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d’œuvre de Léon Tolstoï et de Dostoïevsky, on s’est
épris de leurs défauts, et on les a donnés en modèles.
Devant le roman russe, on s’est plu à rabaisser notre
art national et à nier même la notion de l’art. Ces
œuvres touffues, d’une si forte et si libre venue, on les
a vantées moins pour leur vigoureuse végétation que
pour leurs broussailles.
En littérature, de pareils engouements sont après
tout peu dangereux ; ils se corrigent par leurs excès
mêmes. Il en est autrement en politique. Là tout est
grave. C’est un domaine où un Français n’a le droit de
s’exalter qu’à bon escient.
« Si les Français s’échauffent trop, nous saurons
bien leur administrer une douche, » disait un diplomate
russe. — Il ne convient pas, nous semble-t-il,
d’attendre que nos amis du Nord jugent opportun de
nous réfrigérer. Mieux vaut, pendant qu’il en est temps
encore, nous rappeler nous-mêmes au sang-froid.
C’est ce que nous avons prétendu faire dans ces
pages, et par là, nous croyons avoir servi l’intérêt de la
France, et aussi l’intérêt de la Russie. À l’une et à
l’autre nous n’avons ménagé ni la vérité ni les vérités.
Nous savons que près des peuples, comme près des
princes, ce n’est pas le moyen de plaire ; mais peu
nous importe d’être agréable. La première qualité d’un
écrivain politique nous a toujours semblé
l’indépendance.
La France doit, plus que jamais, se garder des chi-
mères, des coups de tête ou de cœur. À une heure où,
sur la foi de lointains sourires, elle semblait prête à se