et environnent. La politique régionale de l’U.E. absorbe environ un tiers du budget communautaire, elle est le 2ème poste budgétaire après la PAC (46% en 2003) avant de devenir le 1er à partir de 2007. Les dix pays de l’élargissement seront les principaux bénéficiaires de la politique de solidarité régionale dès 2007 (40% du budget régional européen) en raison de leur retard économique27. Pour rattraper ce retard les dix recevront jusqu’à 4% de leur PIB d’aides. CHAPITRE III : L’UNION EUROPEENNE EN CHANTIER C’est au milieu des années quatre vingt qu’est engagé un grand débat sur l’approfondissement de la construction européenne. Cet approfondissement devait-il se traduire par une institutionnalisation croissante visant à termes la création d’une confédération ou s’agissait-t-il de promouvoir une coordination croissante des politiques nationales dans le respect des souverainetés nationales? Si cette question n’est pas définitivement tranchée, 27 Le revenu par habitant des dix est inférieur à 40% de la moyenne communautaire et leur poids économique représente moins de 5% du PIB européen, soit l’équivalent de celui des Pays-Bas. 39 l’approfondissement de la construction ne s’est pas réalisé sans difficultés. Ainsi, en France suite à la conclusion du Conseil Constitutionnel sur l’inconstitutionnalité de certaines dispositions du Traité de Maastricht28, il a fallut réviser la Constitution (25 juin 1992) et le Traité fut finalement approuvé par référendum à une faible majorité (20 septembre 1992). Il en sera de même pour le Traité d’Amsterdam qui nécessitera une nouvelle révision de la Constitution29 suite à la décision du Conseil constitutionnel déclarant contraire à la Constitution certaines dispositions du Traité (31 décembre 1997). Le vaste chantier européen est confronté à plusieurs défis: la construction d’une union économique et monétaire et la définition d’une politique étrangère et de sécurité commune voulue par les pères fondateurs, enfin l’élargissement. Section 1: L’Union économique et monétaire L’Union économique et monétaire constitue une réalisation majeure de la construction européenne inscrite comme objectif prioritaire dans les textes fondateurs des communautés. La réalisation de l’Union douanière le 1er juillet 1968 a permis à la CEE d’engager un processus d’harmonisation des politiques économiques et de stabilité monétaire. Il se traduit par la mise en place du Système monétaire européen (SME) en 1979 en vue d’assurer la stabilité des taux de change et la création d’une unité de compte, l’Écu, panier de monnaies des Etats membres. L'union économique et monétaire (U.E.M.) désigne un processus visant à harmoniser les politiques économiques et monétaires des Etats membres de l'Union, dans le but d'instaurer une monnaie unique, l'Euro. Elle a fait l'objet d'une des deux conférences intergouvernementales lancées en décembre 1990. § 1 - Les étapes de l’U.E.M. Le Traité de Maastricht prévoit que l’U.E.M se déroule en trois phases: - 1ère phase (1er juillet 1990 - 31 décembre 1993): effectivité de la libre circulation des capitaux entre les Etats membres, le renforcement de la coordination des politiques économiques et l’intensification de la coopération entre banques centrales; - 2ème phase (1er janvier 1994 - 31 décembre 1998): convergence des politiques économiques 28 Décision du 9 avril 1992 suite à saisine par le Président de la République. 29 Loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999. 40 et monétaires des Etats membres (en vue d’assurer la stabilité des prix et une situation saine des finances publiques) dans le cadre de des critères de convergence 30, mise en place de l’Institut monétaire européen; - 3ème phase (à partir du 1er janvier 1999): création d’une banque centrale européenne, fixation des taux de change et introduction d’une monnaie unique, l’Euro pour les Etats ayant satisfait aux critères de convergence31. L’utilisation de l’Euro comme monnaie unique est effective depuis le 1er janvier 1999 pour la monnaie scripturale (chèques, cartes de crédits, virements bancaires) et exclusive pour toutes les transactions financières dès le 1er janvier 2002. La mise en oeuvre de l’U.E.M. implique pour les Etats membres le respect d’une discipline budgétaire dont les règles sont définies dans le Pacte de stabilité et de croissance du 17 juin 1997 (lutte contre les déficits publics). Le fonctionnement de l’U.E.M. est périodiquement examiné par le Conseil européen et le Conseil des ministres qui sont habilités à nommer les responsables la Banque centrale européenne. § 2 – Le rôle pivot de la Banque centrale européenne L’objectif de l’U.E.M. inscrit dans le Traité de l’U.E. prévoit la mise en place d’une Banque centrale européenne (BCE). La BCE succède en 1998 à l’Institut monétaire européen crée en 1994 avec pour missions de surveiller le fonctionnement du SME, d’assurer le passage à la troisième phase de l’U.E.M. (monnaie unique) et de coordonner les politiques monétaires des Etats membres. La BCE dont le siège est à Francfort, est une composante majeure du Système européen des banques centrales (S.E.B.C.). Les attributions de la BCE en font l’institution financière essentielle de l’U.E.M. Ils consistent à fixer les taux directeurs, à veiller à la stabilité des prix, à gérer les réserves de change, à autoriser l’émission d’Euros32, à exercer un pouvoir de contrôle sur les banques centrales nationales, à, prononcer des sanctions (amendes) contre les entreprises. L’une des tâches principales de la BCE est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, afin de maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie unique. Son indépendance est posée un facteur important dans l’exercice de sa fonction consultative auprès du Conseil et des Etats membres. Ni la BCE, ni les banques centrales 30 Conditions que les Etats membres doivent remplir pour accéder à la monnaie unique (Art.121 § 1 du Traité CE). 31 Le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède ont refusé de participer à la monnaie unique, la Grèce n’a remplit les critères de convergence qu’en 2000. 32 Le taux de change officiel de l’Euros est de 6,55F. 41 nationales de « l’eurosystème », ni les membres de leurs instances de décision ne peuvent solliciter ou accepter d’instructions d’un autre organisme. La structure de la BCE repose sur trois organes: . Le Directoire composé de six membres dont un Président nommé pour huit ans (MM. Duisemberg puis Trichet) par le Conseil européen sur recommandation du Conseil et avis du Parlement ; . Le Conseil des gouverneurs qui réunit le directoire et les gouverneurs des banques centrales nationales participants à l’U.E.M. (12 sur 15 en 2004) ; . Le Conseil général rassemble la même composante plus les représentants des Etats nonparticipants à l’U.E.M. On mentionnera la Banque européenne d’investissement (B.E.I.) chargée de financer des projets de développement régional dans les Etats membres de l’U.E. aussi bien que d’octroyer des crédits dans le cadre des accords de Partenariat avec les Etats tiers. Son siège est au Luxembourg. Section 2 : La politique étrangère et de défense commune Les préoccupations de sécurité avaient dominé les rencontres diplomatiques dès la fin de la deuxième Guerre mondiale. Elles vont se traduire par la mise en place des premières alliances politico-militaires au plan européen et atlantique. Par la suite l’échec de la CED et partant du projet de construction politique va retarder la définition d’une conception européenne de sécurité. La fin de la Guerre froide va offrir les conditions favorables à l’émergence d’une politique étrangère et de sécurité commune, voir d’une défense commune. § 1 – La P.E.S.C. La P.E.S.C. constitue le deuxième pilier de l’U.E. qui fait suite à la Coopération politique européenne (CPE). Les objectifs, le contenu et les mécanismes de la P.E.S.C. sont définis dans le Traité de Maastricht (Titre V). Les objectifs de la P.E.S.C. sont diversifiés: sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux, renforcement de la sécurité de l’Union, maintien de la paix et de la sécurité internationale, promotion de la coopération. Les principales menaces à la sécurité européenne ne résideraient pas dans une agression majeure contre un Etat membre de l’Union, mais auraient un caractère diversifié et moins prévisible. Ces nouvelles menaces ont été identifiées comme étant le terrorisme, la prolifération des 42 armes de destruction massive, les conflits régionaux (Moyen-Orient), la déliquescence des Etats et la criminalité organisée33. Les objectifs de ce deuxième pilier de l'Union définis à l'article 11 (ex-article J.1) sont poursuivis par le biais d'instruments juridiques propres (action commune, position commune), adoptés à l'unanimité au sein du Conseil. Suite à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, l'Union peut avoir recours à un nouvel instrument: la stratégie commune. Cet instrument est mentionné dans un nouvel article 12 du Traité. Ainsi, si la politique étrangère reste nationale, les Etats membres sont encouragés à coopérer et à se concerter au sein du Conseil en vue de définir une position commune dans un ensemble de domaine et veiller à la conformité de leurs politiques nationales avec les positions communes. Cette politique commune doit se refléter dans les conférences et les organisations internationales. Parmi les domaines faisant l’objet d’une position commune on citera notamment: la lutte contre le terrorisme, l’isolement des régimes anti-démocratiques qui violent les droits de l’homme (Afghanistan, Birmanie, Yougoslavie), la politique à l’égard des réfugiés, des déplacés et des demandeurs d’asile. Dans les situations où sur la base des orientations générales du Conseil européen existent des « intérêts importants en commun », le Conseil des ministres peut décider d’entreprendre une action commune en en définissant la portée, les moyens et la durée. Parmi les actions communes, on mentionnera l’engagement de l’U.E dans le règlement des conflits en ex-Yougoslavie (accords de Dayton) ou dans l’éradication des mines antipersonnel. Le Traité de Nice (11 décembre 2000) sur proposition de la Commission a introduit la possibilité d’instaurer des coopérations renforcées dans le domaine de la P.E.S.C. pour la mise en œuvre d’une action commune ou d’une position commune. Ces coopérations ne peuvent pas porter sur des questions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. L’autorisation d’instaurer une coopération renforcée est accordée par le Conseil après avis de la Commission, notamment sur la cohérence de cette coopération avec les politiques de l’Union. Le Conseil décide à la majorité qualifiée, mais chaque Etat membre peut demander que le Conseil européen en soit saisi en vue d’une décision à l’unanimité. La Constitution européenne a instituée la fonction de Ministre des Affaires étrangères de l’U.E. élu par le Conseil à la majorité qualifiée. Il est à la fois mandataire du Conseil pour la P.E.S.C. et membre de la Commission. Il représentera l’Union sur la scène internationale. Ainsi, les institutions de l’U.E. interviennent à un titre ou à un autre dans la P.E.S.C.: 33 Une Europe sûre dans un monde meilleur : Stratégie européenne de sécurité, Document proposé par Javier Solana et adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles, le 12 décembre 2003. 43 . Le Conseil européen définir les principes et les orientations générales de la P.E.S.C.; . Le Conseil des ministres met en œuvre la P.E.S.C. a arrêtant des positions communes et des actions communes, il statue en principe à l’unanimité; . La Commission est associée à la P.E.S.C. avec pouvoir de saisir le Conseil de toute question relevant de la P.E.S.C.; . Le Parlement européen est tenu informé de la P.E.S.C. mais peut aussi formuler des recommandations au Conseil et engager un débat dans ce domaine. . La C.J.C.E. pourra désormais examiner le recours individuel devant contre des décisions prises dans le cadre de la P.E.S.C. (Art. III-282). Il s’agit essentiellement des recours concernant la légalité des mesures restrictives à l’encontre de personnes physiques ou morales relevant d’un Etat tiers (ex : interdiction de délivrance de visas ou gels d’avoirs financiers). Des organes spécifiques sont crées dans le cadre de la P.E.S.C. pour assister le Conseil: . Le Comité politique et de sécurité (COPS)34 ou siègent les directeurs politiques des ministres des Affaires étrangères est chargé du suivi et de formuler des avis. Le Traité de Nice stipule qu’il pourra assurer le contrôle politique et la direction stratégique d’une opération de gestion des crises décidée par le Conseil; . Le Haut Représentant pour la P.E.S.C. ou « Monsieur P.E.S.C. » est le responsable opérationnel des décisions du Conseil au nom duquel il agit, Javier Solana est nommé par le Conseil de l’Union européenne pour un mandat de cinq ans (1999 - 2004); . Les représentants spéciaux pour le suivi des situations régionales conflictuelles (MoyenOrient, la Région des Grands Lacs, l’Europe du Sud-est, le Kosovo).Nommés par le Conseil, ils relèvent directement du Haut Représentant pour la P.E.S.C.35 On notera enfin, le rôle de la Présidence du Conseil qui assure la représentation de l’Union à l’extérieur et exprime sa position dans les enceintes internationales (aujourd’hui: Espagne). La Présidence est assistée dans le système de la Troïka par les dirigeants de l’Etat qui a assuré précédemment la Présidence et l’Etat qui assurera la suivante. 34 Nouvelle appellation dans le Traité de Nice du Comité politique. 35 L'Union compte actuellement quatre représentants spéciaux : Messieurs Miguel Ángel Moratinos (ProcheOrient), Aldo Ajello (Grands Lacs africains), Bodo Hombach (coordinateur du pacte de stabilité en l'Europe du sud-est), François Léotard (Ancienne République yougoslave de Macédoine). Le traité de Nice introduit leur nomination à la majorité qualifiée. 44 La P.E.S.C. de l'Union européenne inclut la définition d'une politique de sécurité et de défense commune qui pourrait conduire, le moment venu, à une défense commune. § 2 – La P.S.D.C. Le Traité de l’U.E. dote aussi l’Union d’une politique de sécurité commune qui inclut l’ensemble des questions relatives à sa sécurité, y compris la définition progressive d’une politique de défense de l’Union. La Politique de Sécurité et de Défense Commune (P.S.D.C.) est une partie de la P.E.S.C. La P.S.D.C. pourrait conduire à une défense commune si le Conseil européen en décidait ainsi et sous réserve d’une décision adoptée et ratifiée par les quinze États membres. Le développement de la P.S.D.C. ne pourrait-il pas affecter le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ? Est-il compatible avec la politique menée dans le cadre de l'Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ? La chute du Mur de Berlin (1989) et le nouveau débat au sein de l’U.E. pour la doter d’une dimension militaire – la Politique de sécurité et de défense commune - sont à l’origine d’une réorganisation de l’U.E.O. et son absorption à termes par l’U.E. A. L’intégration de l’U.E.O. dans l’U.E. A l’origine, une initiative franco-britannique (Accord de Dunkerque, 1947) à laquelle se sont joints les États du Benelux par le Traité de Bruxelles du 19 mars 1948, l’Union occidentale fut crée en tant qu’organisation politico-militaire d’assistance mutuelle. Il s’agissait à l’époque de se prémunir contre une résurgence du militarisme allemand. L’échec de la CED va être à l’origine d’une réforme de l’Union occidentale et la mise en place de l’U.E.O. En effet, le Traité de Bruxelles fut modifié par les accords de Paris du 23 octobre 1954 (quatre protocoles)36 pour permettre l’adhésion de l’Allemagne et de l’Italie (aujourd’hui dix États membres)37. L’Organisation désormais appelée U.E.O. est basé sur un Pacte de sécurité mutuelle. Neuf pays ex-communistes d’Europe sont devenus des Partenaires associés de l’U.E.O. depuis 1994. L’U.E.O. s’est vu confier la missions de constituer un mécanisme d’assistance mutuelle en cas d’agression (Article 5 du Traité de Bruxelles : « au cas ou l’une des Hautes Parties contractantes serait l’objet d’une agression armée en Europe, les autres partenaires, 36 Les accords de Paris sont entrés en vigueur le 6 mai 1955. 37 Elargissement de l’U.E.O. à l’Espagne et au Portugal (1990), puis à la Grèce (1995). 45 conformément aux dispositions de l’article 51 de la Charte des Nations-Unies, aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, militaires ou autres ». Pendant plusieurs décennies, la rivalité Est-Ouest et l’engagement américain en Europe allaient bénéficier à l’O.T.A.N. dont le rôle de principale organisation de sécurité et défense collective en Europe s’affermissait au dépend de l’U.E.O. Cette dernière allait au cours de cette période limiter ses activités à la concertation et au dialogue entre les Etats membres sur les questions de sécurité commune, renonçant de fait à toute dimension opérationnelle au profit de l’Alliance atlantique. L’U.E. a demandé à l'U.E.O. d'élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions liées à la défense commune (article 17 - ex-article J.7- du Traité sur l'Union européenne). L’article J 7 du Traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 stipule que l’U.E.O. : « fait partie intégrante de l’Union en donnant à l’Union l’accès à une capacité opérationnelle ». Elle « assiste l’Union dans la définition des aspects de la P.E.S.C. ayant trait à la défense. En conséquence, l’Union encourage l’établissement de relations institutionnelles plus étroites avec l’U.E.O. en vue de l’intégration éventuelle de l’U.E.O. dans l’Union ». L’U.E.O. a été dissoute officiellement par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l’U.E. réunis à Marseille, le 13 novembre 2000. Toutefois, ses principaux organes, l’Assemblée parlementaire38 et le Groupe armement de l’Europe occidentale (GAEO)39, ne sont pas remis en cause. C’est la P.S.D.C. et son futur bras armé qui reprennent les moyens de l’UEO, institutions toutes deux dirigées par Javier Solana. B. L’émergence de la P.S.D.C Suite à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, une innovation importante a été l'inclusion dans le Traité sur l'Union des missions humanitaires ou d'évacuation, des missions de maintien de la paix ainsi que des missions de forces de combat pour la gestion des crises, missions définies dans la Déclaration de Petersberg de l’U.E.O. du 19 juin 1992. Chacun des Conseils européens successifs (Helsinki, Feira et Nice) a progressivement donné corps à la volonté de doter l'Union d'une capacité militaire d'action autonome dans la gestion des crises internationales, là où l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée, et tout en respectant les principes de la Charte des Nations Unies et en particulier le rôle du Conseil de sécurité. Il y a lieu de souligner que la réalisation de cet objectif n'implique pas la création d'une armée européenne, car l'engagement et le déploiement de troupes nationales se font sur la base d'une décision souveraine prise par les États membres. 38 108 parlementaires représentants les parlements nationaux. 39 Instance de coopération européenne en matière d’armements. 46 Le Conseil européen de Nice a décidé de créer au sein du Conseil des nouvelles structures politiques et militaires permanentes pour assurer le contrôle politique et la direction stratégique des crises, à savoir un Comité politique et de sécurité et un Comité militaire. En outre, le Secrétariat du Conseil compte à présent en son sein un état major militaire, composé d'experts militaires détachés par les États membres, sous la direction militaire du Comité militaire qu'il est chargé d'assister. Dans le même esprit, la Convention sur l’avenir de l’Europe a avalisé la proposition de son Président (Valéry Giscard d’Estaing) de doter l’U.E. d’une « clause de solidarité » permettant l’assistance mutuelle en cas de conflit et au-delà la mise en place de mécanismes et d’arrangements de défense commune. Il existe d’ors et déjà les premiers noyaux de capacité militaire européenne avec l’EUROCORP (crée par le mémorandum franco-allemand du 30 novembre 1992) et les EUROFORCES, constituées par l’Espagne, l’Italie et la France pour se déployer en Méditerranée. A ce propos, le Conseil européen d’Helsinki (décembre 1999) a décidé de développer la capacité de l’Union à gérer les crises internationales avec l’objectif de déployer d’ici 2003 dans un délai de soixante jours et pendant au moins une année une force de réaction rapide de 50000 à 60000 hommes. Cette force assurera sous la direction du Conseil des ministres des missions dîtes « de Petersberg » : imposition et maintien de la paix et missions humanitaires)40. Cette force ne se substituera pas à celles de l’O.T.A.N. mais pourrait agir dans le cadre de l’U.E.O. devenu bras armé de l’U.E. Le Royaume-Uni traditionnellement hostile à une défense commune européenne qui affaiblirait le lien transatlantique, s’est finalement rallié à cet objectif lors du Sommet francobritannique de Saint – Malo (décembre 1998). Un accord franco-germano-britannique sur plusieurs aspects de la défense européenne a été scellé à Berlin (20 septembre 2003). Il prévoit notamment la création d’une capacité de planification européenne en matière de défense (autrement dit un « quartier général européen ») distincte de celle de l’O.T.A.N. que les EtatsUnis appréhendent avec méfiance. Il fut également décidé de créer des « coopérations renforcées » (avant-gardes de quelques pays) dans le domaine de la défense et d’adopter une « clause de défense commune ». Les trois « grands » avaient proposé au Sommet de Bruxelles (décembre 2003) les éléments d’une P.S.D.C. à 25 avec la perspective d’un renforcement des capacités de projection des forces (mise en place d’une force d’intervention d’urgence de 1500 hommes) et de coopération en matière d’armement (création d’une agence d’armement). Il s’agit de renforcer une « identité européenne de défense » distincte de l’Alliance atlantique. La Constitution européenne fait de la P.S.D.C. une composante à part entière de la P.E.S.C. Le champ de la P.S.D.C. est étendu par rapport à ce qui existe actuellement dans les traités. Les missions dites de Petersberg sont élargies avec l’insertion de nouvelles missions : actions conjointes en matière de désarmement, missions de conseil et d’assistance en matière militaire, missions de prévention des conflits, opérations de stabilisation à la fin des conflits. Toutes ces missions « peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme » (Art. III-310, exArt. 17 U.E.). 40 Certaines opérations de maintien de la paix et de gestion des crises ont été placées sous l’égide de l’U.E. : Opération Artémis en République démocratique du Congo (juin 2003) et projet de déploiement en Moldavie (conflit de Trans-dniestrie). 47 Pour tenir compte de la spécificité de certains Etats membres en matière de défense (neutralité), la Constitution introduit une dose de flexibilité (Art. III-211 et 213). Ainsi, un nombre restreint d’Etats membres disposant des capacités militaires et de la volonté politique peut se voir confier la mise en œuvre d’une « action commune ». Le lancement de l’opération nécessite alors l’unanimité des Etats membres, avec éventuellement le recours à l’abstention constructive. Le deuxième critère de flexibilité est la possibilité d’une « coopération structurée » entre des Etats membres souhaitant remplir « des engagements plus contraignants » et qui répondent à des critères de capacité militaire41. Une troisième forme de flexibilité en matière de défense est la possibilité pour les Etats membres de souscrire entre eux une clause de « défense mutuelle ». Dans le cadre de la P.S.D.C. la Constitution crée une « Agence de l’armement, de la recherche et des capacités militaires » ouverte à la participation de tous les Etats membres qui le souhaitent. Cet organe qui fait penser au Groupe armements de l’U.E.O. est chargé d’élaborer des projets communs en matière de défense (Art. III-212). Section 3: La coopération en matière policière et judiciaire A l’origine les traités européens n’avaient pas prévu de dispositions spécifiques à la coopération en matière de police et de justice. Dès lors les accords dans ce domaine entre Etats ont été élaborés en dehors des traités communautaires. Le Traité de Maastricht a institutionnalisé la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, mais en les dotant d’un cadre juridique distinct de l’ordre communautaire, le troisième pilier. La coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures est mécanisme de coopération intergouvernementale en voie de communautarisation. § 1 – L’émergence du troisième pilier de l’Union Le Traité sur l'Union européenne (TUE) de 1993 organise la collaboration de tous les États membres en matière de justice et d'affaires intérieures sur une base nouvelle en ajoutant un troisième pilier à l'édifice communautaire (également nommé "Titre VI" du Traité U.E.). Le Titre VI du Traité de Maastricht consacré à la coopération policière et judiciaire en matière pénale prévoit la méthode de la coopération intergouvernementale où les institutions communautaires n’interviennent que dans certains cas. A. L’objectif 41 L’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg ont manifesté leur intérêt pour cette coopération. 48 Dans le cadre du 3ème pilier, les Etats membre de l’U.E. se fixent pour objectif de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans cette perspective, ces Etats instituent une coopération pour prévenir et réprimer la criminalité: terrorisme, traite d’êtres humains et crimes contre les enfants, trafic de drogue, trafic d’armes, corruption et fraude (Art.29 U.E.). Cette coopération ne remet pas en cause les responsabilités des Etats membres en matière de maintien de l’ordre public et de la sécurité intérieure. Cette coopération se base sur neuf questions jugées d'intérêt commun: l'asile, le franchissement des frontières extérieures, l'immigration, la lutte contre la drogue et la toxicomanie, la lutte contre la fraude de dimension internationale, la coopération judiciaire en matière civile, la coopération judiciaire en matière pénale, la coopération douanière et la coopération policière. Trois actions régissent le troisième pilier: . La coopération entre les autorités policières et douanières : système prévoyant la collecte, le traitement et l’échange d’informations concernant en particulier la grande criminalité transnationale par le biais de l’Office européen des polices (EUROPOL), institué par la Convention du 26 juillet 199542 et dont le siège se trouve à La Haye ; . La coopération entre les autorités judiciaires: en matière de procédure, d’exécution des décisions de justice et d’extradition43, réseau judiciaire européen pour la coopération contre les formes graves de criminalité; . L’harmonisation des règles de droit pénal des Etats membres: instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue (Art. 31 U.E.) B. Les limites La coopération policière et judiciaire en matière pénale fait principalement appel à des procédures intergouvernementales. Elle intègre les groupes de travail préexistants dans une structure complexe à cinq niveaux: groupes de travail spécifique, comités directeurs, comité de coordination prévu par l'article K.4 du Traité U.E., COREPER, Conseil des ministres de la justice et des affaires intérieures. Trois instruments juridiques sont prévus par le titre VI du Traité de l’U.E.: la position commune, l'action commune et la convention. La position commune définit l'approche de l'Union sur une question déterminée. La première position commune adoptée par l'Union européenne a porté sur la définition du terme réfugié au sens de la Convention Genève de 1951 afin de garantir les mêmes critères dans tous les États membres. 42 La Convention EUROPOL est entrée en vigueur le 1 er octobre 1998. 43 Sur la bas des deux Conventions européennes sur l’extradition du 10 mars 1995 et du 27 septembre 1996. 49 L'action commune est utilisée lorsque « les objectifs de l'Union peuvent être mieux réalisés par une action commune que par les États membres agissant isolément ». Ainsi, des programmes sont adoptés pour favoriser la coopération des services de police, de la justice et des douanes ainsi que des actions annuelles pour l'accueil des réfugiés par exemple. La portée juridique de ces deux instruments inédits (position commune et action commune) n'est toutefois pas claire et certains États les considèrent comme des instruments non contraignants. L'utilisation d'instruments sans effet juridique et qui ne sont pas prévus dans les traités (résolutions, recommandations et déclarations) se fait également au détriment des trois instruments principaux du titre VI du Traité de l’U.E. Le troisième instrument, la Convention, instrument classique du droit international, requiert des délais très longs pour son adoption et sa mise en œuvre (ex : Convention instituant EUROPOL). Enfin au niveau institutionnel, le 3ème pilier tel qu'il est conçu par le Traité de Maastricht, ne donne aux institutions communautaires qu'un rôle limité, sans possibilité réelle d'exercer un contrôle sur les décisions des États. Parmi les problèmes évoqués, on notera: .le contrôle juridique limité de la Cour de justice, uniquement compétente pour l'interprétation des conventions et le règlement des litiges entre les États membres si une clause du texte le prévoit expressément; .le manque d'information du Parlement européen qui d'après le traité, doit être consulté par le Conseil mais n'est, la plupart du temps, qu'informé a posteriori sans possibilité de formuler une opinion sur les discussions en cours; . Un droit d'initiative limité de la Commission à six domaines sur les neuf compris dans le titre VI du TUE et partagé avec les États Membres. Les Etats membres sont les seuls à pouvoir intervenir en matière de coopération judiciaire en matière pénale, policière et douanière); . Le vote à l'unanimité au Conseil a souvent paralysé la prise de décision. Les difficultés rencontrées par les acteurs de la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures expliquent les critiques formulées par la Commission et le Parlement lors des débats à la Conférence intergouvernementale qui a élaboré le traité d'Amsterdam. § 2 – La communautarisation partielle 50 Le Traité d'Amsterdam modifie la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. Le but affiché est d'établir dans les cinq prochaines années (1er janvier 2004) la libre circulation des personnes, citoyens de l'Union européenne comme ressortissants de pays tiers, sur le territoire de l'Union tout en assurant la sécurité de tous en luttant contre toute forme de criminalité organisée (traite des êtres humains, exploitation sexuelle des enfants, trafic de drogue, d'armes, de voiture, corruption, fraude) ainsi que le terrorisme. Il s’agit de créer un espace de liberté, de sécurité et de justice aux ambitions plus vastes et où le rôle des institutions est plus équilibré. Avec le Traité d’Amsterdam, une grande partie des questions qui relevaient du troisième pilier a été communautarisée. Cette communautarisation concerne les questions relatives à la politique en matière de visas, d’asile, d’immigration et de libre circulation des personnes (Titre IV du Traité d’Amsterdam). Le nouveau titre du Traité C.E. intitulé « Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes » reprend les mesures concernant le contrôle des frontières extérieures, l'asile, l'immigration et la coopération judiciaire en matière civile. Ces domaines relèvent donc du premier pilier et des instruments juridiques communautaires: directive, règlement, décision, recommandation et avis. Toutefois, cette « communautarisation » demeure partielle les cinq premières années après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam puisque comme par le passé, la Commission partage son droit d'initiative avec les États membres, les décisions du Conseil sont prises à l'unanimité et le Parlement européen ne participe pas directement à la prise de décision (il est simplement consulté). Au sein d'un troisième pilier remanié, demeurent les coopérations policière et judiciaire en matière pénale comportant : la prévention et la lutte contre le racisme et la xénophobie, le terrorisme, la traite d’être humain et les crimes contre les enfants, le trafic de drogue, le trafic d’armes, la corruption et la fraude. L'espace de liberté, de sécurité et de justice permet aussi d'intégrer les accords de Schengen dans le cadre de l'Union, les mesures déjà prises sur cette base étant ajoutées à l'acquis de l'U.E. soit dans le Titre IV du Traité C.E., soit dans le Titre VI du Traité de l’U.E. selon une décision prise par le Conseil des Ministres. Toutes les initiatives dans le domaine de la justice et des affaires intérieures relèvent désormais de l'U.E. ce qui devrait faciliter la mise au point de politiques cohérentes au niveau européen. Pour éviter la répétition d'une collaboration intergouvernementale exclusive sur le modèle de Schengen, le Traité d'Amsterdam prévoit dans le Titre VI du Traité de l’U.E. la possibilité de créer des coopérations renforcées dans le cadre de l'U.E. pour les États membres soucieux d'aller plus loin dans leur collaboration44. 44 Le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark ont indiqué par différents protocoles au traité d'Amsterdam leur intention de ne pas participer à des degrés divers à toutes les mesures prises dans le cadre de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. 51 Sur le plan décisionnel, quelques changements ont été introduits. On peut noter la substitution de l'action commune par la décision-cadre et la décision, instruments juridiques proches dans l'esprit de la directive. De plus, toute convention peut désormais entrer en vigueur après ratification par la moitié des États membres, ce qui accélère le processus. C’est dans le cadre du Conseil des Ministres que se planifie la coopération policière et judiciaire entre les services et les administrations compétentes et que se prennent les décisions dans ce domaine. Le Conseil arrête des positions communes définissant l’approche de l’U.E. sur une question donnée; adopte les décisions-cadres afin d’harmoniser les dispositions législatives et réglementaires des Etats; prend des décisions obligatoires mais sans effet direct, à toute autre fin; élabore des conventions destinées à être adoptées par les Etats 45. La Commission est associée aux travaux et dispose à l’instar de tous les Etats d’un pouvoir d’initiative sur toute question d’intérêt pour l’Union. Quant au Parlement, il est tenu informé par la Commission et doit être consulté par le Conseil avant l’adoption des décisions-cadres, des décisions communes et des conventions. Les parlementaires européens peuvent adresser des questions ou formuler des recommandations à l’intention du Conseil. La Cour de justice des Communautés s’est vue reconnaître sa compétence dans le cadre du contrôle de la légalité des décisions-cadres et des décisions communes (recours par un Etat membre ou la Commission). Elle statue sur tout différend entre Etats membres sur l’interprétation ou l’application des actes et des conventions adoptées par le Conseil dans le cadre de la coopération. Enfin, elle est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l’interprétation des décisions-cadres et des décisions, sur l’interprétation des conventions et sur la validité et l’interprétation de leurs mesures d’application (lorsqu’elle est saisit par une juridiction interne). Consacré à la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, le sommet de Tampere (décembre 1999) a considéré que la mise en place de cet espace revêtait la même importance que la création du marché intérieur en son temps. Aussi les chefs d'État et de gouvernement ont-ils demandé à la Commission d'établir un tableau de bord (« scoreboard ») portant liste de toutes les mesures à prendre d'ici cinq ans ainsi que pour en faciliter le suivi. Il s'agit de développer une Union européenne ouverte et sûre, attachée aux obligations de la Convention de Genève en matière de droit d'asile et aux droits de l'homme ainsi que de faciliter l'accès des citoyens européens à la justice sur tout le territoire de l'Union. La C.I.G. qui a été à l’origine du Traité de Nice n’a pas avalisé la proposition de la Commission de créer un procureur européen pour la protection des intérêts financiers de la Communauté46. Le Traité de Nice a institué « EUROJUST », unité de magistrats détachés qui 45 Le Conseil est assisté du Comité de coordination composé de hauts fonctionnaires et chargé de formuler des avis ainsi que de préparer les réunions des Ministres en matière de coopération policière et judiciaire. 46 Parmi les mesures proposées par la Commission figure l’établissement d’un mandat d’arrêt européen au 1 er janvier 2004. Six Etats membres (Belgique, Espagne, France, Luxembourg, Portugal, Royaume-Uni), ont décidé 52 aura pour mission, dans le cadre de la coopération judiciaire en matière pénale, de contribuer à une bonne coordination des autorités nationales chargées des poursuites pénales (Art.31 du Traité U.E.). Le Traité de Nice a aussi introduit une modification majeure au fonctionnement du troisième pilier en supprimant la possibilité du « veto », à l’instar de ce qui est prévu pour les coopérations renforcées dans le premier pilier. Dans la Constitution européenne, la Cour de justice a vu ses compétences étendues dans le domaine du troisième pilier, toutefois cette compétence ne s’exerce pas en matière d’ordre public (Art. III-283, ex-Art. 35 U.E.). Section 4 : Elargissement de l’Union et Partenariat avec les pays tiers Aujourd’hui, l’U.E. est confronté à deux grands défis stratégiques : l’adhésion de nouveaux Etats dont les candidatures se sont multiplié ces dernières années sous l’effet en particulier de la fin de la Guerre froide ; développer dans le contexte de mondialisation de nouvelles formes d’association et de coopération avec les Etats de son voisinage qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union. § 1 – Le processus d’élargissement de l’Union A l'origine, le concept d'élargissement désigne les cinq vagues successives de nouvelles adhésions qu'a connu la Communauté européenne et par lesquelles dix-neuf pays se sont ajouté aux six Etats fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas). Les élargissements successifs ont concernés les pays suivants : 1973 : Danemark, Irlande et Royaume-Uni47; 1981 : Grèce; 1986 : Espagne et Portugal; 1995 : Autriche, Finlande et Suède ; 2004 : Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Tchéquie, Slovaquie et lors de la réunion des Ministres de l’intérieur et de la justice à Saint-Jean de Compostelle le 14 février 2002, de mettre en pratique dès le premier trimestre 2003, le mandat d’arrêt européen. 47 Le Royaume-Uni réussit enfin à rejoindre le marché après deux candidatures infructueuses (1961 et 1967) du fait du veto de Gaulle. 53 Slovénie. On constate que si le premier élargissement fut entrepris en direction des pays du Nord du continent, le deuxième et le troisième ont concerné les Etats du sud de l’Europe, alors que le quatrième vit l’entrée dans l’U.E. de pays neutres et non-alignés, et le cinquième a visé majoritairement des pays d’Europe centrale et orientale ex-communistes. On notera que la Norvège et la Suisse ont également déposé leurs candidatures en vue d’adhérer à l'Union européenne. L’adhésion de la Norvège prévue dans le premier élargissement fut rejetée par referendum en septembre 1972, puis une nouvelle fois en 1994. La candidature de la Suisse a été suspendue à la suite du référendum de 1992 par lequel ce pays a décidé de ne pas participer à l'Espace économique européen. Le Marché commun institué par le Traité de Rome et initialement limité aux six pays fondateurs, comporte aujourd’hui vingt-cinq Etats. Actuellement deux Etats négocient leur adhésion (Bulgarie et Roumanie) tandis que deux autres sont candidats (Croatie et Turquie). A. Les candidats L’effondrement du Mur de Berlin (9 novembre 1989) a ouvert la perspective d’un élargissement de l’U.E. vers les pays Etats d’Europe centrale et orientale (PECO). La réunification allemande (3 octobre 1990) s’est traduite par l’intégration à l’U.E. du territoire de l’ex-R.D.A. via l’Allemagne fédérale. Les pays ayant déposé une demande d’adhésion à l’U.E. sont par ordre chronologique : la Turquie (le 14 avril 1987); Chypre (3 juillet 1990); Malte (16 juillet 1990); Hongrie (31 mars 1994); Pologne (5 avril 1994); Roumanie (22 juin 1995); Slovaquie (27 juin 1995); Lettonie (13 octobre 1995); Estonie (24 novembre 1995); Lituanie (8 décembre 1995); Bulgarie (14 décembre 1995); République tchèque (17 janvier 1996); Slovénie (10 juin 1996), Croatie ( ?). Tous ces pays étaient ou sont déjà liés à l’U.E. par des accords d’association organisant les échanges commerciaux. Les Conseils européens de Luxembourg (décembre 1997) et d’Helsinki (décembre 1999) ont décidé d'ouvrir les négociations en vue de l’adhésion de dix pays : Chypre, l'Estonie, la Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et la Slovénie. Des négociations ont été engagées à cet effet en février 2000. Le Conseil européen extraordinaire de Berlin (mars 1999) a confirmé que l’U.E. s’élargirait à dix nouveaux Etats à er compter du 1 mai 2004, l’adhésion de deux autres candidats (Bulgarie, et Roumanie) a été différée à 2007. En avril 2005, un traité d’adhésion a été signé avec ces deux pays. 54 Quant à la quatrième candidature, celle de la Turquie elle semble plus problématique. Plusieurs non-dits caractérisent la candidature turque dont la dimension civilisationnelle (pays à majorité musulmane) n’est pas la moindre. La candidature de la Turquie a été déposée le 14 avril 1987, soit bien avant celle de la plupart des PECO devenus membres. La Turquie avait signé le 12 septembre 1963 un accord d’association avec la C.E.E. Une Union douanière entre l’Union et ce pays est effective depuis le 31 décembre 1995. La candidature de la Turquie a rencontré un temps l’opposition de certains pays membres (ex : Grèce) en raison de la question des droits de l’homme et des minorités (problème kurde) et de celle de la réunification de Chypre48 dont une partie du territoire est occupé par l’armée d’Ankara49. Ces obstacles sont aujourd’hui partiellement levés. Le Conseil européen de Luxembourg (1997) avait conclu que les conditions politiques et économiques permettant d'envisager des négociations d'adhésion avec la Turquie n'étaient pas encore réunies mais que la stratégie européenne en vue de préparer la Turquie à l'adhésion devait se poursuivre. Le Conseil européen d’Helsinki (10-11 décembre 1999) a reconnu le statut de pays candidat de la Turquie (sous réserve qu’elle satisfasse aux critères de Copenhague) et a adopté une stratégie de pré-adhésion. La Turquie a accompli depuis des réformes importantes pour satisfaire aux critères de Copenhague (ex : abolition de la peine de mort). La Commission s’est prononcée en octobre 2004 en faveur de l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Turquie, cet avis a été avalisé par le Conseil européen de Bruxelles (décembre 2004) mais sans fixer de date d’adhésion. En octobre 2005, l’U.E. a finalement ouvert les négociations d’adhésion avec la Turquie mais aussi avec la Croatie.50 Les négociations devraient vraisemblablement se poursuivre une dizaine d’années encore pour remplir toutes les exigences de l’U.E. En novembre 2005, un rapport de la Commission donnait un satisfecit à Ankara sur le plan des réformes économique (existence d’une économie de marché viable) mais soulignait que des progrès restaient encore à faire au plan politique en matière de droits de l’homme et de transposition de la législation communautaire. Le cas des pays des Balkans (Albanie, Bosnie, Macédoine, Serbie et Monténégro) qui ont vocation à adhérer à l’U.E. est examiné dans le cadre d’un processus séparé dit de « stabilisation ». La Commission a recommandé l’attribution du statut de pays candidat à la Macédoine. Des négociations en vue de la conclusion d’un accord de stabilisation et d’association avec la Serbie et Monténégro ont été ouverte en octobre 2005. L’élargissement de l’Union nécessite une procédure d’adhésion longue et complexe. 48 Acceptation par les Grecs et les Turcs de régler pacifiquement leurs différends sur Chypre et les îles de la mer Egée (saisine de la Cour internationale de justice) 49 La partie grecque de Chypre rejoint l’U.E. le 1er mai 2004. 50 C’était une exigence de dernière minute de l’Autriche qui était semble-t-il hostile à l’ouverture de négociations avec la Turquie. 55 B. La procédure d’adhésion La politique d’élargissement de l’Union est régit par l’Article 49 du Traité U.E. qui stipule que tout Etat européen qui respecte les principes démocratiques fondamentaux de l’U.E. peut demander à devenir membre de l’Union. En juin 1993, le Conseil européen de Copenhague a défini trois critères pour l’adhésion des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union européenne : . Critère politique : institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités ; . Critère économique : économie de marché effective ; . Critère de reprise de l'acquis communautaire : souscrire aux diverses finalités politiques, économiques et monétaires de l'Union européenne. L'Union se réserve toutefois le droit de décider le moment où elle sera prête à accepter de nouveaux membres. L'adhésion d'un nouvel Etat membre au sein de l'Union européenne est prévue par l'article 49 du Traité U.E. L’article 49 définit deux phases d’adhésion : - 1ère phase: le Conseil examine la demande d’adhésion mais sa décision doit être prise à l’unanimité après consultation de la Commission et avis conforme du Parlement européen ; - 2ème phase: négociation entre les Etats membres et l’Etat candidat d’un accord d’adhésion qui, pour entrer en vigueur, doit être ratifié par toutes les parties. Les négociations en vue de l'adhésion de nouveaux Etats membres à l'Union européenne prennent la forme de conférences intergouvernementales bilatérales entre l'Union européenne et chacun des Etats candidats51. Les conférences intergouvernementales bilatérales sur l'adhésion des pays de la « première vague » ont été solennellement ouvertes le 30 mars 1998. Les conférences intergouvernementales bilatérales sur l'adhésion des Etats de la « deuxième vague » ont été ouvertes le 15 février 2000. 51 Elles réunissent les ministres tous les six mois et les ambassadeurs tous les mois. 56 Pendant la phase précédente l’adhésion proprement dite, les pays candidats font l'objet d'une procédure de suivi régulier des réformes politiques et économiques, et d'évaluation de la reprise de l'acquis communautaire dont les résultats déterminent le rythme d'avancement des négociations. La reprise de l’acquis communautaire et la mise en œuvre de la totalité de la législation communautaire représentent les principaux défis que doivent affronter les pays candidats. Ces derniers doivent également réformer leurs systèmes administratifs et judiciaires afin de se conformer aux normes communautaires, notamment en matière d'environnement, et développer de véritables réseaux en matière de transport, d'énergie et de télécommunications. Pour faciliter ces ajustements considérables, des aides de pré-adhésion sont fournies aux pays candidats. Il sera possible pour les candidats de demander des périodes transitoires entre leur adhésion et le moment où ils seront capables d'appliquer pleinement les traités et la législation communautaires. Toutefois, ces éventuelles périodes de transition devront être aussi courtes que possible et limitées à certains secteurs spécifiques. Les conditions d'admission, les éventuelles périodes transitoires nécessaires et les adaptations requises des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne font l'objet d'un accord entre le pays candidat et les Etats membres. Pour entrer en vigueur, l'accord nécessite la ratification de tous les Etats contractants selon leurs règles constitutionnelles respectives. Afin d'éviter que le processus d'élargissement ne freine l'approfondissement de l'intégration européenne, l'adhésion devrait être accompagnée par une réforme des institutions et de certaines politiques de l'Union. Le document Agenda 2000 de 1997 a permis de réorienter les politiques agricole et structurelle, ainsi que les aides de pré-adhésion et les perspectives financières de l'Union, de façon à ce qu'elles prennent en considération le défi de l'élargissement. En ce qui concerne les questions institutionnelles liées à l'élargissement, un protocole sur les institutions, annexé au Traité sur l'U.E. suite à l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, a prévu la convocation avant tout élargissement d'une conférence intergouvernementale (C.I.G.). La C.I.G. qui s’est ouverte le 15 février 2000 a adopté comme principe la nécessité de procéder à des réformes institutionnelles comme préalable à tout élargissement. Il s’agit de prévenir la paralysie du processus de décision à l’intérieur d’une Union à vingt-sept ou trente membres. Parmi les questions examinées: - la révision du système de pondération des voix ; - l’extension du domaine des votes à la majorité qualifiée ; - la nouvelle répartition des sièges à la Commission dans une Union à vingt-sept (15 + 12). 57 La C.I.G. a conclu ses travaux le 11 décembre 2000 à Nice par un accord sur les questions institutionnelles qui n’avaient pas été réglées à Amsterdam. Le Conseil européen de Nice a adopté une « position commune » à propos de la répartition des sièges au Parlement européen, de la composition de la nouvelle Commission, de la pondération des voix au Conseil, de la composition du Comité économique et social ainsi que du Comité des régions pour une Union à vingt-sept membres52. Le Traité de Nice fixe les principes et méthodes d’évolution des institutions communautaires pendant le processus d’élargissement53. Une procédure de sanctions est prévue pour tout Etat qui faillirait à ses obligations communautaires. En effet, Le Traité d’Amsterdam a prévu (Art.7) que le Conseil peut suspendre certains droits d’un Etat membre, y compris le droit de vote, s’il constate une violation grave et persistante par cet Etat des principes sur lesquels est fondée l’Union (liberté, démocratie, respect des droits de l’homme, Etat de droit). L’adhésion de dix nouveaux Etats membres le 1er mai 2004 a élargi les frontières de l’U.E. dotant celle-ci de nouveaux voisins qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union, les pays de la rive sud de la Méditerranée et les anciennes républiques soviétiques (Russie, Ukraine et Biélorussie). § 2 – Le Partenariat Euro-méditerranéen L’U.E. a organisé ses relations avec les Etats tiers, c’est à dire les pays qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union. La « Nouvelle politique de voisinage » s’adresse potentiellement à une vingtaine d’Etats situés à l’est (Biélorussie, Ukraine, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) et au sud de l’U.E. (Algérie, Egypte, Israël et Autorité palestinienne, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie et Tunisie) même si tous n’ont pas été retenus dans un premier temps. La Russie n’est pas concernée puisqu’elle est déjà liée à l’Union par d’autres accords, qui ont institué un « partenariat stratégique ». A. La « Nouvelle politique de voisinage » Après une phase d’évaluation, des plans d’action, un « partenariat privilégié » sera proposé à ces pays sous forme d’accords européens de voisinage, qui iront au-delà d’une ouverture partielle du marché intérieur et tendront à une plus grande intégration économique. 52 Pour les détails se reporter au chapitre précédent sur les institutions. 53 Le Traité de Nice est complété par un Protocole sur l’élargissement et des déclarations annexées sur la « position commune » que les Etats membres prendront lors des négociations d’adhésion avec les pays candidats. 58 Ces pays se voient offrir, à défaut d’une adhésion des liens privilégiés qui leur procurent au moins une partie des avantages obtenus par les nouveaux venus. Ainsi, ils pourront prendre part à des actions communes dans plusieurs domaines, en particulier politique, économique et judiciaire : . Politique : lutte contre le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive ; . Economique : transport, énergie, environnement, possibilité de participer au marché intérieur de l’Union par le rapprochement des législations ; . Justice : collaboration à la gestion des frontières, la lutte contre la criminalité organisée, le trafic d’êtres humains ou le blanchiment d’argent. Des programmes communs seraient également prévus pour l’éducation et la recherche. Ces programmes seront adaptés en fonction des besoins et de la capacité des pays concernés. Un nouvel instrument financier sera mis en place à partir de 2007. Il permettra d’augmenter de 800 milliards d’euros par an les sommes consacrées à la politique de voisinage qui devraient s’élever à environ à environ 1 milliards d’euros entre 2004 et 2006. En échange d’un « partenariat privilégié », les Etats concernés devront prendre des engagements en faveur de la démocratie, des droits de l’homme, de l’économie de marché. Il s’agit de l’Ukraine, de la Moldavie, de la Biélorussie et des partenaires du Processus de Barcelone. La politique de voisinage pourrait à termes remplacer un autre partenariat que l’U.E. a développé depuis 1995 avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. B. Le Processus de Barcelone La Méditerranée qui constitue le voisinage immédiat de l’Europe a fait l’objet d’une stratégie de coopération prioritaire : le Processus de Barcelone. La Méditerranée sera à la fois la mare nostrum de Rome marquant la symbiose des civilisations antiques (grecque, phénicienne, égyptienne, mésopotamienne, carthaginoise...) mais aussi la frontière sanglante des croisades et de la colonisation. Après les indépendances des États arabes, les pays européens et en particulier la France, l’Italie et l’Espagne ont noué des rapports économiques étroits avec leurs voisins Maghreb. De bilatérale, cette coopération 59 s’est progressivement multilatéralisée sous l’égide de la C.E.E. puis de l’U.E. Un nouveau type de coopération globale visant à construire une zone de libre-échange (à l’horizon 2010) dans le pourtour méditerranéen est lancé par l’U.E. La Conférence de Barcelone (26-27 novembre 1995) réunissant les dirigeants de 27 États d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient a adopté une déclaration et un programme d’action pour le Partenariat Euro-méditerranéen (PEM). Cinq autres conférences de suivi du Partenariat se sont tenues à Malte (avril 1997), Stuttgart (avril 1999), Marseille (novembre 2000), Valencia (avril 2002) et Naples (décembre 2003), La Haye (décembre 2004). Le premier Sommet du Partenariat Euro-Med s’est tenue à Barcelone les 28-29 novembre 2005. Du fait de l’élargissement de l’U.E. le Processus de Barcelone concerne aujourd’hui 35 Etats : les 25 + 10 partenaires méditerranéens : Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie et territoires palestiniens. Présenté par certains comme une initiative historique d’importance équivalente à ce que fut le processus d’Helsinki pour la réconciliation Est/Ouest, le Partenariat Euroméditerranéen repose comme la C.S.C.E. sur trois corbeilles : . Coopération politique et de sécurité : droits de l’homme, lutte contre le terrorisme54 et l’immigration clandestine ; . coopération économique et financière : des accords d’association organisant les échanges commerciaux entre l’U.E. d’une part et d’autre part 8 pays de la rive sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Jordanie, Israël, Liban et Syrie) 55 avec l’objectif d’une zone de libre échange Euro-méditerranéenne pour 2010 ; . Coopération sur le plan social, humain et culturel : dialogue des civilisations. La structure institutionnelle repose sur la Conférence des ministres des Affaires étrangères, la réunion des hauts fonctionnaires à Bruxelles et l’Assemblée parlementaire Euroméditerranéenne. Celle-ci s'est réunie pour la première fois en mars 2004. Elle se compose de 240 députés, dont 75 issus des Parlements des 25 Etats membres de l'Union européenne, 45 du Parlement européen et 120 des Parlements des 10 Etats méditerranéens partenaires. L’effort de modernisation et de réforme des pays partenaires est soutenu par une assistance financière de l’U.E. dans le cadre du Programme MEDA et de prêts de la Banque européenne d’investissement, la BEI.56 Entre 1995 et 2006, cette assistance financière s’est élevée à 21 milliards d’Euros, soit 9 milliards au titre de MEDA et 12 milliards au titre de la BEI. 54 Un code de conduite de lutte contre le terrorisme a été adopté le 29 novembre 2005. 55 A ce jour la Syrie n’a pas encore d’accord d’association avec l’U.E. (en négociation) 56 Décision du Conseil européen de Cannes en juin 1995. 60 Quel bilan ? Depuis son lancement il y’a dix ans le Partenariat Euro-méditerranéen est un relatif échec. Il comporte de sérieux disfonctionnements : . Ecart croissant de niveau de développement entre les deux rives : au cours de la décennie 90, le PNB par habitant de l’U.E. des 15 est passé de 20 000 à plus de 30 000 dollars et celui des 10 nouveaux Etats membres de 6000 à 15 000 dollars ; dans le sud de la Méditerranée, le revenu par habitant a stagné à 5000 dollars57 ; . Processus de modernisation et de réformes économiques et politiques trop lent au sud ; . Vision libre-échangiste du Partenariat et saupoudrage de l’assistance européenne ; . Persistance du conflit israélo-palestinien et absence de solutions aux conflits sous régionaux (Chypre, Sahara occidental) ; . Compétition U.E.- E.U. dans la région, les Etats-Unis étant une « puissance méditerranéenne de facto » par sa prédominance diplomatique et militaire notamment au Proche-Orient. 57 Chiffres fournis par l’U.E. in 7 jours d’Europe, n°616, 5 décembre 2005. 61 DEUXIEME PARTIE: LES AUTRES ACTEURS INSTITUTIONNELS EN EUROPE On a vu comment l’Union européenne s’est érigée progressivement au cours du dernier demi-siècle en principal cadre de la coopération intergouvernementale en Europe ; l’objectif allant bien au-delà de la simple coopération pour puisque l’U.E. est devenue le « moteur » de l’intégration européenne. Mais, le continent européen a vu se développer les activités et les programmes de plusieurs organisations de coopération intergouvernementale embrassant tous les domaines des relations internationales : économie et finance, défense et sécurité, etc. Il n’est évidemment pas question ici de faire l’inventaire des nombreux acteurs intergouvernementaux qui existent et agissent sur le continent. Toutefois, il s’impose de connaître ceux qui par leur action ont contribué de manière décisive à un affermissement des rapports entre les nations européennes dans des domaines aussi variées que les droits de l’homme, la défense collective, le règlement pacifique des différends, le commerce. Dans cette perspective, on distinguera les organisations dont l’action est de nature politique et économique au sens large des termes. On examinera ensuite celles dont les compétences sont plus spécifiques en ce qu’elles visent la défense collective et plus généralement la sécurité du continent. CHAPITRE I : LES ORGANISATIONS DE COOPERATION POLITIQUE ET ECONOMIQUE Immédiatement après la fin de la deuxième Guerre mondiale, le besoin d’un nouveau cadre de coopération politique et diplomatique entre Etats européens en vue de garantir la paix, reconstruire l’Europe et prévenir la guerre s’est fait sentir. Les propositions et idées qui sont alors lancées sur l’initiative de gouvernements, de personnalités ou de milieux associatifs débouchent sur la mise en place d’une structure de coopération politique, le Conseil de l’Europe. L’objectif était de construire l’Europe autour des principes de la démocratie et des droits de l’homme. Cet objectif ne pouvait être réalisé sans la reconstruction des économies dévastées par la guerre. Le Plan 62 Marshall proposé par les Américains aux Européens sera à l’origine de la création de l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E. devenue O.C.D.E.). Section 1 : Le Conseil de l’Europe Les composantes du mouvement fédéraliste se sont réunies à La Haye du 7 au 10 mai 1948 en Congrès de l’Europe. Il fut notamment proposé d’élire une assemblée constituante européenne sur la base d’un député pour un million d’habitants. Une négociation en ce sens entre les gouvernements français, britannique et du Benelux ne permit pas d’adopter ce projet. En fait, deux thèses s’affrontaient : celle des fédéralistes partisans de l’intégration de l’Europe par la mise en place d’institutions supranationales dont une assemblée élue au suffrage universel (France et Belgique)58, et celle qui prône une coopération intergouvernementale respectueuse de la souveraineté des Etats (Royaume-Uni). Le compromis qui fut finalement adopté à Londres en mars 1949 prévoit un Comité des Ministres et une assemblée consultative dont les membres seraient désignés par les gouvernements au sein d’une nouvelle organisation européenne, le Conseil de l’Europe. Ce compromis, en refusant tout pouvoir réel à ces organismes se rapprochait plus des vues anglaises que de celles de la France. Le Traité constitutif du Conseil de l’Europe fut adopté le 5 mai 1949 59 par dix États (Benelux, Danemark, Irlande, Italie, France, Suède, Norvège et Royaume-Uni). En dépit de pouvoirs limités, le Conseil de l’Europe est devenu avec l’adhésion des pays d’Europe centrale et orientale, la seule organisation à l’échelle continentale. Aujourd’hui, il rassemble 46 États du fait notamment de l’adhésion 21 pays d’Europe centrale et orientale à partir de 1989 (la Russie y a été admise en 1996 et la Géorgie en 1999)60. Depuis sa fondation, le Conseil de l’Europe se veut le « gardien de la sécurité démocratique » fondée sur les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, les droits de l’homme et les libertés fondamentales étant qualifiés de « patrimoine commun des peuples européens » (art.5 du traité constitutif). § 1 - Le gardien de la sécurité démocratique Le Conseil de l’Europe est à l’origine de l’adoption de 196 accords dans des domaines de la démocratie, de l’état de droit et des droits de l’homme, questions pour lesquelles, il a accompli une oeuvre normative considérable. On citera en particulier: 58 Proposition du ministre français des Affaires étrangères, Georges Bidault du 19 juillet 1948. 59 Il entra en vigueur le 3 août 1949. 60 La Biélorussie a fait acte de candidature. Cinq Etats ont le statut d’observateurs : le Canada, les Etats-Unis, le Japon, le Mexique et le Vatican. 63 - La Charte sociale européenne (1961 révisée en 1996) protégeant les droits des travailleurs; comportant quatre protocoles additionnels; - la Convention européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre (1974); - la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (1987) et deux protocoles additionnels; - la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1994); - la Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant (1996). - la Convention européenne sur les droits de l’homme et la biomédecine, Convention européenne de bioéthique (1994)61. Pour réaliser son mandat du Conseil de l’Europe fut mis en place un mécanisme institutionnel souple comportant trois types d’organes : le Comité des ministres, le Secrétariat et l’Assemblé parlementaire. Le Comité des ministres C’est un organe exécutif au niveau des ministres des affaires étrangères (art.15) qui se réunit au moins deux fois par an. Le Comité est une instance diplomatique intergouvernementale, seule compétente pour agir au nom du Conseil de l’Europe. Il adopte le programme d’activité de l’organisation, conclut les conventions élaborées dans le cadre du Conseil de l’Europe, élabore des résolutions, adresse des recommandations aux gouvernements, et surveille l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Les décisions s’y prennent soit à la majorité des deux tiers pour les questions de fonds (adhésion de nouveaux membres), soit à la majorité simple pour les questions de procédure. Les décisions portant sur des questions importantes énumérées à l’article 20 a) nécessitent l’unanimité des voix exprimées, les abstentions ne sont pas comptabilisées (recommandations aux gouvernements). Le Secrétariat Le Secrétariat est chargé d’assister le Comité des ministres et l’Assemblée parlementaire et à cet effet il est organisé en directions couvrant les domaines de compétences du Conseil de l’Europe: droits de l’homme, affaires politiques, affaires juridiques, affaires sociales et économiques...). Il est dirigé par un Secrétaire général (le Britannique Terry Davis depuis 2004) nommé pour un mandat de cinq ans renouvelable par l’Assemblé parlementaire sur proposition du Comité des ministres. Il est assisté de 61 Entrée en vigueur le 1er décembre 1999. 64 deux secrétaires généraux adjoints et de près de 1800 fonctionnaires internationaux. Le Secrétaire général assume à la fois une fonction politique (représente le Conseil de l’Europe à l’extérieur) et une fonction administrative classique (assure la direction de l’appareil administratif). Son indépendance est garantie par les statuts du Conseil de l’Europe. L’Assemblée parlementaire L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a un rôle essentiellement consultatif contrairement au projet franco-belge de 1948 qui visait à en faire une instance représentative élue directement par les peuples. Elle est composée de parlementaires désignés par les Etats membres62 du Conseil de l’Europe et issus des parlements nationaux. L’Assemblée parlementaire comprend aujourd’hui 630 membres répartis équitablement en représentants et suppléants. La distribution des sièges est fonction poids démographique des États membres. Comme au Parlement européen, les parlementaires se regroupent non selon la nationalité, mais en sensibilités politiques (groupe socialiste, groupe du parti populaire européen, groupe libéral, groupe de la gauche européenne unitaire). L’Assemblée parlementaire adopte des résolutions par vote destinées au Comité des ministres. Elle dispose d’un pouvoir de délibération sur toute question relevant du domaine de compétences du Conseil de l’Europe, y compris les questions d’actualité internationale. Parmi ses pouvoirs figure aussi l’élection du Secrétaire général du Conseil de l’Europe et des juges de la Cour européenne des droits de l’homme. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a institué un Commissaire aux droits de l’homme en mai 199963. Le Commissaire est élu par l’Assemblé parlementaire pour un mandat non renouvelable de six ans à partir d’une liste de trois candidats établie par le Comité des ministres64. Cette personnalité a pour mandat de promouvoir l’éducation et la sensibilisation aux droits de l’homme conformément aux instruments du Conseil de l’Europe. A cet effet, il peut adresser des rapports aux Etats membres, au Comité des ministres et à l’Assemblé parlementaire sur toutes questions pertinentes. Le Commissaire aux droits de l’homme est une instance non judiciaire dont les fonctions sont distinctes de celles remplies par le mécanisme institué par la Convention européenne des droits de l’homme. § 1 – La Convention européenne des droits de l’homme 62Article 25 du Statut. 63 Résolution (99) 50 du 7 mai 1999. 64 Le 21 septembre 1999, l’Assemblé a élu l’Espagnol Alvaro Gil-Robles pour occuper ce poste. 65 La Convention européenne des droits de l’homme constitue la principale réalisation normative du Conseil de l’Europe. Elle fut signée à Rome le 4 novembre 195065. La Convention consacrait d’une part une série de droits et libertés civils et politiques et mettait en place d’autre part un mécanisme juridictionnel supranational visant à garantir le respect par les Etats contractants. A. Les droits garantis La Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) proclame dans son préambule que les Etats membres du Conseil de l’Europe ont en charge un « patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit ». Elle affirme que le maintien de la justice et de la paix repose, d’une part, sur un « régime politique véritablement démocratique » et, d’autre part, sur un « commun respect des droits de l’homme ». La Convention a pour objectif à travers sa jurisprudence d’introduire dans les ordres juridiques nationaux un minimum commun de protection qu’elle définit, et que les Etats peuvent dépasser. Les droits garantis suivants démontrent que la CEDH s’inspire de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 en mettant l’accent sur la protection des droits civils et politiques : - le droit à la vie (art.2); - l’interdiction de la torture ainsi que des peines et traitements inhumains et dégradants (art.3): - le droit à la liberté et à la sûreté (art.5); - le droit à un procès équitable indépendant et impartial (art.6); dans un délai raisonnable devant un tribunal - le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance (art.8) ; - la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9); - la liberté d’expression (art. 10); - l’interdiction des discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention (art. 14). Remarque: la Cour de Justice des Communautés européennes de Luxembourg a accepté de s’inspirer des normes de la CEDH: “Le respect des droits fondamentaux (de 65 Elle est entrée en vigueur le 3 septembre 1953. La France a adhéré tardivement à la Convention (1974) et au mécanisme de requête individuelle qu’elle organise (1981). 66 la personne) fait partie intégrante des principes généraux de droit dont la Cour de Justice assure le respect”, Affaire Internationale Handelsgesellschaft, n°11/70, 17/12/70). Le système de la Convention fut renforcé et amendé à plusieurs reprises par 13 protocoles additionnels. Les protocoles 1, 4, 6 et 7 visent à élargir la liste des droits garantis par la Convention (notamment droit au respect de la propriété, droit à l’instruction, liberté de circulation et d’établissement sur le territoire national, abolition de la peine de mort, garanties procédurales en cas d’expulsion d’étrangers). Les protocoles 2, 3, 5, 8, 9 et 10 visent rationaliser le traitement des requêtes. Le Protocole 11 a restructuré le mécanisme de contrôle en remplaçant l’ancien système de la Commission et de la Cour par une Cour unique des droits de l’homme66. Les Protocoles 12 & 13 concernaient l’organisation des institutions mises en place par la Convention et la procédure devant être suivie devant eux. Enfin, un Protocole 14 qui n’est pas encore en vigueur vise à améliorer les méthodes de travail et les procédures de la Cour face à l’augmentation considérable des requêtes67. B. Le mécanisme de contrôle de la protection L’intérêt de la Convention européenne des droits de l’homme réside dans l’institutionnalisation d’un mécanisme de recours juridictionnel supranational auprès de la Cour européenne des droits de l'homme et, accessoirement devant le Comité des ministres du Conseil de l’Europe. 1. L’organisation de la Cour La Cour est composée de 45 juges, soit un par Etat membre du Conseil de l’Europe. Ils sont élus par l’Assemblé parlementaire pour un mandat de 6 ans renouvelable. Ils sont choisis parmi les juristes jouissant d’une grande notoriété et d’une grande compétence. Ils sont soumis à l’exigence d’indépendance et d’impartialité. Ils bénéficient des privilèges et immunités dans l’exercice de leur fonction. Les juges sont assistés d’un greffe qui assure la rédaction des actes de procédure et la publication des travaux de la Cour. La Cour en session plénière des juges a une fonction administrative: adoption du règlement intérieur, élection du Président, des vice-présidents, du greffier et des présidents de chambres, constitution de ces chambres. D’après son règlement, la Cour se divise en 66 Il entré en vigueur le 1er novembre 1998. 67 Le nombre de requêtes enregistrées est passé de 5 979 en 1998 à 13 858 en 2001, soit une hausse de 130 % environ. 67 quatre sections, dont la composition, fixée pour trois ans, doit être équilibrée tant du point de vue géographique que du point de vue de la représentation des sexes et tenir compte des différents systèmes juridiques existant dans les Parties contractantes. Des comités de trois juges sont constitués pour une période de 12 mois au sein de chaque section. Dans l’examen des affaires qui lui sont soumis, la Cour peut se réunir en comité de trois juges, en Chambres et en Grande Chambre: - le Comité de trois juges exerce une fonction de filtrage des requêtes; - les chambres de 7 juges dont le juge élu au titre de l’Etat parti au litige se prononcent sur la recevabilité et le fonds des requêtes individuelles et étatiques; - la Grande chambre de 17 juges (dont le Président de la Cour, les vices présidents, les présidents de chambre et le juge élu au titre de l’Etat parti au litige) se prononce sur les affaires soulevant des questions graves relatives à l’interprétation de la Convention ou de ses protocoles ou pouvant créer une contradiction avec un arrêt antérieur. La Grande Chambre sert d’organe d’appel des décisions des chambres et remplit une fonction consultative à la demande du Comité des ministres (avis consultatif). Les décisions de la Cour revêtent le caractère contraignant de la chose jugée. Ces décisions sont prises à la majorité des membres. 2. La procédure devant la Cour Tout Etat contractant (requête étatique) ou tout particulier s’estimant victime d’une violation de la Convention (requête individuelle) peut adresser directement à la Cour de Strasbourg une requête alléguant une violation par un Etat partie de l’un des droits garantis par la Convention. Dans la pratique, le recours étatique (art. 33) est peu utilisé, une vingtaine de requêtes depuis l’entrée en vigueur de la Convention concernant une demi-douzaine d’affaires68. La procédure devant la Cour est contradictoire et publique, elle comprend une phase écrite (dépôt de mémoire) et une phase orale (audiences publiques). Chaque requête individuelle est attribuée à une section, dont le président désigne un rapporteur. Après un examen préliminaire de l’affaire, le rapporteur décide si celle-ci doit être examinée par un comité de trois membres ou par une chambre. Le requerrant doit démontrer qu’il est personnellement victime d’une violation de ses droits et doit avoir épuisé tous les recours internes. L’arrêt de la Cour va constater ou non la violation, indiquer à l’État concerné les modifications nécessaires de 68 La plupart de ces affaires ont fait l’objet d’un règlement politique ou d’un règlement à l’amiable, une seule a été portée devant la Cour (Irlande contre Royaume-Uni). 68 sa législation ou de sa jurisprudence pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise ou condamner celui-ci à verser des réparations à la victime (art. 50). Les arrêts de la Cour ont un caractère juridique contraignant pour les Etats concernés qui doivent s’y conformer (art. 46 § 1). Ce qui implique pour ces derniers de prendre toutes les mesure propre à mettre fin à la violation constatée par la Cour. Les arrêts de la Cour sont transmis au Comité des ministres qui est chargé d’en surveiller l’exécution (art.46 § 2). Il s’assure que la victime a bien perçu les réparations financières exigées par les juges et constate l’exécution de l’arrêt par une résolution. Pour éviter la répétition de condamnations similaires les Etats sont souvent amenés à modifier leur législation interne pour la rendre plus conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour peut également, à la demande du Comité des Ministres, donner des avis consultatifs sur des questions juridiques relatives à l’interprétation de la Convention. Section 2 : L’Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E.) L’Organisation de coopération et de développement économique (O.C.D.E.) est une des principales organisations intergouvernementales à vocation économique. Elle a succédé à l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.). Elle a progressivement perdu son caractère exclusivement européen avec l’adhésion des EtatsUnis, du Canada, du Japon, du Mexique et de la Corée du sud. § 1 - De l’O.E.C.E. à l’O.C.D.E. L’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.) a été crée par les accords de Paris du 16 avril 1948. Elle est l’émanation du Plan Marshall d’assistance économique et politique américaine à la reconstruction de l’Europe au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. Elle a fonctionnée jusqu’en 1959 pour être remplacée à partir de 1960 par l’O.C.D.E. Le 16 avril 1948, les pays européens bénéficiaires du Plan Marshall signaient la Convention de coopération économique européenne créant l’Organisation européenne de coopération économique (O.E.C.E.). De 16 Etats à l’origine (1948) l’O.E.C.E. passera à 18 Etats en 1959 avec l’adhésion de l’Espagne et de la R.F.A. Les Etats-Unis et le Canada bénéficiaient d’un statut d’observateurs. Les pays du bloc socialiste ayant refusé le Plan Marshall ne feront de ce fait pas parti de l’O.E.C.E. mais ils constitueront le 25 janvier 1949 leur propre organisation de coopération, le Conseil d’assistance 69 économique mutuelle (COMECON)69. L’O.E.C.E avait une structure tricéphale - le Conseil composé de tous les membres et statuant à l’unanimité; - le Comité exécutif composé de sept membres désignés chaque année par le Conseil; - le Secrétariat général dirigé par un Secrétaire général et deux adjoints. L’O.E.C.E. a crée des organismes ad-hoc (l’Union européenne des paiements devenue Accord monétaire européen) ou permanents (Agence européenne de l’énergie nucléaire ou A.E.N.) instituée par la Convention O.E.C.E. du 17 décembre 1957. La mise en place à partir de 1978 des institutions des communautés européennes allait compromettre le développement de l’O.E.C.E. Une nouvelle organisation va prendre le relais, c’est l’O.C.D.E. En effet, à la suite d’une initiative des Etats-Unis, de la France, de la R.F.A. et du Royaume-Uni il fut décidé de réformer l’O.E.C.E. Une nouvelle organisation est crée par la Convention de Paris du 13 décembre 196070. § 2 – Le Club des pays riches Avec l’adhésion des Etats-Unis et du Canada, l’O.C.D.E. n’est plus comme l’O.E.C.E. une organisation paneuropéenne. En 1960, elle comprenait vingt Etats (les dix-huit Etats membres de l’O.E.C.E., les Etats-Unis et le Canada). Elle compte aujourd’hui trente Etats membres suite à l’adhésion de dix nouveaux Etats dont cinq d’Europe (Finlande, Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie), un d’Amérique latine (Mexique), deux d’Asie (Japon et Corée) et deux d’Océanie (Australie et NouvelleZélande). Pour être membre, un Etat doit satisfaire à deux exigences : économie de marché et démocratie pluraliste. De fait, l’O.C.D.E. est moins une organisation européenne, qu’une organisation des pays industrialisés à économie de marché71. 69 Le COMECON sera dissout le 28 juin 1991. 70 Le Traité révisant la Convention de l’O.E.C.E. et créant l’O.C.D.E. est entré en vigueur le 30 septembre 1961. 71 Plus de 70 pays non membres sont associés aux travaux de l’O.C.D.E. parmi lesquels le Brésil, la Chine et la Russie. 70 A. Ses missions Organisation des pays développés à économie de marché et à systèmes politiques démocratiques, l’O.C.D.E. apporte une contribution à la régulation de la mondialisation. Elle remplit les missions suivantes: - promouvoir l’investissement international; - développer les échanges commerciaux; - assurer l’aide aux pays en développement; - coordonner les politiques économiques des Etats membres. L’O.C.D.E. intervient dans des domaines aussi variés que l’énergie, l’investissement, la recherche-développement, la pêche, l’agriculture, les transports, l’emploi, l’éducation ou l’environnement. Ce faisant, elle formule des recommandations aux Etats membres sur les moyens de mieux coordonner les politiques économiques. Elle élabore des règles communes en vue de développer le commerce mondial et de libéraliser les échanges internationaux, notamment des règles relatives à la fiscalité, à la concurrence, à la circulation des capitaux, aux investissements internationaux72. Dans le cadre du Comité de l’Aide au développement (C.A.D.), les membres de l’O.C.D.E., la Commission européenne, le F.M.I. et la Banque mondiale assurent la coordination de l’assistance aux pays en développement. L’O.C.D.E. a institué le Centre de développement et en 1990 le Centre pour la coopération avec les économies en transition permettant ainsi aux anciens membres du COMECON d’adhérer à l’Organisation (Hongrie, Pologne, Slovaquie et Tchéquie). Suite au choc pétrolier de 1973-1974, l’O.C.D.E. a crée l’Agence internationale de l’énergie (A.I.E.) conçue à l’origine comme un instrument pour réduire la puissance du cartel des pays pétroliers. L’A.I.E. est avec l’A.E.N., la deuxième agence de l’O.C.D.E. en matière énergétique. 72 Ces règles sont énoncées dans des accords O.C.D.E. 71 B. Ses organes Les organes de l’O.C.D.E. s’inspirent de la structure tripartite de l’O.E.C.E.: le Conseil des ministres, le Comité exécutif et le Secrétariat général. Le Conseil des ministres est le principal organe à caractère politique de l’O.C.D.E. C’est à son niveau que se prennent à l’unanimité les décisions ainsi que les recommandations et que sont adoptées les accords internationaux négociés dans le cadre de l’O.C.D.E. Il se réunit une fois par an au niveau ministériel (ministres des Affaires étrangères, ministres de l’Economie et des finances, ministres du Commerce extérieur) et deux fois par mois au niveau des représentants permanents. Le Comité exécutif est l’émanation du Conseil qui en désigne les quatorze membres représentants des Etats. Sept Etats y disposent d’un siège permanent (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni), les autres sont renouvelés chaque année. Comme son appellation l’indique, cet organe est chargé d’exécuter les décisions du Conseil des ministres et de l’assister pour la préparation de ses travaux. Il assure également la coordination des comités et groupes de travail institués par l’Organisation. Le Secrétariat général dont le siège est à Paris est chargé de la gestion administrative de l’Organisation et d’assister le Conseil73. Il est dirigé par un Secrétaire général désigné pour un mandat de cinq ans renouvelable, lui-même assisté de deux secrétaires généraux adjoints. Le Secrétaire général (M. Gurria depuis novembre 2005) assure notamment la présidence des réunions bimensuelles du Conseil au niveau des représentants permanents. L’O.C.D.E. a crée plusieurs organes subsidiaires chargés des questions techniques (plus de 200) sous la forme de Comités ou de groupes de travail. Ils sont chargés dans les différents domaines de compétences de l’O.C.D.E. d’éclairer et d’assister les prises de décision de l’Organisation (études, propositions). Ils sont composés de représentants des Etats membres et d’experts indépendants. Les organes autonomes crées dans le cadre de l’O.E.C.E. comme l’A.E.N. sont rattaché à l’O.C.D.E. au même titre que le Comité d’aide au développement et l’A.I.E. 73 Le Secrétariat emploi environ 2300 agents. 72 CHAPITRE II : LES ORGANISATIONS DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE La fin de la Deuxième Guerre mondiale et le début de la Guerre froide vont être l’occasion de la mise en place de nouvelles organisations de sécurité et de défense collective en Europe. Ces organisations, l’Union de l’Europe occidentale (U.E.O.) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (O.T.A.N.) apparaissent comme des alliances des Etats occidentaux face à ce qui était perçu comme la « menace soviétique ». La fin de la Guerre froide symbolisée par la chute du Mur de Berlin en novembre 1989 a une influence majeure sur l’architecture de sécurité en Europe. Les causes de l’effondrement du camp socialiste sont essentiellement d’ordre idéologique, économique et stratégique : Les causes idéologiques sont liées à l’affaiblissement du régime soviétique, un processus qui a débuté bien avant 1991. En effet, la dictature stalinienne a révélé les limites d’un système politico-idéologique qui ne pouvait survivre que grâce au maintien et au renforcement d’un appareil militaro-policier de plus en plus coûteux ; Les causes économiques sont fondamentales. En dépit d’un effort de développement industriel et technologique remarquable, l’U.R.S.S. ne parvenait pas à assurer à sa population un niveau de vie comparable à celui des pays à économie de marché. L’économie soviétique est handicapée par des problèmes structurels (faible productivité, pénurie chronique, bureaucratie). L’Union soviétique n’avait aucune prise sur le système financier international et le commerce mondial contrôlé par les puissances occidentales, alors qu’elle a un besoin croissant de crédit. De plus, la tentative visant à mettre en place un marché des pays socialistes (COMECON) est un échec, l’U.R.S.S. étant condamnée à soutenir les économies fragiles des alliés (fourniture d’énergie à bon marché, pratique de la compensation) toujours tentés par la coopération avec les puissances capitalistes. Les causes stratégiques sont déterminantes car la course aux armements entre les deux superpuissances représentait un poids financier de plus en plus insupportable pour l’U.R.S.S., surtout à partir des années quatre-vingt. Elu sous le slogan, « l’Amérique est de retour », le Président Ronald Reagan a engagé une politique de réarmement massif (Initiative de Défense Stratégique ou « guerre des étoiles ») qui contribua à essouffler davantage le rival soviétique. L’échec humiliant de l’Armée Rouge en Afghanistan (1979-1988) avait déjà marqué un coup d’arrêt à l’expansion du model soviétique dans le monde. Ayant consenti à la réunification de l’Allemagne, ayant abandonné son glacis européen (dissolution du Pacte de Varsovie), réduite pratiquement aux frontières historiques de l’Empire russe du XVIIIème siècle, elle n’exerce plus avec les États-Unis la « co-gestion » des affaires du monde. 73 Historiquement les États-Unis ont joué un rôle crucial dans la création des principales organisations de sécurité et de défense en Europe comme l’O.S.C.E. Ils imprègnent de leurs marques l’O.T.A.N. Section 1 : L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (O.S.C.E.) L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.) est la plus grande organisation paneuropéenne par le nombre d’Etats membres. En effet, ils étaient 55 Etats en 2004 dont 27 anciennes nations du « camp socialiste ». Mais, elle n’est pas une organisation exclusivement européenne puisque les Etats-Unis et le Canada y participent à part entière. Cette situation s’explique par le contexte historique qui a présidé au lancement de la C.S.C.E. au milieu des années soixante-dix en vue de pacifier les relations Est-Ouest de Vancouver à Vladivostok. § 1 - De la C.S.C.E. à l’O.S.C.E. La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (C.S.C.E.) lancée dès 1973 fut le symbole de la coexistence pacifique en Europe. Le Processus d’Helsinki qui durera plus de deux décennies voit la C.S.C.E. s’imposer comme un cadre incontournable du dialogue Est-Ouest. La chute du Mur de Berlin fut l’occasion d’un renforcement du processus C.S.C.E. par voie d’institutionnalisation. On parle désormais de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.). A. Le Processus d’Helsinki L’idée d’une conférence paneuropéenne sur la sécurité a été avancée pour la première fois en 1954 par l’Union Soviétique. Mais, le projet fut accueilli avec méfiance par les Etats membres de l’O.T.A.N. qui craignaient une manœuvre soviétique pour les diviser en découplant la sécurité européenne de la sécurité atlantique. La proposition fut relancée par le Pacte de Varsovie au milieu des années soixante. L’amorce de la coexistence pacifique - concrétisée par les premiers accords américanosoviétiques de désarmement (Traité de Moscou sur les essais nucléaires en 1963, accords SALT 1 et SALT II en 1969 et 1972) - ayant réduit la tension Est-Ouest, les Occidentaux répondent positivement à la proposition. Les premières réunions de la C.S.C.E. eurent lieu dès 1973 à Genève avec la participation de 35 Etats. La conclusion de ces réunions Est-Ouest sera l’adoption de l’Acte final d’Helsinki (le 1er août 1975). Le Document d’Helsinki marque l’acte de 74 naissance de la C.S.C.E. Cette dernière est une conférence diplomatique associant les États membres des deux alliances rivales dans un long exercice (vingt ans) visant à codifier des relations pacifiques en Europe. L’objectif est d’établir un système européen de sécurité collective fondé sur une triple dimension : politique et de sécurité (mesures de confiance), économique, et humaine (droits de l’homme). A Helsinki, les 35 Etats participants ont convenu de tenir des réunions périodiques multilatérales en vue de se concerter sur l’application des dispositions de l’Acte final. Parmi ces dispositions on mentionnera les dix principes ou « décalogue » devant régir les rapports entre les participants à la C.S.C.E.: 1. égalité souveraine et respect des droits inhérents à la souveraineté; 2. non-recours à la menace ou à l’emploi de la force; 3. inviolabilité des frontières; 4. intégrité territoriale des Etats; 5. Règlement pacifique des différends; 6. non-intervention dans les affaires intérieures; 7. respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales; 8. égalité des droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes; 9. coopération entre Etats; 10. exécution de bonne foi des obligations internationales. L’Acte final d’Helsinki, code de conduite pour les relations Est-Ouest en Europe reprend dans le « décalogue » les principes classiques des relations internationales déjà codifiés dans la Charte des Nations-Unies et dans certains traités internationaux. La C.S.C.E. a grandement contribué à l’apaisement des rapports Est-Ouest en Europe et à l’ouverture des régimes communistes à travers un vaste « marchandage diplomatique » portant sur la promotion des droits de l’homme (la troisième corbeille d’Helsinki) et la coopération économique et financière (deuxième corbeille). La C.S.C.E. est un processus fondé sur des réunions périodiques entre les représentants des Etats participants (ministres, ambassadeurs, experts). Au cours de ces réunions de la C.S.C.E. plusieurs décisions furent adoptées visant le renforcement de la confiance et la prévention d’un conflit Est - Ouest. C’est dans ce cadre que furent élaborées les « mesures de confiance » (M.D.C.) et les « mesures de confiance et de sécurité » (M.D.C.S.). Les premières consistent à notifier les manœuvres militaires au-delà d’un certain seuil et à inviter des observateurs étrangers à ces manœuvres. Quant aux M.D.C.S. elles tendent essentiellement à limiter et réduire les forces armées et les 75 armements déployés par chaque Etat. La chute du Mur de Berlin et l’éclatement de l’U.R.S.S. va se traduire par une redéfinition des missions de la C.S.C.E. Le processus d’Helsinki va évoluer en deux temps. Le 21 novembre 1990 les pays participants adoptent la Charte de Paris pour une nouvelle Europe qui tout en réaffirmant le « décalogue » d’Helsinki, insiste sur la promotion de la démocratie et des droits de l’homme comme valeurs communes du continent. Le 6 décembre 1994, le Sommet des Etats participants au processus d’Helsinki réunit à Budapest décide d’institutionnaliser la C.S.C.E. en créant l’O.S.C.E. B. L’institutionnalisation du Processus d’Helsinki La fin de la Guerre froide a favorisé le processus d’institutionnalisation de la C.S.C.E. et sa transformation en Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (O.S.C.E.). L’O.S.C.E. est un forum de consultation et de négociation. Son siège se trouve à Vienne, mais elle possède des bureaux à Copenhague, Genève, La Haye, Prague et Varsovie. L’O.S.C.E. est composé de plusieurs organes où s’élaborent les décisions de l’Organisation. Les organes de négociation et de décision doivent être distingués des structures purement opérationnelles. Dans les organes de négociation et de décision on distinguera la conférence des chefs d’États et de gouvernements, le Conseil des ministres des Affaires étrangères, le Comité des hauts fonctionnaires, le Conseil permanent, l’Assemblé et le Secrétariat. Les sommets des chefs d’États et de gouvernements participants à l’O.S.C.E. sont organisées périodiquement (tous les deux ans) en vue de définir les orientations politiques générales et d’évaluer les réalisations du processus. Le premier Sommet réuni à Helsinki (juillet - août 1975) est historique parce qu’il marque le lancement du processus de la C.S.C.E et l’adoption de l’Acte final qui codifie les rapports Est-Ouest. Le Sommet de Paris (novembre 1990) adopta la Charte pour une nouvelle Europe qui consacre la fin de la guerre froide, celui de Budapest (décembre 1994) créa l’O.S.C.E. tandis que celui d’Istanbul adopta la Charte de sécurité européenne (novembre 1999). Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères est l’organe principal de décision de l’O.S.C.E. Il se réunit généralement tous les semestres. Il est le lieu indiqué pour les consultations au niveau politique entre les Etats membres. Les décisions du Conseil des Ministres sont transmises pour exécution aux autres organes et en particulier au Comité des hauts fonctionnaires. La présidence du Conseil des ministres est assurée par le pays d’accueil (présidence tournante). Le Conseil peut créer des organes ad-hoc afin d’examiner certaines questions importantes nécessitant un examen urgent. 76 Le Comité des hauts fonctionnaires (C.H.F.) est constitué par les représentants des Ministres des Affaires étrangères (directeurs des affaires politiques au ministère). Le C.H.F. tient des sessions régulières tous les trois mois et des sessions extraordinaires en cas de d’urgence. Sa principale fonction est de préparer les réunions du Conseil des ministres et d’exécuter leurs décisions. Ce pouvoir exécutif lui est conféré par son rôle de coordination des organes de l’O.S.C.E. Le C.H.F. a des compétences étendues en matière de gestion des crises qui affectent ou pourraient affecter le continent européen (Balkans). Le Comité exerce aussi des compétences sur le plan économique et en particulier pour l’aide à la transition économique aux anciens pays communistes. C’est à ce titre qu’il se réunit en Forum économique chaque année à Prague. Le Conseil permanent est composé des représentants permanents des Etats membres de l’O.S.C.E. Il est en charge de la gestion quotidienne et de l’exécution des décisions sous le contrôle du C.H.F. Il est ainsi le véritable organe de suivi des actions de l’Organisation. A cet effet, il se réunit chaque semaine à Vienne, mais des réunions informelles entre délégations se tiennent également au niveau du Conseil permanent. L’Assemblée est composée de 317 parlementaires représentant les Parlements des 55 Etats membres de l’Organisation. Le nombre de siège à l’Assemblé attribué à un pays est proportionnel à sa population. Le secrétariat de l’Assemblé se trouve à Copenhague. L’Assemblé tient une session annuelle chaque fois dans une capitale différente. Son président a toujours la nationalité du pays d’accueil (l’Américain Alece Hastings en 2004). Elle peut engager des délibérations sur toutes les questions abordées par les chefs d’Etat et de gouvernement ou par le Conseil des ministres ou tout autre organe de l’O.S.C.E. Elle informe les parlements nationaux des activités de l’Organisation. Elle joue un rôle non négligeable notamment dans le contrôle des élections auprès des pays ayant sollicité à cet effet l’assistance de l’O.S.C.E. Le Secrétariat dont le siège est à Vienne est dirigé par le secrétaire général nommé par le Conseil des ministres pour un mandat de trois ans (l’Ambassadeur Marc Perrin de Brichambaut a été élu en juin 2004). Il assiste le Président en exercice de l’O.S.C.E. (Chairman in Office). Il assume l’organisation des réunions et des conférences de l’O.S.C.E. Il représente l’O.S.C.E. à l’extérieur et dirige l’administration de l’Organisation dont le siège est à Vienne. Il dirige ainsi plusieurs services qui lui sont directement rattaché notamment le Centre de prévention des conflits, le département de l’administration et du budget, le département des conférences, le service documentation et informations et l’Office de liaison pour l’Asie Centrale. Des institutions spécialisées à caractère opérationnel ont été crées : le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme, le Haut Commissaire pour les minorités nationales auxquels s’ajoute un instrument de règlement pacifique des différends, la Cour de Conciliation et d’arbitrage. 77 Le Bureau des Institutions démocratiques et des droits de l’homme (B.I.D.H.) est une composante essentielle du mécanisme de la dimension humaine de l’O.S.C.E.74 au même titre que le Haut Commissariat pour les minorités nationales. Le B.I.D.H. trouve son origine dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe (1990) qui établit un Bureau pour les élections libres à Varsovie. Crée en 1992, le B.I.D.H. fournit un soutien à la consolidation des institutions démocratiques, à la promotion des droits de l’homme ainsi qu’au renforcement des sociétés civiles et contribue à la prévention des conflits en contrôlant l’application des engagements étatiques dans ce domaine. Il fournit une assistance technique aux pays en voie de démocratisation consistant notamment en l’observation des élections, l’assistance pour la rédaction des lois, la formation des personnels de l’appareil judiciaire et pénitentiaire, l’éducation aux droits de l’homme. Son Directeur est élu pour un mandat de 3 ans (l’Autrichien Christian Strohal a été élu en mars 2003). Des pays d’Europe del’Est ont bénéficié de l’assistance technique dans le cadre de la dimension humaine de la sécurité de l’O.S.C.E. (Arménie, Bosnie, Croatie, Georgie, Kosovo, Moldavie, Ouzbékistan, Russie et Ukraine). Le Haut Commissaire pour les minorités nationales (H.C.M.N.) a été crée en 1992 avec siège à La Haye pour surveiller le respect par les Etats membres de l’O.S.C.E. des droits des minorités. Il s’agit de prévenir et de répondre de toute urgence aux tensions ethniques qui pourraient dégénérer en conflits majeurs. Le H.C.M.N. est donc un instrument essentiel de la diplomatie préventive qui vise à identifier les tensions ethniques qui peuvent menacer la stabilité, la paix et les relations entre les Etats membres de l’O.S.C.E. Le Haut Commissaire élu pour un mandat de 3 ans (le Suédois Ralph Ekeus élu en juillet 2001 et réélu en 2004) peut organiser des missions sur le terrain pour mieux s’informer de la situation. Ainsi, il est intervenu sur les questions des minorités nationales en Albanie, en Croatie, en Estonie, en Hongrie, au Kazakhstan, au Kirghizstan, en Lettonie, en Roumanie, en Slovaquie, en Macédoine, en Ukraine ainsi que pour la protection des Romes. La Cour de conciliation et d’arbitrage a été instituée par la Convention relative à la conciliation et à l’arbitrage adoptée à Stockholm le 15 décembre 199275. Cette Convention a crée un mécanisme de règlement pacifique des différends entre les Etats membres de l’O.S.C.E. : la Cour de conciliation et d’arbitrage. La Cour qui siège à Genève est un organe ad-hoc qui est présidée depuis 1995 par Robert Badinter. Elle se réunit en cas de litige soit en tant que Commission de conciliation soit en tant que Tribunal arbitral. Les membres de la Cour de conciliation et d’arbitrage sont choisis par les parties sur une liste d’éminents juristes figurant sur le registre de la Cour. Ainsi, tout différend surgissant en Europe entre les Etats membres est obligatoirement soumis à une commission de conciliation (mécanisme de La Valette élaboré en janvier 1994). En cas d’échec de la proposition de la Commission, l’affaire est transmise au Tribunal arbitral pour trancher le litige. Les décisions du Tribunal ont un caractère 74 Le mécanisme de la dimension humaine de la sécurité a été mis en place à Vienne en 1989 puis amélioré par la suite. Il est l’émanation de la troisième corbeille de l’Acte final d’Helsinki (1975) sur les droits de l’homme. 75 Elle est entrée en vigueur le 5 décembre 1994. 78 exécutoire pour les parties. Aujourd’hui l’O.S.C.E. s’est imposé comme une organisation paneuropéenne de sécurité incontournable dont l’aire géographique de compétence s’étend de Vancouver à Vladivostok. Ses réalisations en faveur de la prévention des conflits et du renforcement de la stabilité en Europe ont suscité un intérêt croissant auprès d’Etats non européens. C’est ainsi que l’O.S.C.E. a été amené à développer des relations spéciales avec des Etats méditerranéens et asiatiques. § 2 - Une organisation de prévention des conflits et de gestion des crises Des Balkans aux Etats baltes, de la Moldavie au Caucase, l’O.S.C.E. a confirmé son aptitude à servir d’instrument de premier recours pour l’alerte rapide, la prévention des conflits, la gestion des crises et la reconstruction après un conflit. L’O.S.C.E. a réalisé des actions opérationnelles pour le maintien de la paix notamment sur les territoires de l’ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie et Kosovo) et de l’exUnion soviétique (Caucase). C’est entre 1990 et 1996 que seront mis en place progressivement les instruments de prévention des conflits et de gestion des crises de l’O.S.C.E. On distinguera ainsi deux types de mécanismes relatifs d’une part à la réduction des armements et au désarmement, et d’autre part à la sécurité et au règlement pacifique des différends. A. Le Traité sur les forces conventionnelles en Europe Ce Traité négocié depuis les années soixante-dix à Vienne dans le cadre des M.B.F.R. (Mutual Balance Forces Reductions) entre l’O.T.A.N. et le Pacte de Varsovie fut finalement signé le 19 novembre 1990 à Paris76. Il fixe des plafonds nationaux et régionaux pour le déploiement de l’Atlantique à l’Oural de cinq catégories d’armements (les chars de bataille, les autres véhicules blindés, les pièces d’artillerie, les avions de combat et les hélicoptères d’attaque). Le Traité FCE prévoit également la notification par les Etats contractants des manœuvres et des mouvements majeurs de troupes à l’intérieur de leurs territoires. Des procédures de vérification complexes prévoient des inspections sur place (on site) pour s’assurer de la destruction des systèmes d’armes en surplus et l’envoi d’observateurs pendant aux manœuvres militaires. Un accord fut signé le 19 novembre 1999 au sommet de l’O.S.C.E. d’Istanbul en vue d’adapter le Traité FCE au nouveau contexte de la sécurité en Europe (dissolution du Pacte de Varsovie et disparition de l’U.R.S.S.). Il prévoit une diminution globale de 10% des équipements militaires en Europe et un renforcement des procédures de 76 Il est entré en vigueur le 17 juillet 1992. 79 contrôle. Le dialogue sur les questions militaires se poursuit dans le cadre des Forums sur la coopération en matière de sécurité. B. La Charte pour la sécurité et la prévention des conflits en Europe Le Sommet d’Istanbul (1999) a permit de franchir une nouvelle étape avec l’adoption de la Charte pour la sécurité et la prévention des conflits en Europe. Cette Charte contient les principes sur lesquels doit reposer la paix en Europe en reprenant notamment le « décalogue » d’Helsinki (1975) et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ainsi, il est stipulé en particulier que la démocratie et les droits de l’homme sont des fondements de la paix. Le Document précise le rôle de l’O.S.C.E. dans la prévention des conflits, la gestion des crises et la restauration de la paix après les crises, ainsi que les moyens nouveaux dont se dote l’O.S.C.E. pour assumer ces tâches. A ce propos, la Charte stipule que « l’aptitude à déployer rapidement des experts civils et policiers est essentielle à la prévention efficace des conflits, à la gestion des crises et à la reconstruction post-conflit ». A cet effet, la Charte prévoit la création d’une structure « chargée de concevoir des équipes spécialisées d’assistance et de coopération rapide » (« Rapid Expert Assistance and Cooperation Teams React ») qui sera à la disposition de l’O.S.C.E. L’O.S.C.E. a déployé une vingtaine de missions d’experts dans des pays en conflit pour vérifier le respect par les parties de leurs engagements conformément aux accords élaborés dans le cadre de l’Organisation : à Skopje, en Géorgie ; en Moldavie, au Tadjikistan, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, et au Kosovo. Lorsqu’elles interviennent dans les zones de conflit, les missions de l’O.S.C.E. collaborent sur le terrain avec les organisations humanitaires intergouvernementales (comme le H.C.R.) ou non gouvernementales (comme le C.I.C.R.). Les Occidentaux ont fait figurer dans la Charte, non sans difficultés - du fait principalement de l’opposition de la Fédération de Russie - le principe d’un droit de regard de la communauté internationale sur les affaires intérieures d’un Etat en cas de conflit interne77. Depuis les attentats du 11 septembre, l’O.S.C.E. a fait de la prévention et de la lutte contre les nouvelles menace une priorité : établissement d’un groupe de contacte 77 « Les Etats participants sont responsables de leurs citoyens et responsables les uns à l’égard des autres de l’application de leurs engagements passés dans le cadre de l’O.S.C.E. Nous considérons que ces engagements sont notre réussite commune et considérons par conséquent qu’ils sont sujets aux préoccupations immédiates et légitimes de tous les Etats participants » (Charte pour la sécurité et la prévention des conflits en Europe). 80 contre le terrorisme, nomination d’un Représentant spécial pour combattre le trafic d’êtres humains et promotion de la tolérance (lutte contre le racisme et l’antisémitisme). Section 2 : L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (O.T.A.N.) L’O.T.A.N. est conçue à l’origine comme une « alliance défensive » pour faire face à la menace soviétique pendant la Guerre froide. Mais, la Chute du Mur de Berlin et l’effondrement du camp socialiste a mis l’O.T.A.N. devant une alternative majeure: se rénover ou disparaître. Elle a choisit le premier terme de l’alternative en procédant à une vaste restructuration et à une redéfinition du concept stratégique qui sous-tend son existence et son action. A-t-elle pour autant renforcé sa légitimité dans un monde où la nature des menaces et de la guerre a profondément changé ? § 1 - Le Pacte atlantique Cette formule de Lord Ismay, chef d’état-major de Winston Churchill pendant la deuxième guerre mondiale et premier Secrétaire général de l’O.T.A.N. résume bien les intentions qui avaient présidé à la naissance de l’Alliance atlantique : « garder les Américains dedans, les Russes dehors et les Allemands en bas ». A. Les origines Les années 1947 et 1948 sont des dates clefs du début de la Guerre froide en Europe : constitution du Kominform (septembre 1947), blocus de Berlin (juin 1948), coups de Prague (février 1948), rupture entre Staline et Tito, rejet du Plan Marshall par l’U.R.S.S., division de la Corée. L’instauration de régimes communistes en Europe centrale et orientale allait justifier la formule célèbre de Paul Henry Spaak selon laquelle « l’Alliance atlantique est un enfant de Staline ». Chez les dirigeants occidentaux la menace soviétique prenait désormais le pas sur la crainte d’un retour du militarisme allemand. Dès 1947, le Président Harry Truman énonçait sa doctrine de l’endiguement du communisme (« containment ») et proposait une aide politique, militaire (notamment à la Grèce et à la Turquie) et économique (Plan Marshall) aux pays menacés. L’idée de constituer une alliance entre les Etats-Unis, première puissance mondiale et les Etats européens membres de l’Union occidentale fut avancée dès 1948 par le Premier Ministre britannique Bevin. Ce dernier préconisa une extension du Traité de Bruxelles vers l’Atlantique et la Méditerranée. Il s’inscrivait ainsi dans la ligne du souhait exprimé en mars 1948 par le Ministre français des Affaires étrangères, Georges Bidault dans une lettre confidentielle au Secrétaire d’Etat américain le général George Marshall appelant les Etats-Unis à resserrer leurs liens militaires avec l’Europe 81 occidentale78. Enfin, le 11 juin 1948, le Sénat américain adoptait à une écrasante majorité la résolution Vandenberg autorisant « l’association des Etats-Unis à des mesures régionales ou collectives, fondées sur une aide individuelle ou mutuelle, effective et continue ». Le Sénat semblait ainsi concrétisait l’idée exprimée dès 1946 par Harry Truman d’un « pacte atlantique ». Le Pacte atlantique ou Traité de l’Atlantique Nord fut signé le 4 avril 194979 à Washington par les Ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis (Dean Acheson), du Canada et de dix pays européens (les trois Etats du Benelux, la France, le RoyaumeUni, l’Italie, la Norvège, l’Islande, le Danemark et le Portugal). La Suède et l’Irlande déclinèrent l’invitation au nom de leur politique traditionnelle de neutralité. A l’origine, le pacte atlantique était une alliance d’assistance mutuelle classique. Mais, l’aggravation de la tension Est-Ouest suite notamment à la Guerre de Corée sera à l’origine de son renforcement. Il fut décidé de créer une « Organisation du traité de l’Atlantique Nord » (O.T.A.N.) dirigée par un secrétaire général et supervisée par un conseil permanent ou siègerait tous les Etats membres de l’Alliance. Il fut aussi décidé de mettre en place un « commandement intégré » des forces armées alliées. L’article 5 du pacte atlantique stipule l’obligation d’assistance mutuelle en cas d’agression contre un Etat partie : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et, en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des NationsUnies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ». L’article 6 définit l’aire géographique d’application du Traité en y incluant non seulement l’Atlantique Nord, mais aussi la Méditerranée (Italie, Grèce, Turquie) et même les départements français d’Algérie80. 78 Lettre du 5 mars 1948. Voir le Monde du 28 et 29 mars 1999, p. 11. 79 Le traité est entré en vigueur le 24 août 1949. 80 Les dispositions du Traité ne s’appliquent plus à ces départements depuis l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet 1962. 82 Les Occidentaux ont présenté le Pacte atlantique comme une alliance défensive tandis que l’U.R.S.S. l’a qualifié « d’instrument belliciste de l’impérialiste américain ». En réaction à l’adhésion de la R.F.A. à l’O.T.A.N., l’U.R.S.S. prend l’initiative de constituer une alliance militaire des pays socialistes, l’Organisation du Pacte de Varsovie. Le Traité instituant le Pacte de Varsovie, dénommé « Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle » fut signé dans la capitale polonaise le 14 mai 1955. Ainsi, se constitue face à l’O.T.A.N., une alliance militaire rivale rassemblant l’U.R.S.S. et sept pays d’Europe centrale et orientale (Albanie81, Bulgarie, Hongrie, Pologne, R.D.A., Roumanie et Tchécoslovaquie). Cette alliance collective d’assistance mutuelle est renforcée par la signature de traités bilatéraux entre l’U.R.S.S. et ses alliés qui organisent notamment la présence des forces soviétiques en Europe centrale. Le Pacte de Varsovie est dissous suite à la chute du Mur de Berlin et à l’éclatement de l’U.R.S.S. B. Les structures politiques et militaires Les structures de l’O.T.A.N. comportent à la fois des organes politiques et des organismes à vocation militaire. Ils jouent un rôle majeur dans la définition et la mise en oeuvre de la défense collective. Des restructurations ont été réalisées à plusieurs reprises pour répondre aux contextes auquel l’Organisation devait faire face. On mentionnera à ce propos deux périodes, les années cinquante avec l’exacerbation de la rivalité Est-Ouest et les années quatre vingt dix avec la fin de la Guerre froide. Les principaux organes politiques de l’O.T.A.N. sont le Conseil de l'Atlantique et le Secrétariat général, deux organes assistés par des organismes de défense collective. 1. Le Conseil de l'Atlantique Nord. Le Conseil de l'Atlantique Nord est l’organe politique suprême de l’Alliance (article 9 du Pacte atlantique). Il se réunit au moins deux fois par an au niveau des ministres des Affaires étrangères (ou des ministres de la défense) et une fois par semaine au niveau des représentants permanents qui ont rang d’ambassadeurs82. Les décisions se prennent à l’unanimité et le Conseil est habilité à examiner et à prendre des décisions sur toutes les questions relevant de la compétence de l’Alliance. Lorsqu’il se réunit au niveau des Ministres de la défense, le Conseil est appelé Comité des plans de défense. Les questions liées à la stratégie nucléaire de l’Alliance sont examinées en particulier par le Groupe des plans nucléaires. Il est l’enceinte où se déroulent les consultations sur toutes les questions relatives au rôle des forces nucléaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense de l’O.T.A.N. Remarques : La France ne siège ni au Comité des plans de défense, ni au Groupe 81 L’Albanie se retirera du Pacte de Varsovie en 1968 à la suite au schisme idéologique sino-soviétique. 82 Des réunions extraordinaires des ministres ou des chefs d’Etats et de gouvernements peuvent se tenir pour examiner des questions politiques majeures à la demande de la majorité des Etats membres. 83 des plans nucléaires depuis son retrait de l’organisation militaire intégrée`en 1966 décidé par le Général de Gaulle. La France reste membre de l’Alliance atlantique83. Suite à cette décision les organismes militaires et les troupes de l’O.T.A.N. ont quitté le territoire français pour s’installer en Belgique en avril 1967. 2. Le Secrétaire général. Le Secrétaire général de l’O.T.A.N. assure à la fois des fonctions administratives et politiques. Ainsi, outre la direction du Secrétariat international de l’Organisation, le Secrétaire général préside les réunions du Conseil ainsi que de certains comités (Comité des plans de défense et Groupe des plans nucléaires) et représente l’O.T.A.N. à l’extérieur. Il assure également une fonction de consultation entre les Etats membres et des missions de bons - office en cas de différends entre alliés84. Il est enfin le véritable porte-parole de l’Organisation pour les relations entre gouvernements et avec les médias. Le Secrétaire général (Jaap de Hoop Schefer) est assisté dans ses fonctions par des secrétaires généraux adjoints et le Secrétaire général délégué qui peut le remplacer en cas d’absence. Le Secrétaire général de l’O.T.A.N. est nommé pour un mandat renouvelable de cinq ans85. L’Alliance atlantique s’est également dotée de structures militaires et d’un commandement intégré des forces alliées en Europe. La fin de la Guerre froide a imposé une restructuration du commandement militaire de l’O.T.A.N. 1. Le Comité militaire. Le Comité militaire est l’organe suprême de l’Alliance pour les questions de l’emploi des forces armées et de la stratégie militaire de l’O.T.A.N. Mais, il est placé sous l’autorité politique du Conseil de l’Atlantique Nord. Il se réunit au moins chaque semestre au niveau des chefs d’état-major des Etats membres (sauf pour l’Islande représentée par un civil) et en session permanente au niveau des représentants militaires nationaux désignés par les chefs d’état-major. Le Comité militaire est chargé de recommander aux autorités politiques de l’Alliance les mesures jugées nécessaires à la défense commune et d’établir des directives à l’attention des Grands commandements de l’O.T.A.N. La présidence du Comité militaire est assurée à tour de rôle pendant un an par chaque Etat membre de l’Alliance. Le Président du Comité militaire préside les réunions des chefs d’état-major et du Comité militaire en session permanente. 2. L’état-major militaire international. L’état-major militaire international (E.M.I.) a pour fonction de seconder le Comité militaire de l’O.T.A.N. et les divers organes militaires qui lui sont rattachés. En tant qu’organe exécutif du Comité militaire, 83 Des discussions engagées en 1997 en vue de la réintégration de la France dans les structures militaires de l’O.T.A.N. n’ont pas abouti. 84 Ce fut le cas à plusieurs reprises dans le conflit opposant deux de ses membres, la Grèce et la Turquie à propos de Chypre et de la souveraineté sur des îles de la Mer Egée. 85 Treize secrétaires généraux se sont succédés depuis la création de l’Alliance. En octobre 2002, le néerlandais Jaap de Hoop Schefer a succédé à George Robertson (ex ministre britannique de la défense). 84 l’E.M.I. est chargé de veiller à la bonne exécution des directives et décisions du Comité. L’E.M.I. est composé des personnels militaires détachés par les Etats membres. Il est dirigé par un Directeur du rang de général de corps d’armée nommé par décision du Comité militaire sur proposition des Etats membres. 3. Le commandement militaire intégré. La structure militaire intégrée de l’O.T.A.N. sert de cadre à l’organisation de la défense collective. Cette structure comprend un réseau de grands commandements qui couvre l’ensemble de la zone couverte par le Traité. En juin 2005, une importante réforme des structures de commandement militaire a été adoptée. Il a été décidé de réduire le nombre des commandements stratégiques de 1 à 2 et celui des commandements opérationnels régionaux de 5 à 2. Ainsi, le Commandement Allié des Opérations (Allied Command Operations) qui reprend les attributions du SACEUR (commandement suprême des forces alliées en Europe) et du SACLANT (commandement suprême des forces alliées de l’atlantique) couvre une zone qui s’étend du Pôle Nord à la Méditerranée et des eaux territoriales de l’Amérique du Nord à la frontière orientale de la Turquie. Le SHAPE (grand quartier général des puissances alliées en Europe) basé à Mons en sera le siège opérationnel. Ce commandement stratégique est placé sous l’autorité politique du Conseil de l’Atlantique Nord. Deux commandements des forces combinées (Joint Force Commands) basés à Brunssum (Pays-Bas) et à Naples lui sont subordonnés. Enfin, une structure fonctionnelle a été crée pour poursuivre la restructuration des forces de l’Alliance, c’est le Commandement Suprême Allié pour la Transformation (Supreme Allied Commander Transformation). Il sera basé à Norfolk en Virginie et placé sous autorité américaine. § 2 – La crise d’identité de l’Alliance Le Pacte de Varsovie n’a pas survécut à la fin de la Guerre froide. La dissolution de l’Organisation de défense collective des pays socialistes se traduit par le retrait de l’Armée soviétique aux frontières de la Fédération de Russie mettant ainsi fin à près d’un demi-siècle de présence soviétique en Europe centrale. Réunis à Rome en novembre 1991 pour examiner la nouvelle situation stratégique qui règne désormais en Europe, les dirigeants de l’Alliance atlantique décident de maintenir l’O.T.A.N. afin de « rester en mesure de faire face à tous les risques pour (leur) sécurité qui peuvent provenir de situations d’instabilité et de tensions ». A. Les missions classiques L’Alliance atlantique est conçue à l’origine comme une alliance de défense collective conformément à l’article 51 de la Charte. Elle fut considérée par ses promoteurs comme un instrument de sauvegarde de la liberté et de la sécurité des Etats attachés à la « démocratie, aux libertés individuelles et au règne du droit » (Préambule du Pacte atlantique) tout autant qu’un système de légitime défense collective. Il 85 s’agissait alors de dissuader toute invasion soviétique de l’Europe occidentale grâce à une implication politique et militaire américaine dans la sécurité du continent. Pour mener à bien cette mission de défense collective les Etats membres conviennent: . De régler par des moyens pacifiques tout différends internationaux (art.1) et de contribuer au développement de relations internationales pacifiques et amicales (art. 2); . De maintenir un potentiel militaire suffisant pour prévenir la guerre et assurer une défense efficace (art.3); . D’organiser des consultations sur toutes les questions d’intérêts communs affectant ou pouvant affecter leur sécurité et leurs intérêts vitaux (art.4); . De promouvoir l’association transatlantique qui établit un lien permanent entre la sécurité de l’Amérique du Nord et la sécurité de l’Europe à travers notamment une présence militaire américaine en Europe; . De contribuer à préserver un équilibre stratégique en Europe; . De définir une doctrine stratégique commune. Pendant la période de la coexistence pacifique, les pays membres de l’Alliance atlantique ont mené un dialogue avec les Etats membres du Pacte de Varsovie sur les questions relatives à la sécurité en Europe. Cette concertation Est-Ouest fut menée notamment dans le cadre des négociations de Vienne sur la réduction mutuelle et équilibrée des forces conventionnelles en Europe (« Mutual and Balanced Forces Reductions » ou M.B.F.R.) à partir de 1973 et visant à promouvoir la limitation des arsenaux militaires détenus par les deux alliances rivales. On mentionnera également les négociations qui ont abouti à l’élimination des forces nucléaires de portée intermédiaire stationnées en Europe - les Euromissiles - (Traité américano-soviétique de 1987). B. Le nouveau concept stratégique de l’O.T.A.N. L’Alliance occidentale se trouve confrontée à une situation inédite: chute du mur de Berlin, réunification de l’Allemagne, désintégration de l’Union soviétique et effondrement des régimes communistes d’Europe centrale et orientale. Les raisons qui sont à l’origine de la création de l’O.T.A.N ont disparues, mais parallèlement se multiplient des crises et conflits nationalistes et ethniques au cœur même de l’Europe (ex-Yougoslavie). A la suite des décisions prises par les chefs d’Etat et de gouvernement de 86 l’O.T.A.N., à leurs réunions au sommet de Londres (juillet 1990), de Rome (novembre 1991) et de Bruxelles (janvier 1994), l’Alliance a procédé à une importante refonte de sa stratégie globale. L’attention s’est concentrée sur la nécessité de renforcer le rôle politique de l’Alliance et la contribution qu’elle peut apporter, en coopération avec d’autres institutions (O.N.U., O.S.C.E., U.E.), à l’établissement de la stabilité et de la sécurité régionale et internationale. Le Concept stratégique de l’O.T.A.N. adopté en 1991 par le sommet de Rome prévoit une dépendance moindre à l’égard des armes nucléaires et apporte des changements essentiels aux structures de commandement de l’Organisation ainsi qu’aux aux forces intégrées de l’O.T.A.N., notamment la réduction substantielle de leur taille et le recours accru aux formations multinationales. Ce Concept propose une approche large de la sécurité fondée sur une capacité de gestion des crises et de maintien de la paix et un partenariat avec les Etats d’Europe centrale et orientale. Les conflits en ex-Yougoslavie ont offert à l’O.T.A.N. l’occasion de mettre en oeuvre sa nouvelle stratégie de gestion des crises et de maintien de la paix. Agissant sur mandat du Conseil de sécurité conformément au Chapitre VII de la Charte des NationsUnies, l’O.T.A.N. est intervenue sur les territoires de l’ex-Yougoslavie : surveillance de l’embargo sur les armes contre la Serbie et le Monténégro par les navires de l’Alliance dépêchés dans l’Adriatique, surveillance de la zone d’exclusion aérienne en Bosnie, frappes aériennes pour protéger les zones de sécurité en Bosnie-Herzégovine et les casques bleus de la FORPRONU, envoi d’une force multinationale de 36000 hommes – I.F.O.R. puis S.F.O.R. - destinée à faire respecter les accords de Dayton sur la paix en ex-Yougoslavie. La S.F.O.R. est la première opération d’imposition de la paix de l’O.T.A.N. L’Union européenne a pris la relève de l’Alliance pour la direction de la S.F.O.R. (EUFOR sur la base des arrangements de Berlin Plus). Mais, c’est au cours des évènements dramatiques du Kosovo en 1999 que l’O.T.A.N. s’engage dans une véritable opération de guerre contre la Serbie qui a rejeté l’ultimatum de l’Alliance la sommant d’accepter un plan de paix pour la province yougoslave. Des centaines d’avions sous commandement de l’O.T.A.N ont bombardé pendant plus de deux mois la Serbie et le Monténégro (de mars à juin 1999). Cette opération d’imposition de la paix par la force - dont la légalité a été contestée par la Russie et la Chine au nom de la non-ingérence - fut présentée par l’Alliance comme nécessaire face à une catastrophe humanitaire. La défaite serbe fut consacrée par le déploiement au Kosovo sous mandat du Conseil de sécurité de la K.F.O.R.86 et la mise sous administration de l’O.N.U. de la province du Kosovo (résolution 1244 du Conseil de sécurité). Un nouveau concept stratégique de l’Alliance fut approuvé par le sommet de Washington en avril 1999. La Déclaration de Washington met l’accent sur les 86 50 000 hommes appartenant aux forces de l’O.T.A.N. auxquels s’ajoute un contingent russe. 87 « nouveaux risques complexes pour la paix et la stabilité euro - atlantiques (...) liés à des politiques d’oppression, à des conflits ethniques, au marasme économique, et à la prolifération des armes de destruction massive »87. Face à ce nouveau contexte conflictuel, les dirigeants de l’Alliance se déclarent disposé « à contribuer à la prévention efficace des conflits et à s’engager activement dans la gestion des crises, y compris des opérations de réponse aux crises ». Ainsi, en 2003, les opérations de sécurisation en Afghanistan ont été placées sous l’égide de l’Alliance atlantique à la demande des Etats-Unis. Dans ce pays, l’Alliance exerce la coordination et le commandement de la F.I.A.S. (Force internationale d’assistance pour la sécurité en Afghanistan)88 sous mandat de l’ONU (résolution 1510 du Conseil de sécurité du 3 octobre 2003). Cette force de plusieurs milliers d’hommes déployée après la chute du régime des Talibans a pour mandat de sécuriser le pays, désarmer les milices et ainsi créer les conditions pour la reconstruction économique et politique de l’Afghanistan. Au Sommet de Reykjavik (mai 2002), il fut même décidé que l’O.T.A.N. pourrait désormais opérer « tous azimuts ». L’Alliance s’est octroyé la mission d’exporter « tous azimuts » la sécurité et la stabilité. Cette diversification des missions de l’O.T.A.N. tendent à la transformer en un instrument de maintien de la paix et de gestion des crises au service du Conseil de sécurité89 ce qui l’éloigne davantage de sa vocation traditionnelle d’organisation d’assistance mutuelle énoncée dans le Pacte atlantique. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, l’Alliance atlantique a exprimé sa solidarité aux Etats-Unis au titre de l’article 5 du Pacte atlantique90 et a décidé d’engager une refonte de son concept stratégique à la lumière de la nouvelle menace représentée par le terrorisme transnational. L’O.T.A.N. a érigé la lutte contre le terrorisme comme une des priorités (Opération « Active Endeavour » en Méditerranée depuis octobre 2001). Tout en appuyant la « Coalition internationale contre le terrorisme » mobilisée par les Etats-Unis, les membres de l’Alliance ont exprimé à plusieurs reprises leur réserves à propos de la manière dont la guerre américaine contre le terrorisme fut menée en Afghanistan à partir d’octobre 2001. On remarquera d’autre part que les enseignements de l’intervention en exYougoslavie révèlent le besoin d’un renforcement des capacités de réaction rapide en vue de la gestion des crises. En effet, les ministres de la défense de l’Alliance réunis à Toronto en septembre 1999 ont discuté de la mise en place de forces multinationales de déploiement rapide dotées d’armes de haute technologie dans le cadre de « l’Initiative 87 Concept stratégique de l’Alliance, Déclaration du sommet de Washington, 23-24 avril 1999, Introduction, § 3. 88 L’I.S.A.F. a été crée par la Conférence de Bonn sur l’Afghanistan (décembre 2001). Elle comprend environ 8000 militaires appartenant à 47 pays. 89 Ce fut le cas avec le conflit du Kosovo en 1999. 90 Le Secrétaire général de l’O.T.A.N. Lord ROBERTSON a estimé dans une déclaration faite le 12 septembre que l’article 5 du Traité de Washington était applicable aux attaques du 11 septembre s’agissant d’une action armée planifiée et menée depuis l’étranger. En fin de compte l’article 5 ne fut pas activée, les Etats-Unis décidant de mener seuls la guerre en Afghanistan. 88 sur les capacités de défense » (ICD) dont les bases ont été jetées au sommet de l’O.T.A.N. de Washington en avril 1999. Le Sommet de Prague (novembre 2002) a adopté sur proposition américaine le principe d’une Force de réaction rapide de l’O.T.A.N. (NATO Response Force) qui pourrait atteindre plus de 20 000 hommes en 2006. Cette force multinationale déployable en 5 jours sur n’importe quel point du globe illustre les nouvelles priorités de l’Alliance : intervenir dans toute zone de crises. De fait, l’O.T.A.N. s’est transformé d’une alliance défensive en une organisation « de sécurité » interventionniste dont le périmètre d’action n’est plus limité à la région de l’Atlantique Nord91. Le Sommet de Washington (avril 1999) a approuvé dans le cadre du nouveau Concept stratégique de l’Alliance un renforcement du Partenariat pour la Paix visant à associer les partenaires dans les futures opérations de gestion des crises et de maintien de la paix sous direction de l’O.T.A.N. Un premier signe symbolique en ce sens fut d’accepter un contingent de militaires russes au sein de la K.F.O.R. sous direction de l’O.T.A.N. C. Le Partenariat pour la Paix et l’élargissement à l’Est Le sommet de Rome (1991) a adopté une importante déclaration sur la paix et la coopération destinée aux anciens ennemis du Pacte de Varsovie. Suite à cette Déclaration, l’O.T.A.N. a institué fin 1991 un Conseil de coopération Nord - atlantique (C.C.N.A.), chargé de mettre en oeuvre le partenariat proposé aux Etats d’Europe centrale et ceux issus de l’éclatement de l’U.R.S.S. Le C.C.N.A. est devenu en 1997 « Conseil du Partenariat Euro – atlantique » (« Euro-Atlantic Partnership Council » ou E.A.P.C.). Ce Conseil rassemble les 26 Etats membres de l’Alliance et les 46 « partenaires de la coopération ». En de hors des anciens pays communistes et autres républiques soviétiques d’Europe, du Caucase et d’Asie centrale, il rassemble l’Autriche, la Finlande, l’Irlande, la Suède et la Suisse. Il est un forum de dialogue et de consultations sur des diverses questions politiques et militaires: maintien de la paix, limitation des armements et désarmement, conception démocratique des relations entre civils et militaires, planification de la défense, reconversion des industries d’armements, respect de l’environnement, etc. A l’occasion du sommet de Bruxelles (janvier 1994), les dirigeants de l’Alliance proposèrent d’établir un « Partenariat pour la Paix » (« Partnership for Peace » ou PfP) avec les anciens membres du Pacte de Varsovie. Un Conseil conjoint permanent qui se réunit au niveau des ministres des Affaires étrangères et de la défense ou au niveau des représentants permanents a été institué pour mettre en oeuvre le Partenariat pour la Paix. Une trentaine de pays ont aujourd’hui adhéré au Partenariat pour la Paix de l’Alliance ouvert également aux Etats neutres et non-alignés d’Europe (Autriche, Finlande, Suède, Malte). La Russie a signé en juin 1994 le Document cadre du 91 Voir Gilbert Achcar, « L’O.T.A.N. à la conquête de l’Est », Le Monde diplomatique, Janvier 2003. 89 Partenariat pour la Paix et en mai 1997 l’Acte fondateur O.T.A.N. – Russie sur les relations mutuelles, la coopération et la sécurité. Dans ce document les deux parties s’engagent à promouvoir la stabilité et la sécurité en Europe et d’instituer à cette fin un Conseil conjoint permanent, le Conseil O.T.A.N.- Russie crée en 2002 (Sommet de Rome) comme cadre de dialogue sur les questions de sécurité et de désarmement92. L’O.T.A.N. a également lancé au Sommet de Bruxelles (1994), le « dialogue méditerranéen » avec sept Etats de la rive sud : Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Mauritanie, Maroc et Tunisie. Il s’agit ici de contribuer à une meilleure perception du rôle de l’Alliance en Afrique du Nord et au Proche-Orient et à faire bénéficier ces pays de l’expérience de l’O.T.A.N. en matière de sécurité et de stabilité régionale, de prévention des conflits et de gestion des crises. Ce Partenariat fut renforcé en juin 2004 par l’adoption de l’Initiative de Coopération d’Istanbul destinée à promouvoir les échanges militaires et sécuritaires au plan bilatéral entre les 26 et les 7 partenaires. Le Sommet de Washington (avril 1999) qui a fêté le cinquantième anniversaire de l’Alliance atlantique fut l’occasion d’accueillir trois Etats autrefois parties au Pacte de Varsovie, la Hongrie, la Pologne et la Tchéquie. Les premiers élargissements avaient concerné la Grèce et la Turquie (1952) puis l’Allemagne fédérale (1955). L’Espagne a rejoint l’Organisation en 1982 à la suite d’un référendum favorable. Le Sommet de l’Alliance à Prague (novembre 2002) a entériné l’entrée à l’O.T.A.N. de sept nouveaux Etats : Bulgarie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Estonie, Lettonie et Lituanie. Ces pays ont rejoint l’O.T.A.N. le 29 mars 2004. Avec ce cinquième et plus important élargissement l’O.T.A.N. comporte 26 Etats membres. Trois Etats (Albanie, Croatie et Macédoine) ont présenté leur candidature à l’Organisation et sont dès lors soumis en vertu de l’article 10 du traité de Washington à un plan d’action pour l’adhésion destiné à les aider à réformer leurs forces armées. Cet élargissement de l’Alliance atlantique à l’Est et dans les frontières de l’ex-URSS est perçu avec inquiétude par la Russie : « L’élargissement de l’O.T.A.N. affecte les intérêts politiques, militaires et dans une certaine mesure économiques de la Russie » a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Alexandre Iakovenko à l’occasion de l’adhésion des sept Etats le 29 mars 2004. 92 Une Charte sur le Partenariat Ukraine – O.T.A.N. a été signée en 1997. 90